WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le Conseil constitutionnel sénégalais et la vie politique

( Télécharger le fichier original )
par Mamadou Gueye
Université Cheikh Anta DIOP de dakar - Doctorant en science politique et droit public 2011
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Paragraphe II : Le manque d'approfondissement de la démocratie

Les craintes du professeur Favoreu sur «  l'absence de réflexion et le manque d'approfondissement du modèle africain de justice constitutionnelle »140(*) ne se dissipent guère, au rythme des années d'existence de la haute juridiction constitutionnelle de Dakar. En effet le Conseil est resté très absent sur les véritables questions démocratiques qui préoccupent la majorité des sénégalais. Le Conseil semble n'avoir pas entendu l'interpellation du doyen M. Hauriou pour apporter une réponse aux exigences démocratiques. Selon le doyen Hauriou, « on se doit de tenir compte de la nécessité de contrôler les Parlements parce que leur législation, mue par les passions électorales, est devenue une dangereuse menace pour l'avenir »141(*). Un Parlement peut mal faire et en son sein, une majorité peut opprimer, surtout lorsqu'il n'y a plus de séparation des pouvoirs du fait du monolithisme du bloc Parlement-gouvernement. En vertu de la conjoncture actuelle, la nécessité de définir des garde-fous aux pouvoirs publics sénégalais est devenue impérieuse. L'illustration des dérives anti démocratiques du Parlement sénégalais est fournie par les nombreux actes qu'il a posé parmi lesquels on peut citer la loi très querellée de prorogation du mandat des députés.142(*) Sous prétexte des nécessités financières pour prendre en charge les personnes victimes des inondations dans la banlieue dakaroise, les députés ont voté une loi constitutionnelle prorogeant leur mandat. Saisi par 15 députés de l'opposition en vue de faire déclarer la loi inconstitutionnelle, le Conseil ayant tranché que la loi est une loi constitutionnelle, en tire la conséquence de son incompétence pour statuer sur une révision constitutionnelle. Autrement dit à travers cette décision le Conseil estime qu'il n'y a pas de barrière juridique, mis à part le respect de la forme républicaine de l'Etat, à la volonté des élus de se soustraire à la date échue à la sanction populaire. Ne s'agit-il pas là dans un système démocratique en maturation de la caution d'une tendance pernicieuse de remise en cause du principe de l'élection. Il avalise un précédent dangereux dans un pays africain où la démocratie demeure fragile et réversible143(*). Sur la même question, la Cour constitutionnelle béninoise a, pour sa part, radicalement refusé d'admettre dans le but d'une noblesse suprême, celui de sauvegarder et de consolider la démocratie encore fragile dans nos Etats. En effet insensible aux arguments de rationalisation des finances publiques avancés par les députés pour motiver la décision de prorogation de leur mandat, la Cour constitutionnelle a joué un rôle de rempart dans un moment ou le système démocratique est susceptible d'être en péril, en rendant une décision qui restera gravée dans les annales de la jurisprudence constitutionnelle universelle : « considérant qu'au terme de l'article 80 de la Constitution du 11 décembre 1990, les députés sont élus au suffrage universel direct, la durée du mandat est de 4 ans. Ils sont rééligibles. Chaque député est le représentant de la nation toute entière. Considérant que ce mandat de 4 ans qui est une situation constitutionnellement établie est le résultat du consensus national dégagé par les forces vives de la nation de février 1990 et consacré par la constitution en son préambule qui réaffirme l'opposition fondamentale du peuple béninois à la confiscation du pouvoir que même si la Constitution a prévu les modalité de sa propre révision, la détermination du peuple béninois à créer un Etat de droit et de démocratie pluraliste, la sauvegarde de la sécurité juridique et de la cohésion nationale commande que toute révision tienne compte des idéaux qui ont présidé à l'adoption de la Constitution du 11 décembre 1990 et puis le consensus national principe à valeur constitutionnelle. Qu'en conséquence les articles 1 et 2 de la loi portant révision de la Constitution n°2006/13 adoptés par l'Assemblée nationale le 23 juin 2006 sans respecter le principe constitutionnel à valeur rappelée sont contraires à la Constitution.... »144(*). En s'érigeant en rempart contre les abus du phénomène majoritaire et en traçant une ligne rouge de sauvegarde de la démocratie, le juge donne corps à l'affirmation du doyen Favoreu : « voilà ce qu'est un juge constitutionnel : c'est un juge qui peut dire non au Parlement et au Gouvernement sans craindre d'être désavoué »145(*). Ce refus du juge à contrôler les lois portant révisions constitutionnelles est très nuisible à la construction démocratique du pays. En effet la Constitution est déstabilisée. C'est surtout la Constitution politique du Sénégal qui a été et sera victime des embardées du pouvoir de révision souverain, intimement liées aux inconstances de la vision institutionnelle du Président Abdoulaye Wade. La Constitution du 22 janvier 2001 portera ainsi les stigmates de l'étrange mal constitutionnel diagnostiqué par le professeur Ismaila Madior Fall dans son ouvrage Evolution constitutionnelle du Sénégal : «Le Constituant tourne en rond, avec un mouvement de va-et-vient incessant entre des institutions qu'on instaure, supprime et restaure, sans que la logique qui sous-tend ce mouvement soit toujours motivée par des préoccupations de rationalité démocratique.»146(*)

