4.4. LA PRATIQUE DE L'ECHOGRAPHIE DE LA PROSTATE
Il ressort de notre enquête que la pratique de
l'échographie de la prostate est courante en Afrique subsaharienne, car
73,2% des radiologues pratiquaient régulièrement (1 à 2
par semaine ou plus) cet examen. Quant à la voie d'exploration de la
prostate, très peu (19,4%) réalisaient
régulièrement l'EER alors que c'est la voie recommandée du
fait de la visualisation directe de la glande [10, 14]. La raison principale
donnée par les radiologues pour justifier cette désaffection pour
la voie endorectale était l'absence de sonde dédiée
(67,2%). Pourtant les appareils d'échographie installés dans les
différentes structures sanitaires disposent bien d'une sonde
endocavitaire. En réalité, les praticiens refusent d'utiliser la
même sonde pour les échographies endovaginale que pour l'EER pour
des raisons « hygiéniques ». Ainsi comme les
échographies gynécologiques sont plus fréquentes que les
échographies prostatiques, les radiologues préfèrent pour
des raisons de rentabilité dédier la seule sonde endocavitaire
disponible à la gynécologie. Dans la littérature et les
guides d'utilisation des sondes d'échographie, il n'existe pas
d'indication sur l'usage exclusive des sondes endocavitaires, mais plutôt
des instructions sur la protection des sondes lors des examens avec par exemple
un préservatif ou un doigtier [14]. Il existe également des
techniques de désinfection des sondes endocavitaires quelque soit la
cavité dans laquelle on l'utilise, pour éviter la transmission de
germe infectieux d'un patient à un autre.
Une autre raison qui pourrait expliquer la
désaffection des radiologues pour l'EER est l'absence d'indication de
la voie d'examen par les prescripteurs, en effet 56,7% d'entre eux ne le
précisaient jamais selon les radiologues. Néanmoins, les
radiologues devraient
étant donné l'insuffisance de la voie
sus pubienne dans l'exploration de la prostate suivre les recommandations de
Fornage [15] et Ruf [29] selon qui quelque soit la demande formulée et
l'indication, l'examen doit comprendre une EER et une échographie sus
pubienne.
Les complications de l'EER selon les radiologues
subsahariens enquêtés et qui pratiquaient cet examen
étaient exceptionnelles (aucune dans 67,6% des cas) ou mineures (douleur
dans 32,4%). Des résultats similaires avaient été
rapportés par Crozier et al. [8]. Cette douleur peut être
réduite avec l'usage abondant de gel lubrifiant aqueux qui ne
détériore pas le préservatif car le gel facilite
l'introduction de la sonde qui doit s'accompagner de gestes doux et
lents.
Les contres indications de l'EER retenues par les
radiologues dans notre étude étaient dominées par la
pathologie anale (80,6%) et le refus du malade (14,9%). Les mêmes contre
indications avaient été évoqués dans l'étude
de Crozier en France [8]. Il n'existe en faite pas de contre indication absolue
à l'examen échographique de la prostate par voie endorectale,
mais certains praticiens observent une retenue devant le plus souvent la
pathologie hémorroïdaire anale. Trois radiologues avaient
évoqué la non préparation des malades, alors qu'en
pratique courante une simple vidange rectale est suffisante [24] et un rectum
rempli de matières fécales ne devrait pas constituer une contre
indication.
Le point de vue des radiologues dans notre
étude et celui des radiologues dans l'étude de Crozier en France
était le même en ce qui concerne la voie la plus performante pour
mesurer le volume de l'adénome ; la voie endorectale ayant
été retenue à cet effet. Pour la mesure du volume de la
prostate, les avis étaient contraires, les Français ayant retenu
l'échographie sus pubienne dans 76% alors que les Africains avaient
choisi la voie
endorectale dans 73,1%. Sur ce sujet, les radiologues
Africains ont un point de vue conforme à celui de Lorge [21] et Dana
[14] selon qui l'EER permet de mesurer le volume de la prostate et de
l'adénome avec plus de précision que l'échographie trans
abdominale. La voie sus pubienne ne devrait être recommandée que
dans les centres où il n'existe pas d'équipement spécial
pour l'EER [1].
Les radiologues qui avaient répondu dans notre
étude et ceux dans l'étude française avaient encore des
opinions divergentes sur la meilleure voie pour effectuer le bilan d'extension
d'un cancer de la prostate. Les Français ayant retenu l'EER dans 81% [8]
contre 77,6% d'Africains pour l'échographie sus pubienne. Il n'existe en
fait pas de consensus sur la question, les deux voies ayant des rôles
différents mais complémentaires à jouer lors du bilan
d'extension d'un cancer de la prostate. L'EER étant plus performante
pour l'extension locale, en particulier la recherche d'une effraction
capsulaire et l'envahissement des vésicules séminales [7]. La
voie abdominale permet l'étude du haut appareil urinaire et du
retentissement vésical [7].
Moins de la moitié des radiologues
interrogés (41,8%) réalisaient régulièrement le
Doppler lors des échographies de la prostate. Ce constat est
indépendant de la qualification et du nombre d'année d'exercice.
Cette attitude n'est pas conforme aux recommandations de la littérature.
En effet, du fait du rôle important dans la détection des
lésions cancéreuses de la prostate (augmentation de la
sensibilité et de la spécificité de l'échographie
couplée au Doppler), la plus part des auteurs recommande que le Doppler
soit utilisé en routine chez tous les patients devant une lésion
suspecte [16, 22, 25].
Le cancer est hypervasulaire dans 85 à 90% des
cas [7, 19, 20, 27, 27]. C'est cette caractéristique qui augmente la
valeur prédictive positive du nodule palpé qui passe d'environ
70% en mode B à 90% s'il est hypervacularisé au Doppler
[7].
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