4-B/LES ANTIDEPRESSEURS
Ce sont les antidépresseurs les plus utilisés.
Ils constituent la première cause de mortalité par intoxication
médicamenteuse volontaire. Ils ont plusieurs actions pharmacologiques :
effet anticholinergiques (exclusivement antimuscarinique) et antihistaminiques
(H1 et H2), inhibition de la recapture de la noradrénaline et de la
sérotonine.
On distingue les tricycliques classiques, de type amines
(imipramine,
amitryptyline, doxépine, trimipramine, clomipramine,
désipramine, nortryptiline,protryptiline, et les molécules
apparentées de type tétracycliques
(maprotiline,miansérine, amoxapine, loxapine, nomifensine) ou des
analogues structurels(viloxazine, mélitracène, paroxétine,
fluoxétine, fluvoxamine, citalopram, sertraline,trazodone,
bupropion).Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de
sérotonine (SSRI) semblent avoir un index thérapeutique
particulièrement élevé, mais peuvent générer
un syndrome sérotoninergique en association avec d'autres produits. La
toxicité des antidépresseurs tricycliques et apparentés
entraîne des complications cardiaques et neurologiques.
La cardiotoxicité résulte de plusieurs
mécanismes pharmacologiques :
- effet anticholinergique : tachycardie sinusale, hypertension
;
- libération puis blocage du recaptage
noradrénergique : tachyarythmies,
Hypertension ;
- effet stabilisateur de membrane (« quinidine-like
») : troubles de conduction et dépression de la
contractilité, arythmies par réentrée, torsades de pointe.
Déjà à dose thérapeutique, on peut observer une
prolongation du QRS et duQT;
- effets alphabloquants : hypotension (d'abord orthostatique),
arythmies
Secondaires à une diminution de la perfusion
myocardique, tachycardie réflexe à l'hypotension.
- on note trois critères ECG témoins d'une
intoxication tricyclique
Significative : tachycardie > 100/min, QRS > 100 msec,
QTc > 318 msec.
La toxicité cardiaque est généralement
précoce (2-3 heures). La crainte
D'arythmies tardives (> 48 heures), conduisant à un
monitoring cardiaque prolongé, est basée sur des observations
anecdotiques.
La neurotoxicité semble surtout liée à
l'effet anticholinergique central. Le patient peut être
désorienté, agité, halluciné ou délirant. Le
coma, lorsqu'il est présent, est souvent peu profond et de courte
durée. Toute prolongation de plus de 24 heures doit faire suspecter une
complication (mal épileptique, hypoxie cérébrale...) ou un
toxique associé. Les myoclonies ou les mouvements
choréo-athétosiques ne sont pas Rares. Les convulsions soutenues
peuvent conduire à une acidose (qui accroît la
cardiotoxicité), à une rhabdomyolyse, à de
l'hyperthermie... Une dépression respiratoire est possible. Le patient
présente souvent des signes antimuscariniques (mydriase, vue trouble,
peau sèche, flush, iléus, rétention urinaire...) ou
sympathicomimétiques (tremblements, transpiration).
Traitement
La décontamination digestive est impérative en
cas d'intoxication récente ou massive. L'induction de vomissements est
formellement contre-indiquée. Le charbon activé est très
efficace. L'intérêt et les risques du lavage gastrique doivent
être discutés pour chaque cas. On dit souvent qu'un lavage
gastrique tardif est utile en raison del'effet anticholinergique des
tricycliques qui ralentit le transit digestif : en réalité,
l'iléus est souvent un signe que le toxique est déjà
résorbé.Aucune méthode d'épuration active n'est
utile, compte tenu des caractéristiques cinétiques de ces
antidépresseurs (large Vd, liaison protéique importante...).
L'administration de doses répétées de
charbon activé dans un but d'entérodialyse n'a pas
d'intérêt démontré et risque d'être la source
de complications en cas de ralentissement du transit gastro-intestinal. Le
traitement est donc avant tout symptomatique
Manifestations cardiovasculaires
La lidocaïne et le sulfate de magnésium sont les
antiarythmiques de choix en casd'hyperexcitabilité. Le sulfate de
magnésium est indiqué en cas de torsade de pointe associée
à une prolongation du QT. Les troubles de conduction (et les arythmies
secondaires) peuvent être améliorés par les solutions
salées hypertoniques, particulièrement si une alcalinisation est
réalisée simultanément. La ventilation doit être
précoce en cas de coma, afin de prévenir toute acidose
respiratoire. En cas
D'arythmie majeure, il faut ensuite maintenir une
alcalémie (pH aux environs de7, 50) par une perfusion de bicarbonate de
sodium. L'alcalinisation n'est pas dépourvue de risques (surcharge
sodée, hypokaliémie, hypercapnie...) et nécessite une
surveillance métabolique et hémodynamique étroite.
L'arrêt cardio-circulatoire sur intoxication tricyclique reste une
indication du bicarbonate sodique ! L'hypotension est souvent due à la
vasodilatation, mais une dépression myocardique est possible. Le patient
doit être placé en position de Trendelenbourg et
Un remplissage prudent doit être entrepris (solution
sodée, éventuellement alcaline).En cas d'hypotension persistante,
le monitoring hémodynamique s'impose
.
Manifestations neurologiques
Coma, myoclonies et mouvements
choréo-athétosiques répondent bien à la
physostigmine, mais les risques inhérents sont
généralement disproportionnés (bradyasystolie,
bronchospasme) et la durée d'action brève. Le coma est souvent
peu préoccupant. Les mouvements anormaux soutenus doivent être
interrompus par sédation s'ils conduisent à l'acidose. En cas de
délire ou D'hallucinations, l'administration de neuroleptiques, sans
Couverture benzodiazépinique préalable, doit être
évitée (effet pro convulsant).La surveillance médicale ne
peut être levée que si le patient a des paramètres vitaux
normaux, si la conscience n'est pas altérée, si l'ECG
soigneusement analysé est normal et si le transit digestif est normal.
En cas d'anomalie de l'ECG, 24 heures de surveillance, après sa
normalisation, sont suffisantes. Les taux sanguins sont peu utiles, sauf si la
présentation clinique est sévère, inhabituelle ou
anormalement prolongée. Dans les intoxications poly
médicamenteuses, Le dosage permet d'évaluer la part des signes
cliniques attribuable aux Tricycliques. Même si les taux
supérieurs à 1 000 ng/mL (taux cumulé de divers
antidépresseurs et de leurs métabolites actifs) sont
généralement associés à des signes toxiques
significatifs et à des complications, il n'y a pas de relation
étroite entre les taux mesurés et la gravité clinique.
D'autres drogues (alcool, phénothiazines) ont un effet
potentialisateur.
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