SOMMAIRE
INTRODUCTION GENERALE 1
PREMIERE PARTIE : UN FONDEMENT DEROGATOIRE AU DROIT COMMUN DE
LA RESPONSABILITE CIVILE 9 CHAPITRE 1 : LES OBLIGATIONS DU BANQUIER A
L'EGARD DU CLIENT . 11
Section1. L'appréciation de l'opportunité du
crédit 11
Section 2 : La surveillance des fonds prêtés 22
CHAPITRE 2 : LES OBLIGATIONS DU BANQUIER A L'EGARD DES
TIERS. 28
Section 1 : Les conditions objectives du soutien abusif 29
Section 2 : Les conditions subjectives du soutien abusif: La
connaissance de la
situation de l'entreprise 34 DEUXIEME PARTIE : UNE
RESPONSABILITE DU BANQUIER EMPRUNTANT AU DROIT COMMUN DE LA RESPONSABILITE
CIVILE AU NIVEAU DE LA
SANCTION 37
CHAPITRE 1 : LA MISE EN OEUVRE DE LA SANCTION 38
Section 1 : Le préjudice et le lien de causalité
38
Section2 : Les demandeurs à l'action 45
CHAPITRE 2 : LE REGIME DES SANCTIONS 54
Section1 : La sanction patrimoniale : l'octroi des dommages
intérêts 54
Section2 : Les sanctions extrapatrimoniales : la
déchéance des sûretés 58
CONCLUSION GENERALE 61

INTRODUCTION GENERALE
Le développement du crédit depuis un
demi-siècle a conduit la jurisprudence, la doctrine et les pouvoirs
publics à porter la plus grande attention à l'attitude du
dispensateur de crédit. Il peut s'agir d'un associé, d'une
société mère ou d'un fournisseur. Le plus souvent, il
s'agit du banquier1. Le terme banquier employé ici ne doit
pas être pris dans son sens premier. En effet, il ne s'agit pas du
préposé de la banque, personne physique, employé, qui
travaille pour le compte de la banque. Mais, plutôt, l'entreprise,
personne morale qui l'emploi, c'est-à-dire la banque.
Aussi, la banque doit être comprise dans un sens
général, comme faisant partie d'un grand ensemble appelé
établissement de crédit2. De manière
générale, la banque peut être définie comme «
un commerçant qui spécule sur l'argent et le
crédit »3. Plus spécifiquement, la banque
est une personne morale ou une entreprise qui effectue à titre de
profession habituelle des opérations de banque4.
La banque est au coeur de l'activité économique.
Elle a pour rôle majeur de collecter des dépôts d'argent,
puis de les utiliser sous forme de crédits ou investissement. C'est en
cela que la banque fait partie de ce que l'on nomme intermédiaire
financier. L'intermédiation financière désigne le
rôle des établissements financiers qui reçoivent
l'épargne des ménages et qui la redistribuent sous forme de
crédit. La banque constitue en quelque sorte cette «
passerelle » entre ceux qui souhaitent sauvegarder leurs avoirs
d'une part, et ceux qui, d'autre part, voudraient obtenir du crédit pour
le financement de leurs activités. De nos jours, aucune activité
ne peut visiblement prospérer sans le concours des banques qui, à
cet effet, accordent
1 La banque n'est pas la seule structure qui
accorde des crédits à une entreprise. Souvent à la fin
d'une procédure de liquidation des biens d'une entreprise, le passif
fournisseur est le plus élevé.
2 On regroupe sous le vocable établissement
de crédit, les banques, les établissements financiers, les
sociétés financières d'investissement et de participation,
la caisse d'épargne postale, les banques mutualistes et les
établissements de micro finance. Ainsi tout au long de notre devoir nous
utiliserons indistinctement les termes banque, banquier, établissement
de crédit pour désigner cette personne morale qui fait le
commerce de l'argent.
3 Cf. RIPERT (G.) et ROBLOT (R.), Traité
de droit commercial, T.2, par DELEBECQUE (Ph.) et GERMAIN (M.), LGJD,
17°éd. 2004, n°2216.
