1.1.4.
La préposition
La préposition est une partie du discours qui
appartient à la catégorie des mots de liaison. Elle est un mot
invariable qui relie un constituant de la phrase à un mot ou à la
phrase entière. Grevisse et Goosse (1993 :369) définissent
la préposition comme un mot invariable qui sert ordinairement
à introduire un élément qu'il relie et subordonne, par tel
ou tel rapport, à un autre élément de la phrase. Pour
Mauger (1968 : 329 et 400), les structures suivantes sont possibles :
un nom précédé d'une préposition, un infinitif
précédé d'une préposition.
1.1.4.1. Un nom précédé d'une
préposition
Diverses prépositions sont utilisées dans la
relation de conséquence. Il s'agit entre autres de : à,
pour, avec, sans, jusqu'à, de façon à. Les
occurrences comportant pour et avec sont de Mauger car nous
n'en avons pas trouvé dans notre corpus.
6a. Son frisson ancien le reprenait : l'aimait-il donc,
était-ce donc celle-là
qu'il pourrait aimer, [...]
sans un monstrueux désir de
destruction
(Lbh, p.151) ;
6b. Les paupières battirent, les yeux se
détournèrent, dans une gêne
subite, un malaise allant
jusqu'à la souffrance (Lbh, p
82) ;
6c. Et, quand je l'ai trouvé en bas, il m'a
parlé encore, il m'a répété qu'il
m'aimait à mourir
(Lbh, p.335) ;
6d. Pour le malheur de la
France, Charles VI devint fou (Mauger,
1968 :329)
6e. Travailler avec profit
(Mauger, 1968 :329)
La préposition relie les termes pour les
intégrer dans une construction plus vaste. En [6a], Jacques, le
machiniste est hanté par un besoin permanent de tuer, surtout les
femmes, à telle enseigne qu'il redoute chaque fois qu'il a un penchant
pour une femme. Lorsqu'il tombe amoureux de sa cousine, l'envie de tuer surgit.
La préposition sans exprime cette conséquence qui,
normalement a lieu toutes les fois que le machiniste aime une fille. Mais
compte tenu de la valeur négative que cache le sens de cette
préposition, il y a lieu de se demander si elle introduit une
conséquence ordinaire. Si nous passons aux occurrences [6a-c], une
autre préoccupation naît ; en effet, sachant que la
conséquence est le résultat d'un fait initial, peut-on voir dans
ces énoncés une conséquence, le fait est-il réel,
éventuel ou nié ? Les auteurs n'en parlent pas.
1.1.4.2. Un infinitif précédé d'une
préposition
Cette forme est exprimée par les locutions, en
sorte de, assez...pour, suffire... pour etc., suivies de l'infinitif.
Elle est illustrée dans les cas de figure suivants:
7a. De la broderie, on lui en fichera ! Est-ce que tu me
crois assez bête
pour ne pas comprendre
[...] ? (Lbh, p.195) ;
7b. Aussi n'était-il pas fâché de lui
faire sentir [...] sa toute puissance,
l'absolu pouvoir qu'il avait sur la liberté de
tous, au point de changer
d'un mot un témoin en prévenu,
[...]. (Lbh, p 139) ;
7c.Cherche, cherche ! Rien que le plaisir de voir son nez
s'allonger, ça me suffirait
pour prendre patience (Lbh, p.86) ;
La question en [7a] n'appelle en réalité pas une
réponse. L'auteur semble plutôt attirer l'attention sur le fait
qu'il n'est en fait pas bête, dans ce cas sommes-nous en présence
d'une conséquence au même titre que celle qui est
manifestée en [7b] ?
