1.2. Théorie générale sur
l'agriculture dans une approche économique
Plusieurs auteurs ont parlé de l'agriculture comme
moteur du développement économique mais certains d'eux ont fait
une synthèse particulièrement remarquable dans le processus de la
croissance économique du pays.
Pour que l'agriculture joue réellement et efficacement
ce rôle éminemment historique, elle doit être performante.
Il est donc utile de voir comment l'activité agricole est-elle
financée dans le pays pour améliorer sa productivité et de
voir les dispositions qu'on devrait prendre en vue d'assurer une meilleure
commercialisation de ses produits et voir aussi comment procéder pour
accroitre la valeur ajoutée des produits issus du secteur agricole.
1.2.1. Contribution de l'agriculture à la
croissance économique
Dans les pays où le niveau de développement se
trouve encore dans les premières phases telles que décrites par
Rostow, la croissance de l'agriculture a une forte incidence sur la croissance
économique. Généralement, dans ces pays, l'agriculture y
contribue pour une large proportion au Produit Intérieur Brut (PIB) dans
la mesure où elle est le secteur qui emploie le plus de main-d'oeuvre et
qui produit le plus de richesse. Si l'on considère un modèle
simple à deux secteurs, agriculture et industrie, la croissance
économique est le résultat conjugué de la croissance
pondérée de chacun de deux secteurs.
Dans les pays en développement où la
contribution de l'agriculture est prépondérante, la valeur
ajoutée par l'agriculture peut atteindre 40 à 50 %. Mais, au fur
et à mesure que les autres secteurs prennent de l'importance, la
proportion relative de l'agriculture au PIB diminue jusqu'à tomber
parfois en dessous de 10 %. Ceci se comprend facilement d'autant plus que
les
rendements d'échelle sont plus faibles en agriculture
que dans d'autres secteurs, l'industrie en particulier. L'agriculture
étant un secteur à croissance lente, le taux global de croissance
est d'autant plus faible que le secteur agricole demeure
prépondérant. Tant que sa croissance est lente, l'agriculture
peut constituer un véritable frein à la croissance
économique globale31.
1.2.2. Contribution au transfert des ressources en
faveur des autres secteurs d'activités économiques
Sur ce point, deux principaux transferts sont mis à
contribution : celui de la force de travail et celui de l'épargne.
1.2.2.1. Transfert de la main-d'oeuvre
Dans la section précédente, nous avons
indiqué que le développement des autres secteurs peut occasionner
la réduction de la valeur ajoutée dans le secteur agricole.
L'accroissement de la productivité agricole entraîne une
libération d'une fraction importante de la main-d'oeuvre qui peut
rationnellement être utilisée dans d'autres secteurs de
l'activité économique. Dans ce cas, comme l'écrivaient
déjà les pères de la science économique,
l'agriculture constitue un vrai réservoir de main-d'oeuvre dans lequel
le secteur industriel doit puiser en permanence pour satisfaire ses besoins. Le
secteur agricole constituant un résidu, le caractère de la
main-d'oeuvre agricole demeure également résiduel, car il ne
reste que l'effectif strictement nécessaire après que les autres
secteurs aient satisfait leurs besoins.
Toutefois, si la croissance de l'emploi industriel est
inférieure à la croissance de l'emploi global, l'emploi agricole
ne peut cesser de croître. Si la croissance de l'emploi est
inférieure à celle de la population en âge
d'activité, le sous-emploi augmente dans le pays, soit sous forme de
sous-emploi urbain, soit sous forme de chômage agricole
déguisé32.
31 MOKONDA BONZA, Op.cit, p.53
32 Jacques BERTHELOT, Op. cit, p.47
Comme nous l'avons dit précédemment, la
diminution de la population active agricole est un phénomène
historique normal. Cependant, ce qu'il faut craindre, c'est que ce
phénomène se réalise sans qu'il n'y ait croissance de la
productivité agricole. La croissance de l'agriculture en
général, et de la production alimentaire en particulier, doit
être en rapport avec l'évolution des besoins alimentaires de la
population dont le taux de croissance démographique constitue
l'indicateur le plus précieux33.
