B- 1995-2002: La communication du changement.
1- 1997-2002 Ç Le grand coup de balai È.
a) Une volonté de changement affirmée.
Ë son arrivée à Bordeaux en 1995, Alain
Juppé découvre une ville paralysée. Alors que la culture
était l'une des principales préoccupations de municipalité
antérieure, les autres secteurs comme l'urbanisme, les transports en
commun, l'éducation occupaient une place secondaire.
Ceci relevait d'une politique de prestige engagée par
Jacques Chaban Delmas qui considérait le Ç prestige avant
l'utilitaire È, et rêvait pour Bordeaux d'un Ç
phare
26
repérable dans le monde entier È.
Ainsi, la culture représentait -elle 30%du budget global de la Ville
de Bordeaux, un record jusque-là. Pour combler les manques,
remettre à flot la capitale aquitaine, Alain Juppé change de cap
et met la barre sur les grands travaux. Une nécessité pour que
Bordeaux rattrape son retard en terme de qualité de vie.
Cela se traduit par une politique d'embellissement de la ville
et de son patrimoine, (la construction du tramway, réhabilitation des
quartiers). En ce qui concerne la culture, le premier objectif est de
dégraisser le budget et de restructurer l'administration des
institutions culturelles. Alain Juppé s'entoure alors de gestionnaires
et de juristes pour gérer les affaires culturelles.
26 ÇLa culture à Bordeaux, après
le panache, la rigueur È, Le Nouvel Observateur, novembre
1996.
Première mesure, il limoge trois représentants de
l'époque chabaniste:
- Alain Lombard, (ONBA27)
- Jean Louis Froment (CAPC)
- Roger Lafosse, (Sigma).
Une facon radicale d'affirmer son rTMle de maire et de tirer un
trait sur la politique culturelle menée jusqu'alors par son
prédécesseur.
Sans juger de la légitimité de ces
décisions, il faut se demander ce qu'elles ont provoqué en termes
d'image pour le nouveau maire. Selon le journal Sud Ouest, tout le
monde s'est accordé pour dire bien avant les élections de 1995,
qu'Alain Juppé était le seul homme politique capable de prendre
la direction de la Mairie de Bordeaux, et jouissait plutTMt d'un
climat d'opinion favorable ; soutien qui lui a peut- être fait oublier
l'ombre de son prédécesseur. Avec ces prises de
décisions
28
radicales, ce sont les quarante ans de chabanisme culturelqui
sont jetés aux oubliettes. Le changement para»t trop brutal, bien
que nécessaire. En voulant montrer la voie du changement, Alain
Juppé se heurte à la résistance.
Indélicatesse ou maladresse, il reste que les
médias ne manquent pas de se faire écho des faux-pas d'Alain
Juppé en s'emparant du sujet de la culture, (voir annexe II, page 5, 6,
7). Dès lors, sa personnalité devient un sujet de
prédilection pour expliquer ses différents couacs en
matière de culture. On lui reproche son manque d'intérêt
pour l'art contemporain, on souligne son gout pour les manifestations
populaires et l'on ne manque pas de l'opposer à son
prédécesseur, fervent amateur d'art.
Bien loin des réalités budgétaires, ses
détracteurs oublient trop souvent que Bordeaux est la troisiéme
ville la plus endettée de France.(Sud Ouest 1996) et se concentrent sur
la nostalgie de l'époque chabaniste. L'image d'Alain Juppé
compromise, cela donne trés peu de crédit à sa
réflexion et ses actions en termes de politique culturelle. Même
si, aprés une courte période, les acteurs culturels se sont
réjouis de la volonté de changement de la mairie, le monde
culturel bordelais déchante vite.
27 Orchestre
National Bordeaux
Aquitaine
28 voir lexique
En ce qui concerne les institutions culturelles publiques,
l'équipe de la mairie se concentre sur mise en valeur de ses outils de
diffusion culturelle ( voir annexe III, page 9 et 10). La belle endormie en
concurrence avec Toulouse à la première moitié du
XXème siècle doit rivaliser avec les grandes villes de l'axe
Atlantique : Nantes et Bilbao, villes rayonnantes par leur activité
culturelle. C'est pourquoi, la mairie va s'efforcer de redonner un peu de
lustre à ses institutions culturelles : le Grand
Théâtre de Bordeaux obtient le label d'Opéra,
le Port de la Lune, celui de Centre National d'Art
Dramatique. De la même fagon, la mairie construit un nouvel outil de
diffusion artistique qu'elle souhaite mettre à profit dans sa nouvelle
politique :
- Le Casino de Bordeaux qui accueillera des artistes de
renommée nationale et internationale.
- La Base sous Marine pour la transformer en salle de
concerts et d'exposition. - Le Port de la Lune qu'elle rebaptise en
lui offrant une nouvelle architecture.
En vue d'améliorer l'offre culturelle, la mairie
reconfigure l'équipe chargée de la direction artistique en
nommant à la tête du Capc, de l'Opéra de
Bordeaux, du Fémina, de nouveaux directeurs,
déjà reconnus pour leur travail dans d'autres villes frangaises.
