b. Modaux -ED + HAVE -EN
Dans tous les cas, -ED signifie un décrochage avec la
situation d'énonciation. Mise à part la valeur de -ED permettant
de réaliser la concordance des temps, la valeur métalinguistique
de celui-ci comporte différentes interprétations : Paul Larreya
et Claude Rivière soulignent en effet la distinction entre la
présupposition irréelle et la présupposition non-certaine
(1991, p.29-30), qui sont les effets produits par la valeur de base de
l'opérateur. C'est ce qui est à l'origine de la
possibilité d'une double interprétation des modaux +ED avec
l'infinitif parfait : s'il s'agit d'une présupposition irréelle,
l'énonciateur sait que l'évènement n'a pas eu lieu
(l'évènement est irréel), tandis que dans le cas d'une
présupposition non-certaine, l'énonciateur émet des doutes
et l'incertitude subsiste dans le présent. Seul le contexte permettra de
déterminer la valeur.
1. What could he have been thinking of?No one knew.
2. He would have been much better in a lodging-house, or
hotel.
3. No one of them waved back. They might have done so, but
they didn't.
4. The idea was so strong that for a moment he thought he
might have spoken it aloud.
5. Five minutes more of that death-like hush, and I should
have forced the lock like a
burglar.
Tout d'abord, l'exemple 1 comporte une occurrence de can
+ED où cet opérateur effectue la concordance des temps,
ainsi que le montre le passé knew. Il s'agit d'un extrait de
roman au passé, et could se justifie pleinement. L'infinitif
parfait montre quant à lui l'antériorité de
l'évènement be thinking. Si -ED n'a ici que sa valeur de
translation, alors la valeur du modal ne diffère pas de can
Ø dans les contextes présents : la relation
prédicative passée <he - be thinking> est soumise à
hypothèse toujours pas résolue au moment d'énonciation,
comme le souligne no one knew. Cela dit, cette même question
(What could he have been thinking of?) pourrait être
prononcée dans un contexte présent, et le -ED de can
aurait alors sa valeur métalinguistique qui place l'estimation sur
un plan fictif ; il y aurait présupposition noncertaine. Au contraire,
dans l'énoncé 2, le -ED de would est effectivement
métalinguistique, dans la mesure où cette phrase pourrait
très bien être dite dans un contexte présent. L'infinitif
parfait sert cette fois-ci non pas à signaler un fait passé, mais
un fait hypothétique. La combinaison de -ED métalinguistique avec
l'infinitif parfait signalant un évènement irréel offre un
équivalent du conditionnel passé français ; la relation
prédicative hypothétique donne lieu à une
évaluation hypothétique. Il est « trop tard » pour que
<he - be much better in a lodging house> se réalise. Il y a
présupposition irréelle.
Les exemples 3 et 4 sont à mettre en regard l'un de
l'autre. En effet, dans l'une des phrases, il y a présupposition
irréelle, et dans l'autre, il y a présupposition non-certaine. En
3, il s'agit d'un cas similaire à l'énoncé 2 ; la relation
prédicative <they - do so>, grâce à l'infinitif
parfait, est vue comme hypothétique et l'estimation à laquelle
elle est soumise (might) est composée de
l'équiprobabilité de may et de -ED
métalinguistique. En outre, la fin de la phrase but they didn't
rappelle qu'il s'agit d'une présupposition irréelle, tout
comme le début no one of them waved back. En revanche, 4 est
plus proche de l'exemple 1 ; le contexte est passé et le -ED de
might se justifie par l'emploi du passé de narration. Ainsi, la
valeur est identique à celle de may dans un contexte
présent ; il y a évaluation de la relation <he - have spoken
it aloud>. Dans un contexte présent, l'on pourrait garder might
sans réellement modifier le sens, c'est-àdire en conservant
la présupposition non-certaine et sans nécessairement basculer
dans la présupposition irréelle. En ce sens, le Guide to
Contemporary English Usage explique : « If uncertainty about the
action or state denoted by the perfect infinitive remains, i.e at the
time of speaking or writing the truth of the event is still unknown, then
either may or might is acceptable » (E.S.C. Weiner,
1985). La seule différence entre may et might serait
alors celle
précédemment évoquée, à
savoir, que -ED place l'évaluation sur un plan fictif.
Enfin, en 5, il y a à nouveau présupposition
irréelle, puisque l'évènement force the lock like a
burglar n'a pas eu lieu ; la relation prédicative est, à
l'instar de l'évaluation qui en est faite, hypothétique.
Should, associé à la première personne, est
épistémique et indique une prédiction (cf. I. 5.)
déclenchée par la condition ici explicite : Five minutes more
of that death-like hush.
Ainsi, les modaux suivis de -ED permettent de réaliser
la concordance des temps et donc de placer l'évaluation dans un contexte
passé. Ils servent également à placer l'évaluation
sur un plan fictif, c'est pourquoi l'évaluation présente d'un
fait passé exige le recours à l'infinitif parfait. Toutefois,
s'il n'est pas question de concordance des temps, une évaluation
passée portant sur un fait qui lui est antérieur ou futur, se
fait non plus grâce aux auxiliaires modaux, mais avec d'autres
expressions de modalité, telles que les périphrases.
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