B- AUTRE JURISPRUDENCE
1- CPIJ et CIJ et Sentences Arbitrale.
· Affaire, des Concessions Mavrommatis en Palestine
(Grèce c. Grande-Bretagne) CPJI, 30 août 1924 Ser. A
· Affaire, Usine de Chorzow Pologne c. RFA 1927, CPIJ,
série A n° 17
· Affaire de la compétence des tribunaux de Dantzig,
CPJI, Avis du 3 mars 1928, Série B n°15 p17
· Interprétation des arrêts n°7 et 8,
usine de Chorzów arrêt n° 11 du 16 décembre 1927,
CPJI, Série A, n°13
· Affaire Ambatielos (Grèce c. Royaume-Uni), CIJ, 19
mai 1953
· Affaire, Hinterland (Suisse. c. États-Unis),
Exceptions préliminaires, CIJ, 27 Mars 1959
· Affaire de l'Hinterland, opinion dissidente du juge
Cordova, Recuiel CIJ, 1959, p.45.
· Affaire Ziat, Ben Kiran, (Grande-Bretagne c. Espagne),
S A Max Huber, 24 décembre 1924, Sentence arbitrale relative aux
réclamations dans la zone espagnole du Maroc, RSA, vo II, pp.729-732
2- Comité des droits de
l'homme
· Com. 868/1999Albert Wilson c. Philippines, doc. NU,
CCPR/C/79/D/868/1999, 2003.
· Com n° 458/1991, Albert Womah Mukong c.
Cameroun UN Doc, CCPR/C/51/D/458/1991, du 10 août 1994
· Com 674/1995 Emile Caabe c. Island, UN Doc,
CCPR/C/58/D/674/1995/(1996)
· Com. 910/2000, ATI Antoine Randolph c. Togo UN Doc.
CCPR/C/79/D/910/2000 (2003)
3- Cour européenne des droits de
l'homme.
· Arrêt Selmouni c. France n° 25803/94 ; CEDH
1999-V
· Arrêt Vernillo c. France du 20/02/1991 série
A n° 198, p. 11 -12.
· Arrêt Icyer c. Turquie, n° 18888/02
décision du 02 janvier 2006.
· Arrêt Broniwski c. Pologne (GC) 23 Juin 2004
· Arrêt Dalia c. France 19 Février 1998,
Recueil 1998-I, PP 87-88.
4- Cour interaméricaine des droits de l'homme
· Affaire Viviana Gallardo et autres. Jugement sur
les exceptions préliminaires (13 novembre 1981), série A n° G
101/81, p. 87-88, § 26.
· Affaire Godinez Cruz, Jugement sur les exceptions
préliminaires, 26 juin 1987, supra, §88
· Affaire Fairen Garbi et Solis Corrales, Jugement sur les
exceptions préliminaires, jugement du 26 juin 1987, Série C, n°
2, §87.
VII- REFERENCES INTERNET
·
http://www.fidh.org: Site de la
fédération international des ligues des droits de l'homme
·
www.revue-df.org, ou
www.droitsfondamentaux.org:
Site de la Revue de Droits fondamentaux
·
www.achpr.org: Site de la Commission
africaine des droits de l'homme et des peuples
·
www.cidh.oas.org/: Site de la
Commission interaméricaine des droits de l'homme
·
www.corteidh.or.cr/: Site de
la Cour interaméricaine des droits de l'homme
·
www.droitshumains.org/Biblio/Txt
Afr/HP Afr.htm/ Site des instruments africains de protection des droits de
l'homme
·
http://www.reliefweb.int /rw
/dbc
· http://www.humanrightstz.org/ site de l'ONG Human
Rights Organization
·
www.un.org Site de l'Organisation des
Nations unies.
·
www.apdhac.org Site du centre
interdisciplinaire de formation et de recherche en droits de l'homme pole
d'excellence régionale en droits de l'homme
ANNEXES
ANNEXE 1 : EXTRAIT COMMUNICATION 227/99 - R. D. CONGO /
BURUNDI, RWANDA ET OUGANDA
Le Droit
De la Recevabiité
51. La procédure visant à soumettre des
communications étatiques à la Commission est régie par les
articles 47 à 49 de la Charte. A ce stade, il est important de
mentionner qu'il s'agit de la première communication
interétatique introduite devant la Commission Africaine des Droits de
l'Homme et des Peuples.
52. Il est à noter qu'il a été
communiqué au Burundi2, Etat défendeur, tous les
mémoires pertinents ayant trait à la présente
communication, conformément à l'Article 57 de la Charte
Africaine. Le Burundi n'a non seulement pas réagi à aucun d'entre
eux mais il n'a fait aucune présentation orale devant la commission eu
égard à la plainte.
53. La Commission Africaine souhaiterait insister sur le fait
que l'absence de réaction de la part du Burundi n'absout pas cet Etat de
la décision que la Commission pourrait rendre lors de l'examen de la
communication. Le Burundi, de par sa ratification de la Charte Africaine, a
indiqué son engagement à coopérer avec la Commission
Africaine et à respecter toutes les décisions que cette
dernière pourrait rendre.
54. Dans leurs observations orales faites devant la
Commission, lors de sa 27ème session ordinaire tenue en Algérie
(du 27 avril au 11 mai 2000), le Rwanda et l'Ouganda ont allégué
que la décision de l'Etat plaignant de soumettre la communication
directement au Président de la Commission sans les en avoir
préalablement informés ni en avoir d'abord fait notification au
Secrétaire général de l'OUA, n'est pas valable du point de
vue procédural et que cela compromet la recevabilité du cas.
55. L'article 47 demande à l'Etat plaignant d'attirer,
par communication écrite, l'attention de l'Etat en violation sur la
question. Cette communication devra également être adressée
au Secrétaire général de l'OUA et au Président de
la Commission. Dans un délai de trois mois à compter de la date
de réception de la communication, l'Etat destinataire fera tenir
à l'Etat qui a adressé la communication des explications ou
déclarations écrites élucidant la question.
56. Conformément aux dispositions de l'article 48 de
la Charte, si, dans un délai de trois mois à compter de la date
de réception de la communication originale par l'Etat destinataire, la
question n'est pas réglée à la satisfaction des deux Etats
intéressés, par voie de négociation bilatérale ou
par toute autre procédure pacifique, l'un comme l'autre auront le droit
de la soumettre à la Commission par une notification adressée
à son Président et d'en notifier les autres Etats
concernés.
57. Les dispositions des articles 47 et 48 couplées
avec les dispositions des articles 88 à 92 du Règlement
intérieur de la Commission sont orientées vers la
réalisation de l'un des principaux objectifs et principes fondamentaux
de la Charte : la conciliation.
58. La Commission considère la disposition de
l'article 47 de la Charte souple et non obligatoire. L'utilisation du terme
«peut» en atteste. Tout comme la première phrase de cette
disposition :« Si un Etat partie à la présente Charte a
de bonnes raisons de croire qu'un autre Etat également partie à
cette Charte a violé les dispositions de celle-ci, il peut appeler, par
communication écrite, l'attention de cet Etat sur la question.
»
59. En outre, lorsque le différend n'est pas
résolu à l'amiable, l'article 48 de la Charte demande à
l'un ou à l'autre Etat de soumettre la question à la Commission
par une notification adressée à son Président et d'en
notifier les autres Etats concernés. Toutefois, elle ne prévoit
pas sa soumission au Secrétaire général de l'OUA. Dans
tous les cas, l'Etat plaignant avait entrepris des démarches visant
à y remédier en se basant sur la décision de la Commission
prise lors de sa 25ème session ordinaire, à savoir qu'elle fasse
parvenir une copie de sa plainte au Secrétaire général de
l'OUA(voir paragraphe 14 ci-dessus).
60. Par ailleurs, il apparaît que la principale raison
pour laquelle la Charte a prévu une disposition stipulant que l'Etat
défendeur soit informé de ces violations ou notifié de la
soumission d'une telle communication à la Commission, est
d'éviter des surprises aux Etats concernés. Cette disposition
permet en conséquence aux Etats défendeurs de décider de
régler la plainte à l'amiable ou pas. La Commission estime que,
même si l'Etat plaignant ne s'était pas conformé à
ladite disposition de la Charte, cette omission n'est pas fatale pour la
communication dans la mesure où, après avoir été
saisie de l'affaire, une copie de la communication est, comme il est d'usage
pour la Commission, envoyée aux Etats défendeurs pour recueillir
leurs observations (voir paragraphe 15 cidessus).
61. L'article 49, en revanche, offre la possibilité de
saisir directement la Commission sans passer par l'étape de la
conciliation. A cet égard, l'Etat plaignant peut porter la question
directement à l'attention de la Commission en adressant une
communication au Président, au Secrétaire général
de l'OUA et à l'Etat intéressé. Une telle procédure
permet à l'Etat demandeur d'éviter d'entrer en contact avec
l'Etat défendeur dans le cas où un tel contact ne serait pas
diplomatiquement efficace ni souhaitable. Du point de vue de la Commission, tel
semble être le cas dans l'espèce sous examen. En effet, la
situation de guerre non déclarée qui prévaut entre la
République Démocratique du Congo et ses voisins à l'Est ne
favorise pas le genre de contacts diplomatiques qui auraient permis
l'application des dispositions des articles 47 et 48 de la Charte. C'est
également pour cette raison que la Commission a considéré
que l'Article 52 ne s'appliquait pas à la présente
communication.
62. En outre, la Commission ne peut connaître d'une
affaire qui lui est soumise qu'après s'être assuré que les
dispositions de l'article 50 de la Charte et de l'article 97 (c) du
Règlement intérieur ont été respectées.
C'est à dire, si toutes les voies de recours interne, si elles existent,
ont été épuisées, à moins que la
procédure de ces recours ne se prolonge d'une façon anormale.
63. La Commission note que les violations ayant fait l'objet
de la plainte sont paraît-il perpétrées par les Etats
défendeurs sur le territoire de l'Etat plaignant. Dans ce cas, la
Commission estime qu'il n'existe pas de voies de recours internes et que la
question de leur épuisement ne se pose donc pas.
64. Les activités alléguées des rebelles
et des forces armées des Etats défendeurs parties à la
Charte, qui soutiennent également les rebelles, ne relèvent pas
seulement du droit humanitaire mais également du mandat de la
Commission. Les dispositions combinées des Articles 60 et 61 de la
Charte imposent cette décision qui est également
étayée par l'Article 23 de la Charte Africaine.
65. Au regard de l'autorité qui n'exclut par les
violations perpétrées dans le cadre de conflits armés, de
la compétence de la Commission. Dans la communication 74/92,
Commission Nationale des Droits de l'Homme et des Libertés c/
Tchad, la Commission a considéré que la Charte Africaine
«contrairement aux autres instruments des droits de l'homme, ne permet
pas aux Etats parties de ne pas respecter leurs obligations au titre du
traité en cas de situations d'urgence. En conséquence, même
une situation de [...] guerre [...] ne peut être invoquée comme
une justification par l'Etat violant ou autorisant des violations de la Charte
Africaine pour justifier de la violation de la Charte Africaine ou du fait de
permettre sa violation». (voir également la communication
159/96, UNDH & Autres c/ Angola).
A la lumière de ce qui précède, la
Commission déclare la communication recevable.
ANNEXE 2 : EXTRAIT COMMUNICATIONS 147/95 ET 149/96,
SIR DAWDA K JAWARA C. GAMBIE
Le droit
La recevabilité
22. La recevabilité des communications par la
Commission est régie par l'article 56 de la Charte africaine. Cet
article prévoit sept conditions qui, dans les circonstances normales,
doivent être remplies pour qu'une communication soit recevable. De ces
sept conditions, le gouvernement prétend que deux ne sont
réunies, à savoir, celles de l'article 56(4) et 56(5).
23. L'article 56(4) stipule que: « ... [les
communications ne doivent pas se limiter à rassembler] exclusivement des
nouvelles diffusées par des moyens de communication de masse ».
24. Le gouvernement soutient que la communication devrait
être déclarée irrecevable parce qu'elle est basée
exclusivement sur des nouvelles diffusées par les moyens de
communication de masse. Il fait spécifiquement référence
à la lettre du Capitaine Ebou Jallow annexée à la
communication. Tout en étant peu commode de se fier exclusivement aux
nouvelles diffusées par les moyens de communication de masse, il
serait tout aussi préjudiciable que la Commission rejette une
communication parce que certains des aspects qu'elle contient sont basés
sur des informations ayant été relayées par les moyens de
communication de masse. Cela provient du fait que la Charte utilise
l'expression « exclusivement ».
25. Il ne fait point de doute que les moyens de communication
de masse restent la plus importante, voire l'unique source d'information. Nul
n'ignore que l'information sur les violations des droits de l'homme vient
toujours des moyens de communication de masse. Le génocide au Rwanda,
les violations des droits de l'homme au Burundi, au Zaïre et au Congo,
pour n'en citer que quelques-uns, ont été
révélés par les moyens de communication de masse.
26. La question ne devrait donc pas être de savoir si
l'information provient des moyens de communication de masse, mais plutôt
si cette information est correcte. Il s'agit de voir si le requérant a
vérifié la véracité de ses allégations et
s'il a pu le faire étant donné les circonstances dans lesquelles
il se trouve.
27. L'on ne peut dire que la communication sous examen est
exclusivement basée sur des nouvelles diffusées par les moyens de
communication de masse dans la mesure où elle n'est pas uniquement
basée sur la lettre du Capitaine Ebou Jallow. Le plaignant
allègue des exécutions extra judiciaires et a joint à la
communication une liste de certaines des victimes alléguées. La
lettre du Capitaine Ebou Jallow ne fait pas état de cette
information.
28. L'article 56 alinéa 5 prévoit que les
communications doivent « être postérieures à
l'épuisement des recours internes s'ils existent, à moins qu'il
ne soit manifeste à la Commission que la procédure de ces recours
se prolonge d'une façon anormale ».
29. Le gouvernement soutient aussi que l'auteur n'a pas
essayé d'épuiser les voies de recours internes. Il estime que le
requérant aurait pu envoyer sa plainte à la police qui aurait
mené des enquêtes et poursuivi les coupables devant le
tribunal.
30. Cette règle est l'une des conditions les plus
importantes de la recevabilité des communications et c'est pour cela que
dans presque tous les cas, la première question que se pose aussi bien
l'Etat visé que la Commission est relative à l'épuisement
des recours internes.
31. La justification de la règle de
l'épuisement des recours internes tant dans la Charte que dans les
autres instruments internationaux des droits de l'homme est de s'assurer
qu'avant que le cas ne soit examiné par un organe international, l'Etat
visé a eu l'opportunité de remédier à la situation
par son propre système national. Cela évite à la
Commission de jouer le rôle d'un tribunal de première instance,
mais plutôt celui d'un organe de dernier recours (Voir communications
25/89 [Free Legal Assistance Group et Autre c. Zaïre], 74/92
[Commission Nationale des Droits des l'Homme et des Libertés c.
Tchad (ACHPR 1995)] et 83/92 [Degli et Autre c. Togo]). Dans
l'application de cette règle, les trois critères fondamentaux
suivants doivent être pris en compte: la disponibilité,
l'efficacité et la satisfaction.
32. Une voie de recours est considérée comme
existante lorsqu'elle peut être utilisée sans obstacle par le
requérant, elle est efficace si elle offre des perspectives de
réussite et elle est satisfaisante lorsqu'elle est à même
de donner satisfaction au plaignant.
33. La thèse du gouvernement relative à
l'épuisement des recours internes doit donc être examinée
dans ce cadre. Comme déjà mentionné, une voie de recours
n'est considérée disponible que lorsque le requérant peut
l'utiliser dans sa situation. Dans ses décisions antérieures, la
Commission a déclaré les communications
60/91 [Constitutional Rights Project (pour le compte de
Akamu et Autres) c. Nigeria], 87/93 [Constitutional Rights Project
(pour le compte de Lekwot et Autres) c. Nigeria], 101/93 [Civil
Liberties Organisation (pour le compte de l'Association du Barreau) c.
Nigeria] et 129/94 [Civil Liberties Organisation c. Nigeria]
recevables parce que la compétence des juridictions nationales avait
été révoquée soit par décrets, soit par la
création de tribunaux spéciaux.
34. La Commission a souligné que des voies de recours
dont l'existence n'est pas évidente ne peuvent pas être
invoquées par l'Etat à l'encontre du plaignant. En
conséquence, dans cette situation où la compétence des
juridictions nationales a été révoquée par des
décrets dont la validité ne peut pas être mise en cause par
aucun tribunal, l'on considère que les voies de recours internes
n'existent pas et toute tentative d'y recourir serait une perte de temps.
35. L'existence d'une voie de recours interne doit être
suffisamment certaine, non seulement en théorie, mais aussi en pratique,
faute de quoi elle ne serait ni disponible ni efficace. Par conséquent,
si le plaignant ne peut pas aller vers le tribunal de son pays parce qu'il a
peur pour sa vie ou pour celle des membres de sa famille, les voies de recours
internes sont considérées comme inexistantes pour lui.
