L'identité cosmopolitique. Etude de cas: citoyens du monde( Télécharger le fichier original )par Sebastian Peà±a Marin Université de Poitiers - Master I Conception de projets en coopération pour le développement 2010 |
b) L'idéologie mondialiste, des origines à la fondation du « mouvement universel ».Le Grand Larousse Encyclopédique donne la définition suivante de mondialisme : « Doctrine qui vise à réaliser l'unité politique du monde considéré comme une communauté humaine unique 51». Le terme « mondialisme » désigne ainsi l'ensemble des doctrines et de mouvements sociopolitiques qui préconisent la formation d'un Etat mondial. Le « Mondialisme » est une approche scientifique des phénomènes sociaux analysés en dehors des cadres nationaux, autrement dit, un angle global ou mondial. Ce terme rassemble aussi l'ensemble des idées et des actes qui expriment la solidarité des populations du globe ainsi que le respect de la diversité des cultures et des peuples. Le mondialisme conteste la suprématie absolue des Etats-nations et il agit pour la constitution d'institutions et de lois supranationales dépendantes d'une structure fédérative commune. Cela implique le transfert de certains domaines de la souveraineté nationale vers une nouvelle entité politique, qui serait à l'échelle de l'humanité. La constitution d'un méga-organisme supranational sous la forme d'une Autorité fédérale mondiale a pour objectif de pouvoir faire face aux problèmes qui concernent l'ensemble des nations et qui, en raison de leur envergure, ne peuvent être résolus autrement que par les actions d'une autorité supranationale. Aussi surprenant que cela puisse paraître, les idées mondialistes ont vu le jour aux alentours des années 1920, suite aux conséquences humainement désastreuses de la Première Guerre mondiale. « L'impuissance manifeste de la Société de nations devant la politique agressive des Etats fascistes eut pour résultat de faire naître chez beaucoup de personnes l'idée d'organiser l'humanité en un Etat mondial »52. Le premier acte mondialiste significatif a eu lieu le 4 décembre de 1937 avec la formation de l'organisation « Compaign for world government »53, fondé par Rosika 51 Source www.larousse.com, mai 2010. 52 Rolf Paul Haegler, Histoire et idéologie du mondialisme, Ed Europa Verlag A.G. Zurich 1972. 53 Traduction en français : « Campagne pour un gouvernement mondial » Schwimmer et Lola M.Lloyd. Ces deux femmes avaient déjà proposé en 1924 la création d'une « Assemblée constituante mondiale » dont les membres seraient élus directement par les peuples du monde entier en vue de rédiger une Constitution mondiale. En 1941, les fondements du mouvement mondialiste était déjà créés et les militants suffisamment nombreux pour dépasser le stade des initiatives isolées. La seconde Guerre mondiale a eu une influence importante sur le développement du mouvement. Les horreurs de la guerre, les excès du nazisme et les destructions atomiques ont créé le sentiment de la nécessité impérative d'une organisation mondiale afin d'éradiquer définitivement les causes à l'origine des tels désastres. Dénoncé par les mondialistes comme la cause première des conflits, l'état-nation et les nationalismes ont été les premiers à être pointé du doigt. Ensuite, la création des Nations-Unies a suscité un grand enthousiasme, cependant sa structure prisonnière de la logique des états-nations a été considérée comme la continuité du modèle étatique largement contesté. L'initiative a été rapidement jugée comme insuffisante et cela a généré de fortes contestations : les Nations-Unies avaient perdu leur légitimité aux yeux des mondialistes. Entre 1945 et 1947 des nombreuses associations voient le jour, parmi lesquelles le "Centre de Recherches et d'Expression Mondialiste" et "Le Front Humain des Citoyens du Monde", créés tous deux en 1946. Ensuite, avec l'intention de fédérer les différents mouvements mondialistes, cinquante une associations se donnent rendez-vous au Congrès de Montreux en août 1947 et votent la création du « Mouvement universel pour une confédération mondiale », celui-ci devient la colonne vertébrale des volontés mondialistes. La déclaration de Montreux, adoptée par le Mouvement universel lors de sa fondation déclare : « Nous, fédéralistes mondiaux, affirmons que l'humanité peut se libérer à jamais de la guerre, mais qu'elle n'y parviendra que par l'établissement d'une Confédération mondiale ». En septembre de 1948 Gary Davis, pilote américain de la dernière guerre, abandonne sa nationalité américaine et demande la protection de l'ONU. Son geste resta inscrit dans l'histoire du mondialisme : sous l'acclamation de milliers des personnes dans les rues de Paris, il donne naissance au mouvement Citoyens du monde. L'année suivante Gary Davis crée le « Registre international de citoyens du monde ». A partir de 1951 le mouvement perd de sa force : une grave crise administrative et politique amène à la disparition de plusieurs journaux mondialistes. L'élan du début était fortement motivé par la publicité indirecte de la presse. Ensuite, l'enthousiasme qui régnait dans les rangs du mouvement s'est vu brisé, à cause des difficultés à concrétiser les