La reformulation Rawlsienne des principes de la justice( Télécharger le fichier original )par Pénéloppe Natacha MAVOUNGOU Institut catholique de Toulouse - Master 2 de philosophie 2011 |
Conclusion Générale :Comme il a été souligné dans l'introduction, l'essentiel des deux parties développées dans le corps de ce mémoire a porté sur la reformulation des principes de la justice chez John Rawls, dans La Justice comme équité. La première partie a consisté à restituer le cadre global dans lequel John Rawls a entrepris la reformulation des principes de justice, à travers les critiques de Rawls et de Robert Nozick. Quant à la deuxième partie elle s'est attachée à examiner le changement de formulation et de contenu des principes de la justice. Parmi les critiques rawlsiennes, nous regrouperons : les limites du premier principe de la justice, la séquence des quatre étapes, la critique de l'égalité des chances et le problème de la justice distributive. Aussi, cette reconnaissance de ses propres limites a permis à Rawls de donner les raisons qui l'ont conduit à reformuler les principes et à relire l'idée qu'il a donnée de la justice distributive en opposition à la justice attributive. Il a en outre rappelé le contexte procédural du choix des principes, sans oublier, l'importance accordée à l'égalité des chances, en y adjoignant l'adjectif équitable pour montrer la dimension réelle qui doit caractériser ce principe. Quant à Nozick, il a notamment critiqué la justice distributive de John Rawls, de même que l'idée de personnes rationnelles qu'il trouve infondée et qui, d'après lui, ne prend pas en compte toutes les catégories des personnes vivant dans la société. En critiquant le principe de différence, il juge la justice distributive incompatible avec le principe d'égale liberté, puisque pour lui, le principe de différence ne mérite pas d'être considéré comme un principe, parce qu'il viole les droits de la personne humaine. La deuxième partie, a tenté de repérer les amendements apportés par Rawls à sa propre théorie. Cette question de la reformulation a fait référence à certaines idées fondamentales introduites par Rawls, sans lesquelles il est impossible de comprendre l'organisation des principes de la justice. Deux idées principales ont été soulignées : la structure de base de la société considérée comme objet premier des principes de la justice et l'idée de position originelle. Par ailleurs, une précision a été introduite pour montrer que, finalement, John Rawls n'exclut pas la dimension morale et ne récuse pas entièrement l'idée de mérite. Pour Rawls, tous les hommes qui entrent dans la coopération sociale sont doués de deux facultés : le sens de la justice et la capacité du bien. Parmi les critiques qui lui ont été adressées, on lui reproche notamment d'accorder la priorité au juste par rapport au bien, c'est-à-dire de privilégier la justice au détriment de la morale. Pourtant, eu égard à ses nombreux écrits, notamment leçons sur l'histoire de la philosophie morale publiée en 2000, on peut se rendre compte que l'auteur de Théorie de la justice n'a jamais voulu s'écarter de la dimension morale de l'homme. Il voulait simplement, comme il l'a souligné, trouver une alternative à l'utilitarisme et trouver des principes pouvant organiser la vie sociale et économique de la structure de base de la société. En effet Rawls a remarqué que dans la société aucune morale ne faisait l'unanimité. D'où, partir de la vision bonne d'un groupe pour choisir les principes de la justice devrait nécessairement aboutir à une impasse. Dans le cadre de la justice comme équité, sa préoccupation première est d'examiner les conditions de possibilité d'un accord entre les personnes appelées à vivre ensemble dans la société, tout en ayant des visons différentes du bien. L'idée de Rawls n'est pas d'écarter la morale, mais d'éviter que cette dernière n'influe sur le choix des principes, car « une conception publique de la justice doit demeurer axiologiquement neutre par rapport aux convictions morales ou religieuses des citoyens si elle veut jouer son rôle de médiation entre coopération interindividuelle et consensus démocratique stable »202(*). Considérant les questions morales comme faisant parties des doctrines englobantes, notre auteur suggère qu'elles soient, au moment du choix des principes de justice politique, classées dans la sphère privée. C'est pourquoi il juge important de préciser que sa théorie de la justice est une théorie politique, et non pas métaphysique. La théorie de la justice est politique parce qu'elle s'applique à un domaine politique qui n'a pas besoin que les partenaires dans la coopération sociale, aient recours à leurs différentes conceptions du bien. Toutefois, il est impossible dans les limites de notre travail de rendre tout l'effort de reformulation fourni par John Rawls, ainsi que la majeure partie des critiques qui lui ont été adressées. Ce qu'il faut retenir, c'est que Rawls, à travers la théorie de la justice comme équité a suscité des réactions qui lui ont valu la traduction en plusieurs langues de cet ouvrage et même la réédition de Théorie de la justice, son oeuvre capitale. Mais notre travail resterait incomplet s'il ne montrait pas l'apport original Rawls, à travers sa théorie de la justice. La tentation est grande dans cette partie conclusive de tenter un regard global sur toute l'oeuvre de John Rawls, nous préférons rester modestement à notre idée de départ, c'est-à-dire la reformulation rawlsienne des principes de la justice. Nous allons, tout en montrant l'originalité de l'oeuvre de Rawls, tenter de poser un double regard sur la pertinence actuelle des principes de justice, en soulignant leur impact dans le monde d'aujourd'hui. Pour cela, nous avons choisi trois axes principaux: l'apport philosophique de la justice comme équité, les enjeux actuels des principes de justice, à travers les idées d'égalité des chances et d'inviolabilité de la personne et le regard critique sur les principes reformulés de la justice. 1 - L'apport philosophique de la théorie de la justice comme équité.Quand on parle de l'originalité de l'oeuvre de Rawls, il n'est pas rare qu'on fasse allusion, à son immense contribution à l'oeuvre de la philosophie politique. Ainsi l'une des originalités reconnue à Théorie de la justice est sa relation à la modernité, notamment les philosophes du contrat social. Rawls a recours à la tradition du contrat social parce que les principes de la justice sont valables pour une société démocratique et que celle-ci, à l'image de l'idéal contractualiste met en place une codélibération fondée sur la liberté et la réciprocité. Fidèle à son intuition première, Rawls estime utile, pour fonder sa théorie, de faire appel à la tradition du contractualisme. Pourtant renouer avec le passé, pour cet auteur, ne signifie pas s'y cantonner. En plus de cette référence au contrat social, il faut noter le retour à la question de la justice conçue comme voie d'accès à la question morale et politique. En insistant sur l'idée de justice sociale, Rawls renoue avec Aristote, définissant ainsi la justice comme étant l'acte de donner à chacun selon ce qui lui revient. Néanmoins, il s'écarte du stagirite, car il considère que ce qui est à répartir ne se limite pas aux biens ou bien aux honneurs, mais aussi aux biens premiers, aux libertés de base et aux droits fondamentaux. Une égalité des chances purement formelle n'est pas possible dans une société bien ordonnée. Aussi pour qu'elle bénéficie à tous, la justice doit être équitable. Au fond, Rawls place la justice à la première place des questions philosophiques, notamment la philosophie sociale et politique et fait reposer la société sur deux principes : le principe d'égale liberté et le principe de différence. Avec lui, la question de la justice sociale prend une autre direction et propose de fonder le droit sur les principes de justice, en matière de pratiques économiques et sociales. C'est pourquoi, il considère la justice comme « la première vertu des institutions sociales comme la vérité est celle des systèmes de pensée »203(*). Le deuxième Rawls, comme on le rappelle si souvent, pense que tout être humain doit toujours être considéré, du point de vue de la justice sociale et politique, comme étant inséré dans un réseau de circonstances sociales et culturelles qui donnent de la force à son individualité. C'est pourquoi la coopération sociale, de même que l'idée de justification publique font partie intégrante de la théorie de la justice comme équité. Par ailleurs, Rawls réconcilie deux aspirations en mettant les notions d'équité et d'égalité dans un rapport de complémentarité. Ne les opposant pas, il ne les rapproche pas non plus. Il restitue à chacune son rôle, en signifiant, à la suite d'Aristote, que la justice formelle est un aspect de l'organisation de la société, mais qui a besoin d'être complétée par une justice réelle, c'est-à-dire équitable qui prenne en compte les situations réelles des citoyens, c'est pourquoi dans le principe de différence, il introduit l'idée d'acceptation des inégalités qui n'est pas contraire au principe d'équité sociale. De fait, on peut dire de Rawls qu'il est à la fois égalitariste et libéral. Egalitariste, parce qu'il estime que la correction des inégalités doit partir de la justification de ces inégalités auprès des personnes concernées. Il est libéral parce qu'il pense que la liberté même devant des situations de correction d'inégalités doit demeurer prioritaire. Il pense donc que ce qu'il faut corriger ce sont les conséquences politiques, sociales, économiques et morales des inégalités injustifiées. Pourtant il n'est ni libéral, ni égalitariste, car il met un bémol entre la liberté et l'égalité, bien que cela ne soit pas chose aisée. On pourrait dire qu'il propose une sorte de libéralisme social. * 202 Catherine Audard, Qu'est-ce que le libéralisme, op. cit., p. 468. * 203 Ibidem, p. 29. |
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