36. Dans le cas sous examen, le requérant a
été renversé par les militaires, il a été
jugé par contumace, les anciens parlementaires et les membres de son
gouvernement ont été mis aux arrêts et la terreur
règne. Ce serait un affront contre le bon sens et la logique de demander
au plaignant de retourner dans son pays pour épuiser les voies de
recours internes.
37. Il n'y a aucun doute que le régime
dénoncé par le plaignant avait instauré le règne de
la terreur. Ainsi, non seulement pour le plaignant, mais aussi pour toutes les
personnes de bonne foi, retourner dans son pays, en ce moment précis,
pour quelque raison que ce soit, aurait mis sa vie en danger. Dans ces
conditions, on ne peut pas dire que les voies de recours existent pour le
plaignant.
38. Dans la jurisprudence de la Commission, une voie de
recours qui n'a aucune chance de réussir ne constitue pas un recours
efficace. La perspective de saisir les juridictions nationales, dont la
compétence est anéantie par les décrets, devient
elle-même nulle. Ce fait est renforcé par la réponse du
gouvernement du 8 mars 1996, dans sa note verbale no. PA 203/232/01/(97-ADJ)
dans laquelle il affirme que « ... le gouvernement gambien
présidé par AFPRC n'a pas l'intention de perdre beaucoup de temps
à répondre à des allégations frivoles et non
fondées d'un despote déchu ».
39. En ce qui concerne le caractère satisfaisant des
voies de recours internes, on peut déduire de l'analyse qui
précède qu'il n'y avait pas de voies de recours susceptibles de
donner satisfaction au requérant.
40. Compte tenu du fait qu'à ce moment précis
le régime contrôlait toutes les branches du gouvernement et avait
peu d'égard pour la justice, tel qu'en témoigne son mépris
pour la décision du tribunal dans l'affaire T. K. Motors et
considérant en outre que la Cour d'Appel de la Gambie a constaté,
dans l'affaire Pa Salla Jagne c. l'Etat, qu'il n'y avait plus de
droits de l'homme ou de lois objectives dans le pays, il serait contraire au
système de justice de demander au plaignant de tenter les voies de
recours internes.
41. Il convient aussi de noter que le gouvernement
prétend que la communication manque de « preuves à l'appui
». La position de la Commission a toujours été qu'une
communication fournisse des preuves indiquant à première vue une
violation des droits de l'homme. Elle précise les dispositions de la
Charte prétendument violées. L'Etat prétend aussi que la
Commission n'est habilitée à traiter, aux termes de la Charte,
que des cas de violations graves et massives des droits de l'homme.
42. Cette proposition est erronée. Outre les articles
47 et 49 de la Charte qui habilitent la Commission à examiner des
plaintes introduites par des Etats parties contre d'autres Etats
également parties, l'article 55 de la Charte prévoit l'examen des
« communi- cations autres que celles des Etats parties ». De
même, l'article 56 de la Charte énonce les conditions d'examen de
ces communications (voir aussi Section XVII du Règlement
intérieur intitulée « Procédures d'examen des
communications reçues conformément à l'article 55 de la
Charte »). Dans tous les cas, la pratique de la Commission a toujours
été d'examiner les communications même lorsqu'elles ne
révèlent pas une série de violations graves et massives.
C'est par cet exercice utile qu'au fil des années, la Commission a
développé sa jurisprudence.
43. L'argument qui veut que le gouvernement a agi
conformément aux règles prévues par la loi n'est pas
fondé dans la mesure où la Commission a, dans sa communication
101/93 [Civil Liberties Organisation (pour le compte de l'Association du
Barreau) c. Nigeria, paragraphe 15], décidé qu'en ce qui
concerne la liberté d'association: Les autorités
compétentes ne devraient pas édicter des lois qui limitent
l'exercice de cette liberté. Les autorités compétentes ne
devraient pas outrepasser les dispositions de la Constitution ou amoindrir les
règles de droit international. Et plus important, par sa
Résolution relative au droit d'association, la Commission avait
précisé que la réglementation de l'exercice de ce droit
à la liberté d'association devrait être conforme aux
obligations des Etats à l'égard de la Charte Africaine des Droits
de l'Homme et des Peuples. Il s'ensuit que toute loi visant à limiter la
jouissance de tout droit reconnu par la Charte doit répondre à
cette condition.
Par ces motifs, la Commission déclare les communications
recevables.
ANNEXE 3 : EXTRAIT COMMUNICATION 275/2003 - ARTICLE
19/ETAT D'ERYTHREE
Du Droit Recevabilité
43. La présente communication est soumise en vertu de
l'Article 55 de la Charte africaine qui autorise la Commission africaine
à recevoir et à considérer des communications, autres que
celles émanant d'Etats parties. L'Article 56 de la Charte africaine
dispose que la recevabilité
d'une communication soumise en vertu de l'Article 55 est
assujettie à sept conditions.4 La Commission africaine a
insisté sur le fait que les conditions énoncées à
l'Article 56 sont conjonctives, ce qui signifie que, en l'absence de l'une
d'entre elles, la communication est
déclarée irrecevable.5
44. Les parties à la présente communication
semblent convenir que six des conditions énoncées à
l'Article 56 ont été réunies. Elles sont néanmoins
en désaccord sur l'application de l'une de ces conditions : l'Article
56(5), qui dispose que les communications relatives aux droits de l'homme et
des peuples auxquels il est fait référence à l'Article 55,
reçues par la Commission africaine devraient être prises en
considération si elles «sont envoyées après
épuisement des voies de recours locales, s'il en existe, a moins qu'il
ne soit manifeste que cette procédure est indûment
prolongée ».
45. L'épuisement des voies de recours locales est un
principe de droit international permettant aux Etats de résoudre leurs
problèmes internes conformément à leurs propres
procédures constitutionnelles avant que ne soient invoqués les
mécanismes internationaux reconnus. L'Etat concerné peut donc
avoir une opportunité de réparer le tort causé dans le
cadre de son propre ordre juridique. Il s'agit d'une règle bien
établie de droit international qui veut, qu'avant l'instauration de
procédures internationales, les diverses voies de recours offertes par
l'Etat aient été épuisées.
46. Selon des communications de la Commission africaine, pour
que les voies de recours locales soient épuisées, elles doivent
être accessibles, effectives et suffisantes. Dans ses communications
n° 147/95 et 149/96, la Commission africaine considérait qu'un
recours est considéré comme accessible si le plaignant peut
l'exercer sans entrave, qu'il est réputé
effectif s'il offre une perspective de succès et
jugé suffisant s'il peut réparer le tort.6
47. Ainsi, aux termes de l'Article 56(5), la loi sur
l'épuisement des voies de recours locales présuppose : (i)
l'existence de procédures érythréenes ayant trait à
la
plainte ; (ii) la justiciabilité ou autrement au niveau
érythréen, de l'objet de la plainte ; (iii) l'existence aux
termes de l'ordre juridique interne de dispositions relatives à la
réparation du type de tort faisant l'objet de la plainte et (iv) des
voies de recours locales accessibles et effectives, à savoir : des
recours suffisants ou capables de réparer le tort faisant l'objet de la
plainte.
48. La seconde partie de l'Article 56(5), objet de la
contestation entre les parties, dispose qu'une communication sera prise en
considération si elle est adressée après épuisement
des voies de recours locales «...s'il en existe, à moins qu'il ne
soit manifeste que cette procédure est indûment prolongée
». Il en découle donc que la règle des voies de recours
locales n'est pas rigide. Elle ne s'applique pas si :
(i) Les voies de recours locales sont inexistantes ;
(ii) les voies de recours locales sont indûment et
irraisonnable ment prolongées ;
(iii) le recours aux voies de recours locales est rendu
impossible ;
(iv) au vu de la plainte, il n'y a pas de justice ou il n'y
à aucun recours local à épuiser, par exemple, lorsque le
pouvoir judiciaire est sous le contrôle de l'organe exécutif
responsable de l'action illégale ;
(v) le tort est dû à un décret du
gouvernement, à l'évidence non soumis, en tant que tel, à
la juridiction des tribunaux nationaux.
Questions soumises à la Commission
Africaine :
49. Comme nous l'avons vu ci-dessus, les parties au
présent cas sont en conflit sur la question de l'épuisement des
voies de recours en Erythrée et il incombe en conséquence
à la Commission africaine de résoudre cette question.
50. D'une part, l'Etat soutient que la condition
stipulée à l'Article 56(5) n'a pas été remplie par
le plaignant et qu'aucune des exceptions ci-dessus mentionnées ne
devrait dont s'appliquer. D'autre part, le plaignant allègue que la
règle d'exception de l'Article 56(5) devrait être
appliquée.
51. Chaque fois qu'un Etat allègue le non
épuisement des voies de recours nationales par un plaignant, il lui
incombe la charge de prouver que les recours qui n'ont pas été
épuisés sont accessibles, effectifs et suffisants pour
réparer la violation alléguée, à savoir : que ces
recours dans le
système juridique national permettent de traiter de la
transgression d'un droit et sont effectifs.7 Lorsque l'Etat y est
parvenu, la charge de la responsabilité incombe alors au plaignant qui
doit prouver que les recours en question sont épuisés ou que
l'exception prévue à l'Article 56(5) ) de la Charte africaine est
applicable.
Conclusions du plaignant :
52. Dans la présente communication, le plaignant
soutient que les voies de recours érythréennes ne sont pas
accessibles et fait remarquer que le fait que les victimes soient
détenues depuis plus de trois ans (depuis septembre 2001) au secret
«est une manifestation du fait que l'administration de la justice en
Erythrée est extrêmement anormale ».
53. Le plaignant souligne en outre le fait que la Section 17
de la Constitution érythréenne prévoit des clauses de
sauvegarde contre l'arrestation et la détention arbitraires des
personnes et que le
Gouvernement de érythréen a failli au respect
de ces sauvegardes.8 Le plaignant prétend que «le
manquement délibéré du gouvernement à se conformer
à sa propre obligation constitutionnelle démontre qu'il est sans
espoir et impossible ou déraisonnable pour les détenus de saisir
les tribunaux érythréens via l'habeas corpus.
54. Le plaignant soutient en outre qu'en Erythrée, le
pouvoir exécutif du Gouvernement interfère dans les affaires du
pouvoir judiciaire, rendant ainsi suspecte l'indépendance et
l'efficacité de ce dernier. Il cite la destitution du Président
de la Cour Suprême par le Président de la République
lorsque celui-ci aurait demandé à l'Exécutif de ne pas
interférer dans le Judiciaire. Le plaignant a fait remarquer que
«si le Président de la Cour Suprême pouvait être
révoqué pour avoir simplement demandé à
l'exécutif gouvernemental de ne pas interférer sur
l'indépendance du judiciaire, qu'arriverait-il à un juge qui
oserait ordonner la libération de détenus désignés
comme étant des `traîtres' et des `ennemis de l'Etat' par la plus
haute autorité, le Président» ?
55. Le plaignant fait en outre remarquer que les violations
des droits de l'homme invoquées sont graves et lourdes et qu'en termes
de jurisprudence de la Commission africaine, ces violations ne
nécessitent pas l'épuisement des voies de recours locales.
56. Le plaignant conclut en déclarant qu'en fait, il
avait adressé un ordre d'habeas corpus au Ministre de la Justice
réclamant que les victimes comparaissent devant le tribunal mais qu'il
n'avait pas reçu de réponse du Ministre et qu'il avait
demandé à rendre visite aux victimes mais que la permission ne
lui avait pas été accordée par l'Etat défendeur.
Observations de l'Etat :
57. Dans ses observations, l'Etat Défendeur maintient
qu'en Erythrée, le pouvoir judiciaire est indépendant et que le
plaignant aurait dû épuiser les voies de recours locales,
directement ou à travers des représentants légaux. L'Etat
Défendeur soutient avoir informé le plaignant qu'il aurait
dû prendre l'initiative de se rapprocher directement des tribunaux pour
demander justice pour les détenus mais que le plaignant n'a pris aucune
initiative à cet égard.
58. L'Etat Défendeur plaide en outre le fait que les
réclamations du plaignant selon lesquelles il y aurait un
«black-out d'informations» et le judiciaire érythréen
manquerait d'indépendance sont infondées dans la mesure où
elles ne sont pas étayées par des exemples concrets indiquant
qu'il y ait eu interférence dans le travail effectif des juges dans la
dispense de justice dans le pays. Eu égard au
congédiement du Président de la Cour Suprême,
l'Etat Défendeur soutient qu'en Erythrée, c'est le
Président qui nomme le Président de la Cour Suprême et
qu'il a donc le pouvoir de le destituer.9
59. L'Article 52 de la Constitution érythréenne
dispose de la destitution et de la suspension des juges. Le sous-article 1
prévoit qu'un juge ne peut être destitué avant l'expiration
de la durée de ses fonctions que par le Président, agissant sur
recommandation de la Commission des Services judiciaires (Judicial Service
Commission), en vertu des dispositions du sous-article 2 de cet Article pour
incapacité physique ou mentale, violation de la loi ou du code
judiciaire d'éthique Le sous-article 2 dispose que la Commission des
services judiciaires vérifiera si un juge devrait être ou non
destitué aux motifs de ceux énumérés au
sous-Article
1 de cet Article. Dans le cas ou la Commission des services
judiciaires décide qu'un juge devrait être destitué, elle
en fera pla recommandation au Président. Et le sous-article 3 dispose
que le Président pourra, sur recommandation de la Commission des
services judiciaires, destituer un juge faisant l'objet d'une enquête.
L'Etat n'a pas indiqué si ces sauvegardes de procédure avaient
été suivies mais a simplement laissé entendre que le
Président de la Cour Suprême est nommé par le
Président et peut être destitué par lui.
60. Dans ses conclusions verbales, lors de la
35ème Session ordinaire, le Représentant de l'Etat
défendeur a réitéré que les allégations du
plaignant étaient fausses et non fondées dans la mesure où
elles avaient été formulées sans tentatives
sérieuses de la part du plaignant de vérifier les faits avant de
porter l'affaire devant la Commission africaine. En outre, le plaignant ne
s'était pas présenté lui-même devant les tribunaux
érythréens et, à ce titre, il incombait au plaignant de
trouver les voies et moyens d'utiliser les tribunaux érythréens
avant de porter l'affaire devant la Commission africaine. Il a rappelé
à la Commission africaine que toutes les conditions de l'Article 56
doivent être réunies pour qu'une affaire soit recevable et que si
l'une quelconque de ces conditions n'est pas remplie, la communication doit
être déclarée irrecevable.
61. Le Représentant de l'Etat défendeur a
informé la Commission africaine que les journalistes
incarcérés avaient été arrêtés par la
police et qu'ils étaient détenus par l'Exécutif.
Toutefois, à l'issue de l'enquête, une décision
administrative avait été prise pour libérer deux des
journalistes et que la décision concernant les autres journalistes
incarcérés devait prochainement intervenir.
62. Il a concédé que les détenus au nom
desquels la présente communication était introduite n'avaient pas
comparu devant un tribunal en raison de la nature du système de justice
pénale en Erythrée. Il a déclaré qu'en
Erythrée, le système de justice pénale n'a pas la
capacité institutionnelle de gérer promptement les cas et,
à ce titre, il y avait une énorme accumulation de cas en attente
dans tous les tribunaux du pays.
63. L'Etat défendeur a, en outre,
déclaré que, contrairement aux réclamations du plaignant
selon lesquelles il n'avait pas pu se rendre en Erythrée afin d'assister
les victimes, toutes les personnes impliquées dans l'affaire relative
aux journalistes détenus et aux détenus politiques étaient
invitées à se rendre en Erythrée, y compris le plaignant
qui a choisi de ne pas se rendre dans le pays.
Décision de la Commission Africaine sur la
recevabilité :
64. Pour déterminer la question de la recevabilité
de la présente communication, la Commission africaine devra
répondre, entre autres, aux questions suivantes :
- Qui doit, aux termes de la Charte africaine, épuiser
les voies de recours locales : l'auteur de la communication ou la victime des
violations alléguées des droits de l'homme ?
- La destitution d'un Président de la Cour suprême
rend-elle les recours érythréens
inaccessibles ou insuffisants ?
- Le fait qu'un Etat manque au respect de ses propres lois
rend-il les voies de recours érythréennes «sans espoir,
impossibles et irraisonnables?»
- La communication révèle-t-elle de lourdes et
graves violations des droits de l'homme et des
peuples ?
- La poursuite de la détention au secret des victimes
rend-elle les recours érythréens inaccessibles, ineffectifs et
insuffisants ?
65. La Charte africaine est claire eu égard à la
partie devant épuiser les voies de recours locales. Elle indique, en son
Article 56(1) que les auteurs de la communication doivent indiquer
leur identité, même s'ils sollicitent l'anonymat. Cela
présuppose que les voies de recours locales doivent être
épuisés par les auteurs. Dans sa considération des
communications, la Commission africaine a adopté une approche actio
popularis par laquelle l'auteur d'une communication ne doit pas connaître
la victime ni avoir de relation d'aucune sorte avec elle. Il s'agit de
permettre aux victimes désavantagées de droits humains sur le
continent de bénéficier de l'assistance d'ONG et de particuliers
très éloignés de l'endroit où elles vivent.
L'auteur doit simplement se conformer aux conditions de l'Article 56. La
Commission africaine a ainsi autorisé de nombreuses communications
émanant d'auteurs agissant au nom de victimes de violations de droits
humains. Ainsi, ayant décidé d'agir pour le compte de ces
victimes, il incombe à l'auteur d'une communication de prendre des
mesures concrètes pour se conformer aux dispositions de Article 56 ou
d'indiquer la raison pour laquelle il lui est impossible de le faire.
66. Eu égard à la destitution du
Président de la Cour Suprême, le plaignant échoue à
démontrer suffisamment dans quelle mesure cette destitution l'aurait
empêché de pressentir les voies de recours en Erythrée ou
de quelle manière elle aurait rendu ces recours érythréens
«sans espoir, impossibles et irraisonnables ?» L'indépendance
du Judiciaire est un élément crucial de la règle de droit.
L'Article
1er des Principes des Nations Unies sur l'indépendance
du judiciaire10 indique que "l'indépendance du judiciaire
sera garantie par l'Etat et inscrite dans la Constitution ou la loi du pays.
Toutes les institutions, gouvernementales et autres, ont le devoir de respecter
et d'observer l'indépendance du judiciaire." Selon l'Article 11 des
mêmes principes "la durée de fonction des juges, leur
indépendance, leur sécurité ...doivent être
suffisamment garanties par la loi." Et l'Article 18 de disposer que "les juges
seront passibles de suspension ou de destitution en raison d'incapacité
ou
de comportement les rendant inaptes à l'exercice de leurs
fonctions." L'Article 30 des normes
minimales d'Indépendance judiciaire11 de
l'International Bar Association (IBA) garantit également que "un juge ne
sera passible de destitution que si, en raison d'une action criminelle ou d'une
faute de nature délictuelle ou répétée ou d'une
incapacité physique ou mentale, il a manifestement
démontré son inaptitude à remplir la fonction de juge
" et l'Article 1(b) d'énoncer que
"l'indépendance personnelle signifie que les termes et conditions du
service judiciaire sont suffisamment assurés pour garantir que les
juges, à titre individuel, ne soient pas soumis au contrôle de
l'exécutif." L'Article 52 (1) de la constitution
érythréenne comporte une disposition presque similaire.
67. La question, toutefois, est de savoir si la destitution
du Président de la Cour Suprême, de manière non conforme
aux normes internationales, rend inaccessible et ineffectif le pouvoir
judiciaire d'un Etat ? Le plaignant émettait simplement des doutes sur
l'effectivité des voies de recours en Erythrée. La Commission
africaine estime qu'il incombe au plaignant de prendre toutes les mesures
nécessaires pour épuiser ou, du moins, tenter d'épuiser
ces voies de recours. Il ne suffit pas au plaignant de dénigrer
l'aptitude des voies de recours de l'Etat en raison d'incidences
isolées. A cet égard, la Commission africainesouhaiterait se
référer à la décision du Comité des droits
de
l'homme dans le cas A c. l'Australie12 dans
laquelle le Comité a considéré que «de
simples doutes sur l'efficacité des voies de recours nationales ou
sur la perspective des coûts financiers
impliqués n'absolvait pas l'auteur de rechercher ces
voies de recours ».13 La Commission africaine peut donc ne pas
déclarer la communication recevable sur la base de cet argument.
68. Au regard de l'argument du plaignant selon lequel le
Gouvernement n'aurait pas respecté ses propres obligations
constitutionnelles aux termes de l'Article 17 de la constitution
érythréenne, la Commission africaine est d'avis que l'essence
même de l'occurrence de violations de droits de l'homme est due au fait
que les gouvernements ne respectent leurs obligations ni
érythréenes ni internationales. Lorsque cela se produit, les
personnes dont les droits ont été ou sont susceptibles
d'être violés saisissent les tribunaux nationaux pour invoquer
leurs droits pour convaincre les gouvernements à respecter ces
obligations. La constitution érythréenne offre de nombreuses
sauvegardes par rapport aux personnes arrêtées et détenues
sans accusation ni procès. Outre les sous- articles 1, 3 et 4 de
l'Article 17, le sous-article 5 du même article est très
instructif. Il dispose que «toute personne aura le droit de
réclamer au tribunal un ordre d'Habeas Corpus. Lorsque l'auteur de
l'arrestation ne le fait pas comparaître devant le tribunal et ne fournit
pas la raison de l'arrestation, le tribunal doit accepter la demande et
ordonner la libération du prisonnier ».
69. Donc, dans le cas en instance, le plaignant aurait pu,
à tout le moins, avoir saisi un tribunal érythréen par un
ordre d'habeas corpus pour attirer l'attention du tribunal sur la disposition
constitutionnelle qui aurait, selon lui, été violée par le
gouvernement. Les avocats cherchent souvent la libération de
détenus en introduisant une demande d'ordre d'habeas corpus. Un ordre
d'habeas corpus est un mandat judiciaire à l'auteur d'une arrestation
lui ordonnant de faire comparaître un détenu devant le tribunal
pour déterminer si cette personne est légalement
emprisonnée et si elle devrait ou non être libérée
de sa détention. Une demande d'habeas corpus est une demande
adressée au tribunal par une personne qui s'élève contre
sa propre détention ou son propre emprisonnement ou ceux d'un tiers.
L'ordre d'habeas corpus a été décrit comme étant
"l'instrument fondamental de
sauvegarde de la liberté individuelle contre une action
arbitraire ou illégale d'un Etat."14 Il sert à
contrôler efficacement la manière dont les tribunaux respectent
les droits constitutionnels.
70. Dans ses conclusions, le plaignant reconnaît avoir
adressé un ordre d'habeas corpus au Ministre de la Justice. La
Commission africaine est d'avis que, même si elle attendait du Ministre
qu'il conseille le plaignant sur la procédure appropriéeà
suivre, son manquement à le faire ne constitue pas une violation de la
loi. Le Ministère de la Justice est la même entité du
Gouvernement qui a failli à «se conformer à ses propres
obligations constitutionnelles...» et seuls les tribunaux sont
habilités à lui ordonner de le faire. En adressant l'ordre au
Ministre de la Justice, le plaignant ne peut prétendre avoir
tenté d'épuiser les voies de recours érythréennes
dans la mesure où l'Article 56(5) exige l'épuisement des voies de
recours légaux et non pas de recours administratifs.
71. Eu égard à l'argument selon lequel la
communication révèle de graves et lourdes violations des droits
de l'homme, la Commission africaine souhaiterait réitérer ses
décisions antérieures des communications
n° 16/88,15 25/89, 47/90, 56/91, 100/93
16, 27/89, 46/91, 49/91, 99/9317 selon lesquelles [...]
elle ne peut considérer que l'exigence d'épuisement des voies de
recours nationales s'applique littéralement dans les cas où il
est impossible ou non souhaitable que le plaignant saisisse les tribunaux
locaux pour chaque plainte individuelle comme c'est le cas lorsqu'il s'agit
d'un grand nombre de victimes. En raison de la gravité de la situation
des droits de l'homme et du nombre important de personnes impliquées,
ces recours, tels qu'ils pourraient théoriquement en exister
auprès des tribunaux érythréens, sont dans les faits
pratiquement inaccessibles ...»
72. Toutefois, eu égard à la poursuite de la
détention au secret des détenus, la Commission africaine
souhaiterait faire remarquer la reconnaissance par la partie Etat que les
victimes sont toujours maintenues en détention à cause de la
piètre situation du système de justice pénale dans le
pays. Eu égard à cet argument de la partie Etat, la Commission
africaine fait remarquer qu'à chaque fois qu'un crime peut faire l'objet
d'investigations et de poursuites par l'Etat, sur sa propre initiative, l'Etat
a l'obligation de faire avancer le processus pénal jusqu'à son
ultime conclusion. Dans de tels cas, on ne peut exiger du plaignant, des
victimes ou des membres de leur famille qu'ils assument la tâche
d'épuiser les voies de recours nationales lorsqu'il incombe à
l'Etat d'enquêter sur les faits et de faire comparaître les
personnes accusées devant le tribunal, conformément aux normes de
procès équitables tant érythréennes
qu'internationales.
73. La Commission africaine souhaiterait également
faire remarquer que la partie Etat a généralement
réfuté les plaintes alléguées et a insisté
sur le fait qu'il existe des voies de recours en Erythrée et que le
plaignant ne s'est pas efforcé de les épuiser. La Commission
africaine fait toutefois remarquer que la partie Etat s'est contentée
d'énumérer in abstracto l'existence de voies de recours sans les
lier aux circonstances du cas et sans démontrer de quelle manière
elles pourraient permettre une réparation
effective des circonstances de ce cas.18
74. En conséquence, dans la communication en instance,
le fait que le plaignant n'ait pas suffisamment démontré avoir
épuisé les voies de recours érythréennes ne
signifie pas que ces voies de recours soient accessibles, effectives et
suffisantes. La Commission africaine peut arriver à des
déductions à partir des circonstances entourant le cas et
déterminer si ces recours sont en fait accessibles et s'ils le sont,
s'ils sont effectifs et suffisants.
75. L'invocation de l'exception à la règle voulant
que les voies recours, aux termes de la législation
érythréenne, soient épuisées, comme prévu
à l'Article 56(5), doit invariablement être liée à
la détermination de possibles violations de certains droits inscrits
dans la Charte africaine, tel que le
droit à un procès équitable inscrit
à l'article 7 de la Charte africaine.19 L'exception à
la règle de l'épuisement des voies de recours
érythréennes s'appliquerait donc lorsque la situation de l'Etat
ne permet pas la sauvegarde de la liberté individuelle (due process of
law) pour la protection du droit ou des droits qui auraient été
prétendument violés. Cela semble être le cas dans la
présente communication.
76. Le fait de garder des victimes au secret depuis plus de
trois ans démontre une violation, de prime abord, fondée des
clauses de sauvegarde de la liberté individuelle et, en particulier, de
l'Article 7 de la Charte africaine. Le fait de n'avoir pris aucune mesure de
réparation de cette situation plus de douze mois après la saisie
de la communication par la Commission africaine démontre que l'Etat a
également failli à démontrer l'accessibilité et
l'effectivité des voies de recours érythréennes.
77. La Commission africaine est également d'avis que
l'Etat a eu suffisamment de temps et a été suffisamment
informé pour, au moins, inculper les détenus et leur accorder
l'accès à des représentants légaux. Autre
raisonnement lié à la condition requise d'épuisement :
celui selon lequel un gouvernement devrait être notifié d'une
violation des droits humains pour avoir l'opportunité de remédier
à cette violation avant d'être cité à
comparaître pour rendre compte devant un tribunal international.
Toutefois, s'il est démontré que l'Etat a été
amplement informé et qu'il a eu suffisamment de temps pour
remédier à la situation, même en dehors du contexte des
recours locaux de l'Etat, comme c'est le cas pour la présente
communication, l'Etat sera toujours réputé avoir
été dûment informé et il aurait dû prendre les
mesures appropriées pour remédier à la violation
alléguée. Le fait que l'Etat érythréen n'ait pris
aucune mesure signifie que les voies de recours en Erythrée sont soit
inaccessibles,soit, si elles le sont, qu'elles ne sont ni effectives ni
suffisantes pour réparer les violations alléguées.
78. A cet égard, la Commission africaine souhaiterait se
référer à sa décision de la Communication
18/8820 portant sur la détention et la
torture du plaignant pendant plus de sept ans sans inculpation ni
procès, les privations alimentaires pendant de longues périodes,
le blocage de son compte bancaire et l'utilisation de son argent sans sa
permission. La Commission africaine a considéré que, dans de
telles circonstances, il est clair que l'Etat a été amplement
informé de ces violations et aurait dû prendre des mesures pour y
remédier La Commission africaine souhaiterait également
réitérer sa
position prise dans la communication 250/200221.
Dans cette communication, la Commission africaine était d'avis que la
situation, telle que présentée par l'Etat défendeur, ne
permettait pas la sauvegarde ni la protection des droits présumés
avoir été violés ; les détenus se sont vus
interdire l'accès aux voies de recours aux termes de la
législation nationale et ont donc été
empêchés de les épuiser. En outre, on les a fait
comparaître avec un retard injustifié.
79. La situation, telle que présentée par l'Etat
défendeur, ne permettait pas la sauvegarde ni la protection des
droits présumés avoir été violés ; les
détenus se sont vus interdire l'accès aux voies de recours aux
termes de la législation nationale et ont donc été
empêchés de les épuiser. En outre, on les a fait
comparaître avec un retard injustifié.
80. Dans le cas Albert Mukong, le Comité des droits de
l'homme a considéré que «un Etat partie à
la Convention, indépendamment de son niveau de développement,
doit répondre à certaines normes
minimales concernant les conditions de
détention».22 Ce raisonnement du Comité des
droits de l'homme peut également inclure le fait qu'un Etat partie
à la Charte africaine, indépendamment de son niveau de
développement, doit répondre à certaines normes minimales
concernant l'équité des procès ou les clauses de
sauvegarde de la liberté individuelle ». Le Comité a conclu
que "l'objectif légitime de sauvegarder et, en fait, de renforcer
l'unité nationale dans des circonstances politiques difficiles ne peut
être atteint en tentant de museler ... les principes démocratiques
et les
droits de l'homme".23
81. La poursuite de la détention au secret des victimes
sans inculpation les prive de toute représentation légale et
rend difficile pour le plaignant ou toute autre personne soucieuse de leur
prêter assistance à partir de quelque voie de recours accessible
que ce soit. Laisser les détenus languir indéfiniment en
détention à cause de l'insuffisance du système de justice
pénale de l'Etat ou parce que personne n'a accès aux tribunaux
érythréens en leur nom serait d'une injustice voire d'un manque
d'équité choquants.
82. En l'absence de mesures concrètes de la part de
l'Etat pour faire comparaître les victimes devant un tribunal ou pour
leur permettre d'avoir accès à leurs représentants
légaux trois ans après leur arrestation et leur détention
et plus d'un an après avoir été saisie de la question, la
Commission africaine, en toute conviction, conclut que les voies de recours
érythréennes, même si elles sont accessibles, ne sont ni
effectives ni suffisantes.
Pour cette raison, la Commission africaine déclare la
communication recevable.
ANNEXE 4 : EXTRAIT COMMUNICATION 299/2005 - ANUAK
JUSTICE COUNCIL / ETHIOPIE
Présentation du plaignant sur la recevabilité :
Le plaignant avance que l'article 56 (5) de la Charte
Africaine requiert que les plaignants épuisent tous les recours internes
avant de soumettre leur cas à la Commission Africaine. Le plaignant fait
en outre observer que, si les recours internes potentiels ne sont pas
accessibles ou se prolongent d'une façon anormale, la Commission peut
néanmoins examiner une communication, en ajoutant que cela est d'autant
plus vrai lorsque le pays contre lequel la plainte est engage a
perpétré une série vaste et diverse de violations et que
la situation générale du pays que l'épuisement des recours
internes serait vain.le plaignant soutient que, dans le cas Anuak
Justice, il serait vain de poursuivre les recours locaux en raison de
l'absence d'un appareil judiciaire indépendant et impartial, de
l'absence de recours efficaces, de la probabilité considérable de
prolongement anormal des recours internes et, plus important encore, de la
violence potentielle contre Anuak ou ceux qui les soutiendraient au sein du
système judiciaire.
Anuak Justice Council allègue qu'il ne peut
chercher l'épuisement des recours internes en raison de son inaptitude
à jouir d'audiences indépendantes et équitables
découlant directement du fait que l'agresseur est le gouvernement
éthiopien. Le plaignant fait observer qu'en dépit de la
protection de l'Article 78 de la Constitution de l'Etat défendeur
garantissant l'indépendance du Judiciaire, la perception tant dans le
pays qu'à l'étranger est que l'exécutif a une influence
considérable, voire indue sur le judiciaire.
Le plaignant cite un rapport de la Banque Mondiale
intitulé «Ethiopie : évaluation du secteur juridique et
judiciaire» (2004) ayant conclu que «... des trois branches du
gouvernement, le judiciaire est celle qui a le moins d'histoire et
d'expérience d'indépendance et qu'il requiert donc un
renforcement considérable pour acquérir une authentique
indépendance». Selon le plaignant, ce rapport fait observer que
l'interférence dans le judiciaire est plus flagrante au niveau de l'Etat
où des rapports de responsables administratifs interfèrent avec
des décision de justice, la destitution de juges, des ordres de
décisions aux juges, des réductions de salaires des juges et le
refus délibéré d'exécuter certaines
décisions des tribunaux.
Le plaignant allègue que l'introduction du cas devant
les tribunaux éthiopiens entraînerait une prolongation sans
anormale dans la mesure où le système judiciaire éthiopien
souffre d'un système complexe de tribunaux multiples sans coordination
ni ressources, dont de «sombres conditions de service, le manque de
personnel, le manque de formation adéquate, des infrastructures
fragilisantes et des problèmes logistiques ». Le plaignant
prétend que les procédures devant les tribunaux prennent des
années avant d'aboutir et en conclut que le système judiciaire de
l'Etat défendeur est si dépourvu de ressources que des poursuites
seraient pratiquement impossibles, en faisant remarquer qu'aucune mesure
n'a été prise pour poursuivre les membres de
l'Ethiopien Defence Force ou les responsables du gouvernement pour les
atrocités qu'ils ont commises contre les Anuak.
Le plaignant allègue également que les Anuak
craignent pour leur sécurité en introduisant leur cas en Ethiopie
en ajoutant qu'il n'existe aucun avocat anuak formé qui puisse
introduire le cas devant les tribunaux éthiopiens. Le plaignant fait
observer que le sentiment écrasant dans la Région Gambella et
chez les Anuak ayant fui le pays est que des avocats non anuak en Ethiopie ne
serait pas enclin à défendre ce cas à cause des
persécutions potentielles dont ils pourraient faire l'objet ainsi que
tous les obstacles insurmontables à l'obtention de justes
réparations. Le plaignant ajoute que les Anuak qui restent dans la
Région Gambella continuent d'être exposés à des
exécutions extrajudiciaires, à la torture, au viol et aux
détentions arbitraires du fait des autorités de l'Etat
défendeur en ajoutant que plusieurs d'entre eux ont été
menacés et spécifiquement prévenus de ne pas engager de
poursuites contre l'Etat défendeur. Le plaignant fait observer qu'en
janvier 2005, l'Etat défendeur a menace les dirigeants anuak, en
déclarant que quiconque tenterait de ternir la réputation de
l'Etat défendeur aurait à en répondre. Le plaignant
conclut en déclarant que l'introduction du cas dans l'Etat
défendeur ne ferait que mettre davantage en danger la vie des Anuak
restés en Ethiopie.
Le plaignant ajoute que l'Etat défendeur a
été prévenu et a joui d'un délai adéquat
pour réparer les violations des droits de l'homme à l'encontre
des Anuak mais qu'il a totalement échoué à le faire. Que
l'Etat défendeur a été prévenu des violations mais
qu'il a choisi de ne pas prendre de mesures pour mettre un terme aux
atrocités ou demander des comptes à ses forces. Le plaignant
ajoute que la réponse de l'Etat défendeur aux massacres de
décembre 2003 dans la Région Gambella a été
inadéquate et fourbe. Que, sous les pressions internationales, l'Etat
défendeur a établi une Commission d'enquête pour faire la
lumière sur les tueries. Toutefois, selon le plaignant, l'enquête
était faussée et sans résultat et ne répondait pas
aux normes internationales d'une investigation indépendante.
Présentation de l'Etat défendeur sur la
recevabilité :
L'Etat défendeur allègue que le cas des
personnes impliquées dans les violations alléguées ayant
eu lieu dans la Région Gambella sont actuellement pendants devant le
Federal Circuiting Court et le défendeur allègue donc
que les recours internes n'ont pas été encore
épuisés. L'Etat a fourni une liste d'environ 9 cas de ce type y
compris leur numéro de dossier et leurs dates précédentes
et futures de report.
L'Etat défendeur allègue que la règle
d'épuisement des recours internes ne se limite pas aux individus mais
qu'elle s'applique également aux organisations, y compris celles ne
relevant aucunement de la compétence de l'Etat défendeur. Selon
le défendeur, le plaignant aurait pu chercher réparation devant
les tribunaux internes, le Judicial Administration Office, la
Commission d'enquête ou la Commission des Droits de l'homme mais il ne
l'a pas fait. Selon l'Etat, le plaignant n'a pas démontré
l'existence d'obstacles à l'utilisation de ce processus de recours ou
que celui-ci se serait prolongé de façon anormale.
Sans indiquer l'état de la procédure, l'Etat
allègue que toutes les personnes alléguées de violations
des droits de l'homme en relation avec l'incident de Gambella de
décembre 2003 ont été attraites devant la Cour de circuit
fédérale. L'Etat indique que trois recours internes
étaient disponibles pour les plaignants : les tribunaux
compétents, l'Administrateur judiciaire et la Commission des Droits de
l'Homme mais que les plaignants ne se sont rapprochés d'aucun d'entre
eux.
Mesures provisoires
La République d'Ethiopie allègue que le
plaignant n'a cherché qu'à présenter ce qu'il
prétend être une preuve fondée (prima facie) de
violations et n'a pas démontré que si ces violations
alléguées se poursuivent, il y aurait un «dommage
irréparable », comme requis. Enfin, le défendeur avance que
le gouvernement a suffisamment prouvé qu'il a pris des mesures
adéquates pour rectifier la situation et que celle-ci s'est
généralement stabilisée et ne nécessite aucune
mesure provisoire émanant de la Commission. L'Etat défendeur
présente ce qui suit :
En février 2004, le Bureau du Premier Ministre a
donné instruction aux institutions fédérales d'assister
l'Administration régionale à sauvegarder la
sécurité des personnes et des institutions et de prévenir
toute nouvelle violence, sollicitant le soutien des personnes
âgées, des jeunes et des fonctionnaires aux efforts dans le sens
d'une paix durable, de la démocratie et du développement ; en
réhabilitant les victimes de violences et les personnes
déplacées et en attrayant en justice les responsables des
violences perpétrées et des destructions de biens.
Les Forces de défense, une fois
déployées, ont protégé la population civile et
permis l'assistance humanitaire et la réhabilitation.
Le Gouvernement fédéral, en coopération
avec les agences internationales, a coordonné l'assistance humanitaire
pour soulager les souffrances des victimes de violences et les personnes
déplacées.
Une Commission d'enquête a été
établie pour enquêter sur les circonstances entourant la crise et
des accusations ont été introduites en conséquence contre
plusieurs individus. Des détails sur les fonctions, les tâches
entreprises et les résultats obtenus par la Commission sont inclus dans
les informations fournies.
Le Gouvernement a organisé diverses consultations et
ateliers avec la participation des populations locales qui ont propose des
solutions concrètes destinées à résoudre les
problèmes auxquels la région est confrontée et qui ont
identifié les causes profondes de la crise.
La Police fédérale a récemment
diplômé plus de trois cents officiers de police de la
région de Gambella pour aider à faire respecter la loi et l'ordre
dans la région une fois que la situation aura été
stabilisée.
Le droit
La recevabilité
La présente communication est présentée
en vertu de l'Article 55 de la Charte Africaine qui autorise la Commission
Africaine à recevoir et à examiner des communications, autres que
celles des Etats parties. L'Article 56 de la Charte Africaine dispose que la
recevabilité d'une communication introduite en vertu de l'Article 55
soit soumise à sept conditions. La Commission Africaine a insisté
sur le fait que les conditions énoncées à l'Article 56
sont conjonctives ; ce qui signifie que si l'une d'elles n'est pas remplie, la
communication sera déclarée irrecevable.
Dans la présente communication, le plaignant
allègue avoir satisfait aux conditions de recevabilité
énoncées à l'Article 56 de la Charte et qu'à ce
titre, la communication devrait être déclarée recevable.
L'Etat défendeur, en revanche, soutient que la communication devrait
être déclarée irrecevable parce que, selon l'Etat, le
plaignant n'est pas conforme à l'Article 56 (5) de la Charte Africaine.
Comme il semble y
avoir accord entre les deux parties concernant le respect des
autres exigences aux termes de l'Article 56, la Commission ne se prononcera pas
à cet égard.
L'Article 56 (5) de la Charte Africaine dispose que les
communications ayant trait aux droits de l'homme et des peuples seront
examinées si elles : «sont postérieures à
l'épuisement des recours internes s'ils existent, à moins qu'il
ne soit manifesté que la procédure de ce recours se prolonge
d'une façon anormale ».
Les droits de la personne considèrent comme d'une
importance suprême qu'une personne dont les droits ont été
violés puisse s'adresser à des recours internes pour corriger le
tort au lieu de porter la question devant un tribunal international. Cette
règle est fondée sur le postulat selon lequel la mise en oeuvre
pleine et efficace des obligations internationales dans le domaine des droits
de l'homme est destinée à améliorer la jouissance des
droits de l'homme et des libertés fondamentales au niveau national. Dans
Free Legal Assistance Group c/. Zaïre et Rencontre Africaine
pour la Défense de Droits de l'Homme [RADDHO] c/ Zambie, la
Commission a considéré que «un gouvernement devrait
être informé d'une violation des droits de l'homme pour avoir
l'opportunité de réparer cette violation avant d'être
attrait devant un organe international.»1 Cette
opportunité permet à l'Etat accusé de sauver sa
réputation qui sera inévitablement ternie s'il était
attrait devant une juridiction internationale.
Cette règle renforce également la relation
subsidiaire et complémentaire existant entre le système
international et les systèmes de protection internes. Dans la mesure du
possible, un tribunal international, y compris la présente Commission,
ne devrait pas jouer le rôle d'une première instance, rôle
qu'il ne saurait s'arroger en aucune circonstance. L'accès à un
organe international devrait être disponible mais seulement en dernier
ressort : après épuisement et échec des recours interne.
En outre, les recours internes sont normalement plus rapides, moins
onéreux et plus efficaces que les recours internationaux. Ils peuvent
être plus efficaces au sens qu'un tribunal d'appel peut casser la
décision d'un tribunal inférieur alors que la décision
d'un organe international n'a pas cet effet, bien qu'elle engage la
responsabilité internationale de l'Etat concerné.
La Charte Africaine déclare que la Commission Africaine
examine une communication après l'épuisement des recours internes
par le requérant, «s'ils existent, à moins qu'il ne soit
manifesté que la procédure de ces recours se prolonge d'une
façon anormale.» La Charte reconnaît donc que, bien que
l'exigence d'épuisement des recours internes soit une disposition
conventionnelle, elle ne devrait pas constituer un empêchement
injustifiable à l'accès à des recours internationaux. La
présente Commission considère également que l'Article
56(5) «doit être appliqué concomitamment à l'Article 7
qui établit et protège le droit à un procès
équitable.»2 Dans l'interprétation de cette
règle, la Commission semble prendre en considération les
circonstances entourant chaque cas, y compris le contexte général
dans lequel fonctionnent les recours internes et les circonstances
particulières du requérant. Son interprétation des
critères de recours internes peut donc ne pas être comprise sans
une certaine connaissance de ce contexte général.
Un recours interne a été défini comme
étant «toute action juridique interne pouvant donner lieu à
la résolution de la plainte au niveau local ou national.»
3 Le Règlement intérieur de la Commission Africaine
dispose que «la Commission statue sur la question de recevabilité
conformément à l'Article 56 de la Charte.» 4
Généralement, les règles exigent que les requérants
citent dans leur requête les mesures prises pour épuiser les
recours internes. Ils doivent fournir la preuve apparemment fondée
d'une tentative d'épuisement des recours internes.
5 Selon la procédure de soumission des communications, les
requérants doivent indiquer, par exemple, les tribunaux auprès
desquels ils ont cherché un recours interne. Les requérants
doivent indiquer qu'ils se sont adressés à tous les recours
internes en vain et doivent fournir des preuves à cet effet. S'ils n'ont
pu utiliser ces recours, ils doivent expliquer pourquoi. Ils peuvent le faire
en présentant des preuves découlant de situations analogues ou en
témoignant d'une politique de l'Etat leur refusant ce recours.
Dans la jurisprudence de la Commission, trois critères
majeurs président à la détermination de la
règle d'épuisement des recours internes, à savoir : le
recours doit être disponible, efficace et suffisant.»1
Selon
la Commission, un recours est considéré
disponible si le requérant peut le poursuivre sans
empêchement2 ou s'il peut l'utiliser dans les circonstances
entourant son cas.3 Le terme «disponible» signifie
«immédiatement possible d'être obtenu; accessible»;
ou
«réalisable, joignable; à la demande,
à portée de main, prêt, présent; . . . opportun,
à son service, à sa volonté, à sa disposition,
au doigt et à l'oeil.»4 En d'autres termes «les
recours dont la disponibilité n'est
pas évidente ne peuvent être invoqués par
l'Etat au détriment du plaignant.»5
Un recours sera réputé efficace s'iI offre une
perspective d'aboutissement.6 Si son aboutissement n'est pas
suffisamment certain, il ne répondra pas aux exigences de
disponibilité et d'efficacité. Le terme «efficace» a
été défini comme signifiant «adéquat pour
accomplir un objectif; produisant le résultat recherché ou
attendu» ou «opérant, utile, utilisable, exécutable, en
ordre; pratique, courant, effectif, réel, valide.»7
Enfin, un recours est jugé suffisant s'il est capable de réparer
la plainte.8 Il est réputé insuffisant si, par
exemple, le requérant ne peut se tourner vers le judiciaire de son pays
par peur généralisée pour sa vie« ou même pour
celle des membres de sa famille.»9 La Commission a
également déclaré qu'un recours était insuffisant
parce que sa poursuite dépendait de considérations
extrajudiciaires telle que la discrétion ou tout autre pouvoir
extraordinaire dévolu aux responsables du pouvoir exécutif de
l'Etat. Le terme «suffisant» signifie littéralement
«adéquat pour
l'objectif; asez»; ou «ample, abondant; . . .
satisfaisant.»10
Dans la présente communication, l'auteur est
basé au Canada et allègue de violations des droits de l'homme
dans l'Etat défendeur à la suite d'un incident survenu dans le
pays. Le plaignant ne cache pas le fait que les recours locaux n'ont pas
été tentés mais argue que les poursuivre serait vain
«en raison du manque d'indépendance et d'impartialité du
judiciaire, du manque de recours efficace, de la vraisemblance de prolongation
anormale des recours internes et, plus important, du potentiel de violence
à l'égard des Anuak ou de ceux qui les soutiennent au sein du
système judiciaire ». Le plaignant allègue que les
violations qui se sont produites dans la région de Gambella
étaient massives et graves et impliquaient un grand nombre de personnes:
il fait remarquer que «les forces gouvernementales et leurs
collaborateurs, ayant préalablelement établi une liste de cibles,
se sont rendus de porte en porte, massacrant tous les hommes Anuak
éduqués qu'ils ont pu trouver, violant les femmes et les enfants
et incendiant les foyers et les écoles ...».
Le plaignant fait en outre observer que l'appareil judiciaire
dans l'Etat défendeur n'est pas indépendant en raison
d'interférences au niveau de l'Etat, des rapports d'officiers
d'administration interférant avec les décisions du tribunal,
licenciant des juges et leur dictant leurs décisions, réduisant
leurs salaires et refusant délibérément d'appliquer
certaines décisions des
tribunaux, et que porter le cas devant les tribunaux
éthiopiens équivaudrait à prolonger le processus d'une
façon anormale puisque le système judiciaire souffre d'un
«système complexe de tribunaux multiples qui
manquent de coordination et de ressources», y compris «de tristes
conditions de service, de manque de personnel, de manque de formation
adéquate, d'infrastructures débilitantes et de problèmes
logistiques ». Le plaignant argue que les procédures judiciaires
«mettent des années pour produire des résultats» et
conclut que le système judiciaire de l'Etat défendeur est
«si dépourvu de ressources que les poursuites seraient pratiquement
impossibles ».
Le plaignant allègue également que la crainte
des Anuak pour leur sûreté en introduisant l'affaire en Ethiopie
et d'ajouter que les Anuak ne comptent aucun avocat de formation susceptible de
porter l'affaire devant les tribunaux éthiopiens. Le plaignant conclut
en déclarant que porter l'affaire dans l'Etat défendeur ne ferait
que mettre davantage en péril la vie des Anuak restant en Ethiopie. Le
plaignant ajoute que l'Etat défendeur a été informé
et a eu le temps nécessaire pour remédier aux violations des
droits de l'homme à l'encontre des Anuak mais qu'il a
échoué à le faire de façon flagrante.
La Commission peut-elle conclure, sur la base des
allégations du plaignant qui précèdent, que les recours
internes de l'Etat défendeur ne sont pas disponibles ou qu'ils sont
inefficaces ou insuffisants ?
Il doit être observé ici que les observations du
plaignant semblent suggérer que les recours internes puissent être
réellement disponibles mais il doute de leur efficacité
concernant le cas présent. Il apparaît clairement, des
observations du plaignant, que celui-ci s'est fondé sur des rapports, y
compris un rapport de la Banque Mondiale qui concluait que «l'un des trois
pouvoirs du gouvernement, le judiciaire, a un plus faible héritage et
une moindre expérience de l'indépendance et, par
conséquent, a besoin d'un renforcement significatif pour acquérir
une véritable indépendance».
Les observations du plaignant démontrent
également son appréhension quant à l'aboutissement des
recours internes, par crainte pour la sûreté des avocats, par
manque d'indépendance du judiciaire ou en raison des maigres ressources
disponibles du judiciaire. Outre le fait de jeter le doute sur
l'efficacité des recours internes, le plaignant n'a pas apporté
de preuves concrètes ni démontré suffisamment que ces
appréhensions étaient fondées et pourraient constituer un
obstacle pour se tourner vers des recours internes. La Commission est d'avis
que le plaignant jette simplement le doute sur l'efficacité des recours
internes. Elle est d'avis qu'il incombe à chaque plaignant de prendre
les mesures nécessaires pour épuiser ou, du moins, tenter
d'épuiser les recours internes. Il ne suffit par pour le plaignant de
jeter le doute sur l'aptitude des recours internes de l'Etat sur la base
d'incidences passées isolées. A cet égard la Commission
Africaine souhaiterait se référer à la décision du
Comité des droits de l'homme dans A c/ Australie1 dans
laquelle le Comité a considéré que «de simples doutes
sur l'efficacité des recours internes
... n'absolvaient pas l'auteur de poursuivre ces recours
».1
La Commission Africaine peut donc ne pas déclarer la
communication recevable sur la base de cet argument. Si un recours a la moindre
probabilité d'être efficace, le requérant doit le
poursuivre. Alléguer que les recours internes n'ont guère de
probabilité d'aboutissement, sans essayer de s'en prévaloir,
n'influencera absolument pas la Commission.
Le plaignant allègue également que les violations
alléguées sont graves et qu'elles concernent un grand nombre
de personnes et que la communication devrait être déclarée
recevable dans la mesure où la
Commission ne peut considérer que les exigences de
recours internes s'appliquent littéralement dans des cas où il
est impraticable ou non souhaitable que le plaignant saisisse les tribunaux
internes pour chaque violation. Dans le cas Malawi African Association c/
Mauritanie2, par exemple, la Commission a observé que la
gravité de la situation des droits de l'homme en Mauritanie et le grand
nombre de victimes impliquées rendaient la voie des recours indisponible
en termes pratiques et que, selon les termes de la Charte, leur processus
«se prolongeait d'une façon anormale». De même, le cas
Amnesty International c/ Soudan3 portait sur l'arrestation
arbitraire, la détention et la torture de nombreux citoyens soudanais
à la suite du coup d'Etat du 30 juillet 1989. Les actes de torture
allégués étaient de contraindre les détenus dans
des cellules de 1,8 mètres de largeur et d'un mètre de
profondeur, inondées délibérément, frapper
fréquemment aux portes pour empêcher les détenus de
s'allonger, les forcer à affronter des simulacres d'exécutions et
les empêcher de se baigner ou de se laver. Entre autres actes de torture,
les détenus étaient brûlés avec des cigarettes,
attachés avec des cordes pour couper la circulation sanguine, les battre
avec des bâtons jusqu'à profondes lacérations de leur
corps, aspergées ensuite d'acide. Après le coup d'Etat, le
gouvernement soudanais a promulgué un décret suspendant la
compétence des tribunaux réguliers en faveur de tribunaux
spéciaux pour traiter des mesures prises dans l'application de ce
décret. Il délégalisait également la prise de
mesures légales à l'encontre du décret. Ces mesures, plus
la «gravité de la situation des droits de l'homme au Soudan et le
grand nombre de personnes impliquées, a conclu la Commission,
«rendaient les recours indisponibles dans les faits.»4
Ainsi, dans les cas de violations massives, l'Etat est
supposé être informé des violations se produisant sur son
territoire et il est supposé agir en conséquence, quelles que
soient les violations des droits de l'homme. L'omniprésence de ces
violations dispense de l'exigence d'épuisement des recours internes, en
particulier lorsque l'Etat ne prend aucune mesure pour les empêcher ou y
mettre un terme.5
Ces cas doivent être néanmoins distingués
du cas présent qui ne porte que sur un seul incident ayant eu lieu sur
une brève période. L'Etat défendeur a indiqué les
mesures qu'il a prises à l'égard de cette situation et les
procédures judiciaires entreprises par les auteurs
allégués de violations des droits de l'homme durant l'incident.
En établissant la Commission d'enquête au Gambella et en inculpant
les auteurs allégués de violations des droits de l'Homme, l'Etat,
encore que sous la pression internationale, a démontré qu'il
n'était pas indifférent aux violations alléguées de
droits de l'homme qui avaient été perpétrées dans
la région et, de l'avis de la Commission, peut être
considéré comme ayant fait preuve d'une diligence raisonnable.
La Commission a également considéré, dans
de nombreuses instances, que les recours internes n'ont pas été
épuisés si un cas portant sur la question faisant l'objet de la
requête qui lui est soumise est encore pendant devant les tribunaux
nationaux. Dans Civil Liberties Organization c/ Nigeria,1
la Commission Africaine a décliné l'examen d'une communication eu
égard de laquelle une plainte avait été introduite mais
n'était pas encore réglée par les tribunaux de l'Etat
défendeur. Dans la présente communication, l'Etat
défendeur indique que l'affaire est toujours pendante devant ses
tribunaux et a joint une liste de cas encore pendants devant la Cour de circuit
fédérale en relation avec l'incident de Gambella. La liste
indique les noms des suspects, les numéros de dossier de leur cas, les
dates antérieures et futures d'ajournement. Le plaignant ne nie pas que
ce processus soit en cours Pour la Commission, il n'importe pas que le fait que
les cas soient toujours pendants devant les tribunaux ait été
indiqué par le plaignant ou par l'Etat. La question sous-jacente est de
savoir si le cas fait l'objet de la procédure devant la Commission et
s'il cherche à accorder au plaignant les mêmes réparations
que celles qu'il recherche auprès de la
Commission. Tant qu'un cas toujours pendant devant un tribunal
interne fait l'objet d'une requête devant la Commission et tant que la
Commission pense que les réparations recherchées peuvent
être obtenues localement, elle déclinera de connaître de ce
cas. La Commission est d'avis que la présente communication est toujours
pendante devant les tribunaux de l'Etat défendeur et qu'elle ne
satisfait donc pas aux exigences de l'Article 56 (5).
Pour les raisons qui précèdent, la Commission
Africaine déclare la communication 299/2005 - Anuak Justice
Council/Ethiopie - irrecevable pour non-épuisement des recours internes
conformément à l'Article 56 (5) de la Charte Africaine des Droits
de l'Homme et des Peuples.
Fait à la 39e session ordinaire
Banjul, Gambie du 11 au 25 mai 200
ANNEXE 5 : EXTRAIT COMMUNICATION 307/2005 - M. OBERT
CHINHAMO /ZIMBABWE Décision sur la recevabilité
Résumé des observations du Plaignant sur la
recevabilité
23. Le plaignant a déclaré jouir du locus
standi devant la Commission puisque la communication est introduite par
lui-même, citoyen du Zimbabwe. Concernant la compatibilité, le
plaignant a soutenu que la Communication soulève une violation prima
facie de la Charte perpétrée par l'Etat défendeur.
24. Il a en outre déclaré que,
conformément à l'Article 56(4), les preuves qu'il a
avancées révèlent que la communication n'est pas
exclusivement basée sur des nouvelles diffusées par des moyens de
communication de masse, ajoutant qu'elle est basée sur des preuves
originales produites par luimême, y compris des rapports d'organisations
des droits de l'homme de bonne réputation.
25. Concernant l'exigence d'épuisement des recours
internes conformément à l'Article 56(5), le plaignant a
déclaré que les recours, dans cette circonstance
particulière, ne sont pas disponibles car il ne peut pas les utiliser,
qu'il a été contraint de fuir le Zimbabwe par crainte pour sa vie
après avoir survécu à des expériences de torture
perpétrées par l'Etat défendeur en raison de ses
activités de défenseur des droits de l'homme. Le plaignant a
argué qu'il incombe à l'Etat de démontrer que les
recours sont disponibles, citant les décisions de la
Commission relatives aux communications 71/926 et
146/967.
26. Le plaignant a attiré l'attention de la Commission
Africaine sur sa décision dans Rights International
c/ Nigeria8 où la Commission Africaine a
considéré que l'inaptitude d'un plaignant à poursuivre les
recours internes à la suite de sa fuite au Bénin par crainte pour
sa vie où il lui a été accordé
ultérieurement l'asile suffisait à établir une norme
d'épuisement effectif des recours internes. En conclusion, il a fait
remarquer que le fait qu'il ne se trouvait plus sur le territoire de l'Etat
défendeur où des recours pouvaient être recherchés
et le fait qu'il avait fui le pays contre sa volonté en raison des
menaces contre sa vie empêchait toute poursuite de recours sans
obstacles.
27. Le plaignant a également contesté
l'efficacité des recours en faisant remarquer que les recours ne sont
efficaces que lorsqu'ils comportent une perspective de succès. Il a
soutenu que l'Etat défendeur
traite les décisions des tribunaux allant à son
encontre avec indifférence et désapprobation et qu'il ne s'attend
pas à ce que, dans son cas, la décision d'un tribunal soit
respectée. Il a déclaré que l'Etat défendeur avait
tendance à ignorer les décisions des tribunaux qui ne lui
étaient pas favorables et il a ajouté que les Avocats
défenseurs des droits de l'homme au Zimbabwe disposaient d'au moins 12
exemples dans lesquels l'Etat avait ignoré des décisions de
justice depuis l'an 2000. Il a cité la décision de la Haute Cour
dans le cas Commercial Farmers Union et le cas Mark Chavunduka et Ray Choto
où les deux plaignants auraient été enlevés et
torturés par l'armée. En conclusion et compte tenu de la
situation prévalant dans l'Etat défendeur, de la nature de sa
plainte et de la pratique bien connue de l'Etat défendeur de non-
application des décisions des tribunaux, son cas n'avait aucune
perspective de succès si les recours internes étaient poursuivis
et, selon lui, ne valaient pas la peine de l'être.
28. Le plaignant a en outre allégué que la
communication avait été présentée dans un
délai raisonnable conformément à l'Article 56 (6) et qu'en
conclusion, la communication n'avait fait l'objet d'aucune décision d'un
autre organe international.
Observations de l'Etat défendeur sur la
recevabilité
29. L'Etat défendeur a brièvement
rappelé les faits relatifs à la communication et a indiqué
que les faits, tels que présentés par le plaignant,
`présentent un certain nombre de lacunes'. L'Etat a argué que le
plaignant faisait des allégations générales sans fournir
de preuves à l'appui, citant, par exemple, l'allégation du
plaignant selon laquelle il avait été agressé,
abusé et que l'accès aux toilettes lui avait été
refusé lorsqu'il se trouvait en détention préventive.
L'Etat se demande pourquoi le plaignant n'a pas porté ceci à
l'attention du Magistrat lorsqu'il a comparu ultérieurement devant lui.
L'Etat s'interroge également sur le fait que le plaignant ou son avocat
n'ait pas fait état des menaces alléguées pour la vie du
client devant le Magistrat lors des quatre comparutions devant ce dernier.
L'Etat a conclu que le plaignant a échoué à fournir des
preuves à l'appui de sa peur et des menaces alléguées
contre sa vie et il est d'avis que le plaignant a quitté le pays de son
propre gré.
30. Sur la question de la recevabilité, l'Etat a soutenu
que la communication soit déclarée irrecevable car elle n'est pas
conforme à l'Article 56 (2), (5) et (6) de la Charte.
31. L'Etat a soutenu que la communication n'est pas conforme
car elle allègue de violations des droits de l'homme en
général et ne fournit aucune preuve de ces violations et
d'ajouter que les faits ne présentent pas de violation prima facie des
dispositions de la Charte, en faisant observer que, fondamentalement, les faits
et les points faisant l'objet de la communication n'entrent pas dans le
rationae materiae et le rationae personae de la compétence de la
Commission.
32. Sur l'épuisement des recours internes aux termes
de l'Article 56 (5), l'Etat a soutenu que des recours internes étaient
disponibles pour le plaignant, citant la Section 24 de la Constitution qui
dispose des voies à suivre en cas de violation des droits de l'homme.
L'Etat a ajouté qu'il n'y a aucune preuve que le plaignant a suivi les
recours internes. L'Etat a en outre indiqué qu'aux termes de la loi
zimbabwéenne, lorsqu'une personne perpètre des actes violant les
droits d'une autre personne, cette autre personne peut obtenir du tribunal
qu'il soit interdit à l'auteur de la violation de les
perpétrer.
33. Sur l'efficacité des recours internes, l'Etat a
soutenu que la Constitution dispose de l'indépendance du judiciaire dans
l'exercice de son mandat, conformément aux Principes des Nations Unies
relatifs à l'indépendance du judiciaire et aux lignes directrices
de la Commission Africaine relatives au droit à un procès
équitable.
34. L'Etat a écarté l'argument du plaignant
selon lequel son cas est similaire à ceux introduits par Sir Dawda
Jawara contre la Gambie et par Rights International (au nom de Charles Baridorn
Wiza) contre le Nigeria, ajoutant que dans ces deux derniers cas, une
réelle menace pour la vie avait été prouvée. L'Etat
a poursuivi en indiquant des cas dans lesquels le gouvernement a
appliqué des décisions de tribunaux prises à son encontre
en ajoutant que, dans le cas présent du plaignant, le gouvernement avait
respecté la décision du tribunal.
35. L'Etat a en outre indiqué qu'aux termes de la loi
du Zimbabwe, il n'est pas juridiquement obligatoire qu'un plaignant soit
physiquement présent dans le pays pour avoir accès aux recours
internes en précisant que tant le High Court Act (loi sur la Haute Cour)
(Chapitre 7:06) que le Supreme Court Act (loi sur la Cour suprême)
(Chapitre 7:05) autorisent toute personne à s'adresser à un
tribunal à travers son avocat. L'Etat a ajouté que, dans le cas
Ray Choto et Mark Chavhunduka, les victimes avaient été
torturées par des agents de l'Etat et qu'elles en avaient demandé
réparation alors qu'elles se trouvaient toutes les deux au Royaume-Uni
et que leur réclamation avait abouti. L'Etat en a conclu que le
plaignant n'est pas empêché de poursuivre des recours de
manière similaire.
36. L'Etat a également soutenu que la plainte n'est
pas conforme à l'Article 56 (6) de la Charte en indiquant que la
communication devrait être introduite dans un délai raisonnable
courant depuis l'épuisement des recours internes mais, lorsque le
plaignant se rend compte que les recours internes se prolongent d'une
façon anormale, il doit soumettre immédiatement la plainte
à la Commission. Selon l'Etat, bien que la Charte ne spécifie pas
ce qui constitue un délai raisonnable, la Commission devrait s'inspirer
d'autres juridictions comme la Commission interaméricaine qui a
fixé à six mois le délai raisonnable, ajoutant que
même le protocole fusionnant la Cour africaine de justice et la Cour
africaine des droits de l'homme et des peuples dispose de six mois.
37. L'Etat a conclu ses observations en faisant remarquer que
`aucune raison convaincante n'a été donnée à la non
poursuite des recours internes ou recours à la Commission dans un
délai raisonnable' et que, donc, la communication devrait être
déclarée irrecevable.
De la recevabilité
Compétence de la Commission africaine
38. Dans la présente communication, l'Etat
défendeur soulève une question sur la compétence de la
Commission africaine à traiter de cette affaire. L'Etat affirme que
« fondamentalement, les faits et les questions en litige n'entrent pas
dans le rationae materiae et le rationae personae de la compétence de la
Commission. » La Commission traitera donc de la question
préliminaire de sa compétence soulevée par l'Etat
défendeur.
39. Le «Black's law dictionary» définit la
rationae materae comme suit : « en raison de l'affaire visée»
; en conséquence de, ou selon la nature de, la question visée
» ; alors que la rationae personae est définie comme suit : «
En raison de la personne concernée ; selon la nature de la personne.
»
40. Compte tenu de la nature des allégations contenues
dans la communication, telles que les allégations de violation
d'intégrité ou de sécurité, d'intimidation et de
torture de la personne, la Commission est d'avis que la communication
soulève des éléments matériels susceptibles de
constituer une violation des droits de l'homme et que, à ce titre, elle
a une compétence ratione materiae car la communication dénonce
des violations de droits de l'homme protégés par la Charte. Eu
égard à la compétence rationae personae de la Commission,
la communication indique le nom de l'auteur, un individu dont l'Etat
défendeur est engagé à respecter et protéger les
droits aux termes de la Charte Africaine. Eu égard à l'Etat, la
Commission note que le Zimbabwe, Etat défendeur dans ce cas, est Etat
partie à la Charte Africaine depuis 1986. En conséquence, le
plaignant et l'Etat jouissent tous deux du locus standi devant la Commission et
la Commission a donc compétence ratione personae pour examiner la
communication.
41. Ayant décidé qu'elle a compétence
rationae materiae et compétence rationae personae, la Commission va
maintenant procéder à se prononcer sur les domaines litigieux
entre les parties.
Décision de la Commission Africaine sur la
recevabilité.
42. La recevabilité des communications par la
Commission Africaine est régie par les exigences de l'Article 56 de la
Charte Africaine. Cet Article dispose de sept exigences devant être
toutes remplies avant que la Commission Africaine ne déclare une
communication recevable. Si l'une des conditions/exigences n'est pas remplie,
la Commission Africaine déclarera la communication irrecevable, à
moins que le plaignant ne justifie pourquoi l'une des exigences n'a pas pu
être remplie.