expectatives de ses militants parfois trop ambitieuses. Des divergences naissent alors à l'intérieur des associations, en partie dues à la jeunesse et au manque d'expérience politique des ses militants. De plus, le contexte des années 1950 avec l'intensification de la Guerre Froide et la Guerre de Corée créent une atmosphère propice aux réactions ultranationalistes, spécialement aux Etats-Unis où le maccarthisme laisse peu de place à la pensée mondialiste. Malgré les difficultés rencontrées par le Mouvement universel, le début des 1950 est marqué par le processus de consolidation et de fixation de la ligne de pensée ainsi que des bases et principes politiques avec lesquels allait se construire le grand projet mondialiste : il fallait fixer les tactiques des actions et les approches politiques, déterminer le type de rapport à entretenir avec les Nation-Unies et sa Charte, s'éloigner de l'image utopiste qui hantait le mouvement, établir les revendications centrales telles que la lutte pour le désarmement, les propositions de création d'un fond spécial pour le développement et contre la faim. Cependant, toutes ces discutions ne sont pas dépourvues de disputes, de divisions. Un manque de consensus entre les tendances internes et les radicalismes s'empare lentement du mouvement. Pendant cette période et parallèlement au Mouvement universel, d'autres groupes poursuivent leurs actions, notamment les Citoyens du monde et les partisans de l'Assemblée constituante des peuples, avec parfois des résultats exceptionnels, tel que le processus de mondialisation de territoires, c'est-à-dire la proclamation de ces espaces comme « territoire Citoyen du monde », des actes symboliques qui continuent à se réaliser encore aujourd'hui. Depuis leur création, le Mouvement universel ainsi que Citoyens du monde ont compté avec l'appui d'une importante quantité d'hommes politiques, ils ont ainsi réussi à fédérer de multiples forces et tendances, par exemple avec l'Association universelle des parlementaires. Des hommes de lettres, des intellectuels, des Hommes d'état, des personnalités du monde de l'art ou du spectacle, des prix Nobel, ont ainsi manifesté à plusieurs reprises leur soutien formel aux objectifs mondialistes considérés comme nécessaires faces aux les défis du XX siècle : L'énergie et la gestion des matières premières, le désarmement, les Droits fondamentaux, les Droits de l'Homme, le problème des réfugies, l'accès aux soins et à l'eau potable, la globalisation et les multinationales, l'énergie nucléaire, etc. celles-ci font parties des préoccupations de la pensée mondialiste. De toute évidence, l'une de plus grandes réussites des mouvements mondialistes a été l'organisation de la première élection transnationale de l'histoire : des ressortissants du monde entier ont été appelés à participer à cet événement qui a eu lieu pour la première fois le 3 mars 1969. Le Congrès des peuples, la première Assemblée de représentants directs d'habitants de la terre compte, encore aujourd'hui, 45 délégués élus par des électeurs répartis dans 112 pays. L'objectif était d'avancer vers la configuration d'une Assemblée mondiale capable d'établir des institutions mondiales indispensables à la survie de l'humanité et à la préservation de la biosphère. Les élections suivantes auront lieu en 1971, 1973, 1975, 1977, 1980, 1984, 1987, 1994, 1998 et 2007. L'histoire des mouvements mondialistes affiche plusieurs collaborations directes et indirectes dans la mise en place de réflexions et d'actions d'intérêt collectif mondial. L'une des plus importantes a eu lieu le 10 mars 1982, il s'agit de la création du Fonds Mondial de Solidarité Contre la Faim. Cette création, faite sur la proposition de la commission " Faim, Développement et Mondialisme " du Centre Français des Citoyens du Monde, répondait à l'appel contenu dans la déclaration n° 6 du Congrès des Peuples. Parmi leurs objectifs à long terme, se trouve la création d'un impôt mondial de solidarité, ainsi que la promotion d'une action auprès des Etats et des organismes internationaux pour qu'ils acceptent la mise en place des dispositifs nécessaires à la création d'une véritable Institution Mondiale de Solidarité54. Aujourd'hui, les actions militantes pour la création d'un gouvernement mondial sont presque inexistantes. La pensée mondialiste ne réclame plus ouvertement la disparition définitive des états-nations et de leurs frontières politiques et administratives. Cette démarche supranationale a été remplacée pour une démarche postnationale, c'est-à-dire un élargissement à l'échelle mondiale du principe de citoyenneté (citoyenneté mondiale) 54 Source www.recim.org qui a caractérisé leurs opérations militantes après les années 1990. Le Congrès des peuples est toujours actif et il mène une activité fédératrice importante auprès des associations du monde entier. Malgré cela, les idées et les actions mondialistes, maintenant centrées sur une constitution postnationale de la citoyenneté ainsi que sur les problèmes de l'humanité en général, ne retrouvent plus ni l'enthousiasme ni la capacité de mobilisation des années d'après-guerre. |
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