II. Les formes et les alternatives de la reconversion
du national : de la nouvelle réalité mondiale à la
reconfiguration identitaire
1. Le mondialisme : une autre façon de penser la
mondialisation
a) Globalisation versus mondialisation
A chaque sommet du G8 ou du G10 ou du G20, nous sommes
témoins des manifestations spectaculaires des altermondialistes qui
portent des t-shirts du Che Guevara fabriqués en Chine, et qui ont pris
l'avion pour se rendre au rendez-vous. Cela semble paradoxal car la
mondialisation est souvent comprise comme économique, alors que ce n'est
pas le cas, ou, en tout cas, que ce n'est pas aussi simple. A force d'entendre
constamment ces deux termes de façon interchangeable on arrive à
peine à les différencier.
Avant de continuer nous devons donc éclaircir ces
terminologies car elles se prêtent à des confusions et à
des malentendus.
Ce que l'on appel « globalisation » est le processus
d'intégration du système économique de marché
mondial, la libéralisation économique liée à la
finance et à la décentralisation de la production. Ce terme vente
les vertus de la croissance néolibérale et de la
dérégulation des marchés, et les avantages que
confèrent le fait de pouvoir déplacer des fonds sans entrave et
établir des flux de capitaux et de produits. Cependant, le processus de
globalisation est fortement perçu comme le développement d'un
espace d'anarchisme économique supranational, un pouvoir dangereusement
affranchi des cadres nationaux. Il s'agirait d'une sorte d'entité
structurée en même temps qu'immatérielle qui siège
partout et nulle part à la fois et qui ne laisse pas d'autre choix que
la consommation de produits manufacturés dans les différentes
parties du globe dans des conditions éthiquement douteuses.
Le terme « mondialisation » désigne par
contre le renforcement des liens d'interdépendance entre les
états-nations en tant que résultat de l'accroissement des
mouvements de biens, de services, de personnes, de main-d'oeuvre, de
technologie et de
capital ainsi que de l'homologation des systèmes
politiques à l'échelle du monde. En ce sens, la globalisation
fait effectivement partie de la mondialisation.
Cependant, et contrairement à ce que l'on croit, la
mondialisation n'est pas un phénomène nouveau dans l'histoire du
monde, comme en témoignent les invasions, les conquêtes, les
vagues migratoires, la colonisation, les guerres mondiales, les populations
déplacées, etc... depuis toujours, la circulation de marchandises
a favorisé la rencontre globale et le mélange des cultures. En
revanche, ce qui est nouveau, c'est le fait qu'on la remarque, qu'on en ait
conscience, qu'on la pense et qu'on l'exploite politiquement, et que cela est
en train de donner naissance à une « opinion publique mondiale
», un véritable contrepouvoir.
La mondialisation provoque également
énormément d'incertitudes en raison de son rythme de progression
et elle se situe entre plusieurs questionnements d'envergure civilisationnelle
: la protection de l'environnement, les dépenses en armements,
l'augmentation des inégalités, l'épuisement des ressources
naturelles, etc...
Dans nos vies quotidiennes, cela se traduit par l'impression
d'un choix imposé, on suit des événements que l'on ne
maîtrise pas. Un engrenage gigantesque, de plus en plus complexe,
où nous sommes une pièce de plus en plus petite et
condamnée à le suivre. Notre existence, nos vies deviennent donc
des parties d'un autre monde, de cultures, de religions, de risques globaux
liés à l'interdépendance croissante et vertigineuse entre
sociétés très distantes, sans que nous ne puissions rien y
faire.
Lorsque l'on regarde par exemple un reportage sur les indiens
d'Amérique latine, on est facilement déçu : certains sont
habillés avec des t-shirt de la NBA alors qu'on les souhaite couverts
avec des feuilles et des bananes. On reste ainsi persuadé que la
consommation globalisée et la culture de masse violent
l'authenticité culturelle et qu'on est rentré dans un torrent
d'homogénéisation culturelle sans freins à
l'échelle mondiale (idée de « plasticité culturelle
universelle »49), mais ceci ce n'est qu'une façon de
voir les choses parmi d'autres.
49 Ulrich Bec, Qu'est ce que le cosmopolitisme?,
Paris, Flammarion 2004
En conséquence, tous cela génère un
sentiment de refus de la mondialisation : la mondialisation en tant
qu'entité opposée ou ennemie du national. Un véritable
fléau pour l'humanité se profile, nous sommes des victimes des
Etats-Unis, de l'Occident, du capitalisme, du néolibéralisme, du
système financier, etc...
En dehors de ces considérations et ces
réflexions arrosées de pessimisme, il existe d'autres
façons de comprendre la mondialisation. En effet, la mondialisation
réunit des conditions exceptionnelles au niveau des communications, des
transports, des technologies et des moyens logistiques en général
pour mettre en place des dispositifs capables de répondre aux
défis historiques de l'humanité, des défis que
l'humanité a été incapable de résoudre depuis la
nuit des temps et qui nous concernent tous : la lutte contre l'injustice
sociale ou la répression exercée par des gouvernements
totalitaires sur des populations innocentes, l'éducation, l'accès
à l'eau potable, la protection de l'enfance, etc. De même, la
création des nouveaux droits et des nouveaux espaces de participation
collectifs en cohérence avec les risques globaux et le respect de la
dignité humaine, font partie de la longue la liste tâches à
accomplir.
Il s'agit aussi de réaliser que les modèles
précédents ne peuvent pas se perpétuer indéfiniment
et que la mondialisation est une conséquence inévitable d'un
processus d'intégration socio-économique et culturel qui se
poursuit depuis des siècles. De ce fait, la mondialisation nous permet
d'alimenter le sentiment d'être soi-même partie d'une grande «
expérience civilisationelle »50 car l'humanité
est aujourd'hui, plus que jamais, consciente d'elle-même, ce qui
constitue un moment historique unique. Cette perspective est liée de
manière incontournable à la constitution de l'Identité
cosmopolitique.
Nous allons voir maintenant des exemples de participation
cosmopolitique et d'autres formes d'extensions de l'appartenance et
d'identité nationale et politique.
50 Idem
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