b. COULD, MIGHT concessif : ambiguïtés
En ajoutant l'opérateur -ED aux modaux
épistémiques, les ambiguïtés et les superpositions
des valeurs épistémique et radicale ne disparaissent pas pour
autant. Ainsi, bien que l'on puisse normalement attribuer à
could une valeur épistémique, la valeur radicale est
toujours présente.
People could get seriously hurt in rockfights; a kid could
get his skull spit.
Les deux could de cette phrase peuvent à
premier abord être définis comme épistémiques. Il
s'agit d'une hypothèse quant aux conséquences d'un tel acte de
violence (rockfights). L'emploi de ce modal plutôt que might
sert à ne viser que la réalisation du procès, en
ignorant la nonréalisation, car might exprime une
contrefactualité. Cela correspond à une possibilité, non
une équipossibilité. Pourtant, cette impression est en fait
reliée à la valeur radicale de can ; la
possibilité matérielle impliquée constamment avec ce modal
est rendue fictive par l'opérateur -ED, d'où un rapprochement
avec une possibilité logique.
De la même façon, il existe une superposition des
deux valeurs dans l'emploi de might concessif, et -ED a soit une
valeur métalinguistique qui place le propos sur un plan fictif, soit
il permet de réaliser la concordance des temps :
Sexism might sell, but we're not buying.
Il y a ici clairement référence au futur, avec
BE + ING, ce qui indique que -ED n'exprime pas un passé. Tout comme pour
may Ø concessif, une interprétation
épistémique est d'abord possible : la relation prédicative
<sexism - sell> est mise en doute, ce qui permet d'introduire un argument
: we're not buying. Cependant, l'interprétation radicale est
aussi légitime, et may +ED se rapprocherait de la permission ;
la relation S - P <sexism - sell> est « accordée »
(Certes, le sexisme se vend, mais [...]), ce qui permet d'introduire
un argument avec autant de poids.
c. SHOULD et les contextes appréciatifs
Souvent, should est utilisé dans des
complétives introduites par that et traduit ainsi le subjonctif
français. C'est le cas lorsqu'il est employé dans des contextes
directifs, et il sera alors radical (it is important that you should tell
you mother what happened), ainsi que dans des contextes
appréciatifs, souvent introduits par des adjectifs (It is strange
that, it is natural that, etc.). Prenons trois exemples
:
1. I thought it strange he should get up and dress so
late.
2. It is intolerable that a child should be so
ill-mannered.
3. She could not bear it that the bride should arrive, and
no groom.
Dans les trois cas, should permet d'exprimer un
jugement en mettant la proposition à distance. La relation S - P ne va
pas de soi pour l'énonciateur, c'est pourquoi on attribue au modal une
valeur contrefactuelle, portée par l'opérateur -ED (on dit
également que should indique une non-congruence). L'idée
de norme est donc toujours présente avec l'emploi de should,
qui montre que la réalisation de la relation prédicative a ou
aurait un certain effet sur l'énonciateur, selon l'adjectif ou la
formule choisis. Ainsi, en 1, l'actualisation de la relation <he - get up
and dress so late> a surpris l'énonciateur qui utilise l'adjectif
strange, et l'association de shall et -ED souligne
l'étonnement de la part de I. De même, dans l'exemple 2,
c'est l'adjectif intolerable qui marque le jugement de
l'énonciateur face à l'éventuelle réalisation de la
relation <a child - be so ill-mannered> ; que cette dernière soit
actualisée ou reste hypothétique, l'impression serait la
même, et shall permet d'introduire une idée de norme
d'après l'énonciateur, tandis que -ED porte la valeur de
contrefactualité. La phrase 3 donne un autre exemple de jugement cette
fois indiqué par l'expression cannot bear au
prétérit. Même
si le procès est actualisé, should est
employé, non pas pour signaler une hypothèse ou par concordance
des temps, mais pour mettre à distance le propos afin d'introduire
l'opinion de l'énonciateur. Des explications similaires de la valeur de
should sont possibles dans des contextes qui ne sont pas
nécessairement appréciatifs, mais cette fois purement
hypothétiques, tout en gardant la notion de contrefactualité et
de norme de should :
4. 'Dancing in public with a troop of country hoydens -
suppose we should be seen!' Cette phrase ne contient pas réellement
de jugement ou d'appréciation, mais l'idée de norme contenue dans
should est pleinement perceptible ; la relation prédicative
<we - be seen>, malgré son rejet de la part de
l'énonciateur, est vue comme hypothétique, comme le souligne le
terme suppose ; sa réalisation ne va pas de soi.
Si l'idée de norme est présente dans tous ces
emplois de should, alors la notion de logique inhérente
à la modalité épistémique est également
liée ; l'énonciateur aura sa propre idée de la norme,
c'est pourquoi tel ou tel événement lui apparaîtra ou non
comme logique.
Ainsi, les modaux +ED ne signifient pas nécessairement
que le contexte est passé ; ils peuvent simplement ajouter une valeur
aux modaux Ø, tout comme ils peuvent se trouver dans des récits
au passé, par souci de concordance des temps (les narrations se faisant
généralement au passé en anglais). Dans chaque cas, il
s'agit du plan sur lequel les modaux se trouvent qui change ; il est de l'ordre
du fictif avec -ED. L'extrait qui suit offre un aperçu de la gradation
des modaux +ED :
I walked fast through the room: I stopped, half
suffocating with the thoughts that rose faster than I could receive,
comprehend, settle them - thoughts of what might, could, would and should
be.
Comme nous l'avons vu pour les modaux simples, l'ordre
croissant de la probabilité des chances de la réalisation d'un
évènement est comme suit : may, can,
must, will/shall. Ici, l'ajout de -ED dans chaque cas vient
confirmer cette échelle. Néanmoins, habituellement,
should est de l'ordre du vraisemblable et devrait se situer entre
could et would. Le fait qu'il soit après le modal
exprimant la certitude (would) s'explique par le fait que, comme nous
l'avons vu avec les contextes appréciatifs, should comporte
davantage de subjectivité (cf. notion de norme aux yeux de
l'énonciateur). C'est pourquoi le placer en dernière position
accentue l'implication de l'énonciateur. Bien que tous les modaux
montrent ici une évaluation
subjective, should permet de souligner davantage la
prise de position.
Si l'énonciateur souhaite procéder à une
évaluation présente d'un fait passé, le modal ne portera
aucune trace. Le fait qu'il soit simple ou avec -ED n'aura que pour seuls
effets ceux précédemment évoqués :
l'évaluation en elle-même est mise sur un plan fictif.
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