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Novart Bordeaux: quels impacts en termes de communication et de promotion?

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par Maryline Vachet
Institut universitaire de technologie Michel de Montaigne, Bordeaux - Diplôme universitaire de technologie communication d'entreprise 2003
  

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I- La politique culturelle de Bordeaux

A) Sigma, une image de marque pour la Ville de Bordeaux ?

1- A quel point l'image de la première edition du festival Sigma a t-elle profite à la Ville de Bordeaux ?

a) Sigma, un festival à une époque donnée.

Ç Ceci nÕest pas un festival, ceci est un espace dÕéchanges et de rencontres ». Par le fait même de refuser la dénomination de festival, Roger Lafosse met l'accent sur la relation avec le public, le dialogue et le partage de Sigma. Le festival obéit à une logique intéractionniste11 et se caractérise par une confrontation des artistes aux autres, du public à l'art. D'autre part, il ne faut pas oublier qu'il est né dans un contexte d'apres guerre ou les idées neuves jaillissent mais sont encore mal connues. Alors que la vieille Europe se releve de la guerre, aux Etats -Unis naissent de nouveaux courants de pensées artistiques, l'avant-garde. Créer un événement comme Sigma est des lors, une « nécessité au pied du mur », un besoin d'une société en reconstruc tion, comme « une démangeaison, un besoin de dire et de faire », selon Roger Lafosse 12.

Celui-ci, alors très impliqué dans le milieu culturel par ses activités artistiques, prend l'initiative de ce projet et décide de le proposer à sa ville natale, Bordeaux. Ë force de persuasion, il convainc le tout nouveau maire de Bordeaux de l'époque, Jacques Chaban-Delmas qui lui donne son accord pour une édition d'essai. Le maire propose le nom de semaine de recherches et d'actions culturelles à ce qui sera le futur Sigma, et fait participer la Ville de Bordeaux à hauteur de 200 00013 francs pour la concrétisation du projet ; à Roger Lafosse de trouver d'autres appuis financiers. Il rencontre ce soutien aupres de son cercle d'amis, artistes et intellectuels.

Sigma na»t en 1965 sous la houlette de la Mairie de Bordeaux, l'ultime édition aura lieu en 1997.

11 voir lexique

12 Gilles de BURE, « La marche en avant », lÕimmobilier, 30 novembre 1967.

13 Entretien avec Roger Lafosse, avril 2003.

« Sigma est la pile d'un pont que nous langons au -dessus d'une riviere indeterminee (...), le sablier qui reunira les piles de Sigma, c'est la permanence de Sigma, permanence que je souhaite et que jÕappuierai 14 ».

C'est le début d'une longue aventure, animée par Roger Lafosse et orchestrée par le maire de Bordeaux (voir annexe 1, page 2 et 3).

Pour sa première édition Sigma confronte le champ artistique aux nouveaux courants de pensée comme la communication de masse, la cybernétique.

« Trois mille spectateurs15 assistent à la première edition de Sigma un public d'intellectuels et de bourgeois » selon Roger Lafosse.

a) L'onde de choc Sigma 1 : Quelle image à travers la presse ?

Sigma ne fait pas les gros titres des journaux nationaux, et la presse locale, à la fois curieuse et méfiante, titre « Bordeaux va conna»tre son octobre ». Un octobre bien différent des printemps rythmés par le Mai musical depuis 1950, la presse est loin de crier au scandale, la programmation placée sous le signe de la nouveauté est appréciée. On remarque déjà un décalage entre l'image médiatique et l'entrée politique du festival. Mais attardons-nous sur quelques citations tirées de la presse.

« Le theme ne triche pas : la technologie et son impact sur la pensee contemporaine ». le contenu non plus : musique algorithmique, musique stockastique, probleme de communication de masse, creations the%otrales 16».

On se félicite de l'initiative de création dans une métropole provinciale telle que Bordeaux qui « peut sÕillustrer en dehors de sa specialite et tenir autant de place dans la vie economique et culturelle du Pays que de Paris ».

On entrevoit d'ores et déjà, l'enjeu de concurrence et d'image à travers la dynamique artistique du festival.

En revanche, la presse pointe le doigt sur la division du conseil municipal face à Sigma.

« M. E. s'est fait, à ce sujet (Sigma), l'interprete de l' Ç emotion » et de lÕinquietude, souleve par le decha»nement de la pornographie , des graffitis obscenes, des films indecents et des ravages de la drogue 17 ».

14 « Des voix nouvelles que j'aimerais voir explorer en permanence, à bordeaux », interview de Jacques Chaban Delmas,

15 Sud Ouest, 15 novembre 1967

16 Michel RAGON, Arts et loisirs, 17-23 novembre 1965

17 « Sud Ouest » , 17 novembre 1965.

Avec une programmation de qualité, pensée et engagée, la presse ne peut que souligner l'intérêt de ce festival. Sigma se fait plus remarquer par la qualité de sa réflexion autour de la pensée contemporaine que sur véritablement son aspect provocateur.

En terme d'image, les médias félicitent la Ville de Bordeaux, pour cette action innovante, mais les retombées presse sont trés restreintes, en effet les retombées quantitatives le prouvent. L'événement touche la presse écrite locale et spécialisée (art). Sigma fait donc une entrée timide mais remarquée. Pour la mairie, les retours d'image sont plus visibles pour la deuxième édition.

En 1966, le festival totalise plus de dix mille entrées, un public d `étudiants et d'intellectuels. Aux prémices de 1968, Sigma suscite excitation et délire au sein d'une jeunesse qui a besoin d'éclater. De là, né l'intérêt des média nationaux pour Sigma, la presse parisienne, à partir de la seconde année, se déplace à Bordeaux pour voir ce festival à la fois Ç scandaleux et excessif È. La nature même de ce festival, nouveau à Bordeaux mais aussi sur le territoire français tend à le placer sur un piédestal. S'il faut citer les festivals de l'art d'avant garde de Paris, Marseille et Nantes qui ont eu lieu entre 1956 et 1960, pourquoi ne reconna»t -on pas une filiation directe avec ces festivals dans la presse? Il pourrait se définir comme une réplique sur un territoire donné d'un festival d' avant garde. Qualifier Sigma d'annonce de mai 68 est une entreprise d'historien, mais nous devons souligner son adéquation avec une époque agitée, il faut convenir qu'il se définit comme une manifestation des interrogations d'une génération. En effet, Ç ce fut un rush, un raz-de-marée, une de ces grandes lames de fond qui bouleverse l'ordre établiÈ, selon le nouvel observateur du 30 novembre 1966.

2- Quelle dynamique à travers le temps?

a) Sigma et la Ville de Bordeaux, des liens de plus en plus forts.

Lors de sa création, Jacques Chaban-Delmas a pris la présidence de l'association de soutien à Sigma. L'équipe de Roger Lafosse (quatre personnes) et celle du maire (quatre personnes) composent cette association dont le siege est à la mairie. L'équilibre est parfait dans le comité et l'on ne peut pas se poser la question de la liberté d'action de l'équipe Sigma. Trés vite, le festival est victime de son succés, de

telle sorte que le maire découvre les enjeux qu'il représente en termes de dynamique culturelle. Son investissement dans cette aventure se concrétise par de nombreuses actions en faveur du festival, notamment lorsqu'il obtient en 1975 que l'état alloue à Sigma une subvention annuelle et fixe18.

En 1975, au niveau local, Sigma est définitivement reconnu comme un des plus grands équipements culturels de la ville en abandonnant son statut de nomade. Une fois dans les locaux de sa toute nouvelle acquisition : les entrepôts Lainé, il est rattaché directement à sa politique culturelle et à son image. Sigma quitte les lieux en 1989, c'est le premier signe de divorce entre la Mairie de Bordeaux et le festival. Un sentiment d'incompréhension s'empare de l'équipe Sigma qui retourne à un statut mobile et itinérant voire vagabond. Il est aisé de conclure qu'après avoir impulsé une nouvelle dynamique créatrice dans Bordeaux, c'est lorsque la politique culturelle de la Ville de Bordeaux s'appuie sur le CAPC19 que ses rapports avec la mairie s'amenuisent.

b) Quelle evolution en terme d'image ?

Sigma restera novateur sur un plan politique. Bien avant que les villes gèrent elles -

m ê mes leur propre politique culturelle, na»t d'une initiative indépendante, un
événement sur lequel va s'appuyer toute la dynamique culturelle de la Ville de

20

Bordeaux presque jusqu'à la fin du m andat de Jacques Chaban -Delmas .

Ç La reconnaissance de ce festival d'avant-garde par le pouvoir local n'est pas fortuite21 È. Pour la ville, Sigma représente la possibilité de décentralisation du pouvoir culturel et permet la rénovation culturelle de la ville. L'enjeu de l'image reste clairement énoncé. : Sigma profite à Bordeaux. Et à travers l'image dynamique de sa ville, Jacques Chaban-Delmas comprend qu'il peut aussi travailler son image d'homme politique. Cependant, avec le temps, les forces avant-gardistes s'épuisent. La recherche éternelle de la création et de l'avant-garde est un travail intense, et le temps ne joue pas en sa faveur: le public s'accoutume à ce type de manifestation. De plus en plus lié à l'image du maire, au poids décisionnel de la mairie, le festival

18 Charte culturelle du 23 mai 1975.

19 Centre d'Arts Plastiques Contemporains.

20 Sigma impulse la création de Sigmaquitaine, centre d'art et de communication et la création des nouveaux outils de diffusion artistique des villes dont le CAPC.

21 Francoise TALIANO DE GARETS Ç le festival Sigma de Bordeaux ( 1965-1990) È, Vingtième siècle, octobre-dec 1992, Page 45.

évolue vers une certaine sorte d'institutionnalisation, en perdant la liberté qui l'a toujours animée. Il évolue vite vers un rapprochement de l'institution qu'est la ville. Petit à petit, les enjeux d'image prennent le pas sur les enjeux artistiques, et ainsi l'image de marque l'emporte sur la personnalité de Sigma . Nous sommes dans les années 90, l'esprit iconoclaste perd de son lustre après une période de succès total entre 1967 et 1975.

A partir des années 90, les critiques se font sentir, certains expliquent la volonté d'arrêt du festival en évoquant son manque d'adéquation avec son temps. Ç Le contexte bordelais s'est modifié22 È. D'une part, la municipalité a changé, d'autre part l'Etat attend de nouvelles dispositions et de nouveaux engagements en termes de culture.

Sont évoqués les problèmes financiers et la mauvaise gestion du festival, un investissement insuffisant dans la création 25 % selon la mairie, 85 % selon son créateur23. Dans Le Monde du samedi 9 novembre 1996, le directeur régional des affaires culturelles déclare:

Ç L'équipe de Sigma, avait eu ces dernières années le soutien de l'Etat pour évoluer et rebondir (...) Faute de propositions conséquentes, le ministère ne serait plus en mesure de poursuivre son aide sans une redéfinition profonde des objectifs du festival È.

Pour reprendre la phrase de Francoise Taliano de Garets: Ç Le cas Sigma pose le problème du vieillissement d'un festival d'avant garde (...) l'age aidant, la vitrine a perdu de son éclat24 È.

c) La promotion des artistes, un des objectifs de Sigma.

ÇNous sommes en fait une des marches dans l'escalier qui amène à la notoriété (...)C'est d'ailleurs pourquoi viennent à Bordeaux les directeurs de festivals. Nous essayons de mettre sur orbite les artistes qui viennent chez nous 25È.

Expression d'une jeunesse en mouvement à la fin des années 60, Sigma trouve plus que jamais sa place dans la découverte de jeunes talents. Le festival en a ainsi nourri bien d'autres et ceci, dans tous les domaines. Sigma a révélé des artistes francais, locaux ou internationaux. On lui a souvent reproché, à la fin de sa vie, de ne

22 V de SD, Ç Disparition sur fond de polémique È, Sud Quest, samedi 22 février.

23 ibidem

24 Francoise TALIANO DE GARETS Ç le festival Sigma de Bordeaux (1965-1990) È, Op. Cit. p.52.

25 Sophie Labayle, Sigma, l'aventure d'un festival, édition Sigma, page 68.

pas assez mettre en avant les artistes bordelais. Or, la dynamique de Sigma ne s'appuie pas autour des structures culturelles locales mais autour des artistes bordelais que Roger Lafosse considère comme un Çvivier È. Déjà pour l'une de ses premières éditions, Sigma encourageait les artistes peintres locaux à travers une exposition qui leur était dédiée. Vers la fin des années 1980, Sigma s'intéresse plus particulièrement à l'art vivant, les troupes locales bénéficient d'une large programmation.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote