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Etude de la conséquence en français contemporain: Le cas de trois oeuvres d'Emile Zola

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par Lysette Nanda
Université de Yaoundé I - DEA de langue française 2006
  

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1.1.1.2.2. La valeur consécutive

Le connecteur alors, dans son emploi consécutif, exprime une relation de cause à conséquence entre deux évènements, ou entre deux énonciations : le moment de l'énonciation de x étant déterminant du moment de l'énonciation de y qui précède. Cela est illustré par des exemples ci-dessous :

5a. Une pluie rouge rayait les ténèbres, la plaie de la gorge, [...], baillait comme une entaille faite à la hache. Alors, il ne lutta plus [...] (Lbh, p258).

5b. Les Tuileries se scandalisaient de la conduite du chambellan, depuis qu'il s'affichait. Alors, [...], il venait de rompre. (Na, p.338) ;

5c. - Qu'as-tu ce matin ? [...]

- Ma mère est morte hier soir, [...]

- Oh ! ma pauvre Flore ! il fallait s'y attendre depuis longtemps, mais c'est si dur tout de même ! Alors, elle est là, je peux la voir, [...] (Lbh, p308) ;

5d- Ecoute donc, c'est une lettre qu'elle a dû trouver dans la poche de Fauchery, une lettre écrite à cette rosse de Fauchery par la comtesse Muffat. Et, dame ! Là-dedans, c'est clair, ça y est en plein... Alors, Rose veut envoyer la lettre au comte, pour se venger de lui et de toi. (Na, p.340)

L'énoncé [5a] n'a pas de repère temporel dans l'énoncé antérieur. Alors qui pourtant signifie à ce moment là, n'est plus uniquement la marque d'une simultanéité réduite entre les évènements décrits dans les deux énoncés. En effet, ils n'ont pas un déroulement strictement contemporain l'un de l'autre. Ce marqueur met aussi en relation deux étapes d'un déroulement temporel et dérive vers une consécution, dans le sens d'une succession d'évènements, sans que cette succession soit simple comme c'est souvent le cas de puis et ensuite. Avec ces marqueurs, la seule relation entre les évènements est celle de se succéder dans la durée. En [5a], Roubeaud lutte avec son beau-père et rival, le premier a réussi à assassiner le second ; le décor tel que décrit dans x : Une pluie rouge rayait les ténèbres, la plaie de la gorge [...] baillait comme une entaille, à l'heure-là, la victime cessa de lutter. Le rapport logico-sémantique est celui de la conséquence. Le premier évènement provoque le second qui est le résultat du premier. Avec alors, ce résultat est même prévisible, souhaité, attendu. Pendant la lutte, Roubeaud tranche le cou de son rival pour le mettre hors de course. Ce rôle ne peut pas être assumé par puis ou ensuite comme nous le constatons dans

5a*. Une pluie rouge rayait les ténèbres, la plaie de la gorge, démesurée, baillait comme une entaille faite à la hache. Puis/ensuite, il ne lutta plus

Il n'y a pas seulement eu un premier évènement suivi d'un second comme semble le faire croire ces deux marqueurs, mais l'état de chose en P1 (premier énoncé) est cause de l'état de chose en P2 (deuxième énoncé). Ceci amène Hybertie (1996 :25) à noter que

alors construit une séquence d'évènements temporellement ordonnés. Il indique que les états de choses exprimés respectivement en P1 et P2 sont ordonnés selon un ordre de succession temporelle qui est lié à un ordre logique de déroulement des faits, faisant apparaître le premier comme la condition de la réalisation du second.

Ainsi, lorsque alors marque une relation de cause à effet entre les faits comme [5a], il peut être paraphrasé, selon Hybertie (op cit: 29), par de ce fait, en conséquence, si bien que, etc.

Pour ce qui est de [5b], alors marque une relation de cause à effet entre des états inférentiels, donc de l'information donnée dans l'expérience du sujet parlant en P1 (Les Tuileries se scandalisaient de la conduite du chambellan), il déduit la conséquence P2 (il venait de rompre). P1 et P2 représentent deux états des choses : le premier exprime une situation, une attitude, une condition qui permet d'envisager la validation de l'état des choses dans P2. Dans le cas de l'inférence, le fait qu'un état de chose soit réalisé entraîne l'énonciation de P2 et sa validation. Il (alors) peut être paraphrasé par dans ce cas.

En ce qui concerne l'énoncé [5c], le connecteur apparaît en situation interdiscursive, c'est-à-dire, entre deux énonciations. En effet, il est question d'un dialogue entre Flore dont la maman est décédée la veille de la conversation et son cousin Jacques qui est mécanicien du train Express. Alors est paraphrasé dans cet emploi par dans ces conditions. Il présente l'énonciation de P2 : elle est là, je peux la voir, comme découlant, de manière légitime, de l'énonciation de P1 : Ma mère est morte hier soir. Pour mieux exprimer cette relation, l'énonciation de P2 et l'acte illocutoire qu'elle réalise, affirme Hybertie (op.cit. : 31), apparaît comme la conséquence de l'énonciation au cours de laquelle P1 est présentée comme assertée. Ainsi, l'énonciation de P1 constitue les conditions qui rendent P2 énonciable, de là peut naître la glose suivante : maintenant que tu m'apprends le décès de ta mère, je peux te dire que je monte la voir. Le fait qu'il y ait eu assertion de P1 constitue la condition qui permet d'énoncer P2. D'ailleurs, en affirmant à Jacques que sa mère est morte, Flore, le locuteur de l'assertion s'attend effectivement à ce que celui-ci aille voir le corps, vu le type de lien qui existe entre eux. Cette réflexion est valable pour [5d]. L'inférence que alors introduit présente une situation prévisible que le locuteur de P1, énonce lui-même. La construction du discours ou schématisation selon Grize (1982) cité par Chanet (2001 :44) est un simulacre de l'image du monde qu'il note Im(M), c'est-à-dire que

alors signale que l'état de la schématisation, et particulièrement l'état de Im(M), permet, aux yeux de L (locuteur), la réalisation d'une certaine action/opération discursive signalée comme une conséquence possible de cet état de Im(M).

Le concept image du monde représente l'activité discursive de reconstruction que les interactants se font, c'est-à-dire que, chacun d'eux élabore sa propre représentation de ce qui se passe dans le discours. Mais comme c'est le locuteur qui oriente le premier la conversation, il met des indices ou des informations qui favorisent la conclusion ou la conséquence à tirer soit par lui-même, soit par l'autre. A titre d'exemple, [5c] fournit les indices de temps (ce matin et hier soir) tandis que [5d] insinue une relation sous-jacente à l'énonciation, il s'agit de la situation de rivalité qui existe entre deux femmes du monde : Rose et Nana. Ces femmes se disputent et les amants et la gloire. Alors, Rose qui vient de perdre son amant, le comte Muffat, arraché par Nana, et qui a découvert une lettre écrite à Fauchery par la comtesse Muffat, veut l'envoyer au comte pour se venger et de lui, et de sa rivale. Cette schématisation de l'histoire permet de percevoir alors, qui introduit P2, comme le signe d'une conséquence voulue. Le locuteur, qui n'est autre que le mari de Rose, donc qui maîtrise bien le drame, sait que sa femme veut expédier la lettre dans le but de se venger. Cette image du monde, bien connue du locuteur, lui permet de tirer une conclusion, surtout que alors, admet Riegel et alii (1996 :621), indique en outre que cette conclusion est prévisible.

En conséquence, on constate que, tout en établissant un lien de cause à conséquence, alors conserve toutefois sa valeur première qui est la valeur temporelle ; en fait, dans l'enchaînement discursif, la relation temporelle est celle autour de laquelle l'énonciation d'un fait est possible, c'est-à-dire la condition ou la situation qui permet d'envisager la validation du second état de chose est tributaire du temps à partir duquel le premier évènement est validé. Néanmoins, alors présente le second fait comme prévisible alors que donc le présente comme nécessaire.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus