3. Régimes juridiques de la transmission des
cabinets d'expertise comptable
en Tunisie
Préalablement à l'étude des
opérations de transmission, il convient de prendre connaissance des
particularités juridiques et de s'assurer de la régularité
de la cession du cabinet d'expertise comptable.
Les experts-comptables qui entament une procédure de
transmission de cabinet d'expertise comptable doivent commencer par comprendre
les modalités et les contraintes juridiques de cette opération et
obtenir toutes les informations nécessaires pour bien préparer
les actes juridiques. Ceci permet de déterminer le coût fiscal de
cette opération ainsi que le prix du cabinet.
La cession de clientèle peut se faire soit directement
par la cession des éléments d'actif soit indirectement par la
cession des droits sociaux du cabinet. Si l'activité est exercée
en entreprise individuelle la cession ne peut se faire que par cession
d'éléments d'actif. Dans le cas où l'activité est
exercée en société, la vente va concerner les droits
sociaux dont les éléments d'actif constituent la pierre
angulaire.
La cession de droits sociaux constitue la cession de parts
sociales dans une SUARL ou SARL ou la cession d'actions d'une
société anonyme. Dans ce cas, l'expertcomptable ne peut pas
céder la clientèle qui appartient à la
société14, il peut seulement céder la
quote-part de droits dont il était titulaire. Il s'agit de cession de
droits sociaux prévue et réglementée par le code des
sociétés commerciales15.
Alors que la cession des éléments d'actif
constitue la cession de la clientèle, des équipements ou d'autres
immobilisations corporelles et incorporelles.... Il y a lieu de poser les
questions suivantes : Est-ce que la cession de la clientèle d'un cabinet
est considérée comme une cession de fonds de commerce ? Est-ce
que la cession du droit au bail est licite ? Est ce qu'il y a une protection
juridique de l'acquéreur après la transmission ? Quel est donc le
contexte général d'une opération de transmission d'un
cabinet d'expertise comptable ?
Sur le plan pratique, la relation entre l'expert-comptable et
ses clients est fondée sur l'intuitu personae16 et
sur la confiance ce qui, pour certains, ne considèrent pas que
14 Groupe Revue Fiduciaire, les professions
libérales (janvier 2004), édition groupe revue fiduciaire, page
714.
15 Il s'agit des articles 109 à 111du code des
sociétés commerciales, en cas de cession de parts sociales des
articles 320 à 326 du même code en cas de cession d'actions d'une
société anonyme et des articles 411 à 427 du même
code en cas de fusion de société.
16 Même dans l'activité commerciale, il
ne faut pas que la clientèle soit exclusivement rattachée
à la personne du commerçant. Une telle clientèle
intuitu personae ne peut être vendue puisqu'elle ne se rattache
qu'à la personne
21
TRANSMISSION DE CABINET D'EXPERTISE COMPTABLE :
Particularités de l'évaluation et aspects
spécifiques
les fonds libéraux comme des fonds de commerce et
interdisent de ce fait la propriété de la clientèle
libérale.
La réglementation juridique de la cession de fonds de
commerce est abondante. Les articles 189 à 268 du code de commerce ont
imposé de nombreuses énonciations dans le contrat de vente
à peine de nullité et ont réglementé les
obligations du cédant ainsi que les garanties qui lui sont
accordées. Etant donné, que l'activité d'expertcomptable
n'est pas une activité commerciale17, les dispositions
ci-dessus indiquées ne sont pas applicables en cas de cession de
clientèle d'expert-comptable.
Ceci est confirmé par la cours de cassation dans
l'arrêt numéro 51406 en date du 02 octobre 200318 . La
profession d'expertise comptable n'entre pas dans le champ d'application de la
loi n° 77-37 du 25/05/1977, régissant les rapports entre bailleurs
et locataires en ce qui concerne le renouvellement des baux d'immeuble ou de
locaux à usage commercial, industriel ou artisanal.
L'article 11 de la loi n° 88-108 du 18/08/1988, portant
refonte de la législation relative à la profession
d'expert-comptable, stipule que « la profession est contraire à
toute activité commerciale qu'elle soit exercée directement ou
par personne interposée ».
Dans les discussions de cette décision de cassation, il
a été toutefois souligné le fait que la profession
d'expertise comptable est considérée comme profession
définie par la loi 76-35 du 18/02/1976 régissant le droit au
bail. Cette décision attribue à l'expert-comptable locataire le
droit au maintient du bail pour les locaux occupés à la date de
publication de cette loi. La profession d'expertise comptable est toutefois
exclue du champ d'application19 de la loi n° 77-37 du 25 mai
1977, régissant les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui
concerne le renouvellement des baux d'immeuble ou de
du commerçant et non pas à un
élément support du fonds. Comme l'a pu formuler CATALA dans : la
transformation du patrimoine dans le droit civil moderne en France, Rtd. Civ.
1966, 185, n° 24 : « Dans les clientèles qui reposent
quasi exclusivement sur l'intuitu personae, rien n'est, à la lettre,
cessible ».
17 Article 11 de la loi n° 88-108 du 18/08/1988,
portant refonte de la législation relative à la profession
d'expertcomptable.
