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La représentation de l'Afrique et des Africains dans les écrits d'un missionnaire poitevin. Le père Joseph Auzanneau à  Kibouendé (Congo français) 1926-1941

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par Josué Muscadin
Université de Poiters - Master 1 2011
  

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B- Le temps des grandes découvertes129

A partir de la deuxième moitié du XVe siècle, les progrès de la technique navale, de la géographie, mais aussi les nécessités économiques poussent l'Europe à envisager de se tourner vers l'extérieur. Surmontant leur peur d'une mer hostile et l'emprise des légendes qui affirment qu'au-delà de l'horizon règne le vide, certains individus quittent les rivages de la

127 A ce sujet, voir R. P. Jameson, Montesquieu et l'esclavage, 1911, pp. 172 à 182

128 COHEN, B. William, Op. cit., p. 125

129 Nous entendons par temps de grandes découvertes, la période située entre la fin du XVe et le début du XVIIIe siècle

péninsule Ibérique pour se lancer à l'aventure. C'est ainsi qu'après plusieurs tentatives avortées, des portugais comme Diaz en 1487, Vasco de Gama en 1498 arrivent à marquer l'histoire en passant comme les premiers véritables explorateurs des cotes de l'Afrique : un nouveau monde s'ouvre alors à la connaissance mais aussi et surtout à la convoitise des Européens. L'Etat se méle profondément de la partie. Il ne s'agit plus d'initiatives individuelles d'aventuriers, mais de la mise en place par la couronne portugaise d'une véritable politique des découvertes. Au même moment, le Genevois, Christophe Colomb découvre un continent nouveau dont on ne soupçonnait pas l'existence jusqu'alors, l'Amérique.

Dès lors, ces pionniers de l'exploration de l'Afrique, seront suivis par de nombreux d'autres individus attrapés par ce que l'on pourrait appeler une « fièvre du dehors », le désir de connaitre l'étranger dont on parle beaucoup en des termes qui suscitent la curiosité. Ces derniers feront une relation de leur voyage pour livrer à leurs lecteurs l'étonnement qui fut le leur en découvrant ces êtres si différents, si bizarres de par leurs coutumes, leurs modes de vie, etc. Ces récits de voyages sont exposés d'une manière qui n'est pas innocente puisque le narrateur ne se contente pas de montrer la différence qui existe entre le monde d'oü il vient et celui qu'il découvre, mais il cherche aussi à montrer la « barbarie » de ces populations dans une perspective d'infériorisation. Et ces voyageurs sont partis à la rencontre de ces populations avec des images préconçues dans leurs têtes, ce qui les empêche de faire une observation réelle de leurs hôtes. Ces stéréotypes sont les mêmes que l'on se fait de l'Afrique depuis le Moyen Age, puisque des auteurs comme Pline que nous venons de citer furent très lus au cours de cette période. William B. Cohen130 parle d'une redécouverte de Pline au cours de cette période dont son Histoire Naturelle connut six éditions entre 1450 à 1550. Donc, ces récits ne font que cimenter les images transmises par l'Antiquité et le Moyen Age pour lesquelles l'Afrique se réduisait à un pays peuplé de monstres et d'hommes sauvages.

Toutefois, l'un des mérites de ces récits consiste, d'une part, dans le fait qu'ils apportent des éléments précieux pour éclairer l'histoire sociale et politique de régions traversées par le voyageur, voire l'histoire des cultures matérielles, de l'alimentation, des religions. D'autre part, ils se révèlent fort utiles pour appréhender la mentalité de l'époque puisqu'ils auront pour effet d'influencer l'imagination collective non seulement des contemporains mais aussi des générations à venir. Mais, on ne peut pas ignorer que ces récits souffrent de deux

130 COHEN, William B., Op. cit., p. 130

problèmes majeurs : ils sont très répétitifs et contradictoires. Certains auteurs se contentent de plagier leurs prédécesseurs en empruntant des stéréotypes déjà utilisés. Et, de plus, ils considèrent tout fait observé comme représentatif de la société dans son ensemble131.

On sait par ailleurs que ces écrits inspiraient certains écrivains qui y trouvaient des sujets d'intrigues mais aussi des renseignements sur les moeurs et les coutumes des peuples étrangers pour traiter des sujets à caractère exotique.

Rabelais, auteur de la Renaissance, se trouve influencé par cette même image de l'homme Noir élaborée depuis l'époque médiévale. Dans Pantagruel, il avance que « l'Affrique est coustumière toujours choses produire novelles et monstrueuses132. »

Donc, l'idée d'une Afrique effrayante est encore présente à la Renaissance.

Cependant comme le souligne William B. Cohen, c'est à partir du XVIe siècle que le premier contact direct entre Français et Africains allait avoir lieu. C'est à ce moment que des marchands à la recherche d'ivoire, de gomme, d'or et d'esclave commencent à explorer les côtes de l'Afrique occidentale. De ce contact nait un « choc » oü l'étonnement pour les uns, l'admiration pour les autres constituent la trame ; car le maitre-mot convenable pour rendre compte de cette rencontre est l'incompréhension. Toute la suite de ce rapport entre l'homme blanc et l'homme noir nous semble découler de cette réalité.

Ce contact entre Français et Noirs eût lieu sur le continent africain, mais aussi et surtout dans les colonies antillaises établies dans les années 1620-1630. En 1625, le flibustier Pierre Belain, sieur d'Estambuc, conquit la petite île de Saint-Christophe dans le bassin de la Caraïbe. L'aventurier arrive à convaincre le gouvernement français de la nécessité d'occuper les îles avoisinantes. C'est ainsi que quelques années plus tard, la Guadeloupe et la Martinique devenaient françaises. Saint Domingue, habitée alors par des boucaniers, des flibustiers et des pirates français, tombera en 1655 sous le contrôle de l'Etat français. Ces territoires seront vite exploités par la main d'oeuvre servile des noirs ramenés d'Afrique. La mise en esclavage de ces derniers concorde avec leur infériorité tout en la raffermissant. L'entrée en relation des Français avec les Africains ne change pas réellement la donne.

131 Ibidem, p. 57

132 RABELAIS, Pantagruel, dans OEuvres Complètes, t. 3, Paris, 1873, p. 19

L'idée que l'on se faisait du Continent noir demeure. En 1648, Pierre Bergeron publie Les voyages fameux du Sieur Vincent Le Blanc qui a eu un succès considérable avec plusieurs éditions successives et des traductions en langues étrangères comme Anglais et Hollandais. Le portrait qu'il dresse des peuples vivant à l'intérieur de l'Afrique ne diffère pas de celui du siècle précédent : « Il y a des peuples si sauvages qu'ils ne scavent presque point parler, si salles qu'ils mangent les entrailles des bêtes toutes pleines d'ordures sans les laver, et si brutaux qu'ils ressemblent plutôt à des chiens affamés qu'à des hommes qui ont l'image de la raison133

Toutes ces images élaborées sur l'Afrique depuis l'Antiquité ne sont que des images préconçues et figées, et donc acquises en dehors de toutes expériences, sans fondement précis. Paradoxalement celles-ci sont partagées par un grand nombre de gens, si ce n'est l'ensemble. Ces représentations collectives, telles qu'elles sont ici décrites, se trouvent ancrées dans l'imaginaire des individus et influencent leur vision ainsi que leur discours sur le monde noir.

Que nous léguera alors le XVIIIe siècle à ce sujet ? Le siècle des Lumières va-t-il tout changer ou, au contraire, continuer cette vielle tradition ?

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