1.2.2.
Le marqueurs du coup
Du coup est présenté par la grammaire
comme un adverbe susceptible de marquer ou d'expliciter une relation de
conséquence entre deux propositions, tout comme donc,
alors, par conséquent, de ce fait ou
aussi et surtout eh bien. Rossari et Jayez
(2001) pensent que le connecteur du coup, relie deux
situations s et q. Avec du coup, le schéma est
à-peu-près le même qu'avec eh bien.
S : situation qui engendre Q, et Q
(énoncé inattendu) introduit dans S par le connecteur
du coup ; P est la conclusion vers laquelle
l'énonciateur oriente le co-énonciateur ; conclusion qui est
implicite. En clair, cette situation se présente de la manière
suivant dans [16] :
16a. Justement ce jour-là, comme Nana sommeillait vers
deux heures, Zoé se permit de frapper à la porte de la chambre.
[...] Elle (Nana) ouvrit les yeux, elle demanda :
- Qui est-ce ? [...]
Daguenet, forçant l'entrée, s'annonça
lui-même. Du coup, elle s'accouda sur
l'oreiller, [...]. (Na, p.381) ;
16b. « [...]. Vas, montre-lui ta viande ! il
n'est pas dégoûté, ton salaud de logeur ! ».
Du coup, Etienne voulut gifler le camarade.
(Ge, p 223) ;
16c. Un matin qu'il vit Foucarmont sortir de chez elle, à
une heure singulière, il lui fit une scène. Du
coup, elle se fâcha, fatiguée de jalousie.
(Na, p.401).
[16a] décrit une situation : nana, la
maîtresse de maison, prend un somme ; elle-même a
laissé des consignes aux domestiques de ne pas la distraire. Ces
consignes ont toutefois été enfreintes par Zoé, la femme
de chambre. La situation S : zoé se permit de frapper
a la porte ; Q : elle s'accouda sur
l'oreiller, résultat contraire à celui attendu qui aurait
pu, compte tenu des consignes de départ, être soit de
réprimer Zoé, soit de renvoyer Daguenet, l'ancien amant de nana.
Le connecteur du coup a donc pour rôle de relier ces situations,
et de mettre en relief le caractère inattendu du résultat produit
par la suite Q. C'est ce qu'expriment Rossari et Jayez
(2001 : 14) en ces termes :
Une forme sémantique X du coup Y est
appropriée chaque fois qu'elle est interprétée dans un
contexte tel qu'il existe une situation particulière, correspondant
à un état d'information S, où la mise à jour avec Q
serait normalement omise par s si le résultat de la mise à jour
avec P était omis par s.
Cependant, on constate qu'il n'est pas possible de commuter
eh bien et du coup. Le connecteur eh bien introduit
une réaction du co-énonciateur alors que du coup
entraîne une description. Rossari et Jayez (1997 : 231-233) a
déjà soulevé ce problème pour dire qu'on ne peut
pas étudier un connecteur sans tenir compte de l'approche syntaxique et
sémantique, deux aspects à associer obligatoirement à
l'analyse pragmatique d'un connecteur, deux aspects qui permettent aussi de
percevoir la spécificité de chaque marqueur. Ceci rejoint ce que
pense Mossberg (2006 :32) au sujet des connecteurs pragmatiques :
les constituants connectés peuvent être de
nature différente. Ainsi, les connecteurs peuvent instaurer un lien non
seulement entre des contenus propositionnels, mais aussi entre des actes de
langage, entre des segments thématiques, ou avec des
éléments extra-textuels ou extralinguistiques présents
dans la situation énonciative, tels des connaissances et des valeurs
partagées, des attitudes du locuteur ou de l'interlocuteur [...].
L'auteur montre par là que la portée discursive
d'un connecteur est très étendue. Nous l'avons déjà
souligné dans l'analyse des connecteurs inférentiels. Il est de
ce fait difficile de décrire les connecteurs uniquement en terme
logico-sémantique sans se référer à leur fonction
en contexte pragmatique. Faire donc une étude de la portée
discursive, c'est-à-dire étudier les types de segments que les
connecteurs relient avant de rendre compte de manière efficace de la
commutation de ces connecteurs, devient un impératif.
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