1.4.3. Comment l'aide alimentaire
Cette question fait écho à celle du «
pourquoi ? ». Car si la finalité doit être juste, les moyens
et les procédures mis en oeuvre pour y parvenir doivent l'être
tout autant. Ceci nous amène une nouvelle fois au débat autour de
la justice sociale. Même si l'expression d'une justice substantive
manifeste la bonne intention de l'aide alimentaire, les pratiques nous montrent
la nécessité de procédures équitables, donc d'une
justice procédurale. Autrement dit, la
73 CHAMARKH et BALLET, Op.cit
mise en place de cette aide ne doit ni générer
d'effets externes négatifs dans les pays aidés, ni être
l'instrument d'une domination par les donateurs. Pour cela, il faut commencer
par définir les objectifs de l'aide et sa durée. Une
évaluation de la situation alimentaire et des besoins d'aide alimentaire
est indispensable avant, pendant et après les actions. Souvent les
infrastructures et les transports locaux sont mal adaptés pour
gérer des flux de produits alimentaires. Il arrive que des milliers de
gens meurent de la faim, alors que des milliers de tonnes d'aliments se
gâtent au port ou sont vendues sur le marché noir.
Tous ces constats et exigences ont été traduits
dans la charte de l'Aide alimentaire par les pays donateurs et
bénéficiaires. Mais malgré son existence depuis une
vingtaine d'années, elle n'est que peu respectée car non
contraignante pour ses signataires. Le défi est de faire respecter la
charte pour garantir une sécurité alimentaire durable et
établir une volonté politique collégiale, faite de
renforcements et de partenariats. Ces initiatives peuvent se traduire par une
aide triangulaire où le Programme Alimentaire Mondial, organe des
Nations Unies, aurait un rôle majeur à jouer. L'envoi de
céréales venues du Nord serait remplacé par une somme
d'argent destinée à acheter des céréales produites
localement en zone excédentaire, pour les redistribuer aux populations
nécessiteuses, tout en veillant à ne pas déstabiliser les
marchés locaux et en prenant en compte la capacité d'absorption
des individus bénéficiaires. De nombreuses expériences
réussies ont existé principalement à l'initiative
d'ONG.
Pour clore, la question qui doit être l'aboutissement
d'une réflexion éthique portée sur l'aide alimentaire
devrait être celle-ci : comment se passer de l'aide alimentaire ? Il
s'agit non seulement d'envisager de supprimer l'aspect structurel d'une famine
potentielle (politique agricole performante), mais également d'envisager
qu'un Etat puisse être en capacité de protéger sa
population de la faim suite à une catastrophe naturelle ou non. Il
serait tentant de dire que si la réponse était connue alors elle
serait déjà en application.
Toutefois, si nous avons correctement répondu avec
éthique aux questions précédentes, alors nous ne devons
probablement pas être loin de la réponse à cette
dernière question. Il semblerait dès lors que la justice sociale
n'est pas substantive ou procédurale, mais substantive et
procédurale, car l'universalité des droits humains ne peut
s'exprimer au détriment de la capacité des peuples à y
subvenir par eux-mêmes.
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