18 L'ensemble des décisions de la cour de
cassation 2002/2003 publications du centre des études légales et
juridiques au ministère de la justice page 279.
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19 Nébila MEZGHANI, DROIT COMMERCIAL : Actes
de commerce, Commerçants, Fonds de commerce- éd Centre de
Publication Universitaire 1999- page 94 : « La loi du 25 mai 1977,
relative au droit au renouvellement du bail, ne s'applique qu'aux locaux dans
lesquels un fonds de commerce est exploité ».
22
TRANSMISSION DE CABINET D'EXPERTISE COMPTABLE :
Particularités de l'évaluation et aspects
spécifiques
locaux à usage commercial, industriel ou artisanal, ces
activités ont droit à la cession de leur droit au bail.
L'arrêt de cassation est critiquable surtout lorsque
l'activité de l'expert-comptable prend une dimension considérable
et le cabinet s'agrandit au point où il devient une sorte de
société et d'institution comprenant un grand nombre de personnel
et une masse de clientèle de haut niveau commercial et financier. Dans
ce cas l'activité pourrait prendre le caractère d'une
activité commerciale qui peut engendrer le droit au renouvellement du
bail et le droit au fonds de commerce.
Nous pouvons dans ce sens imaginer la création d'un
droit qui concerne les fonds libéraux permettant le droit au
renouvellement du bail et de réglementer la cession de portefeuille
clients du professionnel libéral.
Sachant que la clientèle de l'expert-comptable n'est
pas considérée comme clientèle commerciale. La cession de
telle clientèle n'est pas réglementée par les dispositions
applicables en cas de cession de fonds de commerce.
Le fonds de commerce ne peut pas être constitué
pour un expert-comptable qui exerce l'activité en société
par action ou une société à responsabilité
limitée. Selon la doctrine juridique en Tunisie « la
commercialité par accessoire ne s'étend pas aux actes
passés par la société commerciales par la forme et ayant
un objet civil.
D'ailleurs si l'on poursuit le raisonnement, nous devrons
admettre qu'une société de forme commerciale et à objet
civil, n'a pas de « fonds de commerce » et ne peut, par
conséquent, réclamer le bénéfice de la
propriété commerciale. »20
Toujours est-il, la cession de la clientèle d'un
cabinet d'expertise comptable n'a pas été interdite ni par la loi
ni par la jurisprudence en Tunisie. Rien n'interdit en effet,
l'établissement de contrat de cession de clientèle.
A titre indicatif, pour contourner l'interdiction de la
cession de la clientèle libérale en France, les praticiens ont
imaginé le changement de l'objet du contrat de vente à un contrat
de service de présentation de la clientèle combiné
à des clauses d'engagement de non-concurrence. Le prix de ces diverses
prestations correspond ainsi à la valeur de la clientèle. En
Tunisie, ce contrat est rattaché à la théorie des
obligations générales de droit régi par l'article 240 et
suivant du code des obligations et des contrats21.
20 Nébila MEZGHANI, DROIT COMMERCIAL : Actes de
commerce, Commerçants, Fonds de commerce- éd Centre de
Publication Universitaire 1999- page 94.
21 Code des obligations et des contrats, titre V : les
effets des obligations.
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TRANSMISSION DE CABINET D'EXPERTISE COMPTABLE :
Particularités de l'évaluation et aspects
spécifiques
Ce type de contrat peut contenir les obligations de non
concurrence, de présentation de la clientèle et des obligations
de garantie de chiffre d'affaires déterminé pour une
période déterminée moyennant un prix
déterminé. Mais ces dispositions peuvent ne pas avoir un effet
impératif surtout sur le plan des clauses de non concurrence à
cause notamment du caractère intuitu personae de la
profession.
Une attention particulière doit être
prêtée pour vérifier les relations juridiques avec les
clients. Ces relations doivent être formalisées par des lettres de
mission. Il faut s'assurer que ces lettres permettent de garantir une certaine
stabilité et continuité des missions, sachant que la vraie
pérennité est celle qui soit opérationnelle et
relationnelle avec le cabinet.
Le repreneur doit par ailleurs, vérifier au
préalable les modalités de transmission des missions de
commissariat aux comptes, puisque les règles applicables sont
différentes de celle des autres missions d'expertise comptable,
notamment en matière de décision de nomination, publication et
responsabilité des commissaires aux comptes. A notre avis, il devrait y
avoir une assemblée générale ordinaire pour chaque client
concerné pour l'approbation de la nomination du nouveau commissaire aux
comptes.
Sur des questions concernant notamment si l'expert-comptable
cédant a la possibilité de recevoir une
rémunération d'un successeur en contre partie de l'engagement de
lui présenter la clientèle, d'apporter en nature un portefeuille
client et si les AGO des sociétés sont dans l'obligation de
ratifier la transmission de mission de commissariats aux comptes au profit d'un
acquéreur auquel un cabinet a été transmis, la commission
juridique de l'OECT, regrette de ne pas pouvoir donner suite à notre
consultation qui ne répond pas à des faits ou
événement réalisés. (Voir annexe 2 : demande
d'informations à l'ordre des experts comptables).
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