2.2. Les autres formes linguistiques
Ce que nous désignons sous l'appellation autres
formes linguistiques ici comprend un ensemble de structures morphosyntaxiques
qui expriment les nuances de la conséquence. Il s'agit de l'aspect, de
la modalité, de l'hypothèse, du verbe de connaissance et de la
double corrélation.
2.2.1.
L'aspect
D'une manière générale, un verbe
auxiliaire est celui qui porte les marques de temps, de personnes, de
mode, d'aspect, alors que le verbe principal, celui qui sélectionne le
sujet et les compléments, est affecté d'une désinence de
participe passé. Petiot (2000 :169) perçoit l'aspect comme
la façon dont le « procès du verbe » est
envisagé. L'aspect concerne donc la manière dont se
développe le procès dans le temps. Il existe des
catégories aspectuelles qui sont inscrit dans la morphologie verbale. En
français, ces catégories sont à la source de l'opposition
entre forme la simple et la forme composée qui s'interprètent en
termes d'accompli qui est l'antonyme de l'inaccompli. Dans certains cas, la
morphologie du verbe ne permet pas de traduire tous les détails et les
nuances liés aux différents aspects du déroulement d'un
procès. Pour remédier à cette faiblesse, la langue a donc
recours aux moyens lexicaux pour apporter ces détails et ces nuances.
Les verbes qui permettent d'apporter ces nuances sont appelés les
auxiliaires d'aspect. Ceux-ci entrent dans la sous-catégorie
d'auxiliaire d'aspect que Bronckard (1985 :150) définit comme
sous-catégorie d'auxiliaire indiquant un moment du
déroulement de l'action. Comme échantillons d'auxiliaires
d'aspect on a : achever de, commencer à, finir par, etc.
Cette sous-catégorie d'auxiliaires n'est pas limitative puisque ces
auxiliaires d'aspect s'observent mieux dans la syntaxe des
énoncés :
9a. Une cage bientôt fut hors d'usage,
défoncée, ne glissant plus entre les guides, rompus sans doute.
L'autre frottait tellement, que le câble allait
casser, bien sûr. (Ge,
p445) ;
9b. Furieux, il (Chaval) descendit, il courut avec sa lampe
si violemment qu'il faillit buter dans le corps
de la herscheuse [...]. (Ge, p295) ;
9c. On approchait du niveau, la pluie battait si fort
qu'elle menaçait d'éteindre les lampes.
(Ge, p302).
Dans [9a], le verbe de P1 (frottait) est
à l'imparfait, et P2 a pour structure : le câble
allait casser. La périphrase Aller + infinitif traduit
l'aspect, il s'agit du caractère de l'action considérée
dans son développement, l'angle particulier sous lequel le
déroulement de cette action est envisagé, l'indication de la
phase à laquelle elle est dans son déroulement. La
périphrase présente la phase antérieure à
l'accomplissement du procès. Il se situe dans un futur plus ou moins
lointain. Dans l'exemple [9a], malgré la présence du marqueur
tellement que, qui exprime en fait la conséquence
réelle, la consécutive est présentée par le
locuteur comme un fait en voie d'être accomplie. Malgré la
présence de l'adverbe bien sûr dans P2, avec le sens de
sûrement, les énoncés ne laissent pas envisager la
conséquence comme réelle. Cette forme de périphrase est
notée dans l'ensemble de ces énoncés : faillit
buter en [9b] et menaçait d'étendre en [9c]. Aucune
de ces expressions ne présente l'action comme accomplie, malgré
la présence des marqueurs de conséquence factuelle dans chaque
énoncé. Or, dans l'expression de la conséquence, la
validation de la relation de cause à effet est essentiellement
liée à celle de la validation du fait cause. On note donc que les
fantaisies du discours nous amènent à constater que la validation
du fait cause n'est toujours pas la garantie de la validité du fait
conséquence. Du coup, on se pose la question de savoir si le locuteur a
voulu présenter une conséquence inaccomplie ou manquée. Au
même moment que l'auteur affirme que l'état de chose décrit
en P1 a atteint une certaine intensité : intensité qui
normalement doit rendre la réalisation de la conséquence
réelle, il module son dire par l'emploi des formes verbales qui brisent
la logique du discours. Ce qui pose une autre difficulté au niveau
didactique : la conséquence étant décrite comme le
résultat d'un fait, c'est-à-dire une suite logique qui
découle de l'état de chose précédemment
présenté, peut-on encore parler de conséquence dans ces
conditions ? ou faudrait-il revoir la définition du terme
conséquence ?
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