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Etude de la conséquence en français contemporain: Le cas de trois oeuvres d'Emile Zola

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par Lysette Nanda
Université de Yaoundé I - DEA de langue française 2006
  

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3. Le cadre théorique : la pragmatique linguistique

Le terme pragmatique est un terme difficile à définir à cause de ses origines divers. Ceci est souligné par Blanchet (1995 :12-13) de même que Paveau et Safarti (2003 :208). En effet, affirment ces derniers, le terme pragmatique est ambigu, son domaine d'étude n'est pas spécifié à priori d'où le problème de terminologie. En effet,

l'expression pragmatique philosophique, soulignent ces auteurs, désigne soit le fait que la pragmatique dérive historiquement de la philosophie, [...], soit les projets de refondation des grandes questions de la philosophie (connaissance, morale, politique...) à partir des acquis de la philosophie analytique, [tandis que] l'expression pragmatique linguistique désigne l'ensemble des théories élaborées, dans le cadre de la linguistique, à partir de l'intégration des concepts et perspectives de travail de la philosophie du langage ordinaire.

Il faut entendre par langage ordinaire, la parole dans les situations concrètes de la vie de tous les jours. Cette petite mise au point terminologique permet de justifier le choix de la pragmatique linguistique comme outil de l'analyse dans le travail à faire, le matériau de travail étant un texte littéraire.

Du grec `pragma', c'est-à-dire action, la pragmatique est une sous- discipline de la linguistique qui s'intéresse aux éléments du langage dont la signification ne peut être comprise qu'en contexte. Dans ce sens, soutiennent Charaudeau et Maingueneau (2002 :454), la pragmatique aujourd'hui désigne

le composant qui traite des processus d'interprétation des énoncés en contexte : qu'il s'agisse de la référence des embrayeurs ou des déterminants du nom, qu'il s'agisse de la force illocutoire de l'énoncé, de sa prise en charge par le locuteur, [...], des implicites qu'il libère, des connecteurs, etc.

Il s'agit de l'étude de l'usage du langage. Aussi, une approche pragmatique du roman, un texte mixte, alliant dialogue et récit, est-elle justifiée. Tout en étudiant l'usage que les interlocuteurs en situation de communication peuvent faire de la langue, la pragmatique se préoccupe des conditions de la communication. Cette discipline est née au XIXème siècle aux Etats-Unis mais a commencé à se développer surtout après la seconde guerre mondiale. Parlant de la motivation de la naissance de la pragmatique, Moeschler et Reboul (1998 :26) rappellent que la pragmatique d'Austin vise à

mettre en cause un des fondements de la philosophie analytique anglo-saxonne de l'époque, selon lequel le langage a principalement pour but de décrire la réalité et toutes les phrases (mis à part les questions, les phrases impératives et les exclamations) peuvent être évaluées comme vraies ou fausses.

En fait, Austin veut montrer que, loin d'être utilisées pour décrire la réalité, certaines phrases sont employées pour la modifier : ces phrases ne disent rien de l'état présent ou passé du monde, elles le changent ou cherchent à le changer. Aussi la pragmatique s'intéresse-t-elle au discours, d'une part, pour étudier les phénomènes de dépendances contextuelles propres aux termes indexicaux, à l'instar de ceux qui, comme je, ici ou maintenant, ont leur référence déterminée par les paramètres du contexte d'énonciation et, d'autre part, pour élaborer une théorie des inférences que l'on tire des énoncés linguistiques sur la base de nos connaissances générales sur le monde et d' hypothèses sur les intentions des locuteurs. L'aspect inférentiel est, de ce fait, significatif dans cette étude parce que la conséquence est également introduite par les conjonctions donc, alors, ainsi, aussi, par conséquent, ainsi, qui sont, dans le discours, ce que Anscombre et Ducrot (1988) appellent connecteurs argumentatifs tandis que Hybertie (1996 : 5) parlera de marqueurs de raisonnement. Comme illustrations, l'énoncé [13a] ci-dessous, représente la réaction d'une jeune prostituée (Nana). En effet, celle-ci congédie mufe, diminutif de Muffat, un vieux comte qui l'entretient habituellement. Mais, pour peu qu'il se trouve démuni, il n'a plus d'importance aux yeux de la fille. Ainsi, alors, qui traduit une relation consécutive entre P1 (tu n'as pas la monnaie) et P2 (mon petit mufe, retourne d'où tu viens,...), reprend la situation créée par l'énonciation de P1, légitime celle de P2 de même que l'acte illocutoire (l'impératif) qui renvoie mufe. Aussi, on déduit que lorsque l'homme n'a pas la monnaie, ne peut-il prétendre aux faveurs d'une prostituée.

13a. « Je n'ai pas non plus l'optimisme de mon oncle, reprit-il. Je crains de graves désordres... Ainsi, monsieur Grégoire, je vous conseille de verrouiller la Piolaine » (Ge, p 202) ;

13b. Hein ? tu n'as pas la monnaie.... Alors, mon petit mufe, retourne d'où tu viens, et plus vite que ça ! (Na, p.402).

