1.
L'approche classique du CCC
Le complément circonstanciel de
conséquence est, comme nous venons de le souligner, le résultat
du procès exprimé par le verbe. Et pour exprimer ce
phénomène, la grammaire traditionnelle utilise plusieurs classes
de marqueurs qui se déploient essentiellement dans deux types de
structures : la conséquence simple ou pure et la conséquence
subordonnée.
1.1.
La conséquence simple
La conséquence simple est celle qui est
exprimée, selon les Le Bidois (1938 :445), dans les
subordonnées de conséquence sans ligature. Les schèmes les
plus usuels sont la juxtaposition, la coordination, l'apposition et le groupe
prépositionnel.
1.1.1.
La juxtaposition
La juxtaposition est un procédé syntaxique qui
consiste à poser une proposition à côté de l'autre,
les deux étant reliées par un rapport de logique ou de sens et la
proposition de conséquence se plaçant toujours en fin de phrase.
A ce propos, Wagner et Pinchon (1962 :19) déclarent que les termes
juxtaposés sont solidaires dans un rapport
d'égalité comme nous le relevons dans [1]
1a. Oui, elle s'est enragée de n'avoir jamais rien
surpris entre eux, elle
en est morte (Lbh, p355) ;
1b. Cependant, l'hôtel n'était pas
entièrement meublé que Nana, un soir
où elle avait prodigué à Muffat
les sentiments de fidélité les plus énergiques, retint le
comte Xavier de Vandeuvre, qui [...] lui faisait une cour assidue de visite et
de fleur. Elle céda [...]. (Lbh, p301) ;
1c. « Veux-tu venir, ou je te fous sur la voie comme
l'autre ! » Il était
remonté, il me poussait, brutal, fou. Et je
me retrouvai dehors
(Lbh, p 255) ;
1d. Zoé courut chez le jardinier, qui avait fait une
soupe aux choux [...].
On eut donc une soupe aux choux avec un morceau de
lard
(Na, p 182).
[1a] montre que la mort de Mme Dabodie est la
conséquence du fait qu'elle n'a pas pu surprendre son voisin avec Mlle
Guichonet, occasion que la première attendait pour troubler le foyer de
la voisine qu'elle détestait. En [1b], la cour que Vandeuvres faisait
à Nana a amené celle-ci à céder. Le fait qu'elle
ait trompé Muffat traduit le résultat qu'espérait le
comte. La relation de conséquence, non marquée dans ces phrases,
peut être exprimée effectivement par un marqueur comme on peut le
voir dans [1'] :
1a'. Oui, elle s'est enragée de n'avoir jamais rien
surpris entre eux, au point
qu'elle en est morte ;
1b'. Cependant, l'hôtel n'était pas
entièrement meublé que Nana, un soir où elle avait
prodigué à Muffat les sentiments de fidélité les
plus énergiques, retint le comte Xavier de Vandeuvre, qui [...] lui
faisait une cour assidue de visite et de fleur au point
qu' elle céda.
La juxtaposition est une forme que la rhétorique nomme
asyndète. Elle se manifeste par l'absence de connecteur entre deux
énoncés. Seule la logique permet d'établir le lien de
cause à effet, donc de conséquence.
Cependant, la notion de juxtaposition, telle que
définie, pose deux problèmes essentiels. Primo, le rapport qui
existe entre les deux énoncés ne semble pas être un rapport
d'égalité puisque le premier énoncé appelle le
second de manière inévitable dans une relation logique. Secundo,
cette définition ne semble se limiter qu'aux énoncés [1a
et 1b]. En effet, le Goffic (1993 :8) définit la phrase comme
une séquence autonome dans laquelle un énonciateur (locuteur)
met en relation deux termes, un sujet et un prédicat. Il s'agit
là de la définition d'une phrase-type,
c'est-à-dire un modèle de référence, la phrase
canonique. Quant à la proposition, Gaillard et Colignon (2005 :146)
affirment qu'on parle de proposition lorsque le noyau est un verbe
conjugué à un mode personnel, [...]. Ainsi, la proposition
peut avoir la dimension d'une phrase dans le cas de la phrase simple. Et dans
le cas de la phrase complexe, la proposition y apparaît comme un
sous-ensemble, puisque, d'une manière générale, on se sert
d'une proposition pour former une phrase qui peut en compter plusieurs. Du
coup, le rapport de juxtaposition s'étend au-delà de la
proposition pour atteindre le cadre de la phrase ou même du texte ;
et la grammaire se trouve bien limitée dans l'étude de
l'expression des relations logiques comme celle de la conséquence.
Par ailleurs, les grammairiens n'expliquent pas le vouloir
dire du locuteur à l'heure où celui-ci préfère
la juxtaposition comme forme d'expression de la conséquence, en lieu et
place de la coordination par exemple.
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