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Le Samusocial Mali et la prise en charge médico-psycho-sociale des enfants de la rue en situation d'urgence sociale. Quelles problématiques pour quelles prises en charge?

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par Jean Douba KONE
Institut national de formation des travailleurs sociaux - Diplôme supérieur en travail social 2010
  

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5. Le suivi

5.1 Les activités selon le type de suivi

- La protection

Pour un enfant en danger immédiat avéré et pressenti : C'est une mesure de placement qui sera mise en oeuvre.

ü Accord de l'enfant recherché mais ne conditionne pas la mise en oeuvre de la mesure

ü Retirer l'enfant de la rue

ü Amener l'enfant au centre

ü Sensibiliser les partenaires sur la situation de l'enfant

ü Rassurer l'enfant

ü Mettre en lien l'enfant et le partenaire

ü Effectuer des visites aux centres.

Pour un enfant en danger présumé (enfant isolé/ enfant mis à l'écart du groupe)

ü Accord de l'enfant recherché

ü Ou

Mesure de placement

ü Confier à un tiers de confiance (personne ressource parmi la population environnante ou parmi un enfant après médiation)

Si l'enfant refuse le placement et qu'il existe une possibilité de le confier ou que l'enfant est en capacité d'évoquer une stratégie de protection c'est la seconde stratégie qui sera mise en oeuvre.

Avant de confier l'enfant à une personne-ressource parmi la population, une sensibilisation sur la situation de l'enfant sera réalisée.

Avant de confier l'enfant à un autre enfant, une médiation sera réalisée pour les enfants mis à l'écart. L'origine de cette mise à l'écart peut être un conflit ou une difficulté de l'enfant (énurésie...).

ü Aller voir l'enfant le lendemain et poursuivre le suivi

- L'accompagnement

ü Fixer au vue de la situation de l'enfant un rythme de rencontre avec l'enfant

ü Mener des entretiens individuels avec l'enfant

- L'orientation

3 options sont envisageables :

Formation professionnelle

ü Recueillir le projet de l'enfant

ü Evoquer la situation avec les partenaires

ü Mettre en contact la structure partenaire et l'enfant

ü Construire un contrat

ü Réaliser des visites sur le lieu d'accueil

ü Rechercher un lieu pour que l'enfant ne dorme plus dans la rue

La sortie de la rue se fait généralement après que l'enfant ai démarré sa formation professionnelle. Le fait de quitter le monde de la rue brusquement génère une angoisse trop importante pour l'enfant.

Retour en famille

Pour les enfants qui viennent de brousse

ü Contrat avec l'enfant

Les enfants qui rentrent chez eux ont besoin de donner au village l'image de l'enfant qui a réussi. Le retour en famille est conditionné par les enfants à la possibilité de pouvoir se procurer des vêtements propres et un peu d'argent à remettre aux parents.

Lorsque les enfants évoquent l'envie de rentrer chez eux, le Samusocial peut prendre en charge les frais engagés par la démarche. Il est demandé à l'enfant d'apporter une petite contribution pour vérifier son implication dans le projet.

ü Retour en famille

Pour les enfants de Bamako

ü Contrat avec l'enfant

ü Visite à domicile pour préparer le retour avec la famille

ü Retour en famille

ü Visite de suivi

Hébergement en centre d'accueil

ü Evoquer la situation avec le partenaire

ü Amener l'enfant dans le centre

ü Suivi jusqu'à ce que l'enfant soit stabilisé dans le centre et qu'il ait établi un lien avec un éducateur du centre.

5.2 Outils et attitudes professionnelles

v Entretiens

v Causeries de groupes

v Les consultations médicales qui ont lieu, une fois par semaine, dans tous les centres qui accueillent des enfants de la rue. Elles sont dispensées par le médecin du Samusocial Mali. Elles permettent d'accompagner, notamment dans le rapport à leurs corps, les enfants qui sont dans les centres. Les orientations médicales vers les structures de santé de référence permettent d'accompagner les enfants vers l'exercice de leurs droits en les réintégrant dans les dispositifs de droit commun.

Attitudes professionnelles :

- Rester disponible,

- Sensibilisation des partenaires sur la problématique de l'enfant,

- Attitude de non jugement.

E. EVOLUTION DE LA DEMARCHE

La formation professionnelle

Dans un premier temps, la formation professionnelle était considérée comme une action de réinsertion, les enfants devaient d'abord quitter la rue pour s'inscrire dans un processus de formation.

Mais de nombreux freins sont apparus : manque de place dans les centres d'accueil, délais trop long entre l'orientation dans le centre d'accueil et le démarrage de la formation, impossibilité pour les enfants en conflit familial de rejoindre leurs familles...

De plus, les enfants expriment d'abord le besoin de faire quelque chose avant la nécessité de cesser de dormir dans la rue. En dormant encore avec leurs camarades le soir, les enfants se sentent sécurisés, ils peuvent avoir une activité de réinsertion sans être coupés de leurs groupes de camarades. Les projets de formation professionnelle sont désormais abordés dans ce cadre avec les enfants, ils apparaissent être des actions de réhabilitation.

Le complément nutritionnel 

La formule a été modifiée afin de gérer les difficultés rencontrées sur le terrain : la bouillie enrichie à base d'oeufs et de luzerne provoquait la diarrhée chez les enfants, le sandwich à l'omelette a eu un effet d'appel qui détournait l'action du Samusocial de ses objectifs. Actuellement, le « moni » une bouillie traditionnelle à base de mil semble bien correspondre aux besoins des enfants.

Le mode de distribution a également, été modifié pour pouvoir bien différencier le complément nutritionnel de la « soupe populaire ».

- La distribution a lieu à la fin de l'intervention des EMA, juste avant que le camion ne reparte. Cette stratégie permet d'approcher le plus grand nombre d'enfants. Certains ne s'approcheront du camion que dans l'espoir d'obtenir un bouillie mais c'est déjà le démarrage d'un lien avec les EMA.

- La distribution peut être individualisée si nécessaire : (nombre de sachet et moment de la distribution en fonction du besoin de l'enfant : après le soin médical si un traitement doit être ingéré le ventre plein...).

Une approche genre a été mise en place pour intervenir spécifiquement auprès des jeunes filles. Une EMA féminine (une médecin femme et une éducatrice, le chauffeur reste un homme) a été mise en place afin de libérer la parole des jeunes filles.

Une action médicale de proximité

- Les médecins du Samusocial Mali ont développé au fur et à mesure de l'expérience une véritable prise en charge de proximité. Soigner les enfants sur leur lieu de vie requiert la mise en place d'une véritable stratégie. Il faut tenir compte de leurs conditions de vie : formules de prescription adaptées (comprimés, pas de poudre à diluer qui le serait avec de l'eau de mauvaise qualité), l'évolution clinique des pathologies à envisager au regard de leur conditions d'hygiène, l'insalubrité, mauvais apports alimentaires.

- Cette action de proximité a permis de renforcer la prévention primaire29(*) et secondaire30(*). Les pathologies présentées par les enfants sont moins lourdes puisqu'elles sont traitées dés leur apparition. De plus, la très bonne connaissance de l'environnement des enfants permet d'adapter la communication dans les actions de prévention.

L'éducation préventive :

- Au démarrage de l'action de terrain, les thèmes évoqués, lors des causeries de groupe étaient en lien principalement avec l'action du Samusocial Mali relation avec les centres d'accueil, raisons de la distribution du complément nutritionnel, la formation professionnelle...Ce sont les enfants qui étaient à l'origine des sujets. Les EMA de par leur connaissance plus approfondie du terrain ont pu susciter une réflexion sur d'autres thématiques développant ainsi un véritable programme d'éducation préventive (sexualité par le biais des IST, VIH et SIDA, relations avec les filles, le sommeil, l'alimentation, prise de colle...).

Conclusion

Le concept d'urgence sociale tend à imposer la notion d'urgence aux EMA, à l'instar du SAMU Médical : un acte ponctuel, rapidement posé. L'analogie avec le SAMU médical permet d'intérioriser la nécessité d'intervenir auprès des personnes blessées par la vie mais elle brouille la nature de l'action qui est menée. C'est la situation des enfants qui relève de l'urgence sociale pas l'action des équipes. La démarche d'intervention sociale développée au Samusocial Mali s'inscrit pleinement dans la tradition de l'action sociale qui apporte une réponse à l'urgence mais pour la dépasser et entamer un suivi. La mise à l'abri est un acte posé dans une démarche plus profonde.

C'est par la mise en oeuvre d'outils originaux que le Samusocial Mali répond à la problématique d'enfants en situation d'urgence sociale. En ce sens, l'action du Samusocial Mali rejoint toute les actions qui ont été menées dans le cadre de la prévention spécialisée qui développe une méthodologie particulière d'approche des populations, reconnaissant le travail de rue comme base à partir de laquelle des actions se développent.

Le Samusocial diffuse un standard relationnel de qualité auprès des enfants de la rue. Il rompt avec le passé où la personne à la rue est considérée comme mauvaise et pouvant perturber l'ordre public.

L'accompagnement des enfants de la rue nécessite de créer des nouvelles formes d'intervention, le travailleur social doit mettre ici tout sa force créatrice au service de l'action sociale.

Dans l'intervention dans la rue, pas de face à face avec la personne qui sollicite le travailleur social pour une problématique donnée, il s'agit plutôt d'un « côte à côte » dans une relation d'aide et d'accompagnement qui se tisse au fur et à mesure que la confiance émerge.

Le public auquel on s'adresse nécessite un accompagnement que l'on peut qualifier de « sans contrainte » tant leur capacité à entrer en relation à été affectée par leur histoire de vie qui est bien souvent marquée de chaînes de rupture.

LE PROFIL DES ENFANTS DE LA RUE A BAMAKO

1. L'âge des enfants : Ce présent chapitre tente de dresser un portrait des enfants de la rue à Bamako. La démarche n'est pas aisée tant les situations rencontrées sont hétérogènes. Néanmoins, certaines caractéristiques apparaissent.

