La reformulation Rawlsienne des principes de la justice( Télécharger le fichier original )par Pénéloppe Natacha MAVOUNGOU Institut catholique de Toulouse - Master 2 de philosophie 2011 |
2 - Les enjeux actuels des principes de la justiceEn ce qui a trait aux enjeux des principes de la justice de John Rawls, nous analyserons les impacts de l'égalité des chances et de l'inviolabilité de la personne. Quand on parcourt la déclaration universelle des droits de l'homme204(*) du premier au dernier article, on constate que tous les articles de cette déclaration sont résumés dans les deux principes de Rawls. De même que quand on lit ou écoute pour la première fois la devise de la France205(*), on pourrait y lire toute l'idée de Rawls. Ceci nous rappelle que les principes de John Rawls, quoique théoriques et très critiqués rejoignent les grandes idées de la politique sociale mondiale. Son texte sert aujourd'hui de texte de base à plusieurs défenseurs des droits humains, de la justice distributive et de la discrimination positive. En outre, il est vrai que l'égalité des chances n'est pas un concept nouveau dans l'univers de la philosophie politique, mais Rawls a fait un saut remarquable quand il a adjoint au mot « formelle » le mot « équitable », montrant ainsi qu'il ne suffit pas que cette pratique soit écrite, mais qu'il est important qu'elle s'enracine véritablement dans le vécu des citoyens. Aujourd'hui encore, plusieurs débats, à travers le monde, lorsqu'il s'agit de penser la justice sociale ne peuvent pas faire abstraction à l'idée d'égalité des chances. En tant qu'elle est une exigence de la justice sociale, la question de l'égalité des chances répond à la question du comment vivre en société. A vrai dire, aussi banale qu'elle puisse paraître, cette question est celle qui, aujourd'hui, rejoint les questionnements de tous les systèmes politiques et de tous les citoyens qui estiment que tous, sans différence de sexe, de religion, de classe doivent avoir accès, comme l'a si bien souligné Rawls, aux mêmes positions dans la société, de manière réelle et équitable, avec leurs semblables. Car l'origine sociale ou la fortune ne peut pas déterminer l'accès à un poste pour telle ou telle autre personne. C'est pourquoi, l'accès à l'éducation pour tous apparaît primordial. C'est cela l'expression d'une société bien ordonnée, sa caractéristique première étant d'être juste sur le plan social. Avec le principe d'égalité équitable des chances et de différence, il apparait clairement que Rawls fait référence à des questions de justice sociale ; questions qui ne sont pas en marge de la situation socio-économique actuelle du monde. Les questions d'identité, de diversité culturelle et de répartition qui peuplent les affiches des médias en sont la preuve éloquente. Ce qui est assez intéressant, c'est que John Rawls ne limite pas le principe d'égalité des chances pour un période donnée. Il estime que cela devrait s'inscrire dans la temporalité. Il l'ouvre à l'avenir. Aussi il nous semble que la direction donnée par Rawls, au sujet de l'égalité équitable des chances semble s'adapter à la situation actuelle et aussi aux attentes légitimes actuelles des populations. Dans le contexte actuel de la politique mondiale, la question de l'égalité des chances se repose avec acuité et vivacité, car si les richesses demeurent concentrés envers une frange de personnes de la société et que de l'autre, il y a des citoyens qui ne jouissent de rien, ce principe n'a pas de raison d'être. La justice sociale n'a pas d'existence en dehors de l'égalité des chances qui constituent l'un de ses dynamismes fondamentaux. Et John Rawls en opposant l'égalité des chances à l'égalité équitable des chances, a introduit le terme équitable, pour justement, montrer que l'univers politique et social doit avoir une capacité d'adaptabilité réelle qui l'insère dans les réalités sociales telles que vécues par les citoyens. En ce qui concerne l'inviolabilité de la personne, elle peut être vue, dans la théorie rawlsienne, comme axiome des principes de justice. Les deux principes énoncés par John Rawls, comme nous l'avons vu prennent en compte la personne dans toute sa dimension politique et sociale sans pourtant écarter la dimension morale. Le premier principe concerne les libertés de base et les droits fondamentaux ; le second principe, quant à lui s'intéresse aux questions d'efficacité économique, notamment dans la répartition et dans la prise en compte des inégalités. Pourtant à y voir plus clair, ces principes partent du postulat que sous aucun prétexte, la personne humaine ne doit être mise en deuxième place. Dès le début de Théorie de la justice, on voit apparaître sous la plume de Rawls cette prise de position catégorique : Chaque personne possède une inviolabilité fondée sur la justice qui, même au nom du bien-être de l'ensemble de la société, ne peut être transgressée. Pour cette raison, la justice interdit que la perte de liberté de certains puisse être justifiée par l'obtention, par d'autres, d'un plus grand bien. Elle n'admet pas que les sacrifices imposés à un petit nombre puissent être compensés par l'augmentation des avantages dont jouit le plus grand nombre. C'est pourquoi, dans une société juste, l'égalité des droits civiques et des libertés pour tous est considérée comme définitive ; les droits garantis par la justice ne sont pas sujets à un marchandage politique ni aux calculs des intérêts sociaux206(*) Une société n'est donc juste selon John Rawls, que lorsqu'elle prend en compte cette dimension de l'inviolabilité de l'être humain. L'aspect formel de cet énoncé de Rawls, montre que le principe de l'égale liberté est un principe anti sacrificiel et que sous aucun prétexte, même pour la réalisation du deuxième principe, il ne peut être sacrifié. En même temps Rawls insiste sur le caractère égalitaire des droits civiques et des libertés. C'est aussi le sens qu'il donne à la priorité lexicale entre les principes de justice. Mais, étant donné que cette inviolabilité de la personne humaine n'est qu'un postulat, ou encore pour reprendre les mots de Rawls, « une prémisse ». Ce sont donc les principes de la justice qui lui donnent un sens. * 204 Déclaration universelle des droits humains, 1948 * 205 Devise de la République française : Liberté fraternité égalité * 206 Rawls, Théorie de la justice, op. cit, pp. 29-30. |
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