43. Dans la présente communication, le plaignant
affirme que sa plainte satisfait aux exigences des paragraphes 1-4 et 7 de
l'Article 56. Il déclare que son incapacité d'épuiser les
recours internes a été due au fait qu'il a dû fuir en
Afrique du Sud par crainte pour sa vie. Il indique qu'il n'a pas tenté
de se conformer à cette exigence en raison de la nature de son cas et
des circonstances dans lesquelles il a fui l'Etat défendeur et que,
puisqu'il vivait en Afrique du Sud, l'exception à la règle
devrait être invoquée.
44. En revanche, L'Etat soutient que le plaignant ne s'est
pas conformé aux dispositions de l'Article 56 (2), (5) et (6) de la
Charte et exhorte la Commission à déclarer la communication
irrecevable pour non respect de ces exigences.
45. Les exigences de l'Article 56 de la Charte sont
destinées à assurer qu'une communication est correctement
introduite devant la Commission et à cribler les communications futiles
et vexatoires avant d'en arriver au fond. Comme il a déjà
été indiqué, pour qu'une communication soit
déclarée recevable, elle doit satisfaire à toutes les
exigences énoncées à l'Article 56. En conséquence,
si une partie soutient qu'une autre partie n'a pas satisfait à l'une des
exigences, la Commission doit se prononcer sur les questions litigieuses entre
les parties. Cela ne signifie toutefois pas que les autres exigences de
l'Article 56 qui n'est pas litigieux entre les deux parties ne seront pas
examinées par la Commission.
46. L'Article 56(1) de la Charte africaine dispose que les
communications seront admises si elles indiquent l'identité de leur
auteur, même si celui-ci demande à la Commission de garder
l'anonymat. Dans le cas présent, l'auteur de la communication est
identifié comme M. Obert Chinhamo, il n'a également pas
demandé à garder l'anonymat. L'Etat défendeur a
également été clairement identifié comme
étant la République du Zimbabwe. La disposition de l'Article
56(1) a par conséquent été totalement respectée.
47. L'Article 56(2) de la Charte africaine dispose qu'une
communication doit être compatible avec la Charte de l'OUA ou avec la
Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. Dans la présente
communication, l'Etat défendeur soutient que la communication n'est pas
conforme aux exigences de l'Article 56 (2) en ce qu'elle n'est pas compatible
avec les dispositions de l'Acte Constitutif de l'Union Africaine ou la Charte
Africaine elle-même. L'Etat affirme à cet égard que, pour
qu'une plainte soit compatible avec la Charte ou l'Acte Constitutif, elle doit
présenter une violation prima facie de la Charte.
48. Le terme compatibilité signifie
`conformément à', `en conformité avec', `non contraire
à' ou `contre'. Dans la présente communication, le plaignant
allègue notamment de violations de son droit à
l'intégrité de sa personne et être sujet à des
intimidations, au harcèlement et à une torture psychologique,
à la détention arbitraire, à la violation de la
liberté de circulation et à une perte de ressources
occasionnée par les actions de l'Etat défendeur. Ces
allégations soulèvent à l'évidence une violation
prima facie des droits de l'homme, en particulier du droit à la
sécurité ou à l'intégrité de la personne et
à la liberté de toute torture comme stipulé dans la
Charte. Les plaignants soumettant des communications à la Commission ne
sont pas tenus de spécifier quels articles de la Charte ont
été violés ou même quel droit est invoqué
tant qu'ils ont soulevé la substance de la violation en question. Sur
cette base, la Commission Africaine est satisfaite que, dans la présente
communication, l'exigence de l'Article 56(2) de la Charte Africaine ait
été suffisamment respectée.
49. L'Article 56(3) de la Charte dispose que pour être
examinée, une communication ne doit pas contenir des termes outrageants
ou insultants à l'égard de l'Etat mis en cause, de ses
institutions ou de l'Organisation de l'Unité Africaine (Union
africaine). Dans le cas présent, la Communication envoyée par le
plaignant ne contient pas, de l'avis de la Commission africaine, de termes
outrageants ou insultants, d'où la satisfaction de l'exigence de
l'exigence de l'Article 56(3).
50. L'Article 56(4) de la Charte dispose que la Communication
ne doit pas se limiter à rassembler exclusivement des nouvelles
diffusées par des moyens de communication de masse. La présente
communication a été soumise par le plaignant lui-même et
serait la propre expérience qu'elle aurait vécue auprès
d'agents d'agent de police de l'Etat défendeur. Sa soumission est
corroborée par le rapport médical ainsi que par une
déclaration sous serment de son avocat. Pour cette raison, l'on peut
déclarer qu'il a satisfait aux conditions de la disposition du
présent paragraphe de la Charte africaine.
51. L'Article 56(5) prévoit que les communications
à examiner pas la Commission africaine doivent être introduites
après épuisement des recours internes. L'Etat défendeur
soutient que la plainte n'est pas conforme à l'Article 56(5) de la
Charte. Il soutient qu'il existe des recours internes suffisants et efficaces
disponibles pour le plaignant dans l'Etat et que le plaignant n'a pas
recherché ces recours avant d'introduire la présente
communication devant la Commission. En revanche, le plaignant argue que,
puisqu'il a dû fuir le pays par crainte pour sa vie, il n'a pu y revenir
pour poursuivre ces recours internes.
52. La raison d'être de l'épuisement des recours
internes est de s'assurer qu'avant que des procédures ne soient
introduites devant un organe international, l'Etat concerné ait
l'opportunité d'y remédier à travers son propre
système interne. Ceci pour que le tribunal international agisse en tant
que tribunal de
première instance au lieu d'être un organe de
dernier recours.9
53. Trois critères majeurs peuvent ressortir de la
pratique de la Commission dans la détermination du respect de cette
exigence : le recours doit être disponible, efficace et suffisant.
54. Dans la communication Jawara c/ Gambie,10 la
Commission a déclaré que «un recours est
considéré disponible si le demandeur peut le poursuivre sans
obstacle, il est réputé efficace s'il offre une perspective de
succès et il est jugé suffisant s'il est capable de faire droit
à la réclamation ». Dans la communication Jawara, que les
deux parties ont citée, la Commission a considéré
que«l'existence d'un recours doit être suffisamment certaine, pas
seulement en théorie mais en pratique, sans quoi, il n'aura pas
l'accessibilité et l'efficacité requises. ... En
conséquence, si le demandeur ne peut se tourner vers le judiciaire de
son pays par crainte pour sa vie (ou même pour celle des membres de sa
famille), les recours internes devraient être considérés
indisponibles pour lui .
55. Le plaignant, dans la présente communication,
déclare avoir quitté son pays par crainte pour sa vie en raison
d'intimidation, de harcèlement et de torture. En raison de la nature de
son travail, les agents de l'Etat défendeur ont commencé à
le suivre en vue de lui faire du mal et/ou de le tuer. Il a également
indiqué comment il a été traité en
détention, en faisant remarquer qu'on l'avait privé de
nourriture, qu'il n'avait pas été soigné lorsqu'il il
s'était plaint de maux de tête, qu'on ne l'avait pas
autorisé à aller aux toilettes, que les conditions dans les
cellules de détention provisoire étaient mauvaises -
nauséabondes, exiguës, toilettes bouchées ou
débordant d'urine et d'autres déchets humains, les cellules
étaient infestées de parasites comme des moustiques qui avaient
piqué le patient durant toute sa détention et lui avaient rendu
tout sommeil impossible ; la cellule était nauséabonde et
très froide, causant au plaignant des problèmes respiratoires et
une toux qui avaient persisté pendant six mois ; le plaignant s'est vu
refuser une couverture la nuit et la permission de prendre un bain. Selon le
plaignant, tout cela constitue une torture et un traitement inhumain et
dégradant.
56. Le plaignant a en outre allégué que l'Etat
défendeur s'est servi de renvois du tribunal pour lui refuser un
procès dans un délai raisonnable, le torturant ainsi
psychologiquement et épuisant ses ressources. Selon le plaignant,
l'affaire a été renvoyée au moins cinq fois - du 20
septembre 2004 au 21 février 2005 (sur une période de six mois)
et ces renvois étaient destinés à le harceler et à
le torturer psychologiquement. La plupart du temps la Central Intelligence
Organization (organisation centrale de renseignements) venait prendre des
photos de lui, l'intimidant ainsi.
57. Le plaignant a ajouté que, lorsqu'il a
continué de publier les atteintes par le défendeur aux droits de
l'homme à Porta Farm, l'Etat défendeur a envoyé ses agents
de la sécurité pour le suivre en diverses occasions, tentatives
destinées à lui faire du mal. Selon le plaignant, le 12 septembre
2004, `un homme conduisant une Mercedes blanche et soupçonné
d'appartenir à la Central Intelligence Organization s'est rendu
auprès de la famille du plaignant et a laissé des messages de
menace de mort au frère du plaignant'. Ce message, selon le plaignant,
était qu'il était un ennemi de l'Etat et qu'il serait tué.
Le plaignant a été obligé de demander à son
frère de rester avec lui pour des raisons de sécurité. Au
cours
d'un autre incident, le même homme, cette fois-ci
accompagné de trois autres, est revenu une seconde fois et a
formulé des menaces similaires au plaignant.
58. Il a indiqué que, le 30 septembre 2004, il a
été arrêté par des hommes conduisant une Mercedes
Benz bleue qui l'ont à nouveau menacé. Le fait que ce dernier
incident se soit produit à proximité de sa maison était
pour lui une raison suffisante pour craindre pour sa vie. En août 2004,
à plusieurs occasions, il a reçu de nombreux appels
téléphoniques le menaçant de mort et l'un d'entre eux
disant «Nous vous suivons. Nous vous aurons. Vous êtes un homme mort
». Il dit avoir informé le Conseil d'Amnesty International -
Zimbabwe, Zimbabwe Lawyers for Human Rights et son avocat des appels de menace.
Des véhicules transportant des personnes aux agissements étranges
ont été observés, garés aux alentours de sa
résidence et de son lieu de travail à des heures étranges
jusqu'à ce qu'il décide de se cacher et, ultérieurement,
de fuir en Afrique du Sud. Il suspecte l'Etat défendeur d'avoir voulu
l'enlever et le tuer, en ajoutant qu'il existe de nombreux cas
d'enlèvements de personnes qui n'ont jamais été revues.
9. D'autres incidents ayant donné au plaignant de
bonnes raisons de croire que sa vie était menacée sont le fait
qu'en janvier 2005, l'Etat défendeur a refusé de délivrer
des passeports à sa famille, alors que la demande en avait
été faite depuis novembre 2004. Il a donc dû abandonner sa
famille qui réside toujours au Zimbabwe. Au moment de la
présentation de la présente communication, la famille n'avait
toujours pas de passeports. Il a également indiqué qu'il avait
dû abandonner ses études à l'Institute of Personnel
Management of Zimbabwe
(IPMZ) et à la Zimbabwe Open University. En octobre
2004, sa fille a dû quitter l'école lorsque toute la famille a
dû se cacher. A la fin du mois de septembre
2004, il a été très choqué de
constater que tous les fichiers de son ordinateur portable avaient
été supprimés et il a suspecté que la disparition
des fichiers était liée aux agents du défendeur.
60. Il a conclu que « du fait des arrestations et des
détentions arbitraires, de la torture, des traitements inhumains et
dégradants, des retards dans sa mise en accusation et son procès,
de sa surveillance par les agents du défendeur et des incidents
susmentionnés, le plaignant soutient que le défendeur a
violé de façon flagrante ses droits et ses libertés et
ceux de sa famille ... »
61. De ces déclarations, le plaignant cherche à
démontrer que, du fait des agissements de l'Etat défendeur et de
ses agents, un situation a été créée qui l'a
amené à croire que le défendeur voulait lui faire du mal
et/ou le tuer. Il est donc devenu préoccupé par sa
sécurité et celle de sa famille. Par crainte pour sa vie, il dit
s'être caché et, par la suite, avoir fui dans un pays voisin,
l'Afrique du Sud, à artir duquel il a présenté la
présente communication.
62. Dans une plainte de cette nature, la charge de la preuve
de la torture et les raisons pour lesquelles les recours internes n'ont pu
être épuisés incombe au plaignant. Ce dernier a la
responsabilité de décrire la nature de la torture ou du
traitement qu'il a subis et dans quelle mesure chaque acte de torture,
d'intimidation ou de harcèlement allégués ont
insufflé suffisamment de crainte au plaignant pour l'inciter à
craindre pour sa vie et celle de ses proches au point de ne pas pouvoir tenter
les recours internes et de préférer fuir le pays. Il ne suffit
pas que le plaignant déclare avoir été torturé ou
harcelé sans relater chaque acte particulier venu alimenter cette peur.
Si le plaignant s'acquitte de cette charge,
alors la charge passera à l'Etat défendeur qui
devra démontrer que les recours sont disponibles et, dans le cas
particulier du plaignant, comment ces recours étaient suffisants et
efficaces.
63. A l'appui de son cas, le plaignant a cité les
décisions de la Commission Africaine dans le cas Jawara
et les cas Alhassan Abubakar c/Ghana11et Rights
International c/ Nigeria12 dans lesquels, a-t-il
dit, la Commission a considéré qu'on ne pouvait
s'attendre à ce que les plaignants, dans ces cas, poursuivent les
recours internes dans leur pays en raison du fait qu'ils avaient fui leur pays
par crainte pour leur vie.
64. Ayant étudié les observations du plaignant
et l'ayant comparée aux cas précités en appui de sa
réclamation, la Commission est d'avis que les cas ci-dessus ne sont pas
similaires au cas présent. Dans le cas Jawara, par exemple, le plaignant
était un ancien Chef d'Etat renversé par un coup d'Etat
militaire. Le plaignant, dans ce cas, a allégué qu'à la
suite du coup d'Etat «il y a eu abus de pouvoir manifeste par ... la junte
militaire». Le gouvernement militaire était allégué
avoir initié un règne de terreur, d'intimidation et de
détention arbitraire. Le plaignant alléguait en outre l'abolition
de la Déclaration des Droits, telle que contenue dans la Constitution
gambienne de 1970, par le Décret militaire n°30/31,
évinçant la compétence des tribunaux à examiner ou
à remettre en cause la validité de ce Décret. La
communication alléguait l'interdiction aux partis politiques et aux
ministres de l'ancien gouvernement civil de prendre part à toute
activité politique. La communication alléguait en outre de
restrictions à la liberté d'expression, de circulation et de
religion. Ces restrictions se manifestaient, selon le plaignant, par
l'arrestation et la détention sans accusation, des enlèvements,
de torture et l'incendie d'une mosquée.
65. Dans le cas Jawara, la Commission a conclu que « le
plaignant, dans ce cas, a été renversé par les militaires,
il a été jugé par contumace, les anciens ministres et
membres du Parlement de son gouvernement ont été détenus
et la terreur et la peur pour la vie sévissaient dans le pays. La peur
généralisée perpétrée par le régime,
telle qu'alléguée par le plaignant, ne fait aucun doute. Le
sentiment suscité non seulement dans l'esprit de l'auteur mais dans
celui de toute personne sensée était que retourner dans son pays,
à ce moment précis, pour quelque raison que ce soit, mettrait sa
vie en péril. Dans ces circonstances, les recours internes ne peuvent
être considérés disponibles pour le plaignant. » La
Commission a enfin fait remarquer « ce serait un affront au sens commun et
à la logique que de demander au plaignant de retourner dans son pays
pour y épuiser les recours internes. »
66. Dans le cas Alhassan Abubakar, il devrait être
rappelé que M. Alhassan Abubakar était un citoyen ghanéen
arrêté par les autorités ghanéennes dans les
années 1980 au motif qu'il aurait collaboré avec des dissidents
politiques. Il avait été détenu sans accusation ni
procès pendant plus de 7 ans jusqu'à son évasion depuis
l'hôpital d'une prison le 19 février 1992 pour la Côte
d'Ivoire. Après son évasion, sa soeur et son épouse qui
étaient venues le voir en Côte d'Ivoire ont été
arrêtées et détenues pendant deux semaines dans le but
d'obtenir des renseignements sur l'endroit où vivait le plaignant. Le
frère du plaignant l'a informé que la police avait reçu de
fausses informations sur son retour et avait, à plusieurs occasions,
entouré sa maison, l'avait perquisitionnée et avait fini par le
rechercher dans le village de sa mère.
67. Au début de l'année 1993, le HCR en
Côte d'Ivoire a informé le plaignant qu'un rapport avait
été reçu du Ghana, lui assurant qu'il pouvait rentrer
librement, sans risque d'être poursuivi ni de fuir la prison. Le rapport
indiquait également que tous les détenus politiques avaient
été libérés. Le
plaignant, quant à lui, maintenait qu'il existe une loi
au Ghana infligeant aux évadés des peines de 6 mois à 2
ans de prison, que les causes de la détention dont ils se sont
évadés soit légitimes ou non. Sur ce postulat, la
Commission a considéré que
« considérant la nature de la plainte, il ne
serait pas logique de demander au plaignant de retourner au Ghana pour y
chercher un recours auprès des autorités juridiques nationales.
En conséquence ; la Commission ne considère pas que les recours
internes soient disponibles pour le plaignant. »
68. Dans Rights International c/ Nigeria, la victime, un
certain M. Charles Baridorn Wiwa, étudiant nigérian à
Chicago a été arrêtée et torturée dans un
camp de détention militaire nigérian situé à
Gokana. Il a été allégué que M. Wiwa avait
été arrêté le 3 janvier 1996 par des soldats
armés inconnus en présence de sa mère et d'autres membres
de sa famille et qu'il était resté dans ledit camp de
détention militaire du 3 au 9 janvier 1996. En détention, M. Wiwa
avait été fouetté et placé dans une cellule avec
quarante cinq autres détenus. Lorsqu'il a été
identifié comme étant un parent de M. Ken Saro - Wiwa, il a
été soumis à diverses formes de torture. Un certificat
médical prouvant la torture physique de M. Wiwa était joint
à la communication. Après 5 jours dans le camp de
détention de Gokana, M. Wiwa a été transféré
au State Intelligence Bureau (SIB) (Bureau de renseignements de l'Etat)
à Port Harcourt. M. Wiwa y a été détenu du 9 au 11
janvier 1996, sans voir d'avocat ni de parents, si ce n'est un entretien
dequelques minutes avec son grand père. Le 11 janvier 1996, M. Wiwa et
21 autres Ogonis ont comparu devant la Magistrate Court 2 de Port Harcourt,
sous l'accusation de réunion interdite en violation de la Section 70 des
Criminal Code Laws de l'Eastern Nigeria 1963. M. Wiwa s'est vu accorder une
liberté provisoire sous caution mais, à ce moment-là, des
inconnus, estimés être des agents du gouvernement, l'ont
enlevé et ont menacé sa vie en le faisant monter de force dans
une voiture à Port Harcourt. Sur avis d'avocats des droits de l'homme,
M. Wiwa a fui le Nigeria le 18 mars 1996 pour Cotonou, République du
Bénin, où le Haut Commissaire des Nations Unies pour les
réfugiés l'a déclaré réfugié. Le 17
septembre 1996, le gouvernement des Etats-Unis lui a accordé le statut
de réfugié et il réside dans ce pays depuis lors.
69. Dans ce cas, la Commission Africaine a
déclaré la communication recevable au motif qu'il n'existait pas
de recours internes disponibles et efficaces pour les violations des droits de
l'homme au Nigeria sous le régime militaire. Elle a en outre
affirmé que « la norme d'épuisement des recours internes est
satisfaite lorsqu'il n'existe pas de recours adéquat ou efficace
disponible pour l'individu. Dans ce cas particulier ... M. Wiwa ne pouvait
poursuivre aucun recours interne après sa fuite par crainte pour sa vie
vers la République du Bénin et l'octroi ultérieur du
statut de réfugié par les Etats-Unis d'Amérique. »
70. La communication à l'étude doit
également être différenciée de Gabriel Shumba c/
République du
Zimbabwe13. Dans le cas Shumba, le plaignant, M.
Gabriel Shumba, alléguait qu'en présence de 3 autres : Bishop
Shumba, Taurai Magayi et Charles Mutama il recevait des instructions de l'un de
ses clients, un certain M. John Sikhala, dans une affaire ayant trait à
une allégation de harcèlement politique par des membres de la
Zimbabwe Republic Police (ZRP). M. John Sikhala est Membre du Parlement au sein
du Movement for Democratic Change (MDC), parti d'opposition au Zimbabwe. Vers
23h00, des policiers anti-émeute, des policiers en tenue civile et des
personnes identifiées comme appartenant à la Central Intelligence
Organization ont pris la pièce d'assaut et arrêté toutes
les personnes présentes. Au cours de l'arrestation, le certificat de
pratique du droit du plaignant, l'agenda, les fichiers,
les documents et les téléphones cellulaires ont
été confisqués et il a reçu plusieurs gifles et
plusieurs coups de pied par, notamment, le responsable du Commissariat de
Police Saint Mary.
71. Le plaignant et les autres ont été
emmenés au Commissariat de police Saint Mary où il a
été détenu sans accusation et s'est vu refuser
l'accès à un représentant légal. On lui a
également refusé de manger et de boire de l'eau. Le plaignant a
déclaré que, le jour suivant son arrestation, il a
été sorti de la cellule, une cagoule placée sur la
tête, et conduit vers un endroit inconnu où on l'a fait descendre
dans un endroit faisant penser à un tunnel ou une pièce en
sous-sol. Da cagoule a été retirée, il a été
entièrement dévêtu et ses mains et pieds ont
été liés en position foetale avec une planche
placée entre ses jambes et ses bras. Dans cette position, le plaignant a
été interrogé et menacé de mort par environ15
interrogateurs. Le plaignant a en outre allégué qu'il avait aussi
été électrocuté par intermittence pendant 8 heures
et qu'une substance chimique avait été appliquée sur son
corps. Il a perdu le contrôle de ses fonctions corporelles, il a vomi du
sang et il a été forcé de boire son vomi. Le plaignant a
présenté une copie certifiée d'un rapport médical
décrivant les blessures trouvées sur son corps. Après son
interrogation à environ 19h00 le même jour, le plaignant a
été détaché et contraint d'écrire plusieurs
déclarations l'impliquant lui-même et plusieurs membres
supérieurs du MDC dans des activités subversives. A environ 19h3,
il a été conduit au commissariat de Harare et mis en cellule. Le
troisième jour de son arrestation, ses avocats qui avaient obtenu une
injonction du tribunal ordonnant sa libération ont pu avoir accès
à lui. Le plaignant a été par la suite accusé aux
termes de la Section 5 du Public Order and Security Act (loi sur l'ordre public
et la sécurité) ayant trait à l'organisation, la
planification et la conspiration visant à renverser le gouvernement par
des moyens inconstitutionnels. Il a ensuite fui le Zimbabwe par crainte pour sa
vie.
72. Les quatre cas ci-dessus ont une chose en commun : un
établissement clair de l'élément de peur
perpétré par des institutions identifiées de l'Etat, peur
que, dans le cas Jawara, la Commission avait considéré comme
susceptible «d'inverser le cours de la justice en demandant que le
plaignant tente des recours internes ». Dans le cas Shumba, l'Etat n'a
jamais réfuté les allégations de torture ou
l'authenticité des rapports médicaux mais a simplement
argué que le plaignant aurait pu saisir les tribunaux locaux pour
demander réparation.
73. Dans le cas en considération, le plaignant, M.
Obert Chinhamo a présenté une représentation graphique des
conditions de détention, dont le préjudice pour le fond de la
communication peut être qualifié d'inhumain et dégradant.
Il a également indiqué des cas d'allégations,
d'intimidation et de harcèlement par des agents de l'Etat.
74. Toute personne raisonnable serait
préoccupée et effrayée pour sa vie si des agents de la
sécurité de l'Etat s'immisçaient dans ses activités
quotidiennes. Le plaignant avait toutes les raisons d'être
préoccupé pour sa sécurité et celle de sa famille.
Il devrait être toutefois noté que le plaignant n'a
identifié aucun des hommes le suivant comme étant des agents de
l'Etat. Selon ses observations, les personnes qui le harcelaient étaient
anonymes, inconnues ou des membres présumés de la Central
Intelligence Organization (CIO) et, dans certains cas, il a simplement
remarqué des hommes inconnus près de chez lui ou de son lieu de
travail.
75. Il est ici particulièrement important de remarquer
que, malgré toutes les menaces, le harcèlement, les appels
téléphoniques et la surveillance alléguée d'agents
de l'Etat défendeur, le plaignant choisisse de n'en rien rapporter
à la police. Dans ses observations, il n'a pas indiqué
pourquoi il n'avait pas soumis l'affaire aux investigations de
la police mais pourquoi il avait préféré en rendre compte
à ses employeurs et à ses avocats. De l'avis de la Commission, le
plaignant n'a pas étayé ses allégations de faits. Et
même si, par exemple, la détention du plaignant équivalait
à une torture psychologique, il ne pouvait s'agir de menaces de mort le
poussant à fuir pour sauver sa vie. Hormis les allégations de
conditions inhumaines dans lesquelles il a été détenu, il
n'existe aucune indication d'abus physiques comme dans les cas Shumba et Rights
International cases.
76. Le plaignant a porté des accusations
générales et n'a pas corroboré ses allégations par
des preuves documentaires, des déclarations sous serment ou des
témoignages d'autres personnes. Il n'a pas démontré, comme
dans les autres cas susmentionnés, que le danger dans lequel il se
trouvait nécessitait sa fuite du pays. Sans preuve concrète
à l'appui des allégations du plaignant, la Commission ne peut pas
considérer l'Etat défendeur responsable du harcèlement,
des intimidations et des menaces que le plaignant à subis et qui l'ont
fait fuir le pays par peur pour sa vie. Cela d'autant plus que le plaignant ne
s'est jamais soucié de rapporter ces incidents à la police ou de
les soulever devant le magistrat lorsqu'il a comparu quatre fois devant le
tribunal du défendeur.
77. La question est toutefois de savoir si, ayant quitté
le pays, le plaignant avait épuisé les recours internes ou encore
s'il devait encore épuiser ces recours internes.
78. La première condition d'acceptation d'un recours
interne est qu'il soit disponible pour être épuisé.
Le mot «disponible» signifie
«immédiatement susceptible d'être obtenu;
accessible»;14 ou «atteignable, joignable, à la
demande, sous la main, prompt, présent; . . . pratique, à son
service, à sa disposition,
au doigt et à l'oeil.»15
79. Selon la Commission Africaine, un recours est
considéré disponible si le demandeur peut le
poursuivre sans obstacles ou s'il peut en user dans les
circonstances de son cas.16 Existait-il des recours disponibles,
même depuis l'extérieur de l'Etat défendeur ?
80. L'Etat indique qu'aux termes de ses lois, le plaignant
n'a pas besoin d'être physiquement présent dans le pays pour avoir
accès aux recours internes, en ajoutant que le High Court Act et le
Supreme Court Act autorisent toute personne à introduire une demande
à l'une ou l'autre Cour à travers son avocat. Pour étayer
cela, l'Etat a cité le cas Ray Choto et Mark Chavhunduka où les
victimes ont été torturées par des agents de l'Etat et
où elles ont demandé une réparation alors qu'elles se
trouvaient toutes les deux aux Royaume-Uni et que leur réclamation a
abouti. L'Etat a conclu qu'il n'est pas interdit au plaignant de poursuivre des
recours de façon similaire.
81. Le plaignant ne conteste pas la disponibilité de
recours internes dans l'Etat défendeur mais il argue que, dans son cas
particulier, ayant fui le pays par crainte pour sa vie et se trouvant
aujourd'hui hors du pays, les recours internes ne lui sont pas disponibles.
82. La Commission Africaine est d'avis que n'ayant pas
réussi à établir qu'il a fui le pays contre sa
volonté en raison d'agissements de l'Etat défendeur et qu'au
regard de la loi du Zimbabwe, il n'est pas nécessaire de se trouver
physiquement dans le pays pour avoir accès aux recours internes, le
plaignant ne peut pas prétendre que les recours internes ne lui
étaient pas disponibles.
83. Le plaignant soutient que, même si les recours
internes étaient disponibles, ils n'étaient pas efficace parce
que l'Etat a tendance à ignorer les décisions des tribunaux
rendues à son encontre, en citant notamment la décision de la
Haute Cour dans les cas Commercial Farmers Union et Ray Choto et Mark
Chavhunduka et il a ajouté que Zimbabwe Lawyers for Human Rights a
identifié au moins 12 cas dans lesquels l'Etat a ignoré les
décisions des tribunaux depuis 2000.
84. La Commission exige généralement que les
plaignants énoncent, dans leurs observations, les mesures qu'ils ont
prises pour épuiser les recours internes. Ils doivent fournir une preuve
prima facie de tentative d'épuisement des recours internes. Le
Comité des droits de l'homme a déclaré que le simple fait
qu'un recours interne soit peu pratique ou peu attrayant ou qu'il ne produise
pas un résultat favorable au demandeur ne démontre pas, en soi,
l'absence d'épuisement de tous les recours
efficaces.17 Dans sa décision dans A c/
Australie,18 le Comité a considéré que «
de simples doutes sur l'efficacité des recours internes ou la
perspective de coûts financier impliqués n'absolvaient pas
l'auteur de poursuivre ces recours. »19
85. La Cour européenne des droits de l'homme, pour sa
part, a considéré que, même si les demandeurs ont des
raisons de croire que les recours internes et les appels possibles disponibles
seront inefficaces, ils devraient les rechercher dans la mesure où
« il incombe généralement à un individu
lésé de donner aux tribunaux internes l'opportunité
d'élaborer à partir des droits existants en en
faisant une interprétation. »20 Dans
l'Article 19 c/ Erythrée,21 la Commission a
considéré que «il incombe au plaignant de prendre toutes les
mesures nécessaires pour épuiser, ou au moins tenter
d'épuiser, les recours internes. Il ne suffit pas que le plaignant
dénigre l'aptitude des recours internes de l'Etat en se fondant sur des
cas isolés ».
86. De l'analyse qui précède, la Commission est
d'avis que le plaignant a ignoré d'utiliser les recours internes qui lui
étaient disponibles dans l'Etat défendeur qui, s'ils les avaient
tentés, auraient pu apporter une résolution satisfaisante
à la plainte.
87. La troisième question litigieuse entre le
plaignant et l'Etat défendeur est la disposition de l'Article 56(6) de
la Charte qui dispose que « les communications reçues par la
Commission seront examinées si elles sont introduites dans un
délai raisonnable courant depuis l'épuisement des recours
internes ou depuis la date retenue par la Commission comme faisant commencer
à courir le délai de sa propre saisine ... »
88. La présente communication a été
reçue au Secrétariat de la Commission le 26 septembre 2005. Sa
saisine a été examinée par la Commission en novembre 2005,
soit dix mois après la fuite de son pays alléguée par le
plaignant, le 12 janvier 2005.
89. La Commission prend note que le plaignant ne
réside pas dans l'Etat défendeur et qu'il lui a fallu du temps
pour s'installer dans la nouvelle destination avant d'introduire sa plainte
devant la Commission. Même si la Commission devait adopter la pratique
d'autres organes régionaux de considérer que six mois sont un
délai raisonnable pour présenter des plaintes, compte tenu de la
nature du cas du plaignant qui se trouve dans un autre pays, il serait
important, dans un souci d'équité et de justice, de
considérer qu'un délai de dix mois est raisonnable. La Commission
ne considère donc pas que la communication a été
présentée contrairement à la sous-section 6 de l'Article
56.
90. Enfin, l'Article 56(7) dispose que la communication ne
doit pas concerner des cas sui ont été réglés
conformément, soit aux principes de la Charte des Nations Unies, soit de
la Charte de l'OUA et soit des dispositions de la Charte africaine. Dans le cas
présent, l'affaire n'a pas été réglée par
l'une de ces organismes internationaux, d'où la satisfaction des
exigences de l'Article 56(7) par le plaignant.
La Commission africaine trouve que dans la présente
Communication 307/05- Obert Chinhamo c./ République du Zimbabwe, le
plaignant n'a pas rempli les conditions de l'Article 56(5) de la Charte
africaine, et par conséquence la déclare irrecevable.
Décision prise lors de la 42ème Session
ordinaire de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples tenue
le 28 novembre 2007 à Brazzaville, République du Congo
ANNEXE 6 : EXTRAIT COMMUNIOCATION 293/2004- ZIMBABWE
LAWYERS FOR HUMAN RIGHTS & INSTITUTE FOR HUMAN RIGHTS AND DEVELOPMENT
/REPUBLIQUE DU ZIMBABWE
Le Droit
La Recevabilité
Observations des parties sur la recevabilité
37. L'Etat défendeur demande que la communication soit
déclarée irrecevable car elle ne répondait pas aux
exigences des Articles 56 (2), (3), (4) et (5).
38. L'Article 56(2) stipule que la communication devrait
être compatible avec la Charte de l'OUA et la Charte Africaine des Droits
de l'Homme et des Peuples. Selon l'Etat et citant la Fiche d'Information
n° 3 de la Commission africaine : Procédure d'examen des
communications, l'auteur d'une communication devrait faire des
allégations précises des faits liés aux documents, si
possible, et éviter de faire des allégations en termes vagues.
L'Etat affirme que la plainte est écrite dans des termes
généraux et ne fait aucune allégation précise.
L'Etat fait en outre observer que les plaignants ont simplement
allégué que l'Etat avait violé la Charte sans
préciser quels droits avaient été violés, où
ces violations avaient eu lieu et la date à laquelle elles avaient
été perpétrées et que les plaignants n'ont pas
donné les noms des victimes.
39. Les plaignants soutiennent que, quatre ans après
les élections, la Cour suprême et la Haute Cour n'ont pas pu
apporter une solution efficace et rapide. La Haute Cour avait initialement
désigné trois juges pour traiter les affaires. L'un des juges a
démissionné, faisant état de menaces dont il a fait
l'objet après avoir rendu un jugement en faveur de l'opposition. Les
trois juges ont été remplacés et les affaires n'ont pas
été réglées. Les violations qui ont eu lieu durant
la période des élections n'ont pas été
abordées depuis plus de quatre ans.
40. Les plaignants affirment, en revanche, que la
communication détaille les infractions aux dispositions de la Charte
africaine des droits de l'homme et des peuples et, selon eux, une violation
apparemment fondée des droits de l'homme, et ils allèguent que la
communication remplit la condition de l'Article 56 (2) de la Charte.
41. Eu égard à l'Article 56 (3), l'Etat
allègue que la communication est écrite dans un langage injurieux
et désobligeant à l'encontre de l'Etat du Zimbabwe et de son
appareil judiciaire. Il indique que les plaignants allèguent de
l'incapacité de l'Etat à garantir l'indépendance et le
fonctionnement approprié du Judiciaire et que le gouvernement n'a pas pu
observer le principe de la séparation des pouvoirs. L'Etat
allègue en outre que la communication prétend qu'un juge aurait
démissionné à cause des pressions qu'il aurait subies
à la suite d'une décision qu'il aurait rendue en faveur du MDC.
L'Etat ajoute qu'aucun des juges n'a subi de représailles ou
démissionné à la suite d'un jugement rendu et il conclut
que la plainte déforme les faits et comporte de fausses informations qui
sont insultantes pour l'Etat et son appareil judiciaire - destinées
à jeter le discrédit sur l'Etat et que la communication n'est
donc pas conforme aux dispositions de l'Article 56 (3) de la Charte
Africaine. Les plaignants affirment quant à eux que la
communication n'est pas rédigée dans un langage injurieux et
désobligeant et qu'aucun terme outrageant ou insultant à
l'égard du gouvernement de la République du Zimbabwe, de ses
institutions ou de l'Organisation de l'Unité africaine n'a
été utilisé et, à ce titre, que la communication
est conforme aux dispositions de l'article 56 (3).
42. L'Etat allègue en outre que la communication est
fondée sur des informations diffusées par les mass médias
ou relevant de l'imagination de l'auteur et, à ce titre, ne peut
être reçue aux termes de l'Article 56(4) qui stipule que les
communications ne devraient pas être exclusivement fondées sur des
nouvelles diffusées par les mass médias. L'Etat ajoute que la
communication ne mentionne pas qui a fait l'objet de discriminations ou dans
quel cas une partie aurait été discriminée, ni par quel
juge. La plainte est donc illusoire et ne devrait pas être recevable. Les
plaignants, pour leur part, allèguent que la communication comporte une
compilation de déclarations sous serment et de demandes de la Haute Cour
et de la Cour Suprême du Zimbabwe.
43. Par rapport à l'épuisement des voies de
recours internes, l'Etat allègue que les plaignants n'ont pas
épuisé les recours internes disponibles, en faisant observer que
les requêtes en contestation d'élections sont traités
rapidement et que toutes les requêtes des plaignants ont
été traitées, certaines ayant été
rejetées, d'autres retirées. L'Etat indique qu'il n'a rien fait
pour en gêner le processus, comme allégué par les
plaignants et fait observer, qu'en cas de non-exécution, les parties
à la requête peuvent se rapprocher du Juge Président ou du
Premier Juge et que le gouvernement n'a aucun rôle à jouer dans
les requêtes en contestation d'élections. L'Etat fait remarquer
que la plupart des requêtes introduites devant la Haute Cour ont
été traitées en 2001 ; certaines ayant fait l'objet
d'appels devant la Cour Suprême. Les plaignants soutiennent que
l'exception à la règle doit s'appliquer à ce cas, dans la
mesure où la procédure s'est prolongée de façon
anormale. Ils prétendent que le retard apporté à la
finalisation de la requête par la Cour Suprême et la Haute Cour
était excessif et, selon les plaignants, ce retard justifie
l'évocation de la règle d'exclusion de l'épuisement des
voies de recours internes, vu qu'elles n'existent pas.
Décision de la Commission sur la recevabilité
44. Dans sa jurisprudence, la Commission Africaine des droits
de l'homme et des peuples (la Commission) a articulé un cadre
d'affectation de la charge de la preuve entre les plaignants/plaignants et les
Etats défendeurs. Aux fins de saisine et de recevabilité, le
plaignant ne doit présenter qu'un cas bien fondé (prima facie) et
satisfaire aux conditions énoncées à l'Article 56 de la
Charte pour ce qui concerne la recevabilité. Une fois cela fait, il
incombe alors à l'Etat défendeur de présenter des
réponses spécifiques et des preuves réfutant chacune des
assertions contenues dans les observations du plaignant.
45. Dans la présente communication, les plaignants
soutiennent que les conditions de recevabilité de l'Article 56 de la
Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples ont été
remplies alors que l'Etat allègue que certaines ne l'ont as
été, en particulier l'Article 56 (2), 3, 4 et 5. Concernant la
conformité de la communication à l'Article 56(2), la Commission
africaine fait observer que la communication établit une violation
apparemment fondée des dispositions de la Charte Africaine et qu'elle
est donc compatible à la fois à l'Acte constitutif et à la
Charte Africaine. La communication allègue de retards excessifs dans le
traitement des requêtes en
contestation d'élection et, en conséquence,
d'une violation du droit à un procès équitable aux termes
de l'Article 7(1) (d) et à la participation au gouvernement aux termes
de l'Article 13 de la Charte. Il est difficile de prouver
l'incompatibilité invoquée par l'Etat.
46. L'Article 56 (3) requiert que la communication ne
contienne pas des termes insultants ou outrageants L'Etat allègue qu'en
déclarant que l'Etat a manqué de garantir l'indépendance
et le fonctionnement approprié du Judiciaire et que le gouvernement n'a
pas observé le principe de la séparation des pouvoirs, les
plaignants ont tenu un langage injurieux. L'Etat allègue en outre que la
communication prétend qu'un juge aurait démissionné
à cause des pressions qu'il aurait subies à la suite d'une
décision qu'il aurait rendue en faveur du MDC. L'Etat conclut que la
plainte donne une fausse représentation des faits et qu'elle comporte de
fausses informations qui sont insultantes pour l'Etat et son appareil
judiciaire - destinées à jeter le discrédit sur l'Etat et
que la communication n'est donc pas compatible avec les dispositions de
l'Article 56 (3).
47. La question fondamentale qui n'a pas été
abordée dans la présente communication est de savoir dans quelles
limites il est possible de critiquer l'appareil judiciaire ou les institutions
de l'Etat en général au nom de la liberté d'expression, et
si la déclaration faite par le plaignant constitue un langage outrageant
ou insultant au sens de l'Article 56 (3) de la Charte Africaine. En
réalité, la communication invite la Commission à
préciser la relation entre la liberté d'expression et la
protection de la réputation des institutions de l'Etat.
48. Les termes performatifs du sous paragraphe 3 de l'Article
56 sont outrageants et insultants et ils doivent être dirigés
contre l'Etat partie concerné ou ses institutions ou l'Union Africaine.
Selon le Oxford Advanced Dictionary, outrageant signifie parler avec
mépris de... ou traiter à la légère.... et
insultant signifie agresser avec mépris ou offenser l'estime de soi ou
la pudeur de ...
49. L'appareil judiciaire est une institution très
importante dans tous les pays et ne peut fonctionner convenablement sans le
soutien et la confiance du public. En raison de l'importance de
préserver la confiance du public dans le Judiciaire et de la
réserve nécessaire pour qu'il puisse jouer son rôle
d'arbitre, des mesures de protection spécifiques existent depuis de
nombreux siècles pour protéger le Judiciaire de toute
diffamation. L'un de ces dispositifs de protection est de décourager les
remarques et les termes insultants ou outrageants visant à ridiculiser
ou jeter le discrédit sur le processus judiciaire.
50. La liberté d'exprimer ses opinions et de
débattre de la conduite des affaires publiques par le Judiciaire ne
signifie pas que des attaques, calomnieuses ou non, puissent être
autorisées à l'encontre du Judiciaire en tant qu'institution ou
à l'encontre des officiers de la justice pris individuellement. Une
distinction claire ne peut être établie entre les critiques
acceptables du Judiciaire et les déclarations portant directement
préjudice à l'administration de la justice. Les
déclarations concernant les officiers de justice dans l'exécution
de leurs charges judiciaires ont, ou peuvent avoir, un impact beaucoup plus
important que le fait de simplement blesser leurs sentiments ou d'attaquer leur
réputation. En raison des graves implications de la perte de confiance
du public dans l'intégrité des juges, les commentaires publics
visant à jeter le discrédit sur le Judiciaire ont toujours
été jugés avec réprobation.
51. En déterminant si une remarque particulière
est outrageante ou insultante et si elle a terni l'intégrité du
Judiciaire ou une autre institution de l'Etat, la Commission doit
vérifier si ladite remarque ou ledit langage visent à violer
illégitimement ou intentionnellement la dignité, la
réputation ou l'intégrité d'un officier ou d'un organe de
justice et s'ils sont utilisés de manière calculée pour
polluer l'esprit du public ou de toute personne raisonnable afin de jeter le
discrédit et d'affaiblir la confiance du public dans cette institution.
Le langage doit viser à saper l'intégrité et le statut de
l'institution et à jeter le discrédit sur elle.
52. A cet égard, l'Article 56 (3) doit être
interprété en gardant à l'esprit l'Article 9 (2) de la
Charte Africaine qui dispose que « toute personne a le droit d'exprimer et
de diffuser ses opinions dans le cadre des lois et des règlements.
» Un équilibre doit être trouvé entre le droit de
s'exprimer librement et le devoir de protéger les institutions de l'Etat
pour veiller à ce que, tout en décourageant les abus de langage,
la Commission africaine ne soit pas par ailleurs en train de violer ou de
freiner la jouissance d'autres droits garantis par la Charte Africaine tels
que, en l'espèce, le droit à la liberté d'expression.
53. L'importance du droit à la liberté
d'expression a été pertinemment déclarée par la
Commission Africaine dans les communications 140/94, 141/94,
145/94 contre le Nigeria56 où elle a considéré
que la liberté d'expression est : Un droit humain fondamental, vital
pour le développement personnel et la conscience politique de l'individu
et pour sa participation à la conduite des affaires publiques de son
pays. Les individus ne peuvent participer pleinement et équitablement au
fonctionnement de leur société s'ils doivent vivre dans la peur
d'être persécutés par les autorités de l'Etat du
fait d'exercer leur droit à la liberté d'expression. L'Etat doit
faire observer, protéger et garantir ce droit s'il souhaite s'engager de
manière honnête et sincère dans la démocratie et la
bonne gouvernance.
54. Au fil des ans, la distinction devant être
établie entre critiques authentiques du Judiciaire et langage insultant
s'est amenuisée. Avec la progression de la politique des droits de
l'homme, de la bonne gouvernance, de la démocratie et des
sociétés libres et ouvertes, le public doit établir un
équilibre entre la question de la libre expression et la protection de
la réputation des institutions de l'Etat telles que le Judiciaire. Lord
Atkin a défini la relation fondamentale entre ces deux valeurs dans
Ambard c/ A-G de Trinidad et Tobago (1936) 1 All ER 704 at 709 dans les termes
suivants :... mais lorsqu'il s'agit de l'autorité et de la position d'un
juge particulier ou de la bonne administration de la justice, il n'y a aucun
mal si un membre du public exerce le droit ordinaire de critiquer de bonne foi,
en privé ou en public, l'action de la justice. Le chemin de la critique
est une voie publique ... La justice n'est pas une vertu cloîtrée
: elle doit pouvoir être soumise à un regard scrutateur et aux
commentaires respectueux, voire même crus, des gens ordinaires.
55. Dans la présente communication, l'Etat
défendeur n'a pas établi comment, en déclarant que le
gouvernement n'a pas observé le principe de la séparation des
pouvoirs et qu'un juge avait démissionné sous les pressions
consécutives à une décision qu'il aurait rendue en faveur
du MDC, le plaignant avait porté le discrédit sur le Judiciaire
et le gouvernement. L'Etat n'a pas démontré l'effet adverse de
cette déclaration sur le Judiciaire en particulier et les institutions
de l'Etat dans leur globalité. L'Etat n'apporte aucune preuve pour
démontrer que ces déclarations
auraient été de mauvaise foi ou calculées
pour empoisonner l'esprit du public à l'encontre du gouvernement et de
ses institutions.
56. La Commission africaine ne considère donc pas
qu'il y ait eu langage outrageant ou insultant à l'encontre du
gouvernement de la République du Zimbabwe, de ses institutions ou de
l'Union Africaine. La Commission africaine est également d'avis que la
communication est conforme à l'Article 56(4) qui stipule que les
communications ne devraient pas être exclusivement fondées sur des
nouvelles diffusées par les médias. La présente
communication comporte une compilation de déclarations sous serment et
de demandes de la Haute Cour et de la Cour Suprême du Zimbabwe.
57. Concernant l'Article 56 (5) ayant trait à
l'épuisement des recours internes, les plaignants invoquent que
l'exception à la règle s'applique sur la base d'une prolongation
anormale de la procédure. Ils allèguent que le retard dans la
finalisation des requêtes par la Cour Suprême et la Haute Cour est
irraisonnable et autorise, selon les plaignants, l'invocation de la
règle d'exception à l'épuisement des recours internes
comme non existants.
58. Ce qui constitue la prolongation de façon anormale
de la procédure aux termes de l'Article 56 (5) n'a pas été
défini par la Commission Africaine. Il n'existe donc pas de
critères standards employés par la Commission Africaine pour
déterminer si un processus a été indûment
prolongé et la Commission a donc tendance à traiter chaque
communication sur le fond. Dans certains cas, la Commission tient compte de
situation politique prévalant dans le pays, de l'historique judiciaire
du pays et dans d'autres, de la nature de la plainte.
59. L'objet de la présente communication est la
validité des résultats électoraux. Les résultats
électoraux sont supposés être rendus le plus rapidement
possible de manière à permettre aux concurrents de
connaître les résultats. Dans la plupart des juridictions, en
raison de la nature même des élections, des mécanismes sont
mis en place pour assurer que les résultats soient donnés le plus
rapidement possible et que, quelles que soient les réclamations
présentées par les concurrents évincés, ils soient
traités avec diligence.
60. L'exception visée à l'Article 56 (5) exige
que le processus doive non seulement se prolonger mais qu'il doive l'avoir
été « indûment. » Indûment signifie «
excessivement » ou « de façon injustifiable. » Donc, s'il
y a une raison justifiable pour prolonger l'affaire, elle ne peut être
qualifiée de « indue. » A titre d'exemple, lorsque le pays est
pris dans une agitation civile ou une guerre ou lorsque le retard est en partie
causé par la victime, sa famille ou ses représentants. Si la
Commission n'a pas élaboré de norme déterminant ce que
signifie « prolongé de façon anormale », elle peut
être guidée par les circonstances entourant le cas et par la
doctrine de la common law du « test de l'homme raisonnable. » A cet
égard, le tribunal cherche à découvrir, compte tenu de la
nature et des circonstances entourant un cas particulier, quelle serait la
décision d'un homme raisonnable.
61. Ainsi, étant donné la nature de la
présente communication, un homme raisonnable conclurait-il que l'affaire
a été prolongée de façon anormale ? A tous
égards, la réponse serait oui. Plus de quatre ans après
l'introduction des requêtes en contestation d'élection, les
tribunaux de l'Etat défendeur ne sont pas parvenus à statuer et
les fonctions que les victimes contestent sont toujours occupées et
leurs mandats sont presque arrivés à terme.
Pour les raisons qui précèdent, la Commission
africaine considère que la communication est compatible avec l'exception
à la règle de l'Article 56 (5) et les autres conditions requises
de l'Article 56 et la déclare donc recevable.
TABLE DE MATIÈRES
DEDICACES i
REMERCIEMENTS ii
AVERTISSEMENT iii
LISTE DES ABREVIATIONS ET SIGLES iv
SOMMAIRE vi
RESUME vii
ABSTRACT viii
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1
A - CONTEXTE DE L'ÉTUDE 4
B - DÉLIMITATION DU SUJET 10
B - DÉFINITION DES TERMES OU CONCEPTS 11
D - INTÉRÊT DU SUJET 15
E- PROBLÉMATIQUE 16
F - HYPOTHÈSE DE RECHERCHE 17
G - DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE. 17
H - ARTICULATION ET JUSTIFICATION DU PLAN 19
PREMIÈRE PARTIE: LA RÉAFFIRMATION D'UNE
DÉFINITION FONCTIONNELLE DE LA RÈGLE. 21
CHAPITRE I : LA GARANTIE DU PRINCIPE DE LA
PRIMAUTÉ DE LA PROTECTION NATIONALE DES DROITS DE L'HOMME.
23
SECTION I : UNE CONSÉCRATION TACITE DU PRINCIPE DE LA
SOUVERAINETÉ DES ÉTATS 23
Paragraphe I : Le respect de la juridiction souveraine des
États. 24
A - La référence aux fonctions de la
règle en droit international général 24
1 - Le principe de souveraineté en droit international
général 25
2 - Le rôle de la règle dans la pratique de
l'arbitrage international et de la protection diplomatique. 26
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