2.L'introduction de cette mesure dans le système
français
Le principe est imposé à l'ensemble de la
communauté européenne et donc à la France par la directive
du 29 avril 2004 en son article 13. Celui-ci dispose que «
lorsqu'elles fixent les dommages-intérêts, les
autorités judiciaires : prennent en considération tous les
aspects appropriés (...) ou à titre d'alternative,
peuvent décider, dans des cas appropriés, de fixer un montant
forfaitaire de dommages-intérêts, sur la base
d'éléments tels que, au moins, le montant des redevances ou
droits qui auraient été dus si le contrevenant avait
demandé l'autorisation d'utiliser le droit de propriété
intellectuelle en question ».
La proposition initiale de directive du 30 janvier 2003
prévoyait un doublement de la redevance contractuelle. Le texte
définitif a retenu la formule « au moins le montant des
redevances ». Cette rédaction finale a été
critiquée en doctrine, par exemple un auteur appelait de ses voeux le
rétablissement, dans la loi française de transposition, du
doublement de la redevance contractuelle et faisait observer que rien
n'interdirait aux tribunaux d'appliquer un doublement des redevances
contractuelles puisque la rédaction de la directive ne fixe qu'un
plancher minimal135.
La loi du 29 octobre 2007 a transposé en droit
français cette exigence de la directive. Le texte dispose ainsi pour
chaque droit de propriété intellectuelle que « la
juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie
lésée, allouer à titre de dommages et
intérêts une somme forfaitaire qui ne peut être
inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient
été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation
d'utiliser le droit auquel il a
133 P. Meier-Beck, « Les dommages-intérêts pour
contrefaçon de brevet en droit allemand. Principes fondamentaux,
évaluation et mise en oeuvre », Propriété
Industrielle, novembre 2004, p. 11.
134 S. Roux-Vaillard, préc.
135 J-P. Martin, « Le nouveau régime des
dommages-intérêts de contrefaçon de titres de
propriété intellectuelle selon la Directive européenne du
29 avril 2004 », Propriété Industrielle, octobre
2004, p. 12.
porté atteinte ». Comme le souligne un
auteur, « l'alternative proposée par le texte français
ne pourrait être exercée que sur demande de la partie
lésée, alors que le texte de la directive ouvre au juge la
possibilité de l'exercer d'office »136. De plus, le
texte communautaire, comme le texte français n'imposent pas l'allocation
de cette redevance indemnitaire à toute partie lésée qui
en ferait la demande. En effet, la directive énonce que les
autorités judiciaires « peuvent (le) décider
dans des cas appropriés » et la loi française dispose
que « la juridiction peut » allouer cette somme. Il ne
semble donc pas que cette redevance indemnitaire puisse être
considérée comme une indemnisation minimum que pourrait
réclamer la victime de contrefaçons, contrairement à la
mesure américaine. Ici, il s'agit, semble-t-il, d'une simple
faculté pour les juridictions. La partie lésée serait donc
tributaire de l'appréciation souveraine des juges du fond. Seule la
pratique des tribunaux répondra effectivement à ces questions.
136 B. May, « Améliorer l'indemnisation de la
contrefaçon : la loi ne suffira pas », Propriété
Industrielle, mars 2008, p. 10.
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