Conclusion du chapitre 2
Obtenir une production vivrière dépend des
possibilités qu'offre la nature mais aussi et surtout de la vigueur des
hommes qui transforment ce lieu. La région de Méagui est un
espace cosmopolite avec pour les Ivoiriens, une importante de la population de
Baoulé dans tous les villages et pour les étrangers, une
domination des Burkinabés. Les facteurs naturels sont tous propices aux
cultures vivrières. A l'exception du commerce où les femmes sont
majoritaires, les hommes sont les plus représentatifs. De cette
conjonction d'éléments naturels et humains, nait une
diversité de production qu'il faut mettre en exergue.
Chapitre 3 : PRODUCTION VIVRIERE DANS LA REGION
La récolte - parce qu'elle dépend d'une
multitude de paramètres qui n'évoluent pas nécessairement
selon les mêmes modalités (intensité, durée ou
fréquence) - est difficile à mesurer et anticiper. Et si les
exploitants eux-mêmes ont parfaitement conscience du climat d'incertitude
dans lequel ils évoluent, la sécurité des récoltes
et des approvisionnements reste souvent un objectif difficile à
atteindre.
3.1. Historique des potentialités
Jadis, affirment les vieux, << l'homme Bakwé
ne consacrait guère plus de 15 jours de l'année à
l'agriculture : la chasse et la cueillette constituaient les fondements de son
univers économique ». Aujourd'hui, l'activité agricole
occupe à << plein temps >> l'ensemble de la population en
âge de travailler. Une activité articulée à la fois
sur les cultures vivrières, à finalité de satisfaction des
besoins alimentaires quotidiens et sur les cultures de rentes à
finalité d'accès à un revenu monétaire.
L'économie de chasse et de cueillette ancienne sera
présentée avant d'évoquer les grands traits de
l'économie agricole nouvelle.
3.1.1. Une économie traditionnelle de chasses et
de cueillettes
La chasse était autrefois l'activité la plus
importante de l'homme Bakwé. Une activité dont les
finalités étaient multiples et difficilement dissociables, tant
sa pratique s'identifiait à un phénomène social total par
la diversité des significations qu'elle impliquait. Aller à la
chasse, la terminologie est explicite, c'était, en premier lieu,
«aller dans la forét» c'est-à-dire affilier une
présence dans un espace, marquer une emprise sur un milieu,
contrôler un environnement à défaut de le maîtriser
(Schwartz 1979b, p 67). Aller à la chasse, c'était, en second
lieu, lancer un défi à une nature hostile, aller sciemment
au-devant de quelque chose de dangereux; Aller à la chasse,
c'était enfin également remplir une fonction économique :
les défenses d'ivoire entraient dans la composition de la dot et
était un signe sublime de richesse (Schwartz 1993, p 86).
La cueillette - collecte de produits à la fois
végétaux et animaux sans intervention de techniques
spécialement élaborées, a laquelle nous ajoutons la
pêche - était par contre une activité féminine.
Tubercules et agrumes sauvages, feuilles, graines, fruits, escargots, larves de
chenilles... étaient ramassés par les femmes de manière
quotidienne et constituaient la base de l'alimentation. La péche
était pratiquée quand la viande de << brousse >>
faisait défaut. Les activités de chasse et de cueillette
étaient complétées par une très subsidiaire
activité de produc-
tion agricole, axée sur la culture du riz. C'est
à l'abattage des arbres de la parcelle destinée à recevoir
cette culture que l'homme consacrait les 15 jours annuels de travail. Le reste
des autres opérations, y compris la récolte, incombaient à
la femme. Une telle économie, pour se reproduire, avait de toute
évidence besoin de beaucoup d'espace. Par le biais de la chasse,
l'univers de vie quotidien du Bakwé s'étendait à des
dizaines de kilomètres de son village de base. Ce mode de vie
n'était reproductible que dans un contexte à la fois d'espace
abondant et de mobilité des hommes permanente.
