Université d'Artois d'Arras, UFR des Langues
étrangères, Département des Langues.
LA MODALITÉ ÉPISTÉMIQUE EN
ANGLAIS
Mémoire présenté par Marc CAPLIEZ,
Pour l'obtention du Master 1 « Lettres, Langues et Arts
»
Parcours « Littératures, cultures et linguistique
étrangères (anglais) »
Arras, juin 2010.
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION 3
I. MODAUX A VALEUR EPISTEMIQUE ET EVALUATION PRESENTE D'UN
EVENEMENT 12
1. MAY ... 12
a. Valeur épistémique de MAY 12
b. MAY concessif 14
2. CAN 15
a. Valeur épistémique et énoncés
non-assertifs 15
b. Enoncés assertifs 17
3. MUST 18
4. WILL 19
5. SHALL, WILL et le futur 20
a. Expression du futur 20
b. WILL épistémique ou radical ? 22
II. LES MODAUX, -ED ET LE PASSE 24
1. -ED et les modaux 24
a. Valeur de -ED avec les modaux 24
b. COULD, MIGHT concessif : ambiguïtés 27
c. SHOULD et les contextes appréciatifs 28
2. Évaluation d'un fait passé 30
a. Modaux Ø + HAVE -EN 30
b. Modaux -ED + HAVE -EN 31
III. MODALITE EPISTEMIQUE : EXPRESSIONS DE MODALITE 34
1. BE LIKELY TO 34
2. OUGHT TO 36
3. BE SURE/CERTAIN TO 36
4. BE BOUND TO 38
5. BE GOING TO 38
CONCLUSION 40
BIBLIOGRAPHIE 42
INTRODUCTION
Le dictionnaire français Larousse nous offre les
définitions suivantes pour le terme de « mode » :
1. Manière particulière sous laquelle se
présente quelque chose ; forme particulière d'une action.
2. Catégorie grammaticale, relative au système
du verbe, régissant, d'une part, le statut (ou type) de la phrase et
participant, d'autre part, aux moyens qui permettent au locuteur d'exprimer son
attitude à l'égard de son message. (1997)
Le terme de « mode » provient du latin
modus, qui signifie « manière », « mesure
». C'est cette idée qui est à l'origine de la notion de
modalité. La modalité est avant tout la prise de position
concernant la valeur de vérité d'une proposition. C'est
l'attitude qu'adopte l'énonciateur par rapport à son
énoncé ; il s'agit d'apporter une modification de sens à
son contenu. Ce concept englobe un ensemble de valeurs servant à
l'expression de la subjectivité de celui qui s'exprime, c'est pourquoi
tout énoncé contient une modalité. Celle-ci inclut
plusieurs domaines, par exemple, le système d'affirmation, de
négation ou d'interrogation, l'opposition réel/irréel
(avec, par exemple, l'emploi du prétérit dit « modal »
en anglais), les subordonnées hypothétiques, les auxiliaires de
modalité, appelés « modaux », ou encore les expressions
de modalité (périphrases, adjectifs modaux, etc.). En anglais
contemporain, les modaux constituent le moyen essentiel d'exprimer la
modalité. Une des grandes difficultés pour les francophones est
de parvenir à comprendre ce système qui reflète une
façon d'appréhender les choses différente de la leur.
Contrairement au français qui combine une richesse de temps grammaticaux
avec des modes, l'anglais ne possède que deux temps, à savoir, le
passé et le non-passé. Il comporte la notion d'aspect, qui permet
d'envisager le procès exprimé par un verbe sous différents
angles (aspect perfectif, imperfectif, résultatif, etc.). Cette notion
est d'ailleurs compatible avec l'emploi des modaux, ce qui permettra à
l'énonciateur de formuler son propos comme il l'entend sans avoir besoin
de temps grammaticaux variés.
Les auxiliaires modaux (que l'on appellera modaux) sont
généralement au nombre de huit : can, dare,
may, must, need, ought, shall, et
will. Certains linguistes préfèrent toutefois ne pas
inclure need et dare, qui sont modaux uniquement aux formes
interrogative et négative, et parfois même ought, qui
diffère par le fait qu'il est suivi de to. Les modaux sont ce
qu'on appelle des verbes défectifs, c'est-à-dire qu'ils ne sont
utilisés qu'au présent et au prétérit. Par
ailleurs, comme leur nom l'indique, ce sont des auxiliaires,
ils vont donc avoir la fonction d'opérateur de prédication dans
une relation prédicative (symbolisée : S - P), c'est pourquoi ils
sont repris dans les énoncés non-assertifs (interrogations,
négations) et s'excluent entre eux ; il faut avoir recours à une
périphrase si l'on veut exprimer dans un même énoncé
deux idées contenues dans des modaux différents. Par
opérateur de prédication, l'on entend ce qui est au coeur de la
relation prédicative, elle-même définie par l'association
d'un sujet, ou ce dont on parle, et d'un prédicat, ce qu'on en dit.
Ainsi, pour schématiser, voici la place des modaux dans ce que l'on
appelle la relation S - P :
Sujet - opérateur de prédication (ici, modal) -
prédicat.
Les auxiliaires modaux sont donc la combinaison de la notion de
modalité avec celle d'auxiliaire, ce qui fait leur
singularité.
Les auxiliaires modaux comportent plusieurs
caractéristiques, parfois différentes de celles des auxiliaires
comme be, have ou do : ils ne prennent pas de -s
à la troisième personne du singulier au présent ; ils sont
automatiquement suivis d'une base verbale et ne sont donc pas (à
l'exception de ought, généralement
considéré comme un modal) suivis de to ; la
négation not se place nécessairement après eux,
peu importe sur quoi elle porte (modal ou évènement) ; ils n'ont
pas d'infinitif, ni de forme en -ING, ni de participe passé. La
particularité essentielle des modaux est que, contrairement à de
simples verbes, ils font partie du domaine du non-certain. Ils servent à
exprimer un jugement, objectif ou subjectif (d'où l'opposition entre
can/may, will/shall), et ont un
caractère virtuel. Ils ne peuvent pas exprimer la réalisation
d'un fait, et c'est en cela qu'ils s'opposent aux expressions de
modalité (have to, be able to, etc.) qui, elles, ont
un caractère factuel, font partie du domaine du certain. C'est cette
distinction qui permet de faire la différence entre des
énoncés comme :
1. He could do it
2. He was able to do it
Dans le premier cas, l'emploi du modal indique un
caractère virtuel ; le sujet (he) avait la possibilité
de réaliser l'évènement (do it), mais on ne dit
rien sur l'actualisation de celui-ci, alors que dans le deuxième
exemple, l'évènement est actualisé : la périphrase
modale be able to exprime la réalisation du fait.
En outre, les modaux sont également compatibles avec HAVE
+ V-EN, ainsi que BE + V-ING (he will have forgotten ; she must be
sleeping ; etc.).
Pour certains linguistes, chaque modal a une valeur
fondamentale, qui permet de
l'expliquer dans n'importe quel contexte, c'est pourquoi la
division de la modalité en catégories n'aurait pas lieu
d'être. Beaucoup d'ouvrages de grammaire ne font également que
lister les modaux en décrivant leurs différentes valeurs selon
les contextes. Cependant, on distingue généralement deux grandes
catégories de modaux : épistémique et radicale (on parle
également d'emploi épistémique et
non-épistémique). Il convient de souligner que, malgré les
désignations « modalité épistémique » et
« modalité radicale », qui risquent de laisser entendre que
certains modaux font partie d'une catégorie et que les autres
appartiennent à l'autre, ils peuvent tous appartenir à l'une ou
l'autre des catégories, puisqu'il ne s'agit que de différentes
valeurs des modaux. Ainsi, les termes de « valeur
épistémique » et « valeur radicale » des modaux
semblent plus appropriés.
