§7. De la nécessite
d'un traite de non re-exportation entre les pays vendeurs et les pays acheteurs
des ALPCS.
A la base de détournement des ALPC dans certains Etats
et entreprises du monde, on trouve des lacunes dans la procédure
d'exportation initiale, en particulier dans l'absence de contrôle
effectif de la destination finale des armements exportés.
Pour effectuer une exportation d'armes ou de matériel
militaire, des pratiques diverses ont cours dans le monde. Certains Etats ne
connaissent pas le système de licence d'exportation, par exemple dans le
cas où l'industrie de production d'armes est entièrement sous
contrôle de l'Etat. D'autres requièrent l'octroi d'une licence
à l'exportateur, mais pas de certificat d'utilisateur
final (CUF) ou de document équivalent à fournir par
l'importateur.
Un CUF est un document par lequel l'acheteur
garantit qu'il sera seul à utiliser les armes importées, qu'elles
ne seront pas transférées ou réexportées, qu'elles
seront utilisées à des fins bien définies,
etc.
D'autres, enfin, soumettent l'obligation de licence à
la fourniture d'un CUF ou d'un document équivalent. Dans le cas
d'exportations entre pays de l'Union européenne (UE) ou appartenant
à l'OTAN ou vers quelques autres destinations jugées
« sûres »[5], la licence est
remplacée par un certificat international d'importation (CII) et le CUF
n'est alors plus demandé. Consistant essentiellement en une autorisation
de l'importation par le pays de l'acheteur, le CII est délivré
sur formulaire standard. Ce cas, donnant rarement lieu à des abus, ne
sera pas examiné dans cette étude.
Au niveau de l'UE, les autorités d'un pays membre (ou,
depuis 2003, d'une de ses entités fédérées dans le
cas de la Belgique) sont soumises au Code de conduite de l'UE, concernant
essentiellement la situation dans le pays importateur et évaluant les
risques de « mauvaise utilisation » des armements
commandés. Un des critères dont le non-respect peut
entraîner le refus de licence, concerne l'« existence d'un
risque de détournement de l'équipement à
l'intérieur du pays acheteur ou de réexportation de celui-ci dans
des conditions non souhaitées »[6], et est donc
clairement en rapport avec la destination et l'utilisation finales de
l'armement.
Pour mieux contrôler les exportations des ALPC dans le
monde en général et en Afrique Centrale en particulier, les
éléments qui devraient ou pourraient figurer sur ce le CUF
devraient être les suivants :
- les détails de
l'exportateur (au moins le nom, l'adresse et le nom de la firme),
- les détails de
l'utilisateur final (au moins le nom, l'adresse et le nom de la firme ; il
y est précisé que si l'importateur revend les biens sur le
marché local, il sera considéré comme l'utilisateur
final),
- le pays de destination
finale,
- une description des biens
exportés ou la référence du contrat conclu avec les
autorités du pays de destination finale,
- la quantité et/ou la
valeur des biens exportés,
- la date, la signature, le nom
et la fonction de l'utilisateur final,
- la clause d'utilisation finale
et/ou de non-réexportation, s'il y a lieu,
- une indication sur
l'utilisation finale des biens,
- un engagement, s'il y a lieu,
que les biens exportés ne seront pas utilisés à d'autres
fins que celles déclarées,
- un engagement, s'il y a lieu,
que les biens exportés ne seront pas utilisés dans le
développement, la production ou l'usage d'armes chimiques, biologiques
ou nucléaires ou de missiles pouvant les porter.
Certains autres éléments devraient
figurer sur un CUF (à la discrétion de l'Etat
exportateur) toujours dans la même vision d'interdire la
réexportation. Il s'agit de:
- une clause interdisant ou
conditionnant la réexportation,
- les détails complets,
s'il y a lieu, de l'intermédiaire,
- si le CUF est émis par
le gouvernement du pays de destination, il sera authentifié par les
autorités du pays exportateur (authenticité de la signature,
capacité du signataire à s'engager au nom de son
gouvernement),
- un engagement du destinataire
final à fournir, sur demande de l'Etat exportateur, un certificat de
vérification de la livraison.
Cela reste dans l'esprit du Protocole contre la fabrication et
le trafic illicites d'armes à feu, complémentaire à la
Convention de l'ONU contre le crime organisé, adopté le 31 mai
2001 par l'AG de l'ONU et entré en vigueur le 3 juillet 2005 qui
prévoit, dans son article 10, que :
- les Etats exportateurs
disposent d'une licence d'importation de l'importateur ;
- les Etats de transit aient
notifié qu'ils ne s'opposent pas au transit ;
- les licences d'exportation et
d'importation contiennent des informations qui, au minimum, incluent le lieu et
la date de délivrance, la date d'expiration, le pays d'exportation, le
pays d'importation, le destinataire final, la désignation des armes
à feu, de leurs pièces, éléments et munitions et
leur quantité et, en cas de transit, les pays de transit ;
- l'Etat importateur informe
l'exportateur de la réception du matériel ;
- les Etats parties fassent en
sorte que l'authenticité des documents puisse être
vérifiée.
Tout ceci reste dans l'esprit de certains accords
régionaux comme la Convention de la CEDEAO sur les armes
légères (2006), le Protocole de Nairobi sur les armes
légères (2005), le Protocole de la SADC sur les armes à
feu (2001) ou le Règlement-type de l'Organisation des Etats
Américains (OEA, 1997), qui imposent aux Etats signataires
l'harmonisation et le contrôle des documents de transfert d'armement, en
particulier le CUF.
Bref, tous les Etats de la Société
internationale, surtout ceux produisant les ALPC devraient doivent prendre les
précautions suivantes s'ils ont la vision de lutter contre la
circulation illicite des armes en Afrique Centrale:
- Inclure une clause sur la
réexportation à la fois dans le contrat de vente ou d'exportation
et dans le CUF ; cette clause pourrait prévoir l'interdiction pure
et simple de tout détournement ou réexportation, ou la soumettre
à l'accord préalable du pays exportateur d'origine ou des
organismes délivrant les licences d'exportation ;
- les autorités
internationales organisent la formation des exportateurs dans le domaine du
contrôle des exportations.
- le « rôle
essentiel » de la surveillance douanière dans chaque Etat de
l'Afrique Centrale, dont le personnel doit être formé et qui doit
comprendre des mécanismes de coopération et d'échange
d'informations ;
- des enquêtes et des
poursuites devraient être prévues dans les législations
nationales en cas de violation du contrôle des exportations ;
à cet effet, les autorités répressives doivent disposer de
ressources suffisantes et de formations régulières et peuvent
coopérer dans le cadre d'enquêtes avec celles d'autres
pays ;
- des sanctions (amendes et
peines de prison) doivent être prévues en cas de violation de la
législation sur le contrôle des armes ou de conditions
spécifiques contenues dans la licence, ainsi qu'en cas de
présentation de fausses informations lors de la demande de licence.
- le CUF devrait inclure des
renseignements concernant le transit et tous les intermédiaires
(courtier, compagnie de transport, banque, assurance...) ;
Bref, dans ce traité, une autorisation d'exportation
ne sera en principe accordée que lorsque le destinataire de la livraison
est un gouvernement étranger ou une entreprise travaillant pour un tel
gouvernement, et que ce dernier a établi une déclaration de
non-réexportation attestant que le matériel ne sera pas
réexporté vers un Etat tiers sans le consentement écrit
préalable de l'Etat vendeur.
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