III. MODALITE EPISTEMIQUE : EXPRESSIONS DE
MODALITE
Les modaux ne peuvent être utilisés qu'au
présent et au prétérit. Par ailleurs, comme nous l'avons
vu, l'évaluation dans le passé des chances de validation d'une
relation prédicative ne se fait avec les modaux qu'en cas de concordance
des temps. C'est pourquoi les expressions de modalité, à savoir
les périphrases, doublures, adjectifs modaux, etc., sont essentielles si
l'on souhaite faire une estimation dans des contextes où les modaux ne
le peuvent pas (par exemple, mettre une estimation sur un plan futur), ou
encore exprimer dans une même phrase deux idées contenues dans
deux modaux différents ; par exemple, une équiprobabilité
(may, qui deviendra be likely to) dans le futur
(will). Les expressions de modalité sont en effet basées
sur un verbe lexical ou l'auxiliaire be, qui ne sont pas défectifs.
Néanmoins, il convient de préciser que de par leur nature, elles
ne sont pas complètement synonymes avec les modaux, qui ont un
caractère virtuel. Elles ont, comme n'importe quel verbe, un
caractère factuel. En outre, bien que l'on utilise parfois le terme de
« doublures », la synonymie parfaite étant quasi-inexistante,
elles exprimeront des degrés de probabilité d'un
évènement nécessairement différents de ceux
exprimés par les modaux. A l'inverse, certaines expressions auront des
points communs avec les modaux, comme l'ambiguïté entre la valeur
épistémique et la valeur radicale ; c'est principalement le cas
de be going to.
Il est important de rappeler que, tout comme les modaux
épistémiques, les expressions de modalité servent à
faire une estimation, elles portent par conséquent sur le noeud
prédicatif. Ainsi, dans le cas de be sure to, ce n'est pas
parce que l'on a he is sure to win que sure qualifie he
; ici, be sure to fonctionne comme un ensemble qui permet
d'évaluer les chances de la relation <he - win>. Le mot sure
n'attribue nullement une caractéristique au sujet grammatical.
1. BE LIKELY TO
Étymologiquement, likely vient de
lîkam, qui signifie « apparence », « forme
». L'on retrouve d'ailleurs la racine commune avec la préposition
like, qui sert à établir une comparaison. Cette
expression de modalité est en général associée au
modal may. Toutefois, elle n'exprime pas une
équiprobabilité stricte, mais le vraisemblable, qui
résulte d'un
raisonnement de la part de l'énonciateur face à
ce qu'il constate (cf. « apparence »,
étymologiquement). Elle est par conséquent également
proche de can épistémique, car elle ne dit pas qu'il y a
égalité avec la non-réalisation de la relation
prédicative. Be likely to est composé de l'auxiliaire
be et de l'adjectif modal likely, c'est pourquoi l'expression
a une double caractéristique : elle ne contient pas la même
subjectivité que les modaux, mais elle permet tout de même
d'évaluer une relation prédicative :
The men who whispered in the little cafés of Berne and
Geneva were likely to be diamond salesmen or commercial travellers.
Cet exemple montre la valeur de be likely to, qui est
le possible ; l'énonciateur n'affiche pas une incertitude totale, mais
il dit ce qu'il pense être plausible, à savoir, la relation
<the men who whispered in the little cafés of Berne and Geneva - be
diamond salesmen or commercial travellers>. Il s'agit du
prétérit, compatible avec be, ce qui montre que les
expressions de modalité peuvent être mises au passé dans
des narrations. Cet énoncé peut très bien correspondre au
présent [they] may be diamond salesmen [...] ou
[they] are likely to [...], et il sert à mettre
l'évaluation sur un plan passé. Dans l'exemple, remplacer par
[they] may have been présenterait une estimation
présente d'un fait passé ; ce serait également
différent, non pas uniquement parce que le modal exprime une
équiprobabilité stricte des chances de réalisation du
fait, mais surtout parce qu'il exprime l'avis subjectif de
l'énonciateur. Au contraire, ici, be likely to est plus neutre.
De la même façon, remplacer par might ne semble pas
correspondre au contexte car, même s'il peut parfois lui aussi mettre
l'évaluation au passé, ce modal permet plus souvent
d'évaluer dans le présent une relation S - P, et ici, il n'y a
pas lieu non plus à une concordance des temps.
Mis à part le caractère factuel et non subjectif
de be likely to, sa différence d'utilisation avec le modal est
donc que son emploi n'est pas restreint, car cette expression est basée
sur l'auxiliaire be, qui n'est pas défectif ; elle peut
être mise (et donc, l'estimation peut être mise) à
l'infinitif, au futur (will be likely to est possible, tandis que
*will may ou *is going to may sont impossibles) ou même
dans des questions puisqu'elle n'équivaut pas à une question
fermée (nous avons vu que ? May he be asleep? est très
peu probable, car may revient à formuler une question
fermée). Par ailleurs, étant donné qu'il est difficile
d'utiliser can dans des énoncés assertifs, c'est be
likely to qui peut exprimer le possible dans de tels cas, sans tomber dans
l'équiprobabilité.
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