3.1.2. Une économie moderne
d'agriculteurs-planteurs
La mise en place de l'appareil colonial va mettre fin à
l'économie Bakwé traditionnelle. L'une des conditions
indispensables à la reproduction de celle-ci, la mobilité
spatiale, était totalement incompatible avec la politique de
stabilisation, voire de regroupement, des populations que l'autorité
nouvelle entreprit de promouvoir avec vigueur dans cette région. La
généralisation de la crise actuelle et la durée de plus en
plus prolongée entre la période d'inactivité avant un
éventuel recrutement poussent les acteurs sociaux (les jeunes surtout)
à développer de nouvelles stratégies. La capacité
des acteurs des secteurs libéraux à résister ont convaincu
les jeunes de la précarité de l'emploi salarié. Dans cette
logique, ce qu'il est convenu d'appeler la débrouille permet aux
compressés, aux diplômés sans emplois et notamment
à la population féminine « de gagner un peu d'argent ».
Ceux-ci par leur arrivée accentuent le caractère marchand des
activités agricoles et y apportent une certaine modernisation issue de
leur éducation scolaire.
De plus, les petits producteurs de vivriers doivent composer
avec deux aléas : une diminution progressive du volume annuel des
précipitations comme l'atteste les Figures 2.12 et 2.13 des stations de
Gagnoa et de Tabou, et la grande variabilité de leur répartition
inter et intraannuelle. On y observe ainsi, d'une année à
l'autre, d'importants écarts par rapport à la nor-male et des
fluctuations temporelles non négligeables dans le démarrage de la
saison des pluies. Il est, par conséquent, très difficile, pour
le producteur vivrier de prévoir la date optimale des premiers semis. De
même, la répétition et la durée du creux
pluviométrique entre les deux saisons pluvieuses constituent une autre
source d'incertitude puisque ce phénomène intervient en pleine
maturation des deux principales cultures locales, l'igname et le manioc.
3.2. Nature et niveau de production
vivrière
3.2.1. Nature des produits vivriers
Les cultures vivrières sont nombreuses en Côte
d'Ivoire. On les classe souvent en cinq groupes. Ainsi, à partir des
données de l'A.N.A.D.E.R. et ceux de l'O.C.P.V..9, nous
classons ces produits de la façon suivante :
-Les céréales sont des plantes cultivées
pour leurs graines comestibles. Leurs grains sont très riches en «
sucres lents » (glucides complexes) : ils en renferment entre 60 et 85 %.
On les mange soit cuits directement, soit broyés en farine (farine de
blé, d'orge, de riz, etc.) avant d'être transformés en
pains, en galettes ou en pâtes. Les céréales les plus
cultivées sont le blé, le riz, le maïs.
-Par féculents, il faut voir les aliments qui
contiennent de la fécule10 qui est une substance blanche et
farineuse composée d'amidon. C'est pourquoi nous considérons
comme féculents : les racines (patates), les tubercules (igname, taro)
et la banane plantain ;
-Les oléagineux, plantes dont les graines ou les fruits
sont riches en corps gras. Les oléagineux se rencontrent dans les
régions tropicales, c'est le cas de l'arachide, du palmier à
huile, du cocotier, la pistache, le akpis et dans les pays
tempérés, soja, tournesol.
- Les cultures maraîchères : la tomate,
l'aubergine, le gombo, le piment, le concombre... et certains condiments enfin
qui entrent, à des titres divers, dans la préparation des sauces
accompagnant les aliments de base.
Il convient de souligner combien cette liste est relative et
est propre aux vivriers rencontrés dans la région de
Méagui. Le tableau qui suit donne un aperçu de
spéculations vivrières selon l'A.N.A.D.E.R. les exploitants
pratiques la polyculture et donc sont dans le decompte des paysans qui ont des
feculents et ceux qui ont des fruits par exemple. Il est donc difficle de
vouloir mesure une quelconque productivité.
En termes de proportion, les fruits (25%) et les
céréales (21%) ont presque les mêmes proportions dans
l'intensité de cultures. Les féculents dominent (41%) avec deux
fois plus de portions que les fruits ou les céréales. On est dans
une région qui est favorable à leurs cultures. Les légumes
(3%) sont en proportions très faibles certainement à cause de ce
que les plaines et les bas-fonds propices à leurs cultures ont
été utilisés à des fins rizicoles.
9 Les résultats de ces observations ont
été confirmés par la consultation des certificats de
provenance établis par l'O.C.P.V.
