1. La
conséquence implicite
L'implicite représente ce qui est contenu dans ce qui
a été exprimé, non pas en termes formels, mais de telle
sorte qu'il en découle. Pour Charaudeau et Maingueneau (2002 :304),
il y a implicite lorsque les énoncés représentent, en
plus de leur contenu explicite, un ou plusieurs contenus implicites, qui
viennent se greffer sur le précédent, et peuvent même le
détourner à leur profit [...]. La conséquence
implicite est donc celle qui découle de l'interprétation
naturelle des énoncés. Elle se manifeste sur le plan
morphosyntaxique par la juxtaposition et l'apposition.
1.1.
La juxtaposition
La juxtaposition relève de la parataxe. Celle-ci
s'applique traditionnellement à des énoncés où se
trouvent couplées au moins deux constructions prédicatives, en
l'absence de tout lien entre elles. Le lien causal peut être
marqué par une pause forte, une pause faible ou un point virgule. C'est
dans ce sens que Riegel et alii (1996 :469) déclarent :
il y a juxtaposition lorsque la phrase complexe est
formée d'une suite de deux ou plusieurs propositions qui pourraient
être considérées chacune comme une phrase autonome, qui
sont généralement séparées à l'oral par une
pause et à l'écrit par un signe de ponctuation, mais le rapport
n'est pas explicitement marqué par un mot de relation.
Cependant, les énoncés juxtaposés sont
parfois complexes, la démarche que propose Danlos (1998 :98) permet
de démêler les ambiguïtés que suscite ce type de
structure. On peut donc avoir affaire soit à une causalité
directe, soit à une causalité indirecte.
1.1.1.
La causalité directe
On parle de causalité directe lorsque les
éventualités impliquées sont contiguës,
c'est-à-dire qu'entre les états de chose ou les
évènements qui sont juxtaposés, la distance est faible
entre la cause et le résultat. Parlant de causalité directe,
l'auteur affirme qu'elle est une action effectuée par un agent
humain H ; cette action affecte directement une entité X qui
représente un humain ou un objet concret ; le résultat est
le changement d'état physique pour l'entité X. Deux ans plus
tard, l'auteur lui-même rectifie sa perception. Ainsi, Danlos
(2000 :1) qualifie de causalité directe, celle qui est
conceptuellement définie de la façon suivante : le
résultat est un changement d'état physique ou matériel
pour une entité X, la cause décrit une situation ayant
directement causé ce changement d'état. Il reconnaît
que la cause peut être un être humain ou une situation. Dans l'un
ou l'autre cas, les échantillons de la relation causale directe
s'observent dans [1] :
1a. - Son frère a volé, il est en prison,
dit la mère durement. (Na, p.399) ;
1b. Luc a cogné la carafe contre l'évier. Il
l'a cassée (Danlos 2000 :1).
Dans [1a], la conséquence est introduite par la
séquence il est en prison qui n'est pas reliée à
la cause exprimée par la séquence son frère a
volé par un outil de liaison. La cause est directe,
c'est-à-dire, c'est l'action de voler qui est la cause immédiate
de celle d'être en prison. Telle que la phrase est structurée, la
conséquence est obtenue par inférence qui représente une
interprétation naturelle de l'énoncé. Néanmoins,
pour une meilleure compréhension de la relation et de l'intention de
l'auteur, cet énoncé mérite d'être
désambiguïsée. Pour cela, Danlos (2004 : 2-3), propose
de vérifier s'il existe une relation de coréférence
événementielle, c'est-à-dire le type de rapport qui existe
entre l'argument de P1 et celui de P2. En clair, l'auteur veut savoir à
quoi réfère le groupe nominal son frère de
voler et le pronom personnel il de être en
prison. En fait, l'occurrence [1a] est prononcée par la mère
de Philippes, frère de Georges, ces deux enfants qui se sont
entichés de Nana, la prostituée. Le GN son frère
est coréférent à il et les deux arguments
représentent Philippes. C'est donc Philippes qui a volé et c'est
lui qui est en prison.
Toutefois, il ne s'agit pas, pour la mère de Philippes,
d'informer Nana, mais surtout de lui faire comprendre que c'est à cause
d'elle que son fils est en prison. En fait Nana est une prostituée,
avide d'argent, qui met sur le carreau tous ceux qui tournent autour d'elle. Et
Philippes, officier de l'armée, de bonne moralité avant sa
rencontre avec la jeune fille, est l'une des proies de la prostituée.
Parce qu'il a voulu plaire à cette dernière, il a trempé
la main dans la caisse de l'Etat, d'où la prison. Pour la maman qui
connaissait bien son fils, Nana a ensorcelé son fils, elle est donc
responsable de sa déchéance. En exprimant de manière
directe la relation causale, le locuteur rend son argumentation
cohérente et favorise également le décodage du message
dans sa profondeur. C'est dans ce sens que Moeschler et alii (2006 :245)
soulignent :
Notre compréhension des relations causales entre
évènements est directement liée à notre
capacité à construire des chaînes causales et plus les
liens entre les événements / ou les états sont proches sur
une même chaîne causale, plus la relation causale est accessible et
le discours interprétable.
Ce qui n'est pas le cas pour la relation causale indirecte.
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