I. MODAUX A VALEUR EPISTEMIQUE ET EVALUATION PRESENTE
D'UN EVENEMENT
Tous les modaux ont une valeur fondamentale qui permet d'une
manière ou d'une autre de les expliquer en contexte. Afin
d'étudier leur valeur, il convient tout d'abord de retrouver leurs
origines, qui peuvent parfois être éclairantes sur leurs emplois.
Ensuite, à partir d'exemples analysés, dans des contextes
où le modal est épistémique, la place de chacun d'entre
eux le long de l'échelle de probabilité dans le présent
d'un évènement se dégagera. Par ailleurs, l'ajout du
marqueur de négation not aura un rôle dans la valeur des
modaux, d'où la nécessité d'exemples
d'énoncés non-assertifs. Enfin, il ne faut pas négliger
les cas d'ambiguïté entre la valeur épistémique et la
valeur radicale, qui sont tout à fait courants.
1. MAY
a. Valeur épistémique de MAY
Lorsque l'on étudie la grammaire anglaise, l'on entend
fréquemment que l'auxiliaire modal may
épistémique correspond à 50% de chance que
l'évènement se réalise, et 50% de chance qu'il ne se
réalise pas. Par conséquent, le modal se situerait au milieu de
l'échelle des degrés de probabilité d'un
évènement. Étymologiquement, may provient de la
base indoeuropéenne mogh-, megh-, signifiant le
pouvoir, la capacité. Cette base a également donné en
anglais: machine, main (John Ayto, 1990). Si le modal
may fait référence au pouvoir, cela indique une
possibilité qui est au centre de sa valeur fondamentale. Dans le cas de
la modalité épistémique, il s'agit d'une
possibilité logique, qui permet d'exprimer la position
contrastée de l'énonciateur ; l'évènement a autant
de chance d'être actualisé que de ne pas l'être. Ainsi, l'on
parle d'équiprobabilité, équipossibilité, ou encore
de bilarité. La racine equi- indique une quantité
égale, d'où la valeur d'incertitude de may. L'exemple
suivant est extrait d'un roman du XIXème siècle :
I have my own reasons for thinking her a curious study,
reasons that I may impart to you some day.
Ici, may illustre parfaitement
l'équiprobabilité de la relation prédicative <I -
impart to you>. Il est possible que l'évènement (à
venir) soit actualisé, mais également qu'il ne le soit pas.
Le repère some day montre cependant un optimisme quant
à la réalisation du fait, c'est pourquoi,
en terme de pourcentage, il devient légitime d'affirmer
qu'il s'agit non plus de 50% de chance de probabilité, mais plutôt
de 52%. De la même façon, la phrase suivante permet d'observer que
des éléments du contexte jouent souvent en faveur soit de la
possibilité « positive », soit de la possibilité «
négative » :
It is very likely that he may fall in love with
one of them (c'est l'auteur qui souligne). Si l'on fait d'abord
abstraction de la formule it is very likely that, may
souligne le caractère équipossible de la relation
prédicative <he - fall in love with one of them>. Le fait que le
personnage en question puisse rencontrer une femme est possible, mais le
contraire l'est tout autant. Toutefois, l'utilisation de very likely,
ainsi que l'accentuation du modal représentée par les italiques
dans le texte d'origine, semblent le faire tendre vers une probabilité
qui vise d'avantage le positif. Les chances de validation et de non-validation
de la relation prédicative ne sont plus strictement égales ; il
apparaît un peu plus probable aux yeux de l'énonciateur que
l'évènement sera actualisé.
Grâce à ces deux premiers exemples, il est
possible de constater que may, à la différence d'autres
modaux, peut servir à émettre une hypothèse sur un fait
à venir (cf. premier exemple : some day, faisant
référence à l'avenir). En outre, ils mettent en avant le
fait que le contexte fait souvent basculer légèrement la valeur
d'équiprobabilité stricte d'un évènement. En effet,
la probabilité ne peut correspondre à une parfaite
égalité (« 50/50 »), dans la mesure où le fait
même d'exprimer un énoncé assertif a un rôle ; la
forme affirmative semble adoucir, bien que très
légèrement, les 50% de chance de non-validation de
l'évènement, et à l'inverse, la forme négative
diminue les 50% de chance de sa validation :
Search, but you may not find.
Le simple ajout de l'adverbe not ici crée un
effet quasi « pessimiste », tout comme la conjonction de coordination
but ; bien que l'équiprobabilité de may ne soit
pas affectée outre mesure, c'est le négatif qui semble l'emporter
sur le positif, indiquant la prise de position de l'énonciateur. En
outre, se pose ici la question de la portée de la négation ;
dès lors que la modalité épistémique est
exprimée avec may, la négation portera sur
l'évènement (contrairement à can). Afin
d'expliquer ce phénomène, une traduction en français peut
s'avérer éclairante : si you may find signifie il
est possible que tu trouves, you may not find signifiera il
est possible que tu ne trouves pas. En français, la négation
sera placée sur la deuxième partie de la phrase, et non sur
il est possible que : [you may] [not find]. Le
français il n'est pas possible que tu trouves serait la
traduction de you can't find.
Il convient également de s'intéresser aux
énoncés interrogatifs vis-à-vis de l'emploi de may
épistémique. L'équiprobabilité du modal
symbolise l'hypothèse et l'incertitude totale, puisque
l'énonciateur ne sait pas si la relation prédicative sera
validée. En ce sens, le rôle de may est similaire
à celui d'une question, plus particulièrement une question «
fermée » (yes/no question). C'est pourquoi il est
très peu probable que le modal soit utilisé avec une forme
interrogative. Si l'on envisage l'énoncé suivant :
(?) May she be sleeping?
L'on se rend compte que la phrase est redondante ; le fait de
poser une question correspond déjà à une incertitude sur
l'évènement, tout comme may épistémique.
Ainsi, si l'on veut insérer la valeur du modal dans un
énoncé interrogatif, il est nécessaire que l'expression de
la modalité ne soit pas normalement équivalente à une
chance de validation du fait de 50%. Il faudra avoir recours à d'autres
moyens, tels que le modal can, ou la périphrase be likely
to, qui seront étudiés par la suite.
Dans la langue courante, may est de moins en moins
employé. Parmi le corpus étudié, les romans datant du
XIXème ou du début du XXème siècles sont ceux qui
comportent le plus d'occurrences du modal, alors que dans des romans plus
contemporains, celui-ci est très rare et de plus en plus difficile
à rencontrer. Son emploi de moins en moins fréquent peut
s'expliquer de la façon suivante : si l'équiprobabilité
contenue dans le modal indique l'incertitude sur les chances mêmes de
validation de la relation S - P, il apparaît donc « inutile »
de formuler de tels énoncés. Il va sans dire qu'un
évènement est soit actualisé, soit non-actualisé.
Ainsi, il n'y a plus d'intérêt à employer une
modalité ne faisant que dire ce qui va de soi. Une question
fermée semble plus utilisée. Ceci permet également de
comprendre pourquoi might tend à remplacer may ; comme
il sera étudié, le -ED contenu dans might affaiblit
l'équiprobabilité de may, et par conséquent, son
usage apparaît moins « inutile ».
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