PARA II : LA MECONNAISSANCE DES EMPECHEMENTS A L'EXERCICE DU
COMMERCE DANS
LE SECTEUR INFORMEL.
L' informalité juridique en matière de commerce
se manifeste avec plus d'importance lorsqu'il est question des
empêchements à l'exercice de la profession commerciale tenant,
soit au défaut de compatibilité de cette dernière avec
toute autre profession, soit au défaut d'honorabilité ou d'autres
restrictions objectives. En effet, alors que les incapacités ont pour
but de protéger l'incapable lui-même et sont sanctionnés
par le défaut de la qualité de commerçant, il existe
d'autres limitations aux principes du libre accès aux professions
commerciales qui ont des buts et des sanctions différents,
justifiés par le souci du législateur d'assurer la police de la
profession commerciale ou
58 Dans le silence de l'AU.DCG sur la question il
faut se refermer tant qu'elle demeure applicable au dispositions de L'Art 5 du
Code de Commerce qui donne à la femme marchande le droit de s'obliger
personnellement par les actes qu'elle fait pour les besoins de son commerce et
d'obliger aussi son mari s'il y a communauté entre eux. La
réciprocité établie par l'al 2 de l'Art 7 AU. DCG, doit
conduire à ce que cet Art. concerne dorénavant le mari comme la
femme ; ce qui peut être dangereux pour le patrimoine familial lorsque
les affaires de l'époux commerçant tournent mal. La solution pour
les époux commerçants résiderait dans le choix d'un
régime matrimonial séparatiste.
tout simplement ce qu'il est convenu d'appeler un ordre public
économique.59 Les incompatibilités et les
déchéances tiennent une place importante au registre de ces
empêchements60, qui demeurent somme toute indifférents
à la qualification de commerçant informel.
A - L'INDIFFERENCE DE L'INCOMPATIBILITE DANS LA
QUALIFICATION DE COMMER~ANT INFORMEL.
L'exercice de certaines fonctions, professions ou
responsabilités est déclaré incompatible avec le commerce
afin de protéger leur dignité qui s'accommoderait mal de l'esprit
de spéculation. En effet, le fondement attribué aux
incompatibilités demeure discuté ; habituellement on justifie
leur existence davantage par un motif de conscience
professionnelle61. D'une manière générale, une
même personne peut difficilement exercer dans les conditions
satisfaisantes plusieurs fonctions aussi éloignées les unes des
autres que sont les charges publiques dont le but est la satisfaction des
besoins d'intérêt général, les professions
libérales qui sont animées par la prestation de service et enfin
le commerce dont le but principal est la réalisation des
bénéfices. L'art 8 al 1er de
l' AU.DCG énonce que: « Nul ne peut exercer une
activité commerciale lorsqu'il est soumis à un statut
particulier établissant une incompatibilité. ».
59 On touche ici à un des aspects de la
réglementation administrative et professionnelle du commerce qui vise
à restreindre dans un but d'intérêt général,
la liberté d'entreprendre. Le législateur agit ici dans un
intérêt de police au sens large pour protéger les
commerçants, le commerce, les consommateurs etc... Voir PEDAMON (M.),
Op.cit., n° 129, p. 110.
60 Il existe en plus des incompatibilités et
des déchéances, d'autres restrictions qui peuvent être
liées aux autorisations administratives pour l'exercice d'un commerce.
Il s'agit par exemple de l'exercice du commerce par les étrangers. Au
Cameroun par exemple, l'exercice du commerce par un étranger est soumis
à deux conditions:
- L'exigence d'une réciprocité législative
comme le rappelle l'art. 9 de la loi du 10 Août 1990 régissant
l'activité commerciale au Cameroun ;
- L'obtention d'une carte professionnelle de commerçant
étranger délivrée par les services administratifs
compétents après vérification de la
régularité du séjour de l'étranger.
61 GUYON (Y.), Droit des affaires- Droit
commercial général et sociétés, T1,
8ème éd, Paris, Economica, 1994, n° 48, p. 43.
Avant d'envisager des sanctions à la violation des
incompatibilités, (2) il faudrait d'abord les explorer de près
pour en appréhender le contenu. (1)
1° L'incompatibiité des professions
commerciales avec certaines
fonctions.
L'art 9 AU. DCG énumère une série de
fonctions ou professions avec l'exercice desquelles le commerce est
incompatible. Cet article dispose en effet que: « L'exercice d'une
activité commerciale est incompatible avec l'exercice des fonctions ou
professions suivantes :
- Fonctionnaires et Personnels des Collectivités
Publiques et des Entreprises à participation publique ;
- Officiers Ministériels et Auxiliaires de Justice
: Avocat, Huissier, Commissaire Priseur, Agent de Change, Notaire, Greffier,
Administrateurs et Liquidateurs Judiciaires ;
- Expert Comptable agréé et Comptable
agréé, Commissaire aux Comptes et aux Apports, Conseil Juridique,
Courtier Maritime ;
- plus généralement, de toute profession
dont l'exercice fait l'objet d'une réglementation interdisant le cumul
de cette activité avec l'exercice d'une profession commerciale.
». Il s'agit là en réalité des
incompatibilités minimales62 qui peuvent faire l'objet
d'extension par chaque Etat membre eu égard à la formulation
libérale dudit article. Ainsi, il appartient à chaque Droit
national de définir les statuts particuliers et de préciser s'ils
sont ou non incompatibles avec l'exercice d'une profession
commerciale63. Dans tous les cas, des sanctions
sévères sont prévues pour ceux qui transgressent ces
exigences de compatibilité.
62 AKUETE (S.) et YADO (J.), Op.cit ., n° 176, p.
105.
63 ANOUKAHA (F.), « L'incompatibilité
d'exercice d'un activité commerciale dans l'espace OHADA: le cas du
Cameroun », Annales de la FSJP, T5, 2001, PUA, n° 25 et ss, p. 14.
2° Les sanctions de la violation des
incompatibiités.
La violation de l'interdiction d'exercer le commerce
résultant d'une incompatibilité n'entache pas la validité
des actes conclus à l'égard des tiers de bonne foi. En effet, en
plus des sanctions disciplinaires, professionnelles et même
pénales64, la méconnaissance des
incompatibilités entraîne une sanction particulière: celle
de la qualification du contrevenant comme commerçant de fait ou de
l'informel65. Il ne sera donc considéré comme
commerçant que pour les obligations et les non- avantages. Par
conséquent, les tiers avec qui il a contracté pourront se
prévaloir des actes issus de son activité. Le contrevenant pourra
par exemple faire l'objet de la liquidation judiciaire, alors qu'il ne pourra
être ni électeur, ni éligible dans les instances
consulaires. C'est ce qui explique que des notaires puissent être
astreints devant les tribunaux de commerce lorsqu'ils ont fait des
opérations commerciales et financières prohibées par leur
statut66. On ne saurait admettre que ces derniers puissent
échapper aux conséquences de leur fait en tirant
précisément argument de cette illicéité, ou en
considérant que l'activité commerciale n'a pas été
exercée pour la seule raison qu'elle l'a été illicitement.
Prétendre le contraire serait méconnaître la distinction
fondamentale entre d'une part, les critères de l'activité
commerciale, et, d'autre part, les conditions d'exercice de cette
activité. La violation de cellesci n'empêche évidement pas
l'application de ceux-là67. Il s'agira donc de lui appliquer
un régime de rigueur68, comme dans le cas du commerce
exercé au mépris d'une mesure de déchéances.
64 Sur le plan disciplinaire et professionnel, on
peut observer la révocation du fonctionnaire, la destitution de
l'officier ministériel. Des sanctions pénales sont parfois
prévues, par exemple pour le fonctionnaire qui prend un
intérêt dans une affaire qu'il était chargé de
contrôler ou avec laquelle il était chargé de conclure un
marché. (Art. 37 du décret du 12 Octobre 2000 portant statut de
la fonction publique et Art135 et 136 du Code Pénal.
65 L' Art 8 AU.DCG est clair sur la question: Les
actes accomplis par une personne en situation d'incompatibilité restent
valables à l'égard des tiers de bonne foi. Ceux -ci peuvent donc
s'en prévaloir à la différence de l'auteur de l'acte.
66 Com. 2 Février. 1970: D., 1970, 430 ; JCP
1970. II. 16313, obs. J.A.
67 SAVELI (B.), note sous com., 2 février 1970,
op.cit.
68 Voir infra p. 57 ss.
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