Tout d'abord, la valeur radicale, également
appelée modalité pragmatique, modalité du sujet, ou
modalité de l'action, comprend la notion de relation intersubjective et
s'intéresse à l'action. On entend parfois dire qu'il y a
des modalités radicales. La modalité
radicale permet en effet d'exprimer l'obligation, l'interdiction, la permission
(ce que l'on appelle la modalité déontique, du grec
deon, « devoir »), mais également des
caractéristiques, comme la volonté, la capacité. On
s'intéresse donc au sujet de l'énoncé, sur lequel on
exerce une pression, une contrainte (may, must,
shall), ou alors pour exprimer sa volonté, sa capacité,
ses caractéristiques (will, can). Cette valeur des
modaux peut plus facilement permettre d'établir des
énoncés objectifs, puisqu'elle englobe des emplois qui
décrivent le sujet, même si certains peuvent servir à
imposer quelque-chose, et donc créer des énoncés plus
subjectifs. Dans le cas de cette valeur, le sujet-énonciateur a autant
d'importance que le sujet grammatical.
La modalité qui va faire l'objet de cette étude
est la modalité épistémique, parfois appelée
modalité logique, modalité de la connaissance, ou modalité
de l'évènement. Dans Les Mots de la linguistiques : lexique
de linguistique énonciative, Marie-Line Groussier et Claude
Rivière nous en offrent la définition suivante : «
Modalité dans laquelle ce qui est dit est caractérisé
comme ce que sait celui qui le dit » (1996, p.70). L'adjectif «
épistémique » vient du mot grec
épistémê, la science, la connaissance. Ainsi, ce
que l'on appelle la modalité épistémique fait
référence à l'usage de notre connaissance, de notre
savoir, afin d'évaluer la relation prédicative. Il s'agit de
l'engagement de l'énonciateur par rapport à la
vérité de l'énoncé ; il va faire appel à sa
logique, il va rassembler ses connaissances pour donner une estimation du
degré de probabilité d'un fait le long d'une échelle
où l'on trouve le certain, le probable, le vraisemblable, etc. C'est une
opération de déduction, ce qui souligne le caractère
intuitif impliqué dans cette valeur. Contrairement
à la modalité radicale, la modalité
épistémique porte toujours sur l'évènement dans la
relation prédicative, puisqu'elle va en évaluer les chances de
validation. Elle exprime donc la non-certitude par rapport à un
évènement. La relation S - P pourra être donnée pour
vraie, avec par exemple le modal will qui exprime la certitude de
l'énonciateur, et pourtant être démentie par la suite des
évènements, d'où le caractère non-certain des
modaux, et ce, malgré la conviction de celui qui s'exprime. De plus, le
seul modal à valeur épistémique porte sur l'ensemble du
bloc prédicatif. Phonétiquement, il portera donc souvent un
accent primaire, par opposition à son emploi radical, ce qui est surtout
le cas pour may, might et must :
1. He 'may be in his room.
2. You may come, if you like.
En 1, l'accentuation orale de may rend compte d'une
valeur épistémique, d'une estimation faite par celui qui parle,
puisqu'il s'agit d'une hypothèse. En ce sens, le modal à valeur
épistémique prend un sens d'adverbe, qui eux sont toujours
accentués dans un énoncé, et la phrase peut donc
être glosée ainsi : Maybe he is in his room. En 2, en
revanche, may ne sera pas accentué ; ce qui importe, dans la
modalité radicale, c'est l'action, le modal ne porte donc pas de trace
orale de mise en valeur (sauf dans des cas d'insistance particulière).
C'est pourquoi la modalité épistémique en anglais est
représentative de la prise de position dans un énoncé.
Dans le cas de must, l'accentuation ou non, selon la valeur du modal,
sera d'autant plus perceptible que le modal va être réduit :
3. It 'must be a mistake (must aura sa forme
pleine accentuée : /'m?st/)
4. You must stop smoking (must aura sa forme
réduite : /m?s/, ou /m?st/ devant voyelle).
Dans la présente étude, nous nous
intéresserons surtout aux cinq modaux fondamentaux : can,
may, must, shall, et will. Compte tenu du
manque de pertinence de dare et need, non seulement de plus
en plus rares en tant qu'auxiliaires, mais aussi principalement incompatibles
avec la valeur épistémique, ils ne feront pas l'objet d'une
étude approfondie. En revanche, il peut être intéressant
d'étudier les expressions de modalités, adjectifs modaux, etc.,
ayant une valeur épistémique, tels que be likely to,
be bound to, be sure to, afin de les comparer avec leurs
équivalents.
L'utilisation de la modalité logique pose un certain
nombre de problèmes qui méritent attention. Au vu des divers
modaux et expressions de modalité, il convient de s'interroger sur
la place de chaque modal le long de l'échelle de
probabilité des évènements. Pour cela, dans un premier
temps, l'étude de la valeur fondamentale de chacun s'avère
nécessaire et aidera à déterminer leur fonction. Prenons
les exemples suivants : There's someone at the door... 1. That
must be John. 2. That will be John. 3. That should be John.
4. That's bound to be John. 5. That's sure to be John.
En interrogeant des Anglophones, l'on se rend compte que la
différence est quasi-imperceptible. Pourtant, elle existe et peut
être élucidée par l'étude des modaux pris
séparément. En remontant jusqu'à leurs origines et en
étudiant leur étymologie, la compréhension des auxiliaires
modaux sera plus claire, dans la mesure où cela permettra
d'acquérir les bases nécessaires pour l'étude de chacun
d'entre eux. Ensuite, à partir d'exemples en contexte de modaux à
valeur épistémique, une analyse plus approfondie pourra
être effectuée. Les différents niveaux de langue
(littéraire, soutenu, courant, familier, etc.), l'époque
d'écriture, la variété d'anglais (britannique,
américain, etc.), ou tout simplement l'énonciateur et ses
caractéristiques (homme politique, enfant, adolescent, etc.), sont des
éléments qui offrent de multiples possibilités
d'interprétation des modaux épistémiques utilisés,
d'où la nécessité de travailler sur des exemples
variés. La comparaison de ces éléments, telle que l'emploi
d'un modal dans un roman de Jane Austen et celui d'un roman de Stephen King,
peut aussi aider à rendre compte de l'évolution d'un modal, de sa
fréquence, de ses nuances de sens. Par exemple, l'on entend couramment
que le modal may, aussi bien dans son emploi épistémique
que son emploi radical, est plus « poli » que can
(permission), ou plus soutenu. Pourtant, cette impression de politesse n'est
qu'un effet de sens dû à la valeur de base du modal, qui est
perçu différemment à notre époque.
Le rôle de l'adverbe not est particulier
lorsqu'il s'agit des auxiliaires modaux. Un auxiliaire étant un
opérateur de prédication, il se trouve au coeur de la relation
prédicative. Bien que not se place impérativement
après l'auxiliaire modal, la question de la portée de la
négation se pose, car il peut porter aussi bien sur le modal (it
can't be true) que sur l'évènement (it may not be
true). Il s'agira donc de déterminer, pour chaque modal, sur quoi
porte la négation. En outre, le marqueur de la négation a la
particularité de pouvoir faire passer un modal d'une valeur à une
autre. Ainsi, si l'ajout de not à can est
impératif pour lui donner une valeur épistémique, il
attribue en revanche une valeur radicale à must.
Parfois, il est difficile de déterminer si un modal a
un emploi épistémique ou radical. C'est le cas, par exemple, du
modal will lorsqu'il est à la première personne :
I'll go with you.
Dans cet exemple, l'emploi de will avec la
première personne du singulier montre certes la volonté du sujet
I, ce qui indiquerait une modalité radicale, mais il montre
également une prédiction, ce qui est plutôt de l'ordre de
la modalité épistémique.
Il arrive que des éléments permettent de
trancher. Ainsi, l'emploi de it impersonnel sera plutôt
compatible avec une valeur épistémique, tout comme le recours
à la forme en -ING, qui d'ailleurs sert souvent à neutraliser la
valeur radicale, comme nous le verrons. En revanche, il arrive que le simple
ajout d'un repère temporel, par exemple, fasse basculer une valeur vers
l'autre :
1. She must be at home.
2. She must be at home by midnight.
Le cas n°1 présente une valeur
épistémique ; l'énonciateur évalue les chances de
validation de la relation prédicative <she - be at home> en
utilisant sa logique (cf. modalité logique), tandis que dans le
second cas, l'ajout du repère temporel by midnight apporte au
modal une valeur radicale (ici, une obligation, et non plus une estimation) car
il indique que l'évènement n'a pas eu lieu.
Si la valeur fondamentale d'un modal permet de l'expliquer, il
en résulte qu'il y a des cas où la distinction entre
épistémique et radicale est difficile et discutable. Ainsi, dans
le cas du may que l'on appelle « may concessif »,
l'on verra que les deux valeurs se superposent, tout comme dans le cas de
will à la première personne. De même, le cas de
should, parfois également employé dans des propositions
introduites par un adjectif appréciatif (it is strange
that, it is natural that, etc.) ou des expressions comme so
that ou lest, sont complexes et méritent attention, afin
de déterminer si, selon l'expression employée, il s'agira d'une
valeur épistémique ou radicale. Les contextes sont la plupart du
temps d'une très grande utilité et permettront de trancher :
They should be doing their homework.
En l'absence de contexte, cette phrase peut être
ambiguë, et la forme en -ING, contrairement à ce qui a
été dit, ne peut pas aider ici à déterminer la
valeur du modal. Should peut être épistémique ; il
s'agirait d'une hypothèse émise par l'énonciateur sur la
relation <they be doing their homework> et la forme en -ING est
parfaitement courante après cette valeur. Il peut cependant être
radical et l'ajout de la forme en -ING ajouterait une nuance de reproche.
Ainsi, l'étude des contextes dans lesquels s'insèrent les
énoncés comprenant une modalité épistémique
est primordiale.
Avec la modalité épistémique,
l'énonciateur évalue la probabilité d'un
évènement. Cette évaluation peut toutefois se faire
à plusieurs niveaux : elle peut être située dans le
présent et concerner un fait présent ou futur ; elle peut
être située dans le présent, mais concerner un fait
passé ; enfin, elle peut être elle-même passée. En
anglais, la terminaison - ED, habituellement attribuée au
prétérit, indique une coupure, un décrochage par rapport
à la situation d'énonciation, « un événement
vu comme non-réel au moment présent » (P. Larreya et C.
Rivière, 1991, p.27). Ce décrochage peut être temporel ou
non, c'est pourquoi cette terminaison a plusieurs valeurs. Il peut tout d'abord
s'agir d'un -ED chronologique, ou temporel : celui-ci est utilisé pour
faire référence à un passé de narration, et sert
à former le prétérit (past tense) : He is
here > He was here. Ici, was = be + ED, et
indique un changement de temps, en faisant référence au
passé. Par extension, -ED permet également de réaliser la
concordance des temps, nécessaire pour le passage du discours direct au
discours indirect ; on parle alors de -ED de discours rapporté, ou -ED
de translation : 'We're going to get married' > They said they were
going to get married. Ensuite, il existe le -ED métalinguistique,
ou non-temporel, qui sert non plus à se référer au
passé, mais à indiquer un décrochage autre ; c'est cette
valeur qui forme, par exemple, le prétérit dit « modal
». Ainsi, dans I wish you were here, were est la
combinaison de be avec un -ED métalinguistique qui
représente non pas un repère temporel passé, mais de
l'irréel. On peut également exprimer, à l'aide de cette
valeur, des hypothèses, ou tout simplement créer un effet
d'atténuation du propos. En outre, l'on remarque que la
désignation « prétérit modal » est en
accord avec la définition de la modalité donnée plus haut
: il n'exprime plus le passé, mais la prise de position de
l'énonciateur à travers la formulation d'une hypothèse,
d'un souhait, etc. Contrairement à la valeur radicale, la valeur
épistémique n'autorise normalement pas l'ajout du -ED
chronologique lorsqu'il s'agit d'exprimer une hypothèse sur un fait
passé, hormis les cas de concordance des temps. La principale valeur qui
peut y être attribuée est la valeur métalinguistique. Le
-ED ajouté aux modaux, dans les contextes où il s'agit de
modalité épistémique, sert à exprimer un
décrochage avec la situation qui n'est pas temporel, puisqu'il peut
toujours permettre d'évaluer les chances de réalisation d'un fait
présent, voire futur. C'est pourquoi il est pertinent de
s'intéresser à la valeur de -ED lorsqu'il permet de changer
can, may, shall, et will en could,
might, should, et would. Le modal must,
quant à lui, est, de par son étymologie, déjà un
prétérit, il n'a donc pas de forme en -ED.