10 Dictionnaire Petit Robert 2009
Tableau 3.1 : Superficies des spéculations par nombres
d'exploitants et par production
SPECULATIONS Superficie (Ha) Nombre d'exploitants
Production(T)
|
FECULENTS
|
Banane plantain
|
1212,00
|
134,00
|
79
|
Igname
|
3729,20
|
415,00
|
299
|
Patate
|
153,00
|
223,00
|
27
|
Manioc
|
291,30
|
576,00
|
256
|
Total féculents
|
5385,50
|
1348,00
|
661,00
|
CEREALES
|
Riz de bas-fond
|
324,00
|
69,00
|
67,32
|
Riz de plateau
|
103,40
|
12,00
|
12,00
|
Riz irrigué
|
381,00
|
45,00
|
41,12
|
Maïs
|
1937,50
|
497,00
|
198,30
|
Total céréales
|
2745,90
|
623,00
|
318,74
|
LEGUMES
|
Aubergine longue violette
|
78,00
|
231,00
|
Non Défini
|
Aubergine
|
90,00
|
113,00
|
34,00
|
Piment
|
321,30
|
26,00
|
13,00
|
Courgette
|
121,10
|
33,00
|
Non Défini
|
Chou
|
99,20
|
42,00
|
55,80
|
Tomate
|
259,20
|
94,00
|
13,00
|
Concombre
|
189,70
|
56,00
|
11,00
|
Gombo
|
176,34
|
69,00
|
9,00
|
Total légumes
|
1334,84
|
664,00
|
135,80
|
OLEAGINEUX
|
Graine
|
87,70
|
15,00
|
Non Défini
|
Coco
|
23,40
|
12,00
|
Non Défini
|
Arachide
|
294,20
|
88,00
|
112,40
|
Total oléagineux
|
405,30
|
115,00
|
112,40
|
FRUITS
|
Papaye solo
|
67,20
|
21,00
|
22,70
|
Mangue
|
679,70
|
34,00
|
32,10
|
Orange
|
2370,00
|
127,00
|
Non Défini
|
Citron
|
189,00
|
45,00
|
6,00
|
Gingembre
|
29,70
|
11,00
|
3,00
|
Total fruits
|
3335,60
|
238,00
|
63,80
|
(Source : A.N.A.D.E.R., Septembre 2009)
3.2.2. Production vivrière à
Méagui
La mise en valeur de l'exploitation est relativement et
uniformément dominée par les vergers de cacaoyers et de
caféiers. Mais les planteurs doivent aussi assurer leurs autonomies
alimentaire pour cela, ils associent productions vivrières et
plantations arbustives. La première année sur défriches
forestières, ils plantent d'abord les espèces vivrières
comme les féculents qui serviront d'ombrage aux jeunes arbustes mis en
terre par la suite. Chez le Baoulé d'Oupoyo et Gnititouagui 2, l'igname
vient presque toujours en tête d'assolement : 77,4 % des surfaces
semées ou plantées l'année du défrichement le sont
en igname, contre 21 % en d'autres vivriers et 1,6 % en arbustifs.
D'après nos enquêtes portant sur les exploitations, quatre types
de
production sont particulièrement vendues : la banane
plantain, l'igname « tardive », le manioc et les fruits (oranges et
avocats). Viennent ensuite le riz et le maïs.
En fonction des groupes ethniques en place, on peut distinguer
une spécialisation. Les Baoulé sont les principaux vendeurs
d'igname dont ils sont également gros consommateurs et qu'ils plantent
systématiquement en première année sur défriche
avant les cacaoyers. Les allochtones (les Baoulé en grande partie, 67%)
mettent en semence des quantités non négligeables de manioc et de
maïs plantés en général après le riz, sur la
même parcelle. Les Dioula et les Burkinabé commercialisent le riz
et le maïs dont ils sont consommateurs. Ils font des champs
séparés des plantations arbustives. Un fait remarquable surtout
à Méagui est la sous utilisation des bas-fonds pour la culture du
riz. Les dépenses à effectuer dans le riz jusqu'à sa
récolte est plus élevée que l'achat du riz importé
est la principale raison évoquée par les Bakwé et
Baoulé propriétaire de bas-fonds. Selon un agent de
l'A.N.A.D.E.R., « cette pratique n'est pas dans leurs habitudes
culturales et alimentaires ». Il poursuit pour dire que ce sont les
Bété de Soubré qui s'intéressent à ces
bas-fonds. Des propriétaires de champs leur loués des parcelles.
Il explique que la location se fait tout de même dans une proportion
encore très faible. A cela, il faut dire qu'en ce qui concerne le
vivrier, les ressortissants de la C.E.D.E.A.O ont de terres qu'ils louent ou
échangent, ce qui leur permet de développer le riz (pluvial,
irrigué et de plateau). De plus comme la majorité de leurs
progénitures fréquente l'école coranique, ils servent pour
la plupart comme main d'oeuvre dans les bas fonds à proximité et
à l'intérieur des localités. Outre tous ces aspects, ils
détiennent 89% des unités de décorticages visités
dans l'ensemble des cinq (5) localités d'étude. On comprend donc
qu'ils contrôlent la filière des céréales.

Figure 3.2 : Volume de production des spéculations par
superficies et par exploitants (Source : C.N.R.A., Mars 2010)
La principale plante utilisée sur les défriches
forestières est le bananier. Toutefois, si la banane plantain est la
production la plus répandue, l'agriculture vivrière est d'abord
une poly-culture. A côté de la banane, beaucoup d'autres
espèces sont cultivées, par les agriculteurs euxmêmes et
surtout par les femmes qui plantent de denrées comme le gombo, le
piment, la to-mate qu'elles commercialisent ensuite. En outre, dans de
nombreuses parties de la région (Gnititouagui 2), les sols paraissent
peu favorables à la banane qui ne produit correctement que la
première année. Sur les parcelles sont presque toujours
associées ignames précoces et tar-dives, ignames de savane et de
forêt. L'association la plus fréquente est le << lokpa
>> et le << bete-bete >>. La présence de l'igname
précoce « lokpa » s'explique par la préférence
alimentaire que lui porte les Baoulé, mais aussi parce qu'elle offre
l'avantage de donner deux récoltes, l'une en septembre pour la
consommation, l'autre en décembre, utilisée le plus souvent comme
plant pour l'année suivante et pour les fetes. De plus, elle est
immédiatement consommable, alors que le << bete-bete >>, par
exemple, doit sécher plusieurs mois sur claie pour acquérir la
fermeté souhaitée. La culture de plusieurs variétés
montre la prudence des paysans face à un milieu qu'ils ont conscience de
mal maîtriser : les ignames réussissent inégalement selon
les sols, et les variétés permettent d'étaler la
récolte et de limiter les risques d'échec. Enfin, l'igname permet
d'accueillir des arbustifs (cacao ou hévéa) dès le mois
d'avril, alors qu'il faut attendre la récolte (septembre) pour disposer
librement d'un terrain semé de riz par exemple. L'association
banane-patate est fondamentale. Elle est le plus souvent plantée
dès la première année, en association avec l'igname sur
86,6 % des surfaces selon un agent de l'A.N.A.D.E.R. Avec 61,5 % des surfaces
vivrières des plantations, elle permet en association avec la patate
d'assurer une aide alimentaire aux élèves11 pendant
les périodes des petits congés. L'igname pénètre la
forét, avec des rendements équivalents (buttes plus
espacées mais plus productives), partout où il y a des paysans
baoulé, qu'ils constituent le fond autochtone du peuplement, comme dans
la région de (...) de Soubré (Haeringer 1972, p 204)
Le manioc, en plantation spécifique et unique est
modeste (33 ha) et ne couvre que 34,2 % de la superficie vivrière
annuelle. Deux grands types existent dont << le manioc de Bonoua >>
pour la consommation directe et << le manioc Blanc >> qui est
transformé en attiéké12,
11 Cela concerne surtout les élèves qui louent des
maisons et qui font la navette entre le village et leurs lieux de
fréquentation.
12 Sorte de couscous de manioc. Le manioc est
épluché, lave à plusieurs eaux, réduit en farine,
presse (après ajout d'une petite quantité d'huile et de manioc
fermenté, le magnan), séché, vanné et cuit à
la vapeur dans un canari ou un couscoussier.
placali13 avant utilisation. Il est toujours en
association avec une autre culture à cause de son utilisation comme
culture de soudure sur le plan nutritionnel et financier. Il est présent
toute l'année et indifféremment planté par tous les
agriculteurs. Le manioc a pris de l'importance dans l'alimentation et est
consommé sous différentes formes nourriture et
médecine.
