La littérature sur les enjeux du développement
local n'est pas aussi fournie que celle de la décentralisation ;
néanmoins nous retenons quelques écrits d'auteurs. Le
développement local est avant tout un processus endogène
s'inscrivant dans un territoire vécu, conduisant à un projet
global de société en articulation avec l'extérieur
(Handicap international, 2007). Dans ce sens, Le développement
local doit également être pensé comme une «
arène politique » dans le sens où s'affrontent
différents pouvoirs et groupes stratégiques pour l'accès
aux ressources et au pouvoir de contrôle sur la distribution de
droits (Olivier de Sardan, 1995). Cela n'a rien d'une évidence
tant la tendance est forte de réduire le développement local
à la simple (mais nécessaire) réalisation massive
d'infrastructures socioéconomiques de base (pistes, écoles,
centres de santé, puits, forages, etc.).
Une autre caractéristique du développement local
est que, lorsque la dimension institutionnelle est présente, elle
s'inscrit dans un esprit de pluralisme des
formes d'institutions et des acteurs et prône
généralement l'unanimité politique, contrairement à
la décentralisation (Marc Totte, 2003).
Par ailleurs, il crée une dynamique interne au sein
des populations dans la prise en charge de leurs propres affaires à
travers la création d'une capacité de contrôle des
ressources et réalisations locales et de réaction face aux
éléments extérieurs. (PAVD/Mali, 2004). Ce
processus de mobilisation et de changement s'organisent sur des aires
géographiques de nature différentes. En outre, le
développement local n'est pas la défense d'un territoire contre
les autres territoires ; mais une démarche solidaire contre toute forme
de localisme en mettant toutefois en exergue les avantages comparatifs dans le
but d'une harmonisation et d'une complémentarité entre les zones
géographiques d'un même Etat. Il crée des institutions
spécifiques et pousse à la rétention locale des richesses
(idem).
Ainsi de tous ses enjeux, il ressort que le
développement local renforce l'identité et la cohésion
socioculturelle, crée des espaces de coopération, de dialogue, de
réflexion et de créativité, et constitue également
une alternative aux modèles classiques de développement.
III.3- Perceptions de la population des enjeux et
des stratégies de la décentralisation et du développement
local
Des textes actuellement en discussion dans plusieurs pays
africains, les premières réalisations et les réactions des
paysans montrent cependant que les modalités pratiques prévues
pour la décentralisation risquent fort d'aller à l'encontre des
objectifs prévus. Leurs inquiétudes portent sur les points
suivants :
La décentralisation est pour le moment
décidée au sommet et imposée aux populations. «
Définir une réforme du sommet quand on a comme objectif de
«mobiliser les populations«, c'est se moquer du monde ou avouer que
la mobilisation ou la participation des populations n'est qu'un
élément décoratif du discours. Quand on connaît par
ailleurs la méfiance des populations vis-à-vis de ce qui vient de
l'extérieur, et particulièrement de l'Etat, on ne peut que rester
sceptique sur les chances de réussite. Actuellement pour la
majorité des paysans interrogés, la décentralisation va
être une magouille entre les partis, un moyen de prélever
davantage d'argent sans qu'on voie les
réalisations. » (D. Gentil et B. Husson, 1996,
p3).
En effet, s'il est encore fréquent de rencontrer
généralement parmi les couches les plus
défavorisées de la population, des personnes qui n'ont jamais
entendu parler de la décentralisation ou qui n'en connaissent que le nom
un nombre non négligeable de personnes au Benin qui sont à
même de lui donner un contenu en ont une compréhension
erronée ou confuse (Christophe A, 2006). Le plus souvent, elles
assimilent à la décentralisation les autres aspects de la
réforme territoriale et est ainsi régulièrement confondue
avec le découpage territorial (idem).
En outre, l'arrivée de l'Etat au niveau local est
ressentie par les populations locales comme une nouvelle source de contraintes
et de dangers. Si aux yeux des populations, la décentralisation n'agit
pas positivement sur leur cadre de vie et de travail, sur leurs revenus, sur
leur éducation, sur leur santé, alors ils jugeront inutile la
construction politique de la décentralisation (Sawadogo. R. A,
2003 cité par M. Totte et al, 2003, p96).