Si la valeur temporelle du morphème habituellement
utilisée pour désigner du prétérit,
en tant que past tense, est incompatible avec les
modaux épistémiques, il sera intéressant de voir comment
se font les références au passé. La modalité
épistémique exprime avant tout l'incertitude, c'est
peut-être ce qui explique pourquoi -ED ne permet pas une indication d'un
repère temporel passé, dans la mesure où une
hypothèse peut porter sur un fait passé mais être
elle-même située dans le présent. Lorsque
l'énonciateur souhaite évaluer dans le présent le
degré de probabilité d'un évènement passé,
le simple ajout de -ED ne convient pas ; il faut
recourir à d'autres moyens qui seront
étudiés. Enfin, pour décrire une estimation dans le
passéd'un événement, les modaux ne seront
généralement plus utilisés au profit d'autres
expressions
de modalité.
Les modaux à valeur épistémique peuvent
exprimer une estimation dans le présent sur un fait passé, mais
ne peuvent exprimer une estimation elle-même située dans le
passé (sauf dans des cas de concordance des temps). C'est pourquoi
chaque modal possède une « doublure », ou périphrase.
Certaines, cependant, ont beau avoir un sens proche de celui d'un modal, elles
ne peuvent être considérées comme des doublures exactes.
Par exemple, dans le cas de l'expression be bound to, bien qu'elle
soit assez proche de must ou will, elle ne peut être
rattachée avec certitude ni à l'une, ni à l'autre. Ces
expressions de modalité servent également à combiner deux
idées contenues dans deux modaux différents, puisque ceux-ci se
rejettent. De plus, elles peuvent être utilisées dans des
contextes où les modaux ne peuvent pas ; par exemple, may
étant peu probable dans une interrogation, il faudra recourir
à l'expression be likely to. Néanmoins, étant
donné le caractère virtuel unique aux modaux, il apparaît
logique que ces doublures ne seront pas leurs parfaits synonymes. Il sera donc
pertinent d'établir une comparaison entre les modaux et leurs
périphrases, pour ainsi déterminer la place que ces
dernières occupent sur l'échelle de probabilité
symbolisant la modalité épistémique.
Il arrive également que les expressions de
modalité soient ambiguës elles aussi ; c'est par exemple le cas de
be going to dans certains contexte où, comme will, il
peut signifier à la fois la prédiction (valeur
épistémique) et la volonté ou l'intention du sujet (valeur
radicale).
La modalité épistémique au sens large
comprend donc tout ce qui a trait à la formulation d'une estimation,
d'une déduction, d'une hypothèse, basées sur les
connaissances et la logique de l'énonciateur. Tous les
éléments permettant d'exprimer ces notions (modaux, expressions
de modalité) ont leur importance et chacun a son propre degré de
probabilité. L'ajout du marqueur de négation not, mais
également l'ajout de -ED, attribuent des nuances de
sens aux modaux, qui vont alors avoir un effet
différent. Le cas de l'ambiguïté entre les deux valeurs d'un
modal a aussi une influence vis-à-vis de l'interprétation de
l'énoncé. Ainsi, il convient de s'intéresser à la
modalité épistémique dans son ensemble et sous tous ses
angles, afin de tenter de la différencier clairement de la
modalité non-épistémique. L'analyse de son fonctionnement,
de ses effets de sens, établira une piste vers la compréhension
du système des auxiliaires modaux, difficilement cernable pour les
francophones.
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