4 Cf. Article 14 al. 2 du décret
n°90/1469 de 9 novembre 1990, portant définition des
établissements de crédit. Ces opérations comprennent entre
autres : la réception des fonds du public, les opérations de
crédit et la mise à la disposition de la clientèle ou la
gestion des moyens de paiement. A coté de ces opérations dites
principales, il en existe d'autres, plutôt accessoires. On tient pour
opérations de banque celles qui se rattachent à la circulation de
la monnaie ou à la distribution du crédit. Au Cameroun,
l'exercice de l'activité bancaire est réglementé par
l'ordonnance N°85/002 du 31 août 1985 relative à l'exercice
des établissements crédit. Ce texte de base a subi plusieurs
modifications et compléments notamment avec les lois N°88/008 du 15
juillet 1988 et N°90/019 du 10 août 1990. Plusieurs textes ont
été adoptés par la suite. Cette législation
nationale a été subrogée en partie par la
législation communautaire CEMAC.
des crédits nécessaires à sa
réalisation ou sa consolidation5, ou encore pour
sécuriser les fonds en les gardant. Les banques sont pour les
entreprises non seulement des temples où elles gardent leurs ressources,
mais aussi des sources de trésorerie6. Cet ainsi que, le
banquier se voit attribué le plus souvent plusieurs casquettes. Il peut
être souvent mandataire7, dépositaire8,
gardien de coffre-fort9, mais surtout dispensateur de
crédit.
Comme dispensateur de crédit, le banquier est
celui-là qui met à la disposition de son client les fonds
sollicités par lui, et qui sont nécessaires à la
réalisation de ses projets. Le crédit peut être
défini comme toute opération par laquelle une personne agissant
à titre onéreux, met ou promet de mettre des fonds à la
disposition d'une autre personne ou prend dans l'intérêt de
celle-ci un engagement par signature tel qu'un aval, un cautionnement ou une
garantie10. Il ressort de cette définition que le
crédit11 comporte une multitude de techniques allant du
prêt d'argent, au cautionnement et à l'aval bancaire. Le
rôle du crédit est sans précédent dans
l'économie mondiale et plus particulièrement dans nos pays
africains en développement12. Monsieur STOUFFLET
écrivait d'ailleurs en ce sens qu' « il demeure que la banque
crée et véhicule une valeur qui n'est pas une marchandise comme
les autres : la monnaie. C'est le sang de l'économie. Les actes et les
abstentions du banquier ont de ce fait des conséquences sans commune
mesure avec les comportements des autres agents économiques
»13.
L'attribution d'un tel crédit dépend largement
de la confiance que le demandeur inspire au banquier. Prenant le risque
à l'occasion de chaque opération de crédit, le
5 Les banques partagent ce rôle avec les
marchés financiers (bourses) qui sont des marchés sur lesquels
des titres sont vendus et achetés.
6 Cf. TIANI (F.), « les entreprises face aux
banques dans le contexte actuel au Cameroun », in Juridis info,
n°06 avril-mai-juin 1991, p. 71
7 Comme mandataire, le banquier doit se conformer aux
ordres de son client et agir selon ses recommandations. C'est par exemple le
cas lorsque le banquier assure la gestion et les moyens de paiement d'une
entreprise.
8 Comme dépositaire, le banquier reçoit
ou collecte les recettes du client pour les conserver dans un compte bancaire.
Il s'agit en général des dépôts des clients dans des
comptes bancaires.
9 Comme gardien de coffre-fort, le banquier par un
contrat appelé contrat de location de coffre fort assure la garde des
biens de ses clients dans son coffre fort. Lui étant le bailleur de
coffre fort et le client le locataire. Cette activité n'est pas encore
exercée par les banques camerounaises.
10 Cf. Article 14 alinéa 1 du décret de
1990 précité.
11 Le crédit peut être à court,
moyen ou long terme.
12 Les entreprises africaines ont grand besoin des
crédits pour pouvoir se développer et faire concurrence avec les
grandes firmes occidentales.
13 Cf. STOUFFLET (J.), « Devoirs et
responsabilités du banquier à l'occasion de la distribution du
crédit », rapport aux journées de droit bancaire de
l'Université de Paris I, 10 et 11 février 1977
banquier s'assure au moment de l'accord, que son contractant
présente des capacités de remboursement14. Aussi,
doit-il s'assurer que le crédit ne comporte aucun risque tant à
l'égard du client que des tiers, de peur de voir sa
responsabilité engagée.
La responsabilité peut être ainsi définie
comme l'obligation pour une personne de réparer le dommage causé
à autrui15, par un acte contraire à l'ordre public. Le
terme responsabilité est tiré du latin « responsus
», participe passé de « respondere », qui
signifie « se porter garant, répondre ». La
responsabilité représente donc « l'obligation de
répondre d'un dommage devant la justice et en assumer les
conséquences civiles, pénales, disciplinaires... soit envers la
victime, soit envers la société16 ». La
responsabilité est au coeur de notre droit comme elle est au fondement
des rapports humains. Par conséquent, toute activité aussi
importante fût-elle, l'octroi du crédit ne peut déroger
à une éventuelle responsabilité du dispensateur.
L'idée que la responsabilité du banquier pouvait
être retenue du fait du crédit a choqué plus d'un. «
On est sans doute, en dessous de la réalité si l'on parle
d'émotion pour caractériser la réaction qu'a
suscité dans la profession bancaire, l'affirmation, par la
jurisprudence, il y'a une trentaine d'années, du principe d'une
responsabilité d'un préteur...Le terme scandale traduirait mieux
le sentiment qu'éprouvèrent les banquiers lorsque les
premières décisions furent rendues »17. Les
banques répugnent en effet à voir le juge s'immiscer dans ce qui
constitue « l'âme même de leur métier
»18, la liberté d'appréciation du risque.
Désormais, le risque couru par le banquier est double : lorsque le
banquier octroi du crédit il ne risque plus seulement
l'insolvabilité du débiteur, il risque aussi de voir sa
responsabilité retenue.
Certes, il parait surprenant que celui qui sollicite un
service et l'obtient puisse s'en plaindre par la suite. En effet, celui «
qui obtient ce qu'il a demandé, souvent avec insistance, est mal
venu de s'en plaindre ensuite ». La réflexion doit être
menée d'un point de vue juridique. Le droit enseigne que chacun est
garant du dommage qu'il
14 Cf. GATSI (J.), « Le recouvrement des
créances bancaires en droit OHADA », in L'effectivité du
droit OHADA, PUA, janv. 2006, p. 130
15 Le droit de A à Z, Dictionnaire
juridique pratique, EJE, 3°éd. 1998
16 Cf. CORNU (G.) et CAPITANT (H.), Vocabulaire
juridique, PUF, 8°éd. 2007.
17 Cf. STOUFFLET (J.), « Retour sur la
responsabilité du banquier donneur de crédit », in
Mélanges Cabrillac, Dalloz-Litec, 199, p. 517.
18 Cf. STOUFFLET (J.), article
précédent.
cause à autrui. C'est d'ailleurs dans cet esprit qu'est
rédigé l'article 1382 du Code civil19 qui dispose que
: «tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un
dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le
réparer.» Ce texte n'est-il pas rédigé en des
termes assez généraux pour qu'on n'en retienne qu'une
interprétation restrictive et qu'on exclut de son domaine l'octroi du
crédit? La responsabilité n'estelle pas l'obligation de
réparer le dommage causé à autrui par un acte contraire
à l'ordre juridique20, que ce dommage soit recherché
ou non?
Bien avant l'apparition des banques sous leur forme actuelle,
il a été constaté dès le IIème siècle
après J-C, la première forme de mise en jeu de la
responsabilité du banquier. Celui-ci, lorsqu'il présentait
à ses clients des arrêtés de compte volontairement inexacts
ou réclamait plus qu'il ne lui était dû, il perdait sa
créance, en capital et en intérêts21. Mais
aussi, l'on évoque l'arrêt de la Cour de cassation du 1er
août 1876 qui rejeta le pourvoi formé contre un arrêt de la
Cour d'appel. Cet arrêt condamnait des banquiers à réparer
le préjudice causé au fournisseur de l'un de leur client, client
auquel ils avaient octroyé un crédit apparent dissimulant le
passif dont il était accablé22.
La responsabilité du banquier dispensateur de
crédit peut être recherchée aussi bien sur le plan
pénal, civil ou disciplinaire. Le principal cas de responsabilité
pénale du banquier dans le cadre de son activité de crédit
est la complicité de banqueroute par l'utilisation de moyens ruineux,
quand le crédit a eu pour objet d'éviter ou de retarder
l'ouverture d'une procédure collective23. Par ailleurs, la
responsabilité disciplinaire du
19 Cet article est considéré comme
l'article le plus important du code civil et le socle de la
responsabilité civile.
20 Cf. TOURNEAU (Ph.) et CADIET (L.), Droit de la
responsabilité, D. 1999, p. 1.
21 Cf. LHOSPICE (A.) et MEISSONNIER (M.), « La
responsabilité du banquier fondée sur l'octroi de crédit
excessif » in Cahier de recherche ESC PAU n° 3, p. 33
22 Cf. MILOGA (J.), « Responsabilité du
banquier dispensateur de crédit », séminaire de l'AJBEF du
05 au 09 novembre à Douala, www.ajbef.info
23 Il s'agit du délit de banqueroute
prévu par l'AUPCAP et réprimé au Cameroun par la loi de
n°2003/008 du 10 juillet 2003portant répression des infractions
contenues dans certains Actes uniformes. L'article 25 alinéa 1 de cette
loi dispose : « est coupable de banqueroute simple et puni
d'emprisonnement d'un mois à deux ans, tout commerçant, personne
physique, en état de cessation des paiements qui, (...) emploie des
moyens ruineux pour se procurer des fonds » ; l'article 28 quant à
lui dispose que, « sont punis d'un emprisonnement d'un mois à deux
ans les dirigeants visés à l'article 27 ci-dessus, qui en cette
qualité, et, de mauvaise foi, ont (...) employé des moyens
ruineux pour se procurer des fonds dans l'intention de retarder la constatation
de cessation des paiements de la personne morale (...) » Par
conséquent, sera puni des mêmes peines, tout banquier qui aurait
fourni des moyens ruineux soit à une personne physique ou morale dans
l'optique de retarder la cessation des paiements.
Article 231 al 2 de l'AUPCAP
banquier est l'oeuvre de l'organisme qui assure la
surveillance des établissements de crédit24, des
pouvoirs publics25 ou même l'association professionnelle des
établissements de crédit26. Sans toutefois
dénier l'intérêt qu'on pourrait tirer de l'étude de
ces deux cas de responsabilités, un accent particulier devrait
être mis sur la responsabilité civile du banquier.
La responsabilité du banquier dispensateur de
crédit peut être retenue lorsque celui-ci met le crédit
à la disposition du client ou en cas de rupture abusive du contrat de
crédit. La responsabilité du banquier pour rupture abusive du
crédit est essentiellement fondée sur le contrat de
crédit. Chaque fois où le banquier ne mettra pas ou rompra
à tort le crédit, il verra sa responsabilité
engagée27. Seule l'hypothèse de responsabilité
où le banquier met effectivement le crédit à la
disposition du client sera examinée dans cette étude.
La principale fonction de la responsabilité civile est
la réparation en nature du dommage causé28.
Cette responsabilité était fondée sur
l'idée que les banques seraient « l'instrument d'un service
public de distribution et de régulation du crédit » et
leur responsabilité était appréciée en fonction de
la notion de « service public ». Elle était par
conséquent basée sur la présomption de
responsabilité. C'était au banquier de rapporter la preuve qu'il
n'a pas commis de faute. Le professeur BOULOC, à cet égard,
écrivait: « on éprouve le sentiment que, pour les
tribunaux, le banquier tend à être présumé toujours
responsable quelles que soient les circonstances et les conditions dans
lesquelles le banquier a été emmené à consentir un
crédit »29. Comme le remarque par ailleurs un
auteur, c'est une idée assez fausse et il n'est pas possible
d'assimiler, même approximativement, l'activité bancaire à
une activité de
24 Dans le cadre de la CEMAC, cette fonction est
assurée par la Commission Bancaire de l'Afrique Centrale (COBAC).
25 Au Cameroun c'est le Ministère des finances
à travers le Conseil National du Crédit, qui assure la tutelle
des établissements de crédit.
26 La réglementation bancaire actuelle issue de
l'ordonnance de 1985 a prévu la mise sur pied d'une association
professionnelle regroupant à la fois les banques et les
établissements financiers. L'adhésion y est obligatoire.
27 Les cas d'exonération possible de la
responsabilité du banquier en cas de rupture du contrat de crédit
sont : l'arrivée de l'échéance en cas de contrat à
durée déterminée ; une modification importante intervenue
chez le crédité ; il en est de même lorsque la situation de
crédité est irrémédiablement compromise.
28 La responsabilité a aussi une fonction
préventive. Voir à ce propos TOURNEAU (Ph.) et CADIET (L.),
ouvrage précité, p. 1.
29 Cf. BOULOC (M.), cité par MILOGA (M.),
article précité, p.2
service public, bien qu'elle fasse l'objet d'une
réglementation particulière et contraignante30.
Par la suite, cette responsabilité de la banque a
été fondée sur la notion de faute. Il revenait au
demandeur de prouver la faute de la banque. C'est cette conception de la faute
prouvée qui prévaut actuellement au Cameroun et dans le droit de
l'OHADA en générale. Elle est évoquée par les
articles 118 de l'Acte Uniforme portant organisation des Procédures
Collectives et d'Apurement du Passif et 22 alinéa 1 et 2 de la loi
camerounaise n° 85/ 002 du 31 août 1985 relative à l'exercice
de l'activité des établissements de crédit. Le premier
texte dispose, « les tiers, créanciers ou non qui, par leurs
agissements fautifs, ont contribué à retarder la cessation des
paiements, à diminuer l'actif ou à aggraver le passif du
débiteur peuvent être condamnés à réparer le
préjudice subi par la masse sur l'action du syndic agissant dans
l'intérêt collectif des créanciers... ». Le
second article quant à lui précise que «
l'établissement de crédit n'est tenu de respecter aucun
délai de préavis, que l'ouverture de crédit soit à
durée indéterminée ou déterminée en cas de
comportement gravement répréhensible du
bénéficiaire du crédit, ou au cas où la situation
de ce dernier s'avérerait irrémédiablement compromise. Le
non respect de ces dispositions peut entraîner la responsabilité
pécuniaire de l'établissement de crédit. »
L'article 118 ne fait expressément allusion au
banquier, puisqu'il parle de « tiers, créanciers ou non...
». C'est souvent et très généralement en ses
qualités que la banque voit sa responsabilité
engagée31.
Cette responsabilité du banquier peut être
contractuelle à l'égard du client et délictuelle à
l'égard du tiers, mais ce sera toujours une responsabilité
fondée sur la notion de faute32. Cette responsabilité
du banquier commence là où cesse l'exercice normal de son
activité qui est principalement financière. Cette
responsabilité est généralement mise en cause à
l'occasion de la défaillance de l'entreprise cliente.33
30 Cf. MARTIN (L-M.), Traité de droit
commercial, Banque et bourse, T.7, III° éd. p. 400.
31 « Dans la pratique, cette solution n'a pas conduit
à de fréquentes condamnations des banquiers, qui auraient eu pour
effet de les inciter à réduire leur concours aux entreprises en
difficulté au moment où elles en ont le plus besoin »,
souligne SAWADOGO (F-M.), in OHADA, Traité et actes uniformes
commentés et annotés, Juriscope 2002, p. 902.
32 La faute peut être définie comme la
violation d'une obligation légale.
33 Sous le coup d'une procédure collective.
L'étude de cette responsabilité du banquier,
nous permettra de montrer dans quelle mesure les normes légales et
jurisprudentielles qui régulent la distribution du crédit peuvent
permettre de dégager une ligne de conduite destinée au banquier.
Ceci se passera par la mise en relief d'un ensemble de règles de
prudence qui s'imposent au banquier, dans l'octroi et dans le suivi du
crédit. Nous pourront par conséquent définir le
degré de risque « acceptable pour l'économie,
c'est-à-dire pour les tiers34 ». Etant donné de
l'absence de la jurisprudence camerounaise et africaine adéquate en la
matière, nous justifieront nos propos plus par la jurisprudence
française.
La responsabilité du banquier dans son principe
respecte les canaux classiques de la responsabilité civile. Ainsi, celui
qui se plaint des agissements fautifs du banquier doit prouver l'existence
d'une faute, d'un dommage et d'un lien de causalité. L'activité
bancaire est une activité spécifique, professionnelle, en ce sens
qu'elle est régie par un droit qui lui est propre35. Cette
spécificité de la banque déteint fortement sur
l'application stricto sensu des règles de droit commun et tend à
les colorer de traits originaux. Cette responsabilité du banquier
dispensateur de crédit n'est donc pas identique point par point à
la responsabilité civile de droit commun. Par conséquent, son
régime juridique36 doit être
déterminé.
La réglementation bancaire est assez diversifiée
et éparse. L'étude de ce régime s'effectuera à
travers cette multitude de législations, aidée en cela par la
doctrine et la jurisprudence. Il ressort nettement des différents textes
que la véritable difficulté réside dans la
définition de la faute du banquier. Il s'agit de l'appréciation
de la faute d'un professionnel avec à sa charge de nombreuses
obligations.
C'est l'élément le plus original de la
responsabilité bancaire et elle est dérogatoire au droit commun
de la responsabilité (première partie). Tel
n'est pas le cas en ce qui concerne ses conséquences qui sont
empruntées au droit commun de la responsabilité
civile(deuxième partie).
34 Cf. STOUFFLET (J.), « retour sur la
responsabilité du banquier donneur de crédit »,
précité, p. 517.
35 Il s'agit du droit bancaire.
36 L'étude du régime juridique d'une
notion est l'étude de l'ensemble des règles applicables à
cette notion.

PREMIERE PARTIE : UN FONDEMENT DEROGATOIRE AU
DROIT COMMUN DE LA RESPONSABILITE CIVILE
La faute est l'élément le plus original de la
responsabilité du banquier, et, elle sera, selon le cas, de nature
contractuelle ou délictuelle ; mais ce sera toujours une faute
appréciée in concreto37 par rapport au
comportement du bon banquier38. Cette faute est originale d'autant
plus qu'il s'agit d'apprécier le comportement d'un professionnel. Elle
prend une connotation particulière et sa définition n'est plus
aisée. Il s'agit donc d'une faute professionnelle et la principale
difficulté c'est de la définir.
Au lieu de procéder à une démarche
explicative des différentes fautes pouvant être reprochées
au banquier, nous adopterons plutôt la démarche
préconisée par un auteur39, qui est celle
d'établir les différentes obligations incombant aux banques dans
le cadre de l'octroi de crédit. L'idée que les banques «
s'apparentent à un service public » pousse les tribunaux
à exiger des banques une grande rigueur et un devoir discernement, qui
ne va pas jusqu'à un devoir de clairvoyance économique
absolu40. Pour cela, le crédit doit être
dénié de tout risque, aussi bien pour le crédité
que les tiers. Ainsi le banquier est tenu d'obligations aussi bien à
l'égard du tiers (chapitre 2), que du client (chapitre 1)
Chapitre 1 : Les obligations du banquier à l'égard
du client
Chapitre 2 : Les obligations du banquier à l'égard
du tiers
37 Selon le Lexique des termes juridiques
l'appréciation in concreto se dit de la manière
d'apprécier le comportement d'une personne dans une situation
donnée, en ne tenant compte que de ses propres aptitudes, sans
références à ce qu'aurait été le
comportement standard d'une personne avisée.
38 Cf. GAVALDA (Ch.) et STOUFFLET (J.), ouvrage
précité.
39 Cf. RIVES-LANGE (J-L.) et RAYNAUD (C.), Droit
bancaire, D. 1986, n°546, p. 678.
40 RIPERT (G.) et ROBLOT (R.), Traité de droit
commercial, T. 2, n° 227, cité par GAVALDA (Ch.) et STOUFFLET (J.),
ouvrage précité.
CHAPITRE 1 : LES OBLIGATIONS DU BANQUIER A
L'EGARD DU CLIENT

Le crédit est le support de la faute et doit par
conséquent être «digne» et ne revêtir
aucun caractère fautif. Tout d'abord, il peut paraître inopportun
et constituer une faute. Le banquier doit apprécier l'opportunité
du crédit (section1). Ensuite, le banquier doit
procéder à une surveillance du crédit octroyé. Son
défaut constitue par conséquent une faute
(section2).
Section1. L'appréciation de l'opportunité
du crédit
Lors de l'octroi du crédit, le banquier doit s'informer
non seulement sur la situation de l'entreprise, mais aussi sur l'objet du
crédit. Il faut admettre, en effet, que la prudence d'un « bon
banquier » l'oblige à veiller au caractère rationnel du
crédit et de son opportunité pour le débiteur. Ainsi, la
question de l'opportunité ou de l'inopportunité du crédit
semble être un principe dont il convient de préciser le fondement
(paragraphe 1), après quoi nous examinerons une
donnée essentielle dans l'appréciation de la
responsabilité du banquier, à savoir la prise en compte de la
personnalité du débiteur (paragraphe 2).
Paragraphe1 : Le principe de l'opportunité du
crédit
L'étude du contenu (A) de ce principe va
précéder celui de son fondement (B)
A- Le Contenu du principe de l'opportunité du
crédit
La difficulté apparaît particulièrement
lorsque la nature et les modalités des crédits apportés
sont d'une importance considérable. En effet, un concours très
court, trop cher ou trop réduit, ne fera que provoquer des
difficultés, aggraver la situation alors que s'il avait
été bien adapté, il aurait pu permettre la poursuite de
l'exploitation.
Les tribunaux devront, pour retenir la faute du banquier,
constater qu'au moment de l'octroi du crédit, ce dernier ne pouvait
qu'inévitablement conduire à la
cessation des paiements. En d'autres termes, il faut que le
crédit soit incompatible avec toute perspective de
rentabilité41.
Le montant n'est pas à lui seul
révélateur d'une faute. Aussi, un crédit remboursé
sans incident pendant plusieurs années n'est pas constitutif de faute.
Le critère de la faute est plutôt celui de l'inadéquation.
La proportion du soutien financier doit correspondre à la situation
économique de l'entreprise. Ainsi, le banquier doit veiller à ce
que le montant ou le coût du crédit ne soit pas hors de proportion
avec les facultés financières de l'emprunteur. Les termes
utilisés par les juges pour qualifier cette faute sont assez
variés, mais expriment la même réalité ou sont
très proches : il s'agit du crédit « excessif
», « dépassant manifestement » les
capacités de remboursement de l'emprunteur ou révélant une
« disposition manifeste », « hors de proportion
», « incompatible », « sans rapport
» avec les ressources de l'entreprise. La détermination du
caractère inapproprié du crédit ne peut résulter
que de la confrontation de son montant et de ses caractéristiques
financières à un ensemble permettant d'analyser au plus
près la situation de l'emprunteur lors de l'octroi du prêt.
Ainsi, pour apprécier cette disproportion, on tient
compte, en général, des fonds propres42, du fond de
roulement, de l'évolution du chiffre d'affaires. Mais, la faiblesse des
fonds propres n'est pas à elle seule suffisante pour établir la
faute du banquier, sinon, le banquier ne pourrait jamais financer la
création d'entreprises43.
S'agissant particulièrement de la création
d'entreprise ou d'un projet nouveau, le banquier se doit de s'assurer tout
simplement qu'il a en face de lui un projet viable. Il doit faire preuve d'un
grand discernement. Ce discernement doit être relatif, non pas à
la situation financière de l'entreprise, mais au crédit
lui-même. Puisque la société peut être en formation,
et il est par conséquent impossible pour lui de se baser sur son
passé. Il est seulement possible de prendre en compte des projections.
La jurisprudence admet dans ce cas la responsabilité du banquier, au
motif qu'avant de mettre à
41 Redressement et liquidation judiciaire
(Responsabilité du banquier), J-CI Banque-crédit-bourse, 2000,
fasc. 520, n°14.
42 Cf. JEANTIN (M.), « La situation du banquier
dispensateur de crédit », Revue Procédure Collectives ; 1991
p. 141.
43 Cf.
Cass. Com. 18 juin 1996, RTD com. 1996, P.
701, obs. CBRILLAC (M.).
disposition des moyens de paiement44, le banquier
devait apprécier si le projet était ou non dépourvu de
toute crédibilité.
La banque est un partenaire incontournable qui ne peut
financer n'importe quel montant ou des projets trop hasardeux. C'est sur cette
base qu'il faut comprendre l'appréciation de l'opportunité du
crédit, dont le fondement a été précisé par
la jurisprudence.
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