Par ailleurs en matière électorale on peut reprocher au Conseil d'avoir dans une certaine mesure sa part de responsabilité dans le boycott des élections législatives de 2007 par l'opposition dite significative. En effet les acteurs ne s'étaient pas entendus sur les règles du jeu politique notamment sur la question du fichier électoral. En effet comme un retournement de l'histoire le Conseil avait été saisi lors des élections législatives de 1998 par l'Alliance « Jef Jel - U.S.D » Union pour le Renouveau Démocratique, visant à entendre le Conseil dire si le Ministre de l'intérieur est tenu de mettre à la disposition de l'O.N.E.L et en définitive des partis politiques l'intégralité du fichier électoral ou seulement une partie de ce fichier147(*). Le Conseil refuse d'examiner la demande qui lui est soumise au motif qu'il s'agit d'une « demande d'avis ». Ce qui ne rentre pas dans le champ de ses compétences. Pour le professeur Alioune Sall le Conseil « aurait pu, par exemple dire que l'examen de la régularité du scrutin s'étend à l'ensemble du processus électoral, que se prononcer sur la sincérité d'un scrutin implique un droit de regard sur toutes les étapes de l'opération électorale. Il aurait pu se poser en véritable gendarme de l'élection, soucieux de combler toutes les failles possibles d'un contrôle, et interpréter de manière finaliste sa mission »148(*). En adoptant une telle attitude le Conseil aurait par exemple permis d'éviter le boycott des législatives de 2007 par l'opposition qui remettait en doute la fiabilité du fichier149(*).

Dans la même logique le Conseil aurait même pu être compétent des litiges qui interviennent dans le fonctionnement même des partis politique. Comme par exemple dans l'affaire opposant Landing à Decroix. En effet Landing Savané et Mamadou Diop Decroix se disputent la direction de And Jëf/Parti africain pour la démocratie et le socialisme (AJ/PADS) depuis quelques mois. M. Savané a tenu en décembre dernier au siège du Parti socialisme (PS) un congrès au cours duquel il a été réélu secrétaire général de cette formation politique.
Secrétaire général d'AJ/PADS depuis la création de ce parti, Landing Savané est contesté depuis la fin d'un autre congrès tenu en juin. Celui-ci avait permis aux partisans de Mamadou Decroix de faire de leur leader le secrétaire général d'AJ/PADS créé dans les années 1970.
Malgré tout, M. Savané estime qu'il est le seul leader d'AJ/PADS, au motif que le congrès organisé par la fraction rivale n'est pas légitime. Vu l'action supposée partisane du ministre de l'intérieur150(*), ajouté au fait qu'un recours devant une juridiction politique comme le Conseil constitutionnel serait sanctionné par une déclaration d'incompétence de celle-ci. Landing n'avait d'autres choix que de d'attaquer Decroix devant le tribunal correctionnel de Dakar a décidé, pour les délits de faux, d'usage de faux et d'usurpation de titre de secrétaire général d'And Jëf. La décision rendue par le tribunal est intéressante à plus d'un titre car révélateur d'un vide juridique crée par l'attitude du Conseil constitutionnel. En effet Le président dudit tribunal a rappelé que sa juridiction `'n'était pas habilitée à trancher sur les questions de fonds d'un parti politique régulièrement constitué'' et `'que le ministère de l'Intérieur ne peut ni valider ni invalider un congrès car ne faisant pas partie de ses attributions''.151(*)

En le Conseil constitutionnel doit par une interprétation dynamique de ses compétences, saisir toute la réalité de la politique sénégalaise dans le souci d'un renforcement et d'une consolidation de la démocratie sénégalaise.

* 140 L. Favoreu, « Brèves réflexions sur la justice constitutionnelle africaine », in Les Cours Suprêmes en Afrique, Tome 2, Paris, Economica, 1989, p. 40

* 141 M. Hauriou, Précis, op.cit., p.636

* 142 DC 3/C/2005

* 143 Ismaila Madior Fall, Evolution constitutionnelle du Sénégal, de la veille de l'indépendance aux élections de 2007, Dakar, CREDILA, 2007. Voir également Recueil des Décisions et Avis du Conseil Constitutionnel sénégalais

* 144 La décision DCC 2006-074 de la Cour constitutionnelle lue sur le site : www.sonagnon.net

* 145 L. Favoreu, « Crise du juge et contentieux constitutionnel en droit français », in la crise du juge, Paris, L.G.D.J., 1996, p. 81

* 146 Ismaila Madior Fall, Evolution constitutionnelle du Sénégal, op.cit., p. 150

* 147 Affaire 11/E/98

* 148 Voir Recueil des Décisions et Avis du Conseil constitutionnel sénégalais, p. 237

* 149 Au lendemain de la présidentielle de février 2007, qui consacre la victoire du président Abdoulaye Wade

dès le premier tour avec plus de 57 % des suffrages, l'opposition significative refuse de reconnaître sa défaite et appelle à boycotter les élections législatives prévues quelques mois plus tard. Elle émet des doutes sur la fiabilité du fichier électoral. En tout cas, ce boycott a permis une large victoire du parti au pouvoir et ses alliés aux législatives, toutefois, avec un faible taux de participation. Le Soleil du 03 avril 2010

* 150 Mettant de sérieuses réserves sur l'impartialité du ministre de l'intérieur, on peut lire dans les colonnes de certains journaux les expressions telles que : Depuis que le ministre de l'Intérieur de l'époque, Cheikh Tidiane Sy, lui a remis le récépissé de And Jëf, à Decroix dont son adversaire Landing prétend détenir l'original. Depuis lors, Decroix n'a cessé de poser des actes, fort du soutien de son « allié » le président Wade, qui a du mal à agir comme « le président de tous les Sénégalais »

* 151 Source Agence Sénégalaise de Presse, Jeudi 07 janvier 2010

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein