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Les habitants de notre capitale produisent quotidiennement des
milliers de mètres cubes d'eau usées. Malgré de nombreuses
initiatives, la situation est loin d'être reluisante.
Nous sommes en Commune V du district de Bamako. Il faut
être un virtuose de la randonnée pédestre pour sortir de
chez soi et atteindre le bord du goudron sans encombre.
Partout, des flaques d'eau, des fosses septiques à
ciel ouvert, de véritables torrents d'eau souillée des
ménages se déversent directement dans les rues. A l'instar de
nombreuses grandes villes dans le monde, Bamako connait avec acuité le
problème de la gestion de ses eaux usées. Au manque de moyens
suffisants pour faire face aux besoins, s'ajoute un véritable «
je-m'en-foutisme » des populations.
Répartitions des chefs de ménages selon
qu'ils aient eu des problèmes ou non avec leurs voisins
OUI 26%
NON
74%
Graphique 9 : répartitions des chefs de ménages
selon qu'ils aient eu des problèmes ou non avec leurs voisins
Ce graphique nous aide à nous rendre compte de la
responsabilité des populations dans la détérioration de
leur environnement.
Les 26% de la population enquêtée ont
accepté de nous faire part des litiges de voisinage qu'ils ont subit.
C'est en effet, l'inconscience et l'incivisme des populations
qui sont les premières causes des énormes difficultés
d'assainissement de notre capitale. Le peu d'efforts faits par les
autorités gagnerait en efficacité si chacun y mettait du sien.
Or, sous prétexte de la pauvreté, des familles
entières s'installent dans des logis inadaptés avec des habitudes
d'hygiène fortes sujette à caution.
Le manque de moyens justifie-t-il de jeter les restes
d'aliments avec l'eau de la vaisselle directement dans le caniveau ou pire
à même le sol dans la rue ? L'argent est-il la seule justification
quand on voit des maisons construites sans fosses septiques et dont les
propriétaires se branchent directement au caniveau ?
Evidemment non, puisque dans des quartiers dits huppés
de Bamako comme l'ACI Golf, des maisons cossues déversent au vu et au su
de tous leurs eaux usées dans les fossés.
Certains hôtels de la place sont aussi adeptes de cette
pratique. Que dire des sociétés et autres usines qui font de
même, alors qu'elles ont largement de quoi s'offrir les services de
prestataires du secteur ? Prestataires qui eux-mêmes se rendent coupables
de véritables crimes contre les populations et l'environnement en allant
déverser leur chargement dans des zones proches d'habitation ou des
champs en lisière de Bamako, par exemple à Kati ou pire
directement dans le fleuve.
Récemment, les populations de Kati Sirakorodoufing,
ont réussi à mettre en déroute des « vidangeurs
» qui venaient de jour comme de nuit pour vider leur citerne sur un
terrain vague. Victimes des odeurs mais aussi de toutes sortes de maladies qui
sont survenues dès le début de ce douteux manège, elles
ont mis en demeure les autorités communales pour arriver à les
arrêter. Les eaux usées ainsi déversées tout
près du lit d'une ancienne rivière, se frayaient un chemin pour
rejoindre tout naturellement la direction le fleuve. Entre temps sur son
passage, elles ont servi pour la baignade, la lessive, et l'arrosage de
produits maraichers...
Si pendant longtemps, le principal problème
était la gestion des eaux très polluées des usines,
aujourd'hui ce problème est en passe d'être résolu.
Même s'il existe encore quelques contrevenants, la plupart des
unités industrielles de Bamako prétraitent leurs eaux avant de
les rejeter dans le système d'évacuation
général.
Avec la construction de la station d'épuration de
Sotuba, les autorités manifestent leur volonté de mieux
gérer cet aspect de la situation. Reste maintenant à faire face
aux eaux usées domestiques qui sont aujourd'hui le gros du
problème, explosion démographique et expansion de la ville
aidant. Leur évacuation et leur traitement est du ressort de la
Direction Nationale de l'Assainissement, du Contrôle des Pollutions et
des Nuisances.
Ce service du Ministère de l'Environnement et de
l'Assainissement, peine aujourd'hui à faire
face à
l'immensité de la tâche. Selon la DNACPN, la production des eaux
usées domestiques
70
de Bamako a été estimée à 40.000
m3/jour et celle des boues de vidange à 600.000 m3/an. Seulement 33% des
ménages disposent de toilettes adéquates ; 65% de ménages
disposent de latrines rudimentaires et 2% des ménages ne
possèdent pas de toilettes.
Les initiatives fleurissent, à l'exemple des
mini-égouts réalisés dans les communes du district, mais
restent encore insuffisantes. Bamako bénéficie ainsi d'un
réseau de mini-égouts long de 37,5 km (chiffres de 2006).
Il dessert les quartiers de Banconi-flabougou sur 12 km,
Baco-Djicoroni sur 25 km et l'Hippodrome sur 0,5 km. Bamako est en outre
équipée en ouvrage collectif d'une longueur totale est de 27 km
et réparti en 9 tronçons mais qui ne desservent que 1,5% de la
population. Des mini-stations de traitements des boues de vidanges ont
également été expérimentées avec plus ou
moins de succès.
Selon les agents de la DNACPN qui compte des
démembrements dans les différentes communes de Bamako,
chapeautés par une Direction régionale, on revient toujours
à la notion d'incivisme et de mauvais comportements des populations.
Les ouvrages réalisés peinent à remplir
leurs fonctions parce que les populations riveraines ne se sentent pas
concernées par leur entretien et leur pérennisation.
Au contraire, ce sont elles-mêmes les principaux
responsables des dégradations. Selon un agent de l'assainissement de la
commune 5 qui a requis l'anonymat, il faut surtout « qu'on nous laisse
travailler ». Il existe des textes et des règles qui
régissent la gestion des eaux usées. Et des sanctions sont
prévues pour dissuader. Mais force est de constater que « ce sont
les chefs eux-mémes qui interviennent quand tu veux sévir contre
quelqu'un de leur entourage ».
Répartition des ménages
enquêtée selon les litiges avec
les services
d'hygiènes
92%
non
Oui
8%
Ce qui explique pourquoi c'est seulement les 8% de la population
enquêtée qui ont affirmé avoir eu des problèmes avec
les services d'hygiène.
L'autre enjeu, c'est la question du social. « Il nous
est difficile d'aller infliger une amende à un chef de famille que l'on
voit dans des difficultés évidentes, méme s'il est en
infraction ». La véritable solution au problème reste donc
la sensibilisation et l'information des populations. Il est important de faire
comprendre aux gens quels sont les dangers qu'ils courent et ce qu'ils gagnent
à respecter les règles les plus élémentaires
règles d'hygiène. « Une fois qu'ils ont compris, on voit
quand méme du changement dans leurs habitudes » nous confie
l'agent. Le changement de mentalité prend des années pour
s'installer. Il est donc plus que nécessaire de s'investir dans
l'apprentissage des bonnes pratiques à l'école et comme le dirait
l'autre, user à bon escient de « la carotte et du baton ».