Paragraphe II- Les considérations relatives au
coût et à l'effectivité du règlement
international
Le plaignant qui décide d'emprunter les recours
internationaux devra faire face à certaines réalités.
Parmi celles-ci le coût de la procédure internationale
(A) et la relativité de la décision du juge
international (B) semblent être des plus notables.
A - Le coût élevé du
règlement international
Dans l'affaire Annuak Justice contre Ethiopie, la
Commission observe que « les recours internes sont normalement plus
rapides, moins onéreux et plus efficaces que les recours
internationaux »145. C'est dire en d'autres termes que la
procédure internationale serait plus coûteuse (1)
ce qui justifie la pratique de l'actio popularis
(2).
1 - Les frais de procédure et la
représentation légale.
Dans l'ordre interne, la gratuité de la justice est
assurée par le principe de gratuité du service publique. Il reste
que la gratuité de la justice ne dispense pas de certaines charges
légales. Les dépenses se composent d'une part des
différents frais de justice, d'autre part des droits de
greffe146. Il faut ajouter à ces dépenses, le
coût de la représentation que sont les émoluments ou droits
d'avocat, lesquelles comprennent un droit fixe de constitution de dossier et un
droit proportionnel fixé en fonction de la difficulté et de
l'importance de la procédure.
Il n'existe ni dans la Charte ni dans le règlement
intérieur de la Commission une clause prévoyant la provision
d'une représentation légale pour les requérants. Aucun
article ne prévoit
145Com 299/2005 Anuak Justice Council / Ethiopie,
20eme Rapport d'activités.
146 Les frais de justice couvrent les frais de correspondances
et de notification, les frais d'établissement des copies et des
requêtes, mémoires et pièces jointes ou des
expéditions des jugements et arrêts notifier aux parties, des
frais d'instruction et de greffe et des frais de timbres et d'enregistrement.
Quant aux droits de greffe, ils sont destinés à
l'expédition, à la mise au rôle, à la transcription
des actes, aux actes reçus par le greffier, aux frais d'affranchissement
et à la notification. Voir pour les développements sur les frais
de justice dans l'ordre interne Guimdo Dogmo (B-R), « Le droit
d'accès à la justice administrative au Cameroun. Contribution
à l'étude d'un droit fondamental. », op cit, p.208.
une assistance légale pour les requérants
indigents. Or le magistère d'un avocat est de plus en plus
nécessaire puisque la jurisprudence de la Commission est de plus en plus
complexe. Un avocat est plus outillé pour les questions techniques de la
phase de recevabilité surtout lorsque les voies de recours internes non
pas été épuisées ou que les procédures se
prolongent indûment. Les honoraires de plaidoirie de l'avocat qui sont
fixés d'accord partie entre l'avocat et le requérant sont
variables. Comme l'a écrit le Doyen M. Kamto, ils «
dépendent en général de la notoriété de
l'avocat, de la difficulté du procès, de l'importance de la
procédure, de l'intérêt en jeu...et parfois aussi du «
statut social » du client ».147 Ils
représentent un obstacle majeur à la saisine de la Commission.
Par ailleurs, le plaignant supporte les frais de traduction,
dans les langues de travail de la Commission des documents annexés
à sa plainte. Les copies de ces documents que le Secrétariat de
la Commission transmet aux parties sont faites aux dépens du
demandeur.
Il est donc clair qu'au niveau international également,
et conformément à ce qui a été observé,
« la gratuité de la justice est un leurre au vue des frais
qu'il faut engager ».148Le coût élevé
de ce contentieux a conduit à l'admission de l'actio
popularis.
2- Les limites de l'actio popularis
Dans un continent marqué par la pauvreté, le
coût des procédures internationales est un obstacle incontestable
à franchir. La Charte tient compte cette réalité. Elle
permet que l'auteur de la communication ne soit pas nécessairement la
victime mais toute autre personne physique ou morale agissant en son compte. La
Commission permet à un large panel de personnes et d'organisations de
soumette des Communications sans qu'il ne leur soit exigée un
intérêt à agir. Cette approche est plus connue sous
l'expression latine actio popularis. L'actio popularis est un
principe qui renvoi à une capacité légale et
générale des individus ou institutions à initier une
procédure. Si une telle perspective a le mérite d'aider les
victimes indigentes, il convient de dire qu'elle a néanmoins
été prouvée désavantageuse lorsque les plaignants
ont de grandes difficulté à apporter des informations et des
preuves suffisantes concernant certaines violations. A titre d'exemple dans
l'affaire Interrigths pour le compte de (de Safia Yakobu Husaini) et Autres
c.
147 kamto (M), Droit administratif processuel du
Cameroun, Presses Universitaires du Cameroun, Yaoundé, 1990, p. 95.
Cité par Guimdo Dogmo (B-R), Ibid p. 208.
148Guimdo Dogmo (B-R), « Le droit d'accès
à la justice administrative au Cameroun. Contribution à
l'étude d'un droit fondamental. », op cit, p.209.
Nigeria, la communication avait été
rédigée et introduite par l'ONG Interigths. Elle alléguait
différentes violations de la Charte par les Cours nigérianes
appliquant la nouvelle loi sur la Charia notamment, la Condamnation à la
mort par lapidation de Mme Safia Yakobu Husaini par la Cour de l'État du
Sokoto au Nigeria. Il s'est avéré que pendant le procès
l'ONG a été incapable de prouver suffisamment les
allégations qu'elle avait faites149.
Cet exemple comme bien d'autres, montre que les ONG, qui
depuis prolifèrent, ne se rapprochent pas suffisamment des victimes pour
avoir l'information nécessaire. Une situation préjudiciable quant
on sait que la Commission n'examine les Communications qui portent sur des
faits avérées de violations des droits de l'homme150.
Au cas contraire, la communication est simplement rayée du rôle de
la Commission ce qui est forcement au détriment de la victime. Par
ailleurs, les ONG comme tout autre individu ont la faculté de retirer la
communication même si ce retrait n'est pas nécessairement à
l'avantage de la victime. Cette faculté s'explique par la logique
conciliatoire qui guide la Commission151. Il arrive qu'une ONG
décide de retirer ou d'arrêter de poursuivre une communication
à cause d'un changement de priorité. Le Contentieux africain des
droits de l'homme semble dominer par l'initiative et la pratique des ONG. Il
semble être de facto un contentieux entre États et ONG.
Lorsque la victime est en même temps le plaignant comme il est
généralement de règle en droit interne, elle dispose de
plus de chance pour permettre l'examen au fond de sa plainte et le cas
échéant obtenir réparation. La règle de
l'épuisement des recours internes participe à favoriser cette
option, ce d'autant plus que les solutions internationales semblent
relatives.
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