Dans toutes les zones, le riz (surtout le riz pluvial) occupe
une place importante au niveau des cultures vivrières, car c'est souvent
l'aliment de base de ces différentes populations. Le choix du riz comme
culture principale d'appoint dépend aussi de la présence de
nombreux bas-fonds, des possibilités d'extension de la plantation
(alternative aux blocages fonciers) et des disponibilités en
main-d'oeuvre pour la confection des buttes. Le maïs (3,9 % de la
superficie vivrière annuelle) est présent en culture pure, mais
on le trouve fréquemment en association avec l'igname dans 63% des cas.
Les ventes sont faibles à Méagui car la majeure partie de la
production est autoconsommée. Le riz importé étant plus
cher, les planteurs préfèrent garder leurs productions en les
conservant dans des greniers aménagés initialement pour l'igname
et le maïs, mais aussi pour le riz. Mais actuellement les planteurs
commencent à multiplier les champs de riz dans les bas-fonds. En
dépit de cela, cette riziculture de bas-fonds n'a pas la même
importance partout. Le problème est de savoir comment développer
cette forme de riziculture dans les différents villages.
Légumes et cultures maraîchères,
très variés, sont, comme en pays baoulé, présents
dans toutes les associations culturales. Servant à confectionner les
sauces, ils peuvent être aussi vendus. Les superficies qui y sont
consacrées sont très modestes sauf pour la tomate. A en juger par
le Figure 3.2, ils sont tous dans des proportions semblables et la culture de
l'un n'est pas privilégier par rapport à celui de l'autre. Une
lecture des données du C.N.R.A. fait constater que l'aubergine
malgré la non-utilisation des produits phytosanitaires a une
productivité plus élevée. Le maïs est aussi la seule
culture alimentaire importante à couvrir l'ensemble du territoire
ivoirien, sans qu'il soit besoin, pour l'affirmer, de prendre en compte
l'apport des mouvements migratoires actuels (Haeringer 1972, p 206). Toute
ethnie la pratique.
Les fruits sont en quantité et en qualité
diverses en témoignent les agents du C.N.R.A.. C'est surtout dans la
zone entre Soubré et Méagui dans les campements des
localités d'Oupoyo et de Robert porte qu'on peut observer des champs de
3 à 5 ha associant orangers et
13 Pate molle de manioc, obtenue après grillage
des racines, épluchage, fermentation et enfin pilage.
avocatiers14. D'autres combinaisons comme
légumes (tomates, aubergines, gombos...) et fruits (mandarine, orange
avocat ...), les premiers étant à l'ombre des seconds existent.
De plus en ce qui concerne les éléments nutritifs, il y a une
certaine compensation ou complémentarité comme les avocatiers qui
puisent le trop d'eau nuisible aux tomates.
Par rapport à l'espace utilisé de
l'exploitation, les superficies vivrières diminuent avec les
années. Si, pendant les trois premières années de mise en
valeur la plantation est vivrière à 100 %, une plantation de 7
ans a, en moyenne, 38,5 % de sa surface en vivriers et une plantation de 12
ans, 21,9 % selon des parcelles témoins de l'A.N.A.D.E.R.
3.3. Evolution et nouvelles tendances
Pendant la phase pionnière d'économie de
plantation, les cultures vivrières et les caféiers et cacaoyers
sont co-plantés après le défrichement de la forêt ;
deux ou trois années plus tard, les cultures vivrières laissent
la place aux seuls caféiers ou cacaoyers. La production vivrière
est alors gênée par l'extension progressive des plantations.
Lorsque la forêt a disparu (blocage de l'extension des plantations), les
planteurs commencent à pratiquer un système vivrier à
jachère, soit sur une parcelle de forêt noire
préservé à cette fin, soit après l'abattage de
plantations de-venues improductives. La reconversion de l'économie
agricole villageoise conduit à une diversification des formes
d'insertion des cultures vivrières dans les systèmes de culture,
du fait soit d'une association (temporaire) ou d'une succession cultures
vivrières - nouvelles plantations, soit d'un maintien du système
à jachère. L'évolution n'a pas concerne uniquement les
modalités de l'insertion des cultures vivrières dans le terroir
villageois ; les cultures pratiquées ont également varié
dans le temps. A l'époque pionnière, le bananier plantain,
l'igname et le taro étaient les principales cultures d'autoconsommation,
donnant également lieu à des ventes ; le manioc -
variété amère - plante à faible densité dans
la parcelle d'igname était destiné uniquement à la
consommation familiale.
14 Selon les agents du C.N.R.A., cette zone couvre 27%
des superficies cultivables, proportion qui est la plus importante parmi les
surfaces en cultures.

Photo 3.1 et 3.2 : Associations Igname-Maïs (dans un champ)
et Riz-Banane Plantain (dans un bas fonds) (Source : DAGOU, 2009)
Comme on peut le voir sur la photo 3.1, les associations de
cultures sont courantes pour palier les mauvais rendements mais aussi pour
juguler le contraste entre augmentation des individus à nourrir et
saturation foncière. Ici on voit sur un même espace mais manioc
(en arrière plan), ignames en buttes manioc récolté et
attente d'être planté. Cette prise de vue date du 11 juin 2009
à 6h47 où le paysan rencontré nous confie qu'étant
polygame et n'ayant plus de terres, chacune de ses femmes veut avoir une
culture qui lui est propre. Pour lui, c'est donc la polygamie et le manque de
terres qui sont les raisons de la compétition spatiale entre les
cultures. La fin des défrichements sur forêt a conduit à
une forte réduction du bananier et du taro, cultures devenues
marginales. La culture de l'igname continue à être
pratiquée mais avec des résultats qui, selon les planteurs, sont
moins bons qu'à l'origine. La photo 3.2 montre aussi une association de
maïs-banane plantain et du riz dans un bas-fond. En faite on peut donc
associer et c'est d'ailleurs ce qui est courant, le maïs avec tous types
de cultures. On comprend pourquoi l'utilisation d'engrais s'intensifie chez
ceux qui la pratique en culture pure.
L'introduction d'une variété de manioc doux (le
Bonoua rouge) a présenté dans ce contexte un double avantage.
D'une part, cette variété plus productive et plus
appréciée que la variété amère a permis de
pallier la réduction des productions vivrières traditionnelles
d'autoconsommation. D'autre part, il s'agit d'une production pour laquelle
existe une demande des centres urbains proches (Soubré, San Pedro) et
présentant de nombreux avantages culturaux, ce qui a favorise son
développement comme culture commercialisée. Quatre cultures
vivrières dominent actuellement, spatialement et économiquement :
le manioc, l'igname, le maïs et la patate douce. On distingue deux
principaux systèmes vivriers culturaux : un système
maïsmanioc-jachère et un système
igname-manioc-jachère, la culture de la patate douce pouvant
venir se greffer sur ces systèmes. 72 % des
producteurs-propriétaires fonciers pratiquent le système
igname-manioc-jachère, contre 28 % seulement des producteurs sans terre.
Que l'igname soit peu cultivée par les producteurs sans terre,
s'explique par la conjugaison de plusieurs facteurs.... La durée
minimale de jachère de trois années que requiert, selon les
producteurs, la culture de l'igname, représente une contrainte certaine
dans contexte de pénurie de terre. Les producteurs-propriétaires
fonciers non «bloqués» peuvent assurer une durée de
jachère suffisante pour une production d'igname, même
médiocre, alors que lorsque la parcelle est louée, la
jachère peut avoir été d'une duré bien inferieure.
Par contre le manioc, la patate douce et le maïs peuvent être
plantés sur une jachère de courte durée.
Tableau 3.2 : Comparaison des productions vivrières par
localités
PRODUITS VIVRIERS
|
MEAGUI
|
OUPOYO
|
GNITITOUAGUI 2
|
ROBERT-PORTE
|
TOUAGUI 2
|
TOTAUX PAR PRODUITS
|
TONNAGES
|
TONNAGES
|
TONNAGES
|
TONNAGES
|
TONNAGES
|
IGNAME
|
10070
|
31,13%
|
5070
|
15,67%
|
9070
|
28,04%
|
2070
|
6,40%
|
6070
|
18,76%
|
32350
|
11,36%
|
BANANE PLANTAIN
|
9620
|
29,88%
|
6620
|
20,56%
|
6720
|
20,87%
|
3620
|
11,24%
|
5620
|
17,45%
|
32200
|
11,31%
|
MANIOC
|
7970
|
28,62%
|
2970
|
10,66%
|
8970
|
32,21%
|
2970
|
10,66%
|
4970
|
17,85%
|
27850
|
9,78%
|
RIZ
|
12270 52,55%
|
3270
|
14,00%
|
3270
|
14,00%
|
3270
|
14,00%
|
1270
|
5,44%
|
23350
|
8,20%
|
MAIS
|
6140 38,86%
|
1140
|
7,22%
|
5190
|
32,85%
|
2190
|
13,86%
|
1140
|
7,22%
|
15800
|
5,55%
|
ARACHIDE
|
2500
|
21,74%
|
1500
|
13,04%
|
3500
|
30,43%
|
3500
|
30,43%
|
500
|
4,35%
|
11500
|
4,04%
|
GRAINE
|
1820
|
17,06%
|
2220
|
20,81%
|
2820
|
26,43%
|
2990
|
28,02%
|
820
|
7,69%
|
10670
|
3,75%
|
AVOCAT
|
1800
|
8,45%
|
5800
|
27,23%
|
5100
|
23,94%
|
7800
|
36,62%
|
800
|
3,76%
|
21300
|
7,48%
|
MANDARINE
|
1300
|
6,63%
|
4900
|
25,00%
|
4200
|
21,43%
|
8700
|
44,39%
|
500
|
2,55%
|
19600
|
6,88%
|
ORANGE
|
4200
|
17,50%
|
7200
|
30,00%
|
2200
|
9,17%
|
9200
|
38,33%
|
1200
|
5,00%
|
24000
|
8,43%
|
GOMBO
|
1200
|
5,72%
|
4120
|
19,63%
|
1200
|
5,72%
|
6200
|
29,54%
|
8270
|
39,40%
|
20990
|
7,37%
|
OIGNON
|
2230
|
21,97%
|
230
|
2,27%
|
230
|
2,27%
|
5230
|
51,53%
|
2230
|
21,97%
|
10150
|
3,56%
|
PIMENT
|
1200
|
6,93%
|
1770
|
10,23%
|
1570
|
9,07%
|
8570
|
49,51%
|
4200
|
24,26%
|
17310
|
6,08%
|
TOMATE
|
2222
|
12,55%
|
2120
|
11,98%
|
2120
|
11,98%
|
5120
|
28,92%
|
6120
|
34,57%
|
17702
|
6,22%
|
64542 48930
|
56160 71430 43710 284772 100,00%
|
Source : O.C.P.V, Mars 2010
SOn peut voir une specialisation des
localités : Pour les féculents, Méagui (Igname :
31,13%)
Gnitouagui 2 (Banane plantain : 28,04%) et Touagui 2 (Manioc :
18,76%) ; Pour les céréales, 8% 0 20 36 1 %
Méagui (Riz : 52,55% et Mais : 38,86%) ; Pour les
oléagineux, Gnititouagui 2 (Arachide : 30,43%), Robert-Porte (Arachide :
30,43% et Graine : 28,02%) ; Pour les fruits, Robert-Porte 722% 15800 555%
(Avocat : 36,62%, Mandarine 44,39% et Orange : 38,33%) ; Pour les
cultures maraichères 0 8 %
Touagui 2 (Gombo : 39,40% et Tomate : 34,57%), Robert-Porte
(Oignon : 51,53%, Piment : , ,% , %
49,51% et Tomate : 28,92%). Il est vrai que dans ce tableau, nous
avons mis en exergue les 900 3833% 1200 500% 2000
8e3% cultures les plus importantes dans les villages d'études. Le riz
est une culture jeune, qui pro-
gresse rapidement dans le cadre de l'autoconsommation paysanne
mais aussi dans celui de 1% 20 1 2% 2 ,5% 0
%l'approvisionnement urbain. Pour l'igname aussi, de gros
débouchés urbains, mais ces besoins
64542 48930 5610 1430 43710 284772 10000%
sont trop aisément couverts pour bouleverser les cadres
de production. Le seul accident dans la
géographie de l'igname n'est pas l'expression d'un
dynamisme propre à l'igname, mais celle d'un phénomène
démographique : les migrations Baoulé (Haeringer 1972, p 207). Le
maïs est un appoint partout apprécié et s'associe sans
problème à toute culture de même que le manioc. Toutefois,
il est à remarquer un nivellement de l'intensité de ces cultures.
Cela est dû à la compétition spatiale et aux habitudes
alimentaires qui tendent à se porter vers les tubercules et les
céréales, en particulier le manioc et le riz.
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