Les comportements sexuels et reproductifs des femmes vivant sous antirétroviraux au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Moustapha Mohammed Nsangou Mbouemboue Université Yaoundé I - Master en sociologie 2010 |
II.3.Gestions et stratégies d'annonce de la séropositivitéDe manière générale, l'information chez les PVVIH s'accompagne de plusieurs enjeux (sociaux, économiques, et même spirituels). Ces personnes ne livrent leurs informations qu'à ceux qu'elles estiment qu'ils peuvent leurs apporter de l'aide127(*) tout en gardant le secret. Car, les PVVIH ne se sentent à l'aise que lorsque leur statut reste un secret. A ce niveau, un certain nombre de questions se dégagent à savoir : comment gèrent-elles l'information ? comment annoncent-elles leur séropositivité ? A qui l'annoncent-elles ? Et à quel moment ? A ces questions nos répondantes ont été unanimes sur le filtre ou la sélectivité qu'elles développent dans la gestion de leurs informations ; sauf quelques unes qui, dans le cadre de leurs activités font des témoignages à visage ouvert dans les médias. Elles ne font pas état de leur statut à tout le monde pour celles qui essayent de partager. Dans les différents CTA et UPEC où nous avons assisté à la remise des médicaments aux patients, nombreux sont ceux qui enlevaient les produits dans leurs étuis d'emballage ou tout simplement détachaient la notice qui couvrait la boite de médicament. Cette attitude témoigne de la dissimulation que ces PVVIH entretiennent autour de la maladie. Car, le fait de garder l'emballage ou la notice rendrait compte au partenaire ou de l'entourage de la nature de l'infection dont souffre ces personnes. Ainsi, pour elles, avoir le SIDA c'est avoir une nouvelle condition sociale ou ne plus appartenir à l'ancienne classe. Cette situation pourrait entraîner selon certaines femmes, le manque de respect soit à la maison, soit dans la société les amenant à opérer une sorte de théâtralisation dans la vie quotidienne128(*). Ce qui entraîne une sélection dans le partage de l'information. Le partage de l'information est à ce niveau, fonction d'un certain nombre d'enjeux, c'est pour cette raison que les PVVIH opèrent une sorte de sélection sociale dans le choix de leurs confidents. II.3.1.Enjeux économiquesDans la gestion de l'information chez les PVVIH, il s'observe que le partage de l'information a un enjeu économique en ce sens que celles-ci ne livrent leurs informations qu'en fonction de leurs attentes. Pour que certaines PVVIH parlent de leur sérologie, elles se rassurent d'abord si en retour elles bénéficieront de l'aide et que la personne à qui elles se confient gardera le secret. Car, vivre avec le VIH nécessite assez de moyens financiers pour les dépenses liées à la prise en charge notamment les examens, le transport et la nutrition. C'est l'exemple d'Adjara qui a affirmé que : J'ai juste informé ma soeur ainée avec qui j'habite parce que c'est elle qui s'occupe des frais de prise en charge. Si je lui cachais cette information, j'allais être coincée lorsqu'il allait falloir que j'aille à l'hôpital ou lorsqu'il allait falloir débourser de l'argent pour le taxi, les examens biologiques qui précèdent les soins129(*). Toujours dans la même lancée, Manuela nous a livré des informations après que nous lui avons proposé un plat dans un restaurant et une fois elle s'est montrée de plus en plus ouverte après une promesse d'aide que nous lui avons formulée. * 127 L'aide ici est de plusieurs natures : financière, matérielle, spirituelle ou sociale. * 128 E. GOFFMAN, op. cit. * 129 Entretien, août 2009. |
|