Paragraphe2 : L'action en justice des parties
extérieures à la convention de crédit
Les personnes dont il est question ici sont celles que nous
pouvons qualifier d'externes à la convention de crédit ou tout
simplement à l'entreprise : il s'agit en principe des
créanciers133 de l'entreprise (A), et des
cautions non dirigeantes (B).
A- L'action des créanciers de l'entreprise
L'action collective est exercée en premier lieu par un
intermédiaire issu des procédures collectives que l'on nomme le
syndic, qui agit au nom de la masse ou de l'intérêt collectif des
créanciers (1). Néanmoins, l'inaction de cet intermédiaire
peutelle permettre l'exercice de l'action ut singuli de l'action en
responsabilité par les créanciers (2).
1- L'action du syndic
L'article 72 de l'AUPCAP énonce que « la
décision d'ouverture constitue les créanciers en une masse
représentée par le syndic qui, seul, agit en son nom et dans
l'intérêt collectif et peut l'engager ». Il ressort
clairement de ce texte que le syndic seul peut agir en justice pour
défendre les intérêts des créanciers. Il faut
reconnaître qu'il n'en a pas toujours été ainsi.
En effet jusqu'à l'arrêt Laroche de la Cour de
Cassation de 1976134, chaque créancier devait agir
individuellement contre la banque dans la limite du préjudice qu'il a
personnellement subi, mais par l'intermédiaire du syndic
représentant l'ensemble des créanciers réunis au sein de
la masse. Masse où l'on retrouve justement, avec d'autres
créanciers et lui-même à titre de créancier et de
débiteur, le
133 Il s'agit indifféremment des créanciers
internes (associés, salariés...), que les créanciers
externes (obligataires...).
134 Chambre commerciale, 7 janvier 1976, Dalloz 1976, 277, note
DERRIDA et SORTAIS.
banquier qui a consenti les crédits135. La
solution retenue par cette cour dans l'arrêt du 19 mars 1974 était
qu' « il n'appartient pas au syndic d'introduire contre le banquier,
au nom et pour l'ensemble des créanciers formant la masse, une action en
responsabilité... ». Cette solution a été
vivement contestée et considérée comme « une
astuce de procédure », voire un procédé
aboutissant à « l'irresponsabilité de fait des
banques »136.
L'arrêt Laroche du 7 janvier 1976 vient prendre le
contre-pied de la jurisprudence antérieure et affirme que « le
syndic trouve, dans les pouvoirs qui lui sont conférés par la
loi, qualité pour exercer une action en paiement des dommages
intérêts contre toute personne, fût-elle
créancière dans la masse, coupable d'avoir contribué, par
ses agissements fautifs, à la diminution ou à l'aggravation du
passif ». C'est dans des termes voisins que s'est prononcé le
Tribunal de première instance de Ouagadougou dans son jugement du 13
juin 1984137. Cette position est celle qui a été
entérinée par le législateur OHADA138. Mais en
facilitant la voie de l'action collective contre les banques, le texte de
l'OHADA aussi bien que l'arrêt Laroche, ont créé un autre
problème : si le syndic est recevable à agir, les
créanciers conservent-ils leur droit d'action individuelle recevable
face à un syndic inactif ?
2- L'exercice de l'action ut singuli de l'action
collective en cas d'inaction du syndic
La jurisprudence a admis l'exercice de l'action individuelle
pour tout créancier justifiant de l'existence d'un préjudice
personnel, spécial et distinct de celui des autres créanciers.
La question qui se pose et qui demeure est celle de savoir si
l'action ut singuli139 des créanciers est maintenue ou non ?
Autrement-dit un ou plusieurs
135 Cf. DI VITTORIO (J.), Banque 1977 n°368, p. 1354.
136 Cf. GAVALDA (Ch.), JCP. 1971, II, 16686. à cet
égard, il cite une affaire dans laquelle 285 créanciers qui se
prétendaient victimes d'agissements fautifs de 3 banques ; les
créanciers dans la masse, se voyaient débouter et renvoyer
à intenter chacun une action individuelle à l'encontre des
banques.
137 Cf. revue burkinabé de droit, n° 12,
décembre 1987, p. 501 à 518 ; note SAWADOGO (F-M.)
138 Voir article 72 précité note 97.
139Cf. MARTIN (L.M.) pense que ce terme action ut
singuli n'est pas exact. Car, précise t-il, l'analyse procède
d'une analogie avec l'action sociale qui peut et la loi le prévoit
être exercée par un ou plusieurs associés agissant
individuellement ou groupés pour le compte de la
société.
créanciers peuvent-ils agir en justice en d'inaction du
syndic pour la réparation d'un préjudice collectif ?
La doctrine reste encore partagée sur ce point.
Cependant, la Chambre commerciale de la Cour de cassation française, en
1997140, a-t-elle tranché en faveur de ceux qui condamnaient
l'action ut singuli. Elle a ainsi considéré qu'un associé
ou un créancier n'est pas recevable à agir au nom et dans
l'intérêt social. En cas d'inaction du représentant des
créanciers, la seule possibilité dont dispose les
créanciers est la mise en oeuvre de la responsabilité de
celui-ci.
Ceci étant, il faut souligner que, quand bien
même l'action aurait été possible, sa pertinence reste
limitée, puisque le sort des dommages et intérêts reste
sujet à caution. Où devront-ils être affectés?
Seront-ils comme dans le cas de l'action sociale versés à la
société et non à l'associé en cas de l'exercice de
l'action ut singuli141 ? Ou alors seront-ils alloués au
créancier qui a intenté l'action ?
Comme dans le cas de l'action sociale, si le syndic
représentant et défendant l'intérêt des
créanciers manque à sa mission, il serait judicieux qu'avant que
sa responsabilité personnelle ne soit mise en cause, que le ou les
créanciers puissent avoir la possibilité d'exercer en justice
l'action qui était dévolue au syndic défaillant et obtenir
la réparation du préjudice qu'a subi la masse. Les sommes
allouées devraient logiquement entrer dans le patrimoine de la
société142. Ainsi donc, l'action ut singuli devrait
être admise mais seulement à titre subsidiaire143, en
cas d'inaction du syndic.
Ainsi, l'article 72 alinéa 1 ne peut faire obstacle
à l'exercice par le créancier d'une action contre les actes
frauduleux du banquier indélicat. Cette règle devrait trouver
application chaque fois que le syndic néglige d'agir au nom de
l'intérêt des créanciers qu'il représente.
L'article 167 l'AUDSC.GIE prévoit aussi ce cas de
figure quand il dispose que : « un ou plusieurs associés peuvent
intenter l'action sociale après une mise en demeure des organes
compétents non suivie d'effet dans le délai de trente jours. Les
demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation du
préjudice subi par la société. En cas de condamnation, les
dommages et intérêts sont alloués à la
société ».
140
Cass. Com. 3 juin 1997, D, 1997, jur. p.
517, note DERRIDA (F.).
141 Selon l'article 167 précité, les dommages
intérêts alloués lors de l'exercice de l'action ut singuli
sont versés à la société. Cette action permet la
réparation du préjudice collectif suite à l'action d'un ou
de plusieurs créanciers
142 Pour MARTIN (L-M.), les dommages intérêts
obtenus sont versés non à la société comme dans
celle de l'action sociale mais au créancier qui a intenté
l'action pour la réparation de son préjudice personnel, ouvrage
précité, p. 406.
143
Cass. Com. 25 juin 1981, d. 1981 p.643
1ere espèce, note DERRIDA (F.) et SORTAIS (J-P.) ; D. 1982,
I, 196, obs. VASSEUR (M.).
Les créanciers de l'entreprise défaillante,
agissant seul ou sous le couvert du syndic sont ceux dont les
intérêts sont les plus protégés. La jurisprudence
est favorable à leur action. Qu'en sera-t-il de la caution
non-dirigeante?
|