La décentralisation étant toujours un
phénomène nouveau au Benin, de l'avis de Christophe André,
il est bien malaisé de savoir aujourd'hui ce qu'elle sera
concrètement et quelles en seront les conséquences pratiques pour
les populations. Selon lui, si l'on ajoute à cela la mauvaise
information ou l'absence d'information qui règne à son propos au
sein de la population, on comprend plus aisément pourquoi l'attitude des
uns et des autres vis-à-vis de la décentralisation, qu'elle soit
positive ou négative, reflète fondamentalement un positionnement
par rapport à l'État. L'État reste le
référent ultime, l'interlocuteur absolu de la population, comme
l'illustrent bien ces propos d'une jeune marchande appréhendée
par ce dernier :
"Tout ce que l'État décide est bon. Est ce que
nous pouvons quelque chose contre notre sort ? Le mieux pour nous maintenant
est de regarder faire".
Aussi, pour une certaine catégorie de
population, la décentralisation est perçue comme une
réforme de l'État parmi d'autres ; telles que la création
des départements et des provinces (Pamphile. S, 2000). Pour la
population, l'initiative
vient de l'État et c'est lui qui la met en oeuvre. Ainsi
elle ne conçoit pas la décentralisation comme un champ politique
à investir (idem).
Il est cependant un aspect de la décentralisation qui
inquiète fort une frange de la population au Benin pour qui ce processus
ne se résume pas à un mot ; c'est la question des moyens
financiers dont disposeront les communes décentralisées. En
effet, bien ou mal comprise, la décentralisation consiste
néanmoins pour les populations locales en un retrait de l'État
dont elles craignent qu'il se transforme en un abandon. Selon ce point de vue,
la décentralisation laisserait alors aux seules nouvelles communes la
responsabilité d'assurer le développement local. Or il s'agit
là d'une tâche qui nécessite des moyens financiers non
négligeables et à laquelle les populations accordent la plus
grande importance ; leurs attentes dans ce domaine portant prioritairement sur
un entretien de qualité et le développement de l'infrastructure
routière ainsi que l'adduction d'eau et l'électrification
(Christophe A, 2006). Dans leur esprit, le développement local
constitue déjà à l'heure actuelle la fonction principale
de l'administration locale (après celle de délivrer des documents
administratifs) et ils estiment à ce propos qu'elle l'assume mal ou
insuffisamment. Elles redoutent que la décentralisation ait pour effet
d'accentuer cette situation, l'État se désengageant davantage
tout en n'allouant pas plus de moyens financiers aux entités
décentralisées (idem).
Aussi de l'avis toujours de Christophe André
(2006), ne voyant pas de quelle façon les entités
décentralisées pourraient subvenir à leurs besoins accrus,
la population locale redoutent souvent d'être abandonnées par
l'État dont ils attendent toujours l'intervention et craignent que la
décentralisation ne les livre par conséquent à
eux-mêmes.
Toutefois, il existe une certaine tranche de la
société civile qui reconnait les effets positifs de
l'avènement de l'érection des mairies. Selon Pamphile
sebahara (2000), Pour cette dernière, il ya une facilité des
démarches administratives liée à la
proximité de la commune et à la
disponibilité de ses agents ainsi que des réalisations du conseil
municipal en matière de développement.
CHAP IV : Les compétences et les
responsabilités des
acteurs et l'Etat et la participation de la
population au
développement local
Ce dernier chapitre de notre étude se donne pour
objectifs d'identifier et d'analyser d'une part les compétences et les
différentes responsabilités qu'occupent les acteurs locaux et
l'Etat dans le processus de décentralisation et d'autre part
étudier la participation de la population locale aux projets et
programmes de développement.
IV.1- les compétences et les
responsabilités des acteurs locaux et L'Etat
Il est de plus en plus évident que le
développement d'un pays n'est pas l'affaire d'une minorité de
personnes mais de tous les membres de la communauté sans exception.
D'où la nécessité de définir les rôles et les
responsabilités de chaque tranche de la communauté pour un
développement des plus harmonieux.
Ainsi pour une meilleure compréhension de ces
rôles et responsabilités que jouent ces acteurs locaux et l'Etat,
nécessité s'impose à nous de les définir d'abord
sous un angle tel que proposé par les textes avant de donner les
différentes opinions des auteurs sur cette question.
IV.1.1- les compétences et les
responsabilités des acteurs locaux et L'Etat telles que
généralement définies
Dans la plupart des pays qui ont adopté la
réforme de décentralisation, il est définis des
rôles et des pouvoirs pour chacun des acteurs et ceux à travers
des textes bien structurés.