1.2.2.2. Transfert d'épargne
Dans les pays dotés en richesses minières et
pétrolifères, ce sont les ressources
générées par l'exploitation de ces ressources qui
fournissent les moyens nécessaires au financement de l'industrie, de
l'agriculture voire d'autres activités comme le tourisme. Par contre,
dans des pays qui en sont démunis, ce sont les ressources provenant de
l'agriculture qui jouent un rôle décisif dans le financement du
développement. Nous devons signaler qu'il y a plusieurs
mécanismes qui sont en effet mis à contribution pour
générer ses ressources : nous citons à titre d'exemple
l'épargne des agriculteurs qu'on ne peut mobiliser que si le revenu de
ces derniers s'accroît régulièrement, etc.
1.2.2.3. Contribution à la production des
ressources en devises
Dès le début de la colonisation,
l'économie des pays nouvellement en contact avec le mode de production
capitaliste s'est caractérisée par l'implantation d'une
monoculture orientée vers le commerce extérieur. La promotion
d'un secteur agricole exportateur devient en effet source de production de
réserves de change tant pour ces pays que pour certains pays ayant
déjà atteint un niveau de développement avancé
comme l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Canada, les Etats-Unis
d'Amérique et même le Japon. Mais, l'inconvénient de la
monoculture étant la dépendance à une seule
33 TIKER TIKER cité par NKWEMBE, Economie
rurale, notes de cours, Graduat/Unikin, 2009-2010 (Inédites)
culture a incité la plupart de ces pays à
diversifier leur agriculture, comme ce fut le cas au Congo.
Toutefois, la forte concurrence entre les pays producteurs a
affecté les cours sur les marchés internationaux au point de
provoquer une dégradation des termes de l'échange34.
Afin de stabiliser les cours et les revenus des pays exportateurs, plusieurs
accords commerciaux furent initiés dans un premier temps, notamment en
prévoyant un contrôle de la production et des exportations afin
d'éviter des surproductions qui n'auraient que des effets
dévastateurs sur le niveau des cours. Dans un deuxième temps,
certains pays modifièrent leur stratégie en promouvant davantage
la transformation locale des produits agricoles afin d'exporter des produits
élaborés ou semi-finis (huiles végétales, jus de
fruits, cuir de ruminants, conserves alimentaires, bois sciés,
tranchés ou contreplaqués, meubles en rotin ou en bambou, etc.).
Mais, très souvent le problème qui se pose est celui du transfert
de la technologie dont les pays industrialisés ou nouvellement
industrialisés en sont les détenteurs exclusifs et jaloux.
1.2.2.4. Contribution au processus
d'industrialisation
La promotion de l'industrialisation par l'agriculture peut se
réaliser de trois manières35 :
1) L'achat et la transformation des matières
premières agricoles ;
2) Le transfert de la force de travail et des ressources
financières (question ayant déjà été
abordée dans les paragraphes précédents) ;
3) La consommation de produits issus du processus
industriel.
34 THEISSEN et PIERROT, Op.cit. p.23
35 MOKONDA BONZA, op.cit, p.57
1.2.2.4.1. Le rôle des industries agricoles et
alimentaires
Dans les pays en développement, les Industries
Agricoles et Alimentaires (IAA) représentent souvent dans la matrice du
tableau d'échanges interindustriels la base du tissu
industriel36. Comme l'agriculture est l'activité dominante,
les premières unités industrielles qui voient le jour dans les
agglomérations urbaines, le sont généralement pour
transformer les produits agricoles. Mais puisque ces produits sont souvent de
faible valeur marchande et que le coût de transport risque de les rendre
peu compétitifs, des unités de première transformation
s'implantent déjà en milieu rural.
Plusieurs filières dans l'agriculture constituent une
source importante de la structure industrielle de pays en développement.
C'est le cas notamment :
i' De la culture du palmier à huile dont le processus
de transformation commence par l'huile de palme et se poursuit par la
fabrication du savon (de ménage et de toilette), de la glycérine,
de l'huile raffinée de table. Le concassage de noix est une
opération qui permet d'obtenir de l'huile d'amande largement
utilisée dans différentes préparations industrielles et
des tourteaux ;
i' De l'élevage dont la viande, outre la consommation
en l'état, peut être transformée en conserves, tandis que
la peau bien tannée donne du cuir, matière première
nécessaire à l'industrie de la chaussure et de la
maroquinerie.
Les industries agricoles et alimentaires présentent
plusieurs avantages dans les pays où elles se sont implantées
:
i' Elles sont à coefficient de travail relativement
élevé ;
36 JUNG J.M et BOSC, Op.cit. p.21
i' Elles ne requièrent pas toujours une main-d'oeuvre
très qualifiée ;
i' Elles peuvent être dimensionnées par rapport
à leur milieu d'accueil (agglomérations urbaines ou zones
rurales) ;
i' Elles peuvent également nécessiter un
coefficient de capital élevé et donc bénéficier
d'importantes économies d'échelle (pâte à papier,
panneaux de fibre, etc.) ;
i' Elles sont capables d'entraîner la création
d'autres unités industrielles aussi importantes. C'est le cas de
l'industrie forestière avec le sciage, le tranchage, le placage, la
menuiserie, les papiers, les cartons, etc. ;
i' Elles sont génératrices de la valeur
ajoutée et créatrices de nombreux emplois industriels.
1.2.2.4.2. Commercialisation des produits
agricoles
Jean-Baptiste Say disait : « L'offre crée sa
propre demande ». On ne peut parler de la production sans envisager
l'opération de vente ou de commercialisation. L'offre des produits
incite les consommateurs (demandeurs) à l'achat. Les
préoccupations des vendeurs ainsi que les souhaits des acheteurs doivent
s'exprimer sur les marchés qui sont les lieux de rencontre des uns et
des autres.
Le but de tout marché agricole est de mettre en contact
les candidats vendeurs et acheteurs ; en d'autres termes, c'est de confronter
l'offre et la demande. Le prix est donc l'élément qui permet aux
uns et aux autres de satisfaire leurs désirs. Si au départ,
chacun des intervenants exprime une préférence concernant le
niveau de prix ; à un certain moment, la négociation se termine
par un prix d'équilibre accepté par le vendeur et l'acheteur. Le
prix d'équilibre détermine par conséquent la
quantité échangée de commun accord.
Il ne suffit pas qu'il y ait marché,
c'est-à-dire confrontation de l'offre et de la demande, faut-il encore
savoir comment fonctionne ce marché. Etant donné que les produits
agricoles ne présentent pas toujours les mêmes
caractéristiques, on admet par conséquent l'existence de
plusieurs marchés37. Le marché du riz n'a rien
à voir avec celui du maïs, et encore moins avec celui des
légumes. Mais, une meilleure organisation du marché est fonction
de la qualité des infrastructures physiques nécessaires à
la commercialisation des produits.
1.2.2.4.3. Le progrès technique
Le progrès technologique a véritablement
révolutionné l'agriculture dans le monde, et en particulier dans
les pays du Nord. Les nombreuses recherches dans le domaine de la
génétique, de la physiologie, de la phytopathologie, de la
médecine vétérinaire, de la technologie, de la gestion des
exploitations, etc. ont permis d'accroître de façon
considérable la productivité du travail agricole et le volume de
l'offre ainsi que la qualité des produits destinés à la
consommation finale.
En Afrique subsaharienne, la connaissance de l'offre requiert
une analyse approfondie de la production agricole, mais aussi de tous les
facteurs susceptibles d'influencer la performance des agriculteurs. L'offre
globale en produits vivriers tout comme l'offre d'un produit spécifique
(le riz, par exemple) peuvent dépendre notamment :
a) du volume de la production, résultat de la
combinaison plus ou moins efficace des facteurs de production et de la
réceptivité des agriculteurs au progrès technologique ;
b) des prix des autres produits pratiqués sur les
marchés ;
c) de l'état des infrastructures de communication et des
moyens de transport utilisés pour l'évacuation des produits ;
37 MOKONDA BONZA, Op.cit, p.61
d) du volume des produits destinés officiellement ou non
à l'exportation ;
e) de la politique d'importations des denrées
alimentaires pratiquée par le gouvernement, suivant qu'elle favorise ou
défavorise la production domestique.
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