Pour ce qui est des acteurs culturels indépendants, la mairie concentre
la majorité de son aide aux structures suivantes :
- Glob' théâtre
- TNT (installation dans une ancienne manufacture de
chaussures) - Rockscholl de Barbey (rénovation du lieu)
Avec un budget réduit à 16%29, la
politique met en valeur les lieux de culture de la Ville de Bordeaux,
un bémol cependant, on lui reproche de ne pas aider la création
bordelaise. En termes de s ubventions, pour l'année 2003 c'est
le CNR39 qui en engrange le plus avec 6 716 677 euros, le
CAPC (2 913 561 euros ) fait partie des mieux servis, le
Théâtre du Port (CDN) de la Lune avec 823 334 euros, viennent
ensuite le TNT et le Glob' théâtre. Si ces lieux
sont privilégiés, c'est bien parce qu'ils répondent
à des objectifs croisés de la ville, du Conseil
Régional et de l'Etat et ceci en termes de politique culturelle.
Aussi, ces investissements représentent une valeur sure en termes de
développement local.
29 Pascal NIVELLE Bordeaux sous Juppé : la
culture économe, libération page 30-32, 20 mars 1997.
30 Conservatoire
National de Région.
b) Relancer un festival rattaché à la Ville de
Bordeaux, une nécessité
Depuis la mort de Sigma, la politique culturelle de
la Ville de Bordeaux ne trouve pas une voie claire et affirmée.
On lui reproche :
- Le manque de réflexion en profondeur, de concertation
- Les mesures populaires en termes de politique culturelle.
Monsieur Eric chevance, directeur du TNT, dans un
article de Sud Ouest paru lors des élections municipales de
2001, s'inquiète lui, de la politique conservatrice. Monsieur Patrick
Duval, directeur de Musique de Nuit souligne lui qu'encore aucun
événement de l'ampleur de Sigma n'a encore
été créé, selon lui rien ne l'a remplacé et
certainement pas les institutions. Bordeaux doit chercher un
événement réellement novateur, et peut -être moteur
d'une politique culturelle cohérente comme ce fut le cas pour
Sigma.
Pourtant, même en réduisant ces dépenses
consacrées à la culture, la mairie a pu mettre en place des
événements à forte valeur ajoutée, des
événements qui répondent à la demande du public,
qui créent du lien entre la ville et ces administrés et
permettent de faire rayonner Bordeaux hors de ses frontières,
événements qui s'inscrivent non seulement dans une politique de
valorisation du patrimoine et mais aussi de développement touristique.
En ce sens, il s'inspire amplement de son prédécesseur avec la
mise en lumière du patrimoine, ou l'utilisation de l'image du
vin31. Aussi, ce n'est pas à travers la diffusion artistique
que la Mairie de Bordeaux construit son image mais gr%oce à des
manifestations populaires :
- la Fête du Vin
- la Fête du Fleuve
- la rénovation du hangar 5
- la construction d'un jardin botanique sur une rive droite.
« En dépit du tracas du
passé, la mairie peut se
féliciter d'avoir rendu son fleuve aux
bordelais 32.È.
31 « Bordeaux et le chabanisme culturel »,
le festin n. 37.121, hivers 2001.
32 Sophie AVON « Bordeaux, Juppé le bilan
», Sud Ouest 2001.
La majorité des actions culturelles se concentre autour de
l'urbanisme et de la sauvegarde du patrimoine.
Cependant, ces actions omettent la diffusion artistique et
l'innovation en termes artistiques et ne permettent pas à la mairie de
mettre sur le devant de la scène ses nouveaux outils de diffusion
culturelle (opérateurs culturels institutionnels). Ceci a pour
conséquence en termes de communication publique, de limiter la
fréquentation du public bordelais, et d'autre part priver la ville
d'exposer ces résultats en termes de politique culturelle. Aucun
événement de l'ampleur de Sigma ne met en avant le
dynamisme artistique de la ville et son image. Il permet non seulement de
sensibiliser le public à l'art, mais aussi de le familiariser avec les
différents lieux de vie culturelle et artistique; car notons que si le
public ne fréquentent pas les salles de spectacles
institutionnels ou indépendantes, il n'y a pas de
dynamique culturelle possible aussibonne que soit la
programmation.
La création d'un festival comme novart bordeaux
s'inscrit aussi dans une démarche de communication envers le public
bordelais et de réconciliation entre la Ville de Bordeaux et
les acteurs culturels. C'est la concrétisation d'un dialogue
entamé en 1998 avec la commission permanente de concertation
culturelle, où se retrouvent les acteurs culturels bordelais et
l'équipe municipale, une chance pour peut-être entamer un dialogue
sans a priori avec la mairie et présenter des nouveaux porteurs de
projets, les nouveaux équipements. En 2002, le Port de la Lune
est inauguré, Gérard Lion son directeur adjoint est
nommé à la tête de la direction artistique de novart
bordeaux.
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