Il ressort de tout ce qui précède d'une part,
que les moyens d'expression de la conséquence simple sont variés
en grammaire classique : juxtaposition, coordination, syntagmes
prépositionnelles, apposition, d'autre part, que le mode censé
revêtir la subordonnée de consécution est l'indicatif. Il
est à relever d'ores et déjà que cet aspect du sujet
divise tant et si bien les auteurs que nous y reviendrons dans la suite de
notre étude. Brunot et Bruneau (1949 : 551) affirment sans
équivoque que le mode de la conséquence est l'indicatif, le
subjonctif exprimant le but. Wagner et Pinchon (1962 : 591-594) ne
partagent pas la vision de Brunot et Bruneau, encore moins celui de Chevalier
et alii (1964 : 149-151). Pour les seconds, le mode varie suivant ce que
veut exprimer le locuteur. Ainsi, dans une phrase complexe,
le verbe de la dépendante est à l'indicatif quand on
actualise la conséquence - qu'elle soit réelle ou
éventuelle - et au subjonctif si la conséquence fait
l'objet d'une interprétation. Dans ce débat, la vision de
Chevalier et alii est plutôt proche de celle de Brunot et Bruneau,
malgré la différence de génération de ces auteurs.
Le mode de la conséquence, à travers les époques, est une
question à controverse. La conception de Chevalier et alii est traduite
par les exemples suivants :
8a. Il a donc vécu à sa guise, sans que je
me mêle en rien de son existence (Lbh, p.145) ;
8b. Et il hochait la tête, il avait une haine de
l'eau-de-vie, la haine du dernier enfant d'une race d'ivrognes, qui souffrait
dans sa chaire de toute cette ascendance trempée, [...], au point
que la moindre goutte en était
devenue pour lui un poison (Lbh, p 47) ;
8c. Vous savez que Steiner commence à avoir de Rose
par-dessus la tête, aussi le mari ne le lâche-t-il plus d'une
semelle, de peur qu'il ne file. (Na, p 35).
Or, Grevisse et Gosse (1993 :565) estiment que
les modes expriment l'attitude prise par un sujet à
l'égard de l'énoncé ; ce sont les diverses
manières dont ce sujet conçoit et présente l'action, selon
qu'elle fait l'objet d'un énoncé pur et simple ou quelle est
accompagnée d'une interprétation.
Ainsi perçu, nous pensons que l'expression des modes
dans l'énonciation est une question purement subjective. Et ce
problème est l'objet d'un grand débat entre les grammairiens
à travers les âges. Les effets de ce débat transparaissent,
avec Grevisse et Goose, dans [9] ci-après :
9a. Ce jour-là pourtant, [...], il était
rentré se jeter sur son lit. De sorte que Séverine
l'aurait attendu vainement,[...] (Lbh, p.113) ;
9b. Ils se gâtaient ensemble, c'était lui qui
l'avait jetée sur Séverine, au point que, pour l'avoir
à la maison, elle l'aurait fait arrêter sur
l'heure.
(Lbh, p 141) ;
9c. Et il y eut ainsi, en août et en septembre des nuits
adorables d'une telle douceur, qu'ils se seraient
laisser surprendre par le soleil, si le réveil de la gare ne les avait
séparés. (Lbh, p 206).
Il ne s'agit ni d'une question de concordance de temps comme
l'estiment certaines grammaires, ni d'une règle grammaticale, mais des
angles de perception. Même s'ils n'ont fait que l'évoquer, Wagner
et Pinchon reconnaissent que la conséquence a des nuances : elle
peut être réelle ou éventuelle, et c'est le contexte qui
déterminerait cette nuance. Si l'on relève, dans chaque
énoncé la présence d'un marqueur morphologique de
conséquence, le conditionnel, que traduit la forme en
rais des verbes, apporte à la conséquence une
nuance qu'il serait intéressant d'élucider.
Par ailleurs, la grammaire traditionnelle reconnaît
aussi la subordonnée consécutive, seulement nous
préférons aborder cet aspect de la notion avec l'approche
structurale de la conséquence puisque la grammaire structurale explique
mieux le phénomène de l'enchâssement, source de la
subordination.
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