2.L'utilisation plus fréquente de la
saisie-contrefaçon
Si la preuve des actes de contrefaçon peut être
rapportée par tous les moyens du droit commun109 , le
titulaire de droits victime d'actes de contrefaçon aura tout
intérêt110 à utiliser également la voie
d'exception offerte par le Code de la Propriété intellectuelle
qu'est la saisie-contrefaçon111. Il s'agit bien là
d'une voie d'exception venant quelque peu tempérer le principe
français selon lequel il incombe au demandeur de faire la preuve de ses
prétentions112. Celle-ci lui sera utile pour éviter la
carence d'éléments rapportant la preuve de la
matérialité de la contrefaçon, c'est-à-dire de la
masse contrefaisante, dans l'optique de démontrer l'importance du
préjudice subi au titre du gain manqué.
Toute personne disposant du droit d'agir en contrefaçon
peut demander au TGI compétent, par requête, l'autorisation de
pratiquer la saisie-contrefaçon. Lorsqu'elle est accordée, la
saisie-contrefaçon donne lieu à une saisie description et
éventuellement à une saisie réelle, ce que le magistrat
précise.
Dans le cadre d'une saisie description s'accompagnant d'une
saisie réelle, la saisie portera sur un échantillon des objets
contrefaisants eux-mêmes mais aussi sur les instruments qui ont servi
à leur fabrication. La question s'est posée de savoir si
l'huissier instrumentaire (ou le commissaire de police) pouvait
également saisir des documents commerciaux afin d'établir
l'étendue de la contrefaçon alléguée. Après
quelques hésitations113, la jurisprudence s'est fixée
sur une réponse affirmative à cette question, l'opération
de saisie-contrefaçon pouvant donc porter sur des documents commerciaux,
par exemple des documents comptables114. L'avantage de cette
solution est d'éviter que de telles preuves ne disparaissent par la
suite et éventuellement de faire l'économie du recours à
une expertise in fine. Aujourd'hui cette possibilité ne saurait
être remise en question car la loi du 29 octobre 2007 de « lutte
contre la contrefaçon », transposant la directive communautaire du
29 avril 2004 a ajouté aux « produits ou procédés
prétendus contrefaisants » pouvant faire l'objet d'une saisie
réelle « tout document s'y rapportant ».
109 Cass. civ, 30 mai 1927, Ann. propr. ind. 1928.33.
110 Il y va de l'intérêt du demandeur de la victime
en contrefaçon mais cette voie n'est nullement un préalable
obligatoire à l'action en contrefaçon.
111 La loi du 29 octobre 2007 a étendu le champ de la
saisie-contrefaçon aux indications géographiques (art 29 de la
loi et art L.722-4 du CPI) et aux produits semi-conducteurs (art 19 de la loi
et art L.622-7 du CPI).
112 Selon l'article 1315 du Code civil, « Celui qui
réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ».
113 De rares décisions avaient répondu à
cette question par la négative, par exemple : Bourges, 19 fév.
2001, Ann. propr. ind. 2001, p. 263.
114 Paris, 6 fév. 2004, Société Diramodic
c./ Sté RB Fashion et Toboggan, PIBD 2004, 791-III-461 qui
admet que « la matérialité de la contrefaçon porte
nécessairement sur l'étendue de celle-ci ».
Le titulaire d'un droit de propriété
intellectuelle qui se dit victime d'actes de contrefaçon trouvera donc
dans la saisie-contrefaçon une occasion de se constituer de solides
preuves afin de démontrer son gain manqué : son étendue
(évaluation de la masse contrefaisante), le prix des produits
contrefaisants mais également dans une certaine mesure la perte subie,
par exemple la piètre qualité d'un produit contrefaisant pouvant
démontrer la dépréciation d'une marque ou du produit
breveté... Une utilisation plus systématique de cette voie
permettrait sans doute d'étayer les demandes de dommages et
intérêts et ainsi d'offrir aux magistrats matière à
indemniser.
Le demandeur devra cependant être diligent car la
recevabilité de telles preuves est soumise à un délai pour
introduire l'action en contrefaçon à compter de
l'exécution de la saisie, soit à compter de la date figurant sur
le procès verbal115.
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