Les données ont été obtenues en exploitant la base de données du Samusocial Mali. La collecte des informations a été réalisée à partir des entretiens que les membres des équipes mobiles d'aide (EMA) ont mémé avec les enfants. C'est donc sur la base des déclarations des enfants que les résultats de l'étude ont été obtenus. Ils ne reflètent donc pas tant le profil sociologique exact des enfants contactés mais la manière dont ceux ci se présentent aux équipes mobiles d'aides.

Depuis le démarrage des activités de terrain, en octobre 2001, les équipes du Samusocial Mali ont rencontrées et identifié 1768 enfants différents. Notre étude a choisie sur cette liste actualisée 300 enfants soit 200 filles et 100 garçons.

L'âge des enfants

v 66% des enfants rencontrés sont âgés entre 10 et 16 ans. On retrouve la même tendance chez les garçons et chez les filles.

Ainsi la majorité des enfants auprès desquels le Samusocial Mali intervient sont entrés dans l'adolescence.

A cet âge de la vie, les jeunes cherchent à se construire. Ils perdent peu à peu la dépendance qui les lie à leurs parents pour devenir autonome. C'est pendant cette période particulière de la vie que sont réalisées les premières expériences (amoureuses, professionnelles...).

A cet âge de la vie, les jeunes ont donc particulièrement besoin d'être encadrés par des adultes qui les aident à comprendre l'environnement dans lequel ils évoluent et à en repérer les dangers.

Or, c'est à cet âge que les enfants que le Samusocial Mali rencontre, se retrouvent coupés de leurs liens familiaux et qu'ils grandissent dans un milieu dangereux : celui de la rue. Sur le plan de leur santé, ils sont particulièrement exposés aux infections puisqu'ils vivent dans un milieu insalubre. Sur le plan éducatif, ils ne sont pas mis en garde sur les conduites dangereuses (prises de produit toxiques....). Sur le plan psychologique, personne ne peut les aider à verbaliser leurs angoisses, leurs questionnements face aux différents changements auxquels ils sont confrontés.

v Le Samusocial Mali a été très peu mis en relation avec des enfants de moins de 10 ans puisqu'ils représentent à peine 4% des enfants rencontrés. Plusieurs hypothèses peuvent fournir des explications de cette réalité.

L'expérience acquise par les équipes mobiles d'aide au cours de ces neuf années d'activités de terrain nous révèle que l'arrivée des enfants dans la rue correspond souvent à un acte volontaire de l'enfant. Même si ce dernier a évolué dans une atmosphère pouvant le motiver à partir (enfant victimes de violence, enfants abusés, enfants exploités...). C'est lui qui bien souvent a pris la décision de partir pour être dans la rue. Pour pouvoir prendre cette décision, il faut que le jeune ait atteint un degré de maturité suffisant soit au moins l'âge de 10 ans.

v Un autre fait marquant, est le faible taux de jeunes de plus de 16 ans. Après 16 ans, le taux de jeunes rencontrés par le Samusocial Mali dans les rues de Bamako chute à 16 %, mais augmente chez les filles 23%. Quel est le devenir des enfants que les équipes mobiles d'aident contactent chaque soir ? Il semble que la tendance à s'installer dans la rue soit faible jusqu'à présent chez ces enfants. L'entrée dans la vie adulte semble être corrélée avec une sortie de la rue.

2. L'origine ethnique.

L'origine ethnique

v A 44%, les enfants sont issus du groupe ethnique bambara. Il faut préciser ici que d'autres hommes de castes comme les « Numu » (forgerons) et quelques groupes minoritaires comme les « dafing », les « maraka dialan » sont comptabilisés comme des bambaras. Au cours des entretiens réalisés par les travailleurs sociaux du Samusocial, il apparaît que beaucoup d'enfants déclarent appartenir au groupe ethnique Bambara qui est le groupe ethnique principalement présent dans la région de Bamako. En effet, certaines familles ont un nom patronymique pouvant s'apparenter à un patronyme bambara ; et suite à l'exode rural, les enfants, ayant perdu l'usage de la langue d'origine, se déclarent bambara (sénufo, miannka).

v On retrouve en suite des peuls pour 25%, des malinkés pour 10%.

Le groupe ethnique peul est un groupe ethnique où les individus sont caractérisés par leur nomadisme et leur islamisation. Ainsi, dans les rues de Bamako, les enfants talibés sont majoritairement peuls.

v Les groupes ethniques Dogon, Bozo, Bobo sont peu représentés puisque les enfants en sont issus pour respectivement 2% et 1%. Les ethnies bobo, sénoufo, dogon sont des ethnies qui sont basées sur l'agriculture. Les enfants de ces ethnies sont généralement occupés dans les villages par les travaux agricoles principalement dans les zones CMDT (campagne malienne pour le développement des textiles) où la culture du coton nécessite une grande main d'oeuvre.

3. Nationalité

* 29La prévention primaire vise à empêcher l'apparition des maladies

* 30La prévention secondaire vise à empêcher l'évolution des maladies

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo