La répression de la torture en droit pénal international( Télécharger le fichier original )par Christelle SAKI Université catholique de l'Afrique de l'ouest - Maitrise 2008 |
B/Les limites de la réformeA l'analyse, la réforme issue du protocole facultatif en projet présente deux défauts fondamentaux. D'abord, la réforme s'est limitée à la prévention. C'est-à-dire que l'objectif ne serait pas de punir pour dissuader la commission de l'infraction. Les rédacteurs du protocole facultatif sont partis d'un constat : « convaincus que d'autres mesures sont nécessaires pour atteindre les objectifs de la convention contre la torture et autres peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants... »72(*). et pour apporter ces mesures qui manquent pour atteindre les objectifs de la convention, il faut selon les rédacteurs, la prévention. Alors que la convention elle-même avait plusieurs mesures de prévention73(*). Il s'agit des systèmes de rapports périodiques (art.19) et surtout des mesures louables prévues à l'article 20. Ces mesures peuvent conduire le comité à descendre sur le terrain pour enquêter. Mais elles sont devenues ineffectives à cause de l'usage qui en est fait. Ce qui veut dire concrètement que les nouvelles mesures qu'apporte le protocole facultatif n'atteindront leur objectif que si et seulement si, on en fait un bon usage. Et l'usage le plus bénéfique à notre avis c'est le constat de torture et peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants auquel ces mesures pourront conduire, puisse déboucher sur la répression ou au moins puisse servir de preuve devant les juges. Il n'y a que la répression qui puisse réduire ce crime puisqu'elle a plusieurs fonctions à savoir : dissuader, décourager, effrayer, réparer, dédommager... Ensuite, le deuxième défaut fondamental, à notre avis, de ce protocole est son domaine d'action trop limité : les lieux de détention. C'est croire que le torture et peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ne peuvent se commettre qu'en prison. Nous sommes d'accord que les périodes de détention constituent des périodes propices pour subir la torture. Mais les infractions de sévices corporelles, la torture psychologique, les humiliations grossières... ne sont pas l'apanage des seuls personnels pénitentiaires et autres intervenants dans la garde des personnes privées de liberté74(*). La torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants se commettent un peu partout et à tout moment : à la maison, au travail, à l'école, sur la voie75(*). Limiter les actions aux seuls lieux de détention, c'est priver un grand nombre de victimes potentielles d'être protégées contre la torture. Seule la répression de toute personne, physique ou morale, reconnue coupable d'acte de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants peut susciter une méfiance et une prise de conscience des auteurs potentiels de ces crimes. * 72 Préambule du projet de protocole facultatif à la convention contre la torture §2. * 73 Divers mécanismes pareils à ce que le protocole facultatif existaient déjà dans certains pays mais n'ont rien apporté comme solution. C'est le cas par exemple du Comité National des droits de l'homme au Cameroun, créé par décret n° 90/1459 du 8 novembre 1990. * 74 Par exemple le fait d'exposer des fillettes au risque d'excision est une violation des dispositions interdisant la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants : trib. Administratif de Lyon, 12 Juin 1996. * 75 Les humiliations assimilables à des traitements inhumains ou dégradants sont plus graves si elles surviennent en public, dans la rue par exemple. |
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