La répression de la torture en droit pénal international( Télécharger le fichier original )par Christelle SAKI Université catholique de l'Afrique de l'ouest - Maitrise 2008 |
Paragraphe 2 : les règles de la procédureLes règles de la procédure ne sont pas toujours identiques quand il s'agit de s'adresser à un juge national ou à un juge international. Il convient d'étudier d'une part l'action devant les juridictions nationales et l'action devant les juridictions internationales d'autre part. A/La compétence des juridictions nationalesLes juridictions nationales sont compétentes pour connaître des actions intentées par leurs justiciables ; mais il arrive que certains justiciables soient traduits devant les tribunaux avec qui ils n'ont aucun lien. 1-Les juges internes et la répression de la torture Le mode de saisine du juge interne varie d'un Etat à un autre puisqu'il obéit au droit national de procédure. Il faut dire qu'en matière de torture comme en matière des droits de l'homme en général, le juge constitutionnel intervient de plus en plus22(*). En ce qui concerne la qualification des faits, elle ne devrait pas poser problème puisque la convention du 10 Décembre 1984 exige des Etats parties de rendre conforme leur droit pénal à la convention contre la torture23(*). En tout état de cause le juge interne devrait être disponible à toutes allégations des personnes qui s'estiment victimes de torture dans les conditions prescrites par l'article 5 de la convention. 2-La compétence universelle des juridictions nationales La compétence universelle en matière de torture plus qu'en tout autre cas de violations des droits de l'homme est une institution qui tend à parfaire la répression de ces actes. C'est un mécanisme qui vise par exemple qu'un auteur présumé d'actes de torture qui ne serait pas poursuivi dans son propre pays24(*), soit parce qu'un changement politique est intervenu et que les nouvelles autorités ne cherchent pas à poursuivre les dirigeants précédents, puissent être jugé malgré cela dans un autre pays25(*). Ainsi la compétence pénale d'une juridiction nationale est dite « universelle » quand elle s'étend, en principe à des faits commis n'importe où dans le monde et par n'importe qui ; lorsque, par conséquent un tribunal que ne désigne aucun critère ordinairement retenu, peut, cependant connaître d'actes accomplis par des étrangers, à l'étranger ou dans un espace échappant à toute souveraineté. Pour que s'exerce cette compétence, il suffit théoriquement, des hasards d'une arrestation, d'une plainte ou d'une dénonciation26(*). En tout état de cause, le paragraphe 3 de l'article 5 de la convention de 1984 autorise l'établissement de la compétence universelle en vue de sanctionner les auteurs d'actes de torture partout où ils fuiront. En effet, rien n'empêche un Etat d'user, à cette fin, du principe général qui lui permet de déterminer librement l'étendue de sa juridiction répressive27(*). En ce qui concerne les conditions d'exercice de la compétence universelle, les conventions ou les lois nationales qui l'instituent au profit des juridictions nationales, déterminent elles-mêmes les conditions de leur mise en oeuvre28(*). L'affaire Pinochet restera en mémoire en ce qui concerne la mise en oeuvre de la compétence universelle pour des actes de torture29(*). Pour la première fois un Etat (la GRANDE BRETAGNE) a procédé à l'arrestation d'un auteur présumé d'actes de torture qui se trouvait sur son territoire en application d'une instruction donnée par un autre pays (Espagne). La décision de la chambre des Lords le 24 Mars 1999 de refuser l'immunité à Pinochet est historique et crée une véritable jurisprudence internationale en ce qui concerne la mise en oeuvre de la compétence universelle. Elle a incontestablement entraîné des incidences majeures dans la construction d'une justice sans frontières et dans les relations internationales30(*). * 22 En Côte d'Ivoire par exemple, en matière de violation des droits de l'homme, les justiciables préfèrent s'adresser à la cour constitutionnelle plutôt qu'à un juge de droit commun ou administratif puisque la procédure est moins complexe et rapide, mais surtout parce que le juge constitutionnel applique et la constitution et la charte africaine qui sont les directives tracées par la charte internationale des droits de l'homme. * 23 Cf. art.4 et 16 de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. * 24 Les exemples sont légions : Pinochet, Hissein Hahré, Capitaine Ely Ould Dah... * 25 ASCENCIO, H. ; DECAUX, et ALAIN, p : op. cit., p. 373 * 26 ASCENCIO, H. ; DECAUX, et ALAIN, p : op. cit., p. 305 * 27 CPJ.I, 7 septembre, Affaire du Lotus, R.C.D.I.P., p.354, Note H. Donnedieu de Vabres. * 28 Cf. art. 689-2 du code pénal de procédure pénale français * 29 Le 16 octobre 1998, l'ex dictateur chilien Augusto Pinochet est arrêté à Londres pour torture sur requête du juge espagnol Bathazar Garzon : TINE, A : la cour pénale internationale ; l'Afrique face au défi de l'impunité, édition Raddho, Dakar, 2000, p. 49. * 30 TINE, A précité, note n°28 |
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