Les comportements sexuels et reproductifs des femmes vivant sous antirétroviraux au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Moustapha Mohammed Nsangou Mbouemboue Université Yaoundé I - Master en sociologie 2010 |
II.3.2.Enjeux sociauxD'après les données collectées sur le terrain, l'annonce de la séropositivité n'est pas effective chez les PVVIH surtout les femmes car, elles subissent plusieurs contraintes que les hommes. Cette annonce dépend aussi des enjeux sociaux. Dans ces enjeux interviennent la situation matrimoniale de la femme séropositive, le nombre d'enfant en vie, le climat social dans lequel vit la séropositive. Pour les femmes mariées, l'annonce de leur statut dépend du nombre d'années passé avec le conjoint et du degré de confiance qu'ils s'accordent mutuellement. Plus les deux partenaires se font confiance, plus ils s'ouvrent l'un envers l'autre. Cependant, lorsqu'il y a absence de confiance entre les deux, la femme a peur d'annoncer son statut à son partenaire sous peine de s'exposer à la répudiation ou d'avoir une coépouse. C'est d'ailleurs à ce titre que Mme 022/07 a affirmé qu'elle n'a pas informé son mari parce que dit-elle : Nous résidions à BAMBILI, mon mari me soupçonnait d'entretenir des relations avec un homme dans le quartier. Si je lui annonce mon statut aujourd'hui, ça ne sera qu'une confirmation de ce qu'il pensait de moi et il pourra me chasser. Et s'il m'abandonne avec les enfants, sans profession que je suis, que pourrais-je faire ?130(*) De ces propos, il ressort que les femmes qui ne partagent pas leur sérologie avec leurs partenaires ont peur de la répudiation. Or, l'Afrique est un continent où le mariage demeure encore une valeur malgré les transformations sociales qui ont cours actuellement. Ce qui entraine « la passivité des jeunes filles à se marier »131(*) parce qu'elles ont le souci d'exister socialement. De même, l'annonce de cette information dépend également du nombre d'enfants en vie avec le partenaire en ce sens que, la probabilité de répudiation diminue avec la croissance du nombre d'enfants. Certains hommes continuent souvent à garder leurs épouses à cause des enfants car en la répudiant, les enfants s'exposent aux risques de l'instabilité familiale. Un nombre important d'enfants permet à la femme de gagner du terrain. Ainsi, pour celles qui n'ont pas encore atteint leur quota d'enfants, elles préfèrent se taire et de faire leurs enfants en entretenant un silence. Cette annonce dépend aussi du climat social qui règne entre les deux partenaires ou dans l'entourage de la personne dépistée positive. Certaines femmes interrogées ont affirmé avoir caché leur statut à cause de la tension sociale qui régnait dans leur foyer. Lorsque le climat est tendu, la femme pense que l'annonce de son statut pourrait constituer un tremplin pour la séparation d'où son silence comme le cas de Mme 470/03, 43 ans, employée de banque qui relate : Lorsque mon mari a appris que j'étais séropositive, il a abandonné la chambre conjugale pour séjourner au canapé du salon. Et comme avant cette situation, entre nous il y avait déjà des petits problèmes, il a demandé l'affectation pour aller travailler au Nord. Ça fait trois ans aujourd'hui je n'ai plus de ses nouvelles et je suis abandonnée avec les enfants. Heureusement que mon petit salaire me permet de m'occuper de leur nutrition, de leur scolarité et des petits nécessaires132(*). Par contre, certaines femmes ont affirmé avoir partagé l'information avec leur partenaire mais en usant des stratégies. Pour celles qui ne se reprochaient de rien ont pu annoncer comme Rosita du CEAM qui, à la remise de son statut, appelle son partenaire parce que dit-elle « ne trompait pas son conjoint ». Certaines ont fait la pression à leurs partenaires d'aller faire leur test tout en demandant au médecin de garder les premiers résultats comme le cas de 062/09 qui a « joué à la séro ignorante » nous a-t-elle affirmé. Certaines par contre, qui au départ ont caché leur statut, ont bénéficié de l'aide des associations des conseillères psychosociales et des agents de relais communautaires pour informer leurs conjoints en recourant préalablement au counseling. Pour les filles ou femmes célibataires qui étaient relativement jeunes, chez qui l'idée de mariage prédomine, elles ont peur d'être abandonnées, c'est pour cette raison que la plupart n'a pas partagé l'information avec leurs partenaires. Elles préfèrent camoufler leur statut. De même, certaines d'entre elles renoncent au mariage car, dans la majorité des mariages, il s'observe un test pré marital. Alors accepter le mariage pour elles, c'est une façon de livrer l'information. C'est pour cette raison que la plupart d'entre elles préfèrent s'abstenir ou solliciter des séropositifs comme elles pour se marier. La confirmation de cette idée a été faite par Adjara en ces termes : Je ne peux plus me marier parce que de nos jours, le test de VIH est l'une des conditions de mariage dans mon village. Si un homme cherche à m'épouser, je vais refuser parce qu'il risque découvrir mon statut lors du test et ce qui fera que tout le monde sera au courant de ma maladie. Pour éviter cela je préfère dire que je ne veux pas me marier.133(*) Par contre, celles qui ont été déjà en union et ont accompli leur féminité, (en accouchant le nombre d'enfants souhaité) elles ont pour la plupart signifié leur statut d'une manière ou d'une autre parce qu'elles désirent juste avoir une stabilité en restant avec des partenaires qui vont les accepter. * 130 Entretien, septembre 2009. * 131 I. BARDEM et I. GOBATTO, Maux d'amour, vies de femmes : sexualité et prévention du SIDA en milieu urbain Africain, Paris, Harmattan, 1995, p.27. * 132 Entretien, septembre 2009. * 133 Entretien, septembre 2009. |
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