Quant à [13a], de graves désordres présuppose qu'il peut y avoir de pillages, d'où la conséquence qu'introduit ainsi, doublée d'un ordre modulé par la structure je vous conseille de...

La pragmatique se démarque ainsi de la grammaire traditionnelle qui évacuait de ses préoccupations les sujets parlants. Toutefois, la pragmatique linguistique s'appuie sur la sémantique héritée de la grammaire traditionnelle et sur la syntaxe acquise de la grammaire moderne pour étudier l'apport du sujet parlant dans un texte. Elle s'appuie, en particulier, sur la distinction introduite par le philosophe américain Paul Grice entre le sens pour le locuteur et le sens proprement linguistique des énoncés, et en France, à peu près à la même époque, Oswald Ducrot développait des idées comparables. En s'intéressant ainsi à l'usage du langage, la pragmatique devient le complément naturel de la linguistique, qui, elle, s'intéresse au langage.

Plusieurs théoriciens se sont intéressés à la pragmatique. Ce qui incite à évaluer ses méthodes et ses finalités. Pour y parvenir, il est nécessaire de présenter les fondements et les concepts de cet outil d'analyse du discours.

3.1. Le fondements de la pragmatique

Nés de la confluence de plusieurs disciplines, les concepts de la pragmatique empruntent plusieurs directions. La pragmatique est loin de se constituer en discipline autonome et unifiée car aucun consensus n'a été trouvé par les chercheurs quant à sa délimitation, ses hypothèses et même sa terminologie. Elle constitue cependant un riche carrefour interdisciplinaire pour linguistes, logiciens, sémioticiens, philosophes, psychologues et sociologues. La diversité des courants qui l'ont alimentée fonde en même temps sa richesse. Il en résulte que, déclare Barry (2005 :28), vouloir présenter une théorie générale de la pragmatique au point de tenter une synthèse s'avère très difficile. C'est pour cette raison que nous nous contenterons, ici, de donner quelques repères utiles.

Certains entendent par pragmatique, surtout «la praxis», c'est-à-dire la tâche d'intégration du comportement langagier dans une théorie de l'action. C'est-à-dire du langage agissant, du signe linguistique ayant un pouvoir d'action. Dans cette perception se situe la philosophie pragmatique développée dès 1867-1868 et dont Charles Sanders Peirce est l'un des fondateurs. L'auteur privilégie l'étude du signe en situation et en action. A ce sujet, déclare Darras (2005 : 28) qui reprend Peirce (1932 : 113),

un signe ou Representaman est un Premier qui entretient avec un Second, appelé son Objet, une telle véritable relation triadique qu'il est capable de déterminer un Troisième, appelé son Interprétant, pour que celui-ci assume la même réaction triadique à l'égard du dit Objet que celle entre le Signe et l'Objet. 

Il ressort que chez l'auteur, le signe est une relation à trois termes : ce qui provoque le processus d'enchaînement, son objet, et l'effet que le signe produit ou l'interprétant. Pour Peirce, souligne Darras (2005 : 30), l'homme pense par les signes car la seule pensée que nous connaissons est la pensée des signes; mieux, elle est signe. Peirce a mis l'accent sur l'activité sémiotique de l'homme, donc l'emploi des signes. Le signe ne fonctionne donc plus dans une relation binaire comme le préconisait Saussure mais plutôt dans une relation triadique.

Le second aspect remarquable de l'activité sémiotique de Peirce, ce sont ses classifications des variétés de signes. En effet, il distingue les signes iconiques, des signes indiciels et des signes symboliques. Il posait par là les fondements sémiotiques de la pragmatique.

D'autres l'appréhendent dans un rapport avec la communication, voire toute espèce d'interaction entre les organismes vivants. C'est le cas de Morris (1938), qui donne de cette discipline la définition suivante reprise par Armengaud (1993 : 5) : La pragmatique est une partie de la sémiotique qui traite du rapport entre les signes et les usagers. Morris précise qu'étant donné que la plupart des signes ont pour interprètes des organismes vivants, on pourrait assigner à la pragmatique l'étude des aspects biotiques de la sémiotique. Il entend par là des phénomènes psychologiques, biologiques et sociologiques qui sont liés au fonctionnement des signes. Toujours selon Morris, la pragmatique présuppose la syntaxe et la sémantique car c'est parce qu'on envisage l'étude de la relation entre les signes d'une part, et d'autre part entre les signes et les choses qu'on appréhende les rapports qui unissent les signes aux interprètes. Avec Morris, repris par Caelen (2001 :26) la relation entre la syntaxe, la sémantique et la pragmatique est hiérarchisée. Ainsi, la sémantique étudie ce que la syntaxe a déjà assemblé et la pragmatique ajuste l'interprétation à l'usage que l'on veut faire du langage. Cette relation est irréversible, l'inverse n'est pas possible. Pour Morris, La pragmatique étudie l'utilisation du langage dans le discours et les marques spécifiques qui, dans la langue, attestent sa vocation discursive. Dans ce cas, le sens renvoie non au contenu mais à l'usage. La pragmatique recueille donc l'héritage de la linguistique de l'énonciation développée par Benveniste. Il montre que la parole ne s'analyse pas seulement en termes grammaticaux et logiques, elle s'analyse aussi en terme d'influence, de la manière d'agir sur l'autre. Par conséquent, les trois types fondamentaux de phrases à savoir l'assertion, l'interrogation et l'impératif sont trois attitudes devant le langage visant trois types de contact avec l'allocutaire. Pour Benveniste (1966 :130), ces trois modalités ne font que refléter les trois comportements fondamentaux de l'homme parlant et agissant par le discours sur l'interlocuteur. Benveniste (op cit: 242) renforce sa perception en définissant le discours comme toute énonciation supposant un locuteur et un auditeur et chez le premier l'intension d'influencer l'autre en quelque manière. Si l'effet illocutoire à des marques linguistiques, l'effet perlocutoire est post-linguistique. Néanmoins le second se sert de ces marques linguistiques pour explorer les effets secondaires de l'acte de parole sur l'interlocuteur. Il s'agit, dans l'expression de la conséquence de montrer de quelle manière l'emploi du connecteur influence l'interlocuteur dans l'énoncé [14] ci-après,

14a. Un matin qu'il vit Foucarmont sortir de chez elle, à une heure singulière, il lui fit une scène. Du coup, elle se fâcha, fatiguée de jalousie. [...] il l'assommait avec son entêtement à ne pas comprendre les femmes ; et elle fut brutale.

- Eh bien! oui, j'ai couché avec Foucarmont. (Na, p.401);

Le connecteur eh bien peut traduire un agacement, une invite faite par Nana, une jeune prostituée, à son amoureux jaloux Muffat à se décider, soit à accepter des rivaux, soit à se séparer d'elle, soit aussi pour lui signifier qu'elle ne l'aime pas vraiment. L'interprétation est inférentielle, elle est déclenchée de manière conventionnelle par la présence du connecteur eh bien : il s'agit là d'une implicature conventionnelle. Nous retrouvons ici les maximes de conversation et leur exploitation. Ainsi, il existe autant d'hypothèses sur les intensions du locuteur que des connaissances générales qu'on a du monde et la pragmatique à donc pour tâche de sonder toutes les hypothèses qui sont susceptibles de motiver l'expression de la conséquence. La pragmatique linguistique définit donc le sens d'un acte de langage par sa fonction communicative, elle donne une image du sens centrée sur sa fonction énonciative. Il ressort que l'acte de parole est un acte de nature particulière, qui est l'acte d'énonciation.

Toutefois, historiquement, selon Moeschler et Reboul (1998), on peut considérer que la pragmatique naît en 1955 à Harvard, lorsque John Austin y donne les conférences William James et introduit la notion nouvelle d'actes de langage. La pragmatique prend ainsi racine dans les travaux d'un philosophe qui s'élève contre la tradition dans laquelle il a été éduqué et selon laquelle le langage sert principalement à décrire la réalité. Austin (1970), en opposition avec cette conception vericonditionnaliste de la fonction du langage, qu'il appelle l'illusion descriptive, défend une vision beaucoup plus opérationnaliste selon laquelle le langage sert à accomplir des actes. Il fonde sa théorie du langage et de son usage sur l'examen d'énoncés de forme affirmative, à la première personne du singulier de l'indicatif présent, voix active, énoncés qui ont pour caractéristiques de ne rien décrire, et de correspondre à l'exécution d'une action.

Austin veut montrer par là que, loin d'être utilisées pour décrire la réalité, certaines phrases sont utilisées pour la modifier. Ainsi, en même temps qu'il a un sens, le langage a une force illocutoire à laquelle, parfois, se réduit toute sa signification. Aussi reconnaît-il que le discours remplit trois fonctions :

- une fonction propositionnelle qui représente la structure phonique, morphologique et syntaxique de l'énoncé. C'est l'acte locutoire ;

- une fonction illocutoire : ce que l'on fait par les mots : accuser, ordonner, demander une information, etc.;

- une fonction perlocutoire, c'est-à-dire le but visé par le discours, agir ou chercher à agir sur l'interlocuteur. L'énoncé peut susciter la peur, le silence, etc. Dans la perspective d'une approche pragmatique de la conséquence, le locuteur opère un choix, une sélection parmi la somme des formes d'expression de la conséquence et chacune d'elles peut susciter une interprétation particulière. L'originalité de l'approche pragmatique réside dans ses concepts fondamentaux qui ne relèvent ni à proprement parler de la linguistique, ni de la philosophie.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand