Alexandre BLONDIEAU
L'indemnisation des préjudices résultant de
la contrefaçon
Mémoire de Master 2 Recherche «
Propriété industrielle et artistique »
Sous la direction de Monsieur le Professeur
Frédéric POLLAUD-DULIAN Université de Paris I -
Panthéon Sorbonne 2008
Introduction
La contrefaçon peut se définir comme toute
utilisation non autorisée d'un objet protégé par un droit
de propriété intellectuelle. Cette définition large
englobe donc un grand nombre d'utilisations qui n'ont pas nécessairement
toutes pour résultat la copie frauduleuse d'un objet
protégé. En effet, le terme « contrefaçon » peut
par exemple recouvrir une situation où un exploitant se méprend
sur la durée des droits que lui a cédé un auteur ou encore
un cas où les coauteurs d'une oeuvre de collaboration cèdent des
droits d'exploitation à un tiers sans le consentement d'un coauteur. Bon
nombre de produits « contrefaisants », résultats de ces actes
de contrefaçon ne présentent donc aucun danger, ou simplement
aucune différence intrinsèque avec le produit autorisé. De
cette façon, la contrefaçon n'implique pas nécessairement
la production d'articles de médiocre qualité, voire dangereux
pour le consommateur final.
Le critère qui nous semble essentiel est donc l'absence
d'autorisation de la part du titulaire du droit de propriété
intellectuelle. Cette autorisation lorsqu'elle est demandée implique le
plus souvent une rémunération, raison qui pousse dans bien des
cas les contrefacteurs à s'en abstenir. Le titulaire, en vertu de son
titre de propriété intellectuelle peut donc dans ces cas
là intenter une action en contrefaçon et ainsi escompter que le
tribunal prononce en sa faveur certaines mesures, notamment d'indemnisation par
l'allocation de dommages et intérêts.
A cette occasion, le juge peut en effet prononcer, outre
l'allocation de dommages et intérêts, un certain nombre de mesures
en faveur de la partie lésée. Dans le cadre des mesures dites
« réparatrices », il pourra ordonner la publication judiciaire
de la décision aux frais du condamné et dans celui des mesures
dites « restitutives », le juge pourra prononcer par exemple
l'interdiction des actes illicites ou la confiscation des objets
contrefaisants. Cette étude a donc pour objet l'indemnisation des
victimes de la contrefaçon par l'allocation de dommages et
intérêts et uniquement devant les juridictions
civiles1.
La directive européenne n° 2004/48 du 29 avril 2004
relative au respect des droits de propriété intellectuelle a
été adoptée pour apporter une réponse à
délicat problème de la contrefaçon et prévoit
des dispositions importantes concernant les dommages et intérêts.
La
1 Le contentieux porté devant les
juridictions pénales est peu abondant. Plusieurs raisons justifieraient
se délaissement, notamment le fait que les peines lourdes et privatives
de liberté seraient inadéquates en matière de
contrefaçon ou que le juge pénal et en amont l'enquêteur
n'auraient pas les compétences techniques en cette matière. In W.
Bourdon, « Le droit pénal est-il un instrument efficace face
à la criminalisation croissante de la contrefaçon » ?,
D 2008, p. 699.
loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007 dite « de lutte
contre la contrefaçon » transpose, avec un an et demi de retard,
cette directive. Cette loi modifie donc notamment les sanctions que
prévoyait le Code de la Propriété
intellectuelle2. L'application de cette loi ne devrait pas
nécessairement changer fondamentalement la matière. Cependant,
les principes et la pratique relatifs à la réparation de la
contrefaçon que nous exposons dans nos première et seconde
parties se fondent sur des éléments antérieurs à
son entrée en vigueur. Pour cette raison, nous évoquerons le
principe de la réparation intégrale au passé, ne sachant
pas précisément, au moment où ces lignes sont
écrites, le poids qu'auront les nouvelles dispositions dans
l'appréciation des juges3 et donc dans quelle mesure ce
principe sera dépassé.
Ce système de la réparation intégrale,
véritable dogme en droit civil français a longtemps dominé
malgré les critiques dont il fut l'objet, critiques
dénonçant son caractère inadapté en matière
de propriété intellectuelle. Il conviendra d'examiner, en tenant
compte de la pratique passée, dans quelle mesure la réparation
des préjudices subis par les titulaires de droit peut être
améliorée.
Jusqu' à présent le système reposait sur
le principe de la réparation intégrale, même si la pratique
ne s'y tenait pas toujours ( I ), ce qui a donné lieu à des
indemnisations aux montants variables selon les droits en cause et souvent
perçues comme insuffisantes ( II ), d'où la recherche de
solutions, classiques et nouvelles ( III ).
2 ci-après CPI.
3 J.P Gasnier, à propos de la loi du 29
octobre 2007 va jusqu' à évoquer « les bouleversements que
ce texte induit dans nos habitudes et peut-être, plus
profondément, dans certains fondements de notre droit », «
Quelques observations à propos de la loi de lutte contre la
contrefaçon », Propriété Industrielle,
décembre 2007, p. 10.
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