4. L'organisation spatiale
Comme Paul Claval (1977, p 124) le disait << la nouvelle
géographie est ainsi conduite à s'interroger de plus en plus sur
les rapports entre l'organisation sociale et l'ordre spatial ».
L'agencement de différentes composantes de l'espace de Méagui qui
constitue son organisation spatiale, peut être modifié par la
dynamique du vivrier. Leurs influences peuvent être lues à
différents niveaux. En premier lieu sur l'offre par
l'amélioration des échanges, donc la disponibilité
alimentaire; puis sur l'environnement économique général
en favorisant l'emploi et le pouvoir d'achat, donc l'accessibilité
à la nourriture; et enfin sur les circuits commerciaux par
l'amélioration de leur efficacité.
> La production et les échanges, donc la
disponibilité alimentaire
La croissance de la demande alimentaire urbaine entraîne
une concentration très forte d'activités et de marchandises vers
les villes. Ce qui a pour effet de stimuler l'émergence de nouvelles
formes d'exploitation ou de valorisation des espaces de l'hinterland.
D'abord elle permet la valorisation des bas-fonds,
jusque-là délaissés par l'arboriculture mar- chande. A
l'échelle régionale, apparaissent des zones de production plus ou
moins spécialisés
et organisées en auréoles concentriques, avec au
moins trois secteurs : une zone centrale, intra ou périurbaine, dans
laquelle est développée les cultures valorisant fortement le sol,
cultures maraîchères et rizicoles ; une auréole où
l'emportent les denrées comme le manioc, parfois accompagné
d'igname ; au-delà, une dernière auréole, où
l'agriculture locale est fortement étendues banane, ou igname
(Chaléard 1996, p 47). Ce qui frappe aujourd'hui dans cette population,
c'est bien d'une part, le nombre croissant de marchands ambulants
itinérants ou semiitinérants et occasionnels et, d'autre part, la
forte mobilité spatiale des vendeurs installés. Les distinctions,
opératoires autrefois, entre sédentaires et ambulants,
réguliers et occasionnels, deviennent de plus en plus floues. Wilhelm
ajoute que l'image du vendeur à l'étal attendant son client et de
l'ambulant se portant au devant de celui-ci, est aujourd'hui totalement
brouillée ( Wilhem 1997a, p 33). Pour ce qui est des aires
d'approvisionnement, le cas de Méagui suggère la
prévalence des circuits longs sur les circuits courts pour le
ravitaillement du centre urbain qu'est Abidjan. Autrement dit,
«l'augmentation de la demande alimentaire urbaine n'a pas conduit au
développement d'une intense agriculture périurbaine, mais
à la stimulation de l'offre en zones rurales relativement
éloignées». (Oyep 1997).
> L'environnement économique, en favorisant l'emploi et
le pouvoir d'achat
La détérioration des conditions
économiques fait augmenter la pression sociale: le chômage pousse
une masse sociale consistante vers l'activité commerciale, à la
recherche d'occupations et de sources additionnelles de revenus. Ceux qui
perdent leur emploi dans le secteur moderne se créent au niveau du
secteur informel une autre source de revenu. C'est ainsi que l'investissement
dans la restauration est devenu, pour bon nombre de licenciés, une
alternative au chômage (Akindès 1991, p 172). On assiste au
développement de la restauration populaire de type informel. Ces
restaurants sont en général alimentés par du vivrier de
moindre qualité ou à la limite de la conservation. Pour
Akindès (1991, p 160), l'agrandissement de la ville, conjugué au
rythme de vie urbain et à la faiblesse des moyens de transport,
enlève aux travailleurs et à la population scolaire la
possibilité de prendre leurs repas à domicile. D'ou une
orientation vers la restauration populaire où les prix peuvent
être négociés en fonction du pouvoir d'achat.
> Les circuits commerciaux, par l'amélioration de leur
efficacité.
Selon Moustier (1990 ; p 89): «L'analyse du
système de commercialisation révèle une organisation,
à l'amont et à l'aval, adaptée à un contexte de
forte incertitude, à un marché du crédit et à une
information sur l'offre très imparfaits ». Les réseaux
commerciaux atomisés, où les relations personnalisées
permettent une bonne circulation de l'information entre producteurs et vendeurs
et des relations de crédit, sont plus efficaces qu'une organisation
centralisée et ano-
nyme. D'autre part, l'existence de points de vente en gros,
souvent informels, permettent une confrontation des transactions, et
l'intensification de marché de gré à gré. Pour
Nassa (2007), cette activité engendre des effets induits très
diversifiés sur l'organisation de l'espace. Ainsi le
développement de l'espace marchand donne lieu à
l'étalement de la ville. La ville prend donc du volume grâce aux
marchés routiers et à leur croissance.
Des recherches en Afrique centrale ont été
initiées par Pierre Vennetier (1972, p 63). Il met en avant la
polarisation de l'espace géographique où l'alimentation des
citadins dépend d'apports lointains, ce qui entraîne des
difficultés de ravitaillement et un rôle croissant pour les
transports. Se référant à l'évolution des fronts
pionniers, Chaléard (1996, p 207) constate des localités
nouvelles se créer à partir des centres, devenues en quelques
années des agglomérations de plus de 5000 habitants, comme
Méadji (dans le Sud-ouest) ou Flakièdougou (dans le Nord-est),
à partir desquels opèrent des marchands qui rassemblent la
production avant de l'expédier sur Abidjan ou Bouaké.
Chaléard montre l'importance du transport dans la capacité de
réponse des agricultures vivrières locales à la demande
des villes, mais également celle des flux d'échange entre
agglomérations urbaines et campagnes qui ne sont pas limités
à des flux alimentaires à sens unique.
En somme, la littérature sur notre sujet a
été abordé dans ces différentes parties prisent
individuellement. La production vivrière embryonnaire à
l'époque est spécialisée par ethnie est déjà
évoquée. Les transports dans la région, a fait l'objet
d'étude mais à une époque ou l'activité n'avait pas
grande ampleur. Bien que des marchés existent dans la région, ils
n'ont pas fait l'objet d'étude à notre connaissance ainsi que
l'organisation spatiale. Elle a été intégrée par
Chaléard4 dans un cadre plus global du département de
Soubré sur le plan géographique et sur le plan sociologique par
Schwartz5. De plus, l'actualisation de ces connaissances dans le
cadre plus spécifique de la région de Méagui sur les
produits vivriers n'est pas encore documentée. La mise en
évidence dans cette région du jeu complexe des acteurs du
commerce qui combinent : une diversité d'espaces de ravitaillement et de
redistribution ; une gamme de produits adaptée à
l'instabilité dans le temps de la production et une dissémination
des espaces cultivés conduit à notre problématique.
4Temps des villes, Temps des vivres. L'essor du
vivrier marchand en Côte d'Ivoire. Paris, Karthala, 661 p
5 Sous-peuplement et développement dans le
Sud-ouest de la Côte d'Ivoire : Cinq siècles d'histoire
économiques et sociales, Paris, ORSTOM, 488 p
PROBLEMATIQUE
La planète est-elle capable de nourrir un nombre
d'habitants en croissance constante ? Telle est la question-clé de notre
actualité, qui se traduit partiellement en termes de géographie
rurale de la façon suivante : Quels seront les nouveaux rapports
villes/campagnes ? Comment nos recherches géographiques peuvent-elles
s'intégrer dans cet ensemble ?
La géographie rurale a gardée le
privilège de concerner des territoires bien circonscrits : « les
espaces hors des villes ». Elle donne à chacun d'y observer les
évolutions et les ruptures provoquées par l'ensemble des
conditions endogènes et exogènes (Bonnamour, 2003). Nous avons
choisi la Côte-d'Ivoire pour observer ce dynamisme. Elle connaît
depuis plusieurs décennies une croissance urbaine spectaculaire : le
pourcentage de citadins dans la population totale est passé de 3 % en
1940, à 15 % en 1958 et à plus de 50 % dans les années
1990. Ce mouvement s'est traduit par une demande accrue en produits
alimentaires, qui a provoqué, en dépit d'un recours non
négligeable aux importations, des mutations dans les campagnes. Le
relatif développement économique qu'elle a connu dans les
années 1960 et 1970 était essentiellement lié à sa
performance agricole basée sur le binôme café-cacao. Selon
le Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté
(D.S.R.P version 2009), la Côte d'Ivoire est un pays dont 57% de la
population vit en milieu rural. L'agriculture y représente
l'activité principale avec 2/3 des recettes d'exportation et 2/3 des
emplois. Elle contribue pour 27% du PIB et a permis de générer
des revenus pour l'Etat ; les producteurs et les exportateurs ; et a
contribué au développement des secteurs secondaire et tertiaire.
Le secteur vivrier occupe 85% de la population active agricole dont 90% sont
des femmes. Les principales cultures vivrières sont le riz, l'igname, le
manioc, la banane plantain, le maïs et les légumes. La production
vivrière, estimée à 9 000 000 de tonnes en 2006, occupe
une superficie de 2 448 000 ha.
A partir de 1980, dans le cadre du Plan d'Action de Lagos, est
lancé le mot d'ordre d'autosuffisance alimentaire. Il faut attendre la
fin de cette année avec le projet soja, auxquels sont associés le
riz et secondairement le mais et l'igname, pour que les cultures
vivrières prennent de l'importance. Il s'agit à la fois d'assurer
la nourriture des ivoiriens en réduisant les importations. Ainsi
plusieurs zones de production ou fronts pionniers sont misent en place et
identifiés notamment les régions forestières avec la
production de banane plantain, de riz, d'igname et de manioc. De plus le
désenclavement du Sud-Ouest forestier par le projet A.R.S.O avec la
réinstallation des populations déplacées et l'ouverture du
port de San-Pedro en 1972, entraîne l'apparition du dernier front
pionnier (N'gotta, 2010), dont fait partie Méagui. Par le
développement d'une production destinée à nourrir les
villes, les cultures vivrières apparaissant de plus en plus comme de
véritables cultures spéculatives (Douka 1981, p 125)
avec la hausse continue et soutenue de la demande urbaine. En
effet, l'insuffisance de l'offre nationale en produits alimentaires rend
vulnérable notre système alimentaire. Dès lors il devient
important de se pencher sur les greniers ou plus précisément les
bassins de productions vivrières en Côte d'Ivoire au nombre
desquelles se trouve la région de Méagui.
Le choix de cette région s'est fait sur la base d'une
pure curiosité scientifique. Celle-ci a été
renforcée par rapport à son importance sociodémographique
(population hétérogène) et économique (cultures de
rentes). Elle constitue aujourd'hui une zone très stratégique
pour le pays du fait de son statut de boucle des produits d'exportation en
particulier le cacao. Du point de vue démographique, la localité
compte un fort potentiel humain (42914 habitants en 1998 (I.N.S. 1998) pour une
superficie de 362 Km2 soit une densité de 118 habitants au
Km2). On y rencontre une forte présence de communautés
allogènes et étrangères constituées de plusieurs
couches ethniques ivoiriennes (Baoulé, Yacouba) et de ressortissants des
pays de la C.E.D.E.A.O (Guinéens, Maliens, Burkinabés,
Togolais...). Ces populations sont les plus importantes de la localité
(96% de la population totale). Sur le plan naturel, la localité
bénéficie d'un climat véritablement humide avec une
pluviométrie très élevée (2000mm de pluie en
moyenne) qui rythme bien la vie des planteurs et les travaux champêtres.
Le relief est constitué de nombreux bas-fonds argileux qui sont
favorables aux cultures vivrières. L'abondance des pluies, la richesse
du sol et surtout l'immensité de la forét lui confère de
nombreuses aptitudes culturales et font de cette zone un lieu de
développement agricole.
Au sujet de vivrier, Chaléard (1990, p 324) affirmait
qu'autour de Méagui, les ventes sont importantes en tonnages mais
faibles en valeur, les prix étant très bas, et les pertes dans
les champs considérables. Les paysans producteurs sont en situation de
faiblesses dans le négoce locale puisqu'incapable de vendre ou
d'acheminer leurs récoltes sur d'autres centre de collecte comme celui
de Yabayo. Les commerçantes se retrouvent souvent en situation de
monopsone6 pour certains produits difficiles de conservation
(maraicher et fruits). Dès lors, le faible pouvoir d'achat local et le
bon état relatif des axes routiers sont ici les causes principales de
l'attrait des villes comme Abidjan. Ainsi, nous avons cherché à
savoir comment une région de cultures de rente, fourni-t-elle
une production vivrière et organise un commerce au-tour de cette
production ?
6 Etat d'un marché où le jeu de
concurrence est faussé au niveau de la demande du fait de la
présence d'un seul acheteur.
3. Objectifs de l'étude
- Objectif général : La présente
étude veut contribuer à une meilleure connaissance du bassin
vivrier de la région de Méagui.
- Objectifs spécifiques :
_ Identifier la nature des produits vivriers et évaluer
leur importance dans la région de Méagui _ Analyser
l'organisation des acteurs autour de l'activité vivrière ;
_ Décrire les circuits de commercialisation des produits
vivriers et les dysfonctionnements liés à cette
filière.
4. Hypothèses de l'étude
Première hypothèse : Les féculents et les
fruits sont les principales denrées produites dans le bassin vivrier de
Méagui.
Deuxième hypothèse : La faible autonomie
financière des producteurs et de détaillants à
l'égard des grossistes freine l'essor du commerce des produits
vivriers.
Troisième hypothèse : L'inadéquation des
moyens de transport et les tracasseries routières limitent les
quantités de produits vivriers qui transitent par les principaux
circuits commerciaux.
METHODOLOGIE DE COLLECTE ET TRAITEMENT DES
DONNEES
La méthodologie suivie dans le cadre de cette
étude se base sur trois éléments fondamentaux. Il y a
d'abord, l'échelle des unités d'observation puis de la
collecte des données décomposées en phase exploratoire et
en une phase de terrain et enfin le traitement et l'analyse des données
recueillies.
1. Echelle d'étude et unités
d'observation
La démarche de base de cette recherche est simple : il
s'agit de noter la manière dont les hommes emploient leur temps et
utilisent l'espace. Elle se fait donc dans un cadre spatial limité
à la sous-préfecture de Méagui et plus récemment
celle d'Oupoyo. Donc pour nous, ces deux circonscriptions constituent la
région de Méagui. On y note la nature de l'activité, le
lieu où il se déroule, les flux qu'elle implique ou qu'elle
crée, les relations proches ou lointaines qu'elle met en oeuvre. Comme
cette région n'est pas en autarcie, les marchés de Yopougon,
d'Adjamé et d'Abobo, lieu de destinations de ces flux ou de ces
relations constituent d'autres lieux à l'échelle de la
commune.
Dans le but de vérifier les hypothèses, plusieurs
unités d'observation ont été retenues.
- Concernant l'origine et la nature des produits vivriers
vendus sur les marchés de Méagui, nous allons d'abord mener nos
observations dans les plantations, les bassins de production (Méagui et
villages ciblés), ensuite sur les marchés de la ville qui les
réceptionnent.
- Quant au fonctionnement du bassin et ses composantes, les
acteurs, les voies et moyens de communications, les ventes sur les
marchés et les points d'activités économiques ont servi
d'unité d'observation.
- Pour l'impact de ce bassin sur le développement de
l'espace de Méagui, nous avons évalué l'intensité
du commerce, le nombre de convoies de vivriers destiné à Abidjan,
observé le cadre de vie des populations de la région de
Méagui ainsi que le niveau d'équipements.
2. La collecte des données
La documentation utilisée peut classer en deux
séries. La première rassemble celles qui appartiennent
déjà à la géographie, les monographies locales ou
régionales et les études à portés
géographiques. La seconde, pose les problèmes plus
délicats des informations extérieurs à elle mais
indispensables pour son information tels les recueils statistiques, les
études économiques sociologiques ou ethnographiques. Nous avons
dans un premier temps, recherché la documentation composée
d'ouvrages généraux et de référence sur la question
du vivrier au sens large.
L'autre étape a été la recherche de
données primaires par des enquêtes de terrains vue l'obsolescence
des chiffres et la prise en compte des réalités actuelles.
2.1. La préparation de l'enquête
:
L'objectif était d'être mieux équipé
face à des interlocuteurs peu disposés à perdre du temps.
La phase préliminaire se décompose en recherche documentaire et
entretiens exploratoires.
2.1.1. La recherche documentaire
Cette documentation a contribué à nous faire
comprendre le sujet dans sa globalité. Les ouvrages consultés
proviennent respectivement de la bibliothèque de l'Institut de
Géographie Tropicale (I.G.T.) de l'Université de Cocody Abidjan,
des bibliothèques de l'Institut Recherche pour le Développement
(I.R.D.) pour les articles et travaux d'enseignants et étudiants sur la
géographie rurale (épistémologie, méthode,
perspectives de recherche...) et sur le vivrier (nomenclature,
évolutions, répartitions régional...). A l'Institut
National des Statistiques (I.N.S.) des données sur l'évolution
(1975-1998) de la population des localités d'étude (sexes,
ethnies, nationalités, activités). Auprès des directions
de l'Office d'aide à la Commercialisation des Produits Vivriers
(O.C.P.V.), du Ministère de l'Agriculture et la Production Animale
détaché à Méagui et de l'Agence Nationale d'Appui
au Développement Rural (A.N.A.D.E.R.), nous avons obtenus les
données sur l'agriculture (types de produits, provenance, destination,
prix sur le marché, état de l'utilisation des espèces
améliore et des engrais). A cette liste, il faut ajouter les archives de
la mairie et de la sous-préfecture de Méagui pour des organismes
internationaux.
2.1.2. Les entretiens exploratoires
En complément à la lecture de ces documents et
dans l'objectif de nous familiariser avec le terrain étudié, nous
avons fait une reconnaissance durant le mois d'octobre 2008 pour connaitre
l'espace d'étude. Cette pré-enquête a eu pour but de faire
l'état des lieux en répertoriant les différentes
unités d'observation nécessaires à notre étude et
à tisser des premiers contacts. C'est aussi par ce biais que nous avons
« négocié » notre entrée dans l'univers des
chargeurs, des déchargeurs et des porteurs.
En juin 2009, nous y avons fait un très court
séjour pour rencontrer le responsable de l'O.C.P.V. (pour obtenir des
données chiffrées) et la responsable d'une coopérative
agréée. Ainsi, dès notre arrivée à
Méagui, nous avons cherché à faire la connaissance des
différents responsables de certains services tels que l'A.N.A.D.E.R. et
l'O.C.P.V. Dans ces différents
services, nous basant sur les premières informations
livrées (2007-2008), nous avons établi l'inventaire des zones de
production et estimé les volumes des produits convoyés vers les
marchés urbains.
2.1.3. Variables d'analyse
Les unités d'observation ainsi définies, nous
avons privilégié trois grands groupes de variables pour mener les
enquêtes. Ces différentes variables serviront à renseigner
nos hypothèses afin de les infirmer ou de les confirmer.
-Variables relatives aux caractéristiques
démographiques
Pour étudier ce bassin, un préalable est de
connaitre les acteurs qui animent les activités de ce bassin de
ravitaillement. Il a donc été primordial de renseigner les
variables suivantes :
Le sexe ; La tranche d'age ; Le niveau d'instruction ; La
première profession ; Le village d'origine ; La situation matrimoniale ;
Le nombre d'enfants et de résidents ; et L'ethnie. Pour cette variable
« ethnie», la question n'était pas posée mais
renseigner de façon informelle.
-Variables relatives à la nature, à
l'origine et l'ampleur des produits vivriers.
Pour collecter des informations portant sur la nature de ces
denrées, nous nous sommes intéressés aux types de produits
vivriers cultivés dans la région de Méagui et
convoyés sur les marchés. Cette étape permet de faire la
classification de ces denrées alimentaires et d'observer leur
état et leur fréquence. En outre, pour être fixé sur
l'origine de ces cultures, il faut identifier les producteurs intervenant dans
la production vivrière pour être situé sur les types de
produits cultivés, la pratique de leur activité champêtre
et sur l'évaluation des volumes produits.
Pour apprécier l'ampleur de la mise en valeur des terres,
l'intérêt sera porté sur :
-La taille des exploitations ;
-Les superficies cultivées et leurs rendements,
-Le temps de rotation des cultures et calendrier agricole ;
-L'investissement réalisé et revenus obtenus ;
-La place du vivrier dans le système de production global
des agriculteurs.
Aussi, le niveau d'encadrement des producteurs aidé
à comprendre l'environnement dans lequel cette activité se
pratique. A ce stade, les données de l'A.N.A.D.E.R. et l'O.C.P.V. ont
été d'une grande utilité.
-Variables liées aux acteurs et au fonctionnement
du bassin de ravitaillement.
Il faut préciser que les producteurs ont été
identifiés plus haut. Aussi, un préalable sera de faire un
inventaire des acteurs du transfert des produits vivriers vers la ville et leur
importance res-
pective dans le fonctionnement du bassin de ravitaillement
(Méagui) et des marchés Abidjanais.
Pour appréhender le fonctionnement de ce bassin, les
variables choisies sont : Le réseau de transport utilisé pour les
échanges vivriers;
-Les potentialités non utilisées de réseaux
;
-Les flux des produits depuis le producteur jusqu'à la
ville: entrepôts et marchés, volumes, étapes et ruptures de
charge ;
-L'état des véhicules ;
-La formation des prix et les marges obtenues par les
différents acteurs le long des flux observés.
Cela a conduit à visiter les lieux suivants : les
différentes gares routières, Les lieux de stationnement des
véhicules, aux abords des marchés et aux différents lieux
de productions dans les champs pour saisir les modes de transport en
vigueur.
Pour comprendre la stratégie commerciale des
détaillants et des grossistes, les variables suivantes sont retenues
:
-Les lieux de provenance et de destination ;
-Les produits les plus convoyés ;
-Les lieux d'approvisionnement ;
-Les relations avec les autres acteurs ;
-Les organisations, et Les difficultés
rencontrées. Ces informations vont permettre de comprendre si les
acteurs opèrent individuellement ou en réseau sur les aires de
commerce et s'ils appartiennent à des organisations de
commerçants et de savoir les lieux d'approvisionnement.
Au niveau des marchés, les variables sont :
-Les modalités d'installation,
-Les lieux de stockages (entrepôts et marchés) et de
conditionnements ;
-La répartition géographique des activités
des détaillants.
Cela servira pour appréhender les procédures
d'installation des détaillants et des grossistes exerçant dans le
domaine du vivrier et d'être situé sur le genre de places qui leur
sont attribués dans les différents marchés.
- Variables liées à la commercialisation et
à l'ampleur de ce commerce.
Une importance particulière sera accordée à
la description et à l'explication de l'organisation des espaces avec
pour principale variable l'extension spatiale de la ville.
L'aide des services techniques de la mairie de Méagui a
permis de percevoir l'impact de cette filière sur le
développement du bassin de ravitaillement (Méagui et ses
villages). Les variables retenues sont :
-L'état des lots mis en valeur et /ou partiellement mis en
valeur ;
-Répertorier les équipements,
-Évalué l'état de la voirie, de l'habitat et
des infrastructures socio-économiques. Auprès des ménages
de la région de Méagui, comme variables on a :
-La consommation alimentaire et son évolution ;
-Une estimation de l'utilisation des revenus de la production
vivrière commercialisée. Á Abidjan, les marchés de
Treichville, de Youpogon, d'Abobo et d'Adjamé seront visités
ainsi que les acteurs qui y opèrent et les coopératives. Les
espaces particuliers comme Abobogare et Yopougon-gare seront parcourus. Les
variables retenues sont :
-Le type et le volume de vivrier en provenance de Méagui
et de sa région ; -La fréquence et la période de
ravitaillement ;
-La suffisance en quantité et en qualité de la
desserte et lacunes dans le réseau.
Tout ceci aura pour but d'évaluation de la
quantité et la qualité de l'approvisionnement en provenance de la
région de Méagui. Les commerçantes-voyageuses qui
descendent des cars seront interviewées.
2.2. L'enquête proprement dite.
2.2.1. Echantilonnage
Nous avons la structure de la population selon les documents
du Recensement Général de la Population et de l'Habitat de 1998.
Cela constitue notre base de sondage et notre choix se porte sur les
méthodes empiriques. Cette base de sondage n'est pas une statistique
récente et occulte certaines réalités comme les nouveaux
bassins de productions. Déjà en 1977, Claval (1977, p 43) notait
que « les recensements (...) négligent certains aspects essentiels
de la vie des groupes». Ils convient donc de mobiliser d'autres sources.
De plus, le fait que notre es-pace d'étude comprend des villages
disséminés dont on ne connait pas le nombre exact de chef de
ménages nous impose d'utiliser la méthode des quotas. Elle
utilise le raisonnement pour opérer le choix à partir de
critère défini de telle manière à avoir tous les
cas de situation possible dans notre échantillon. Ainsi, l'accent sera
mis sur le choix des villages, des chefs de ménage ayant une
exploitation.
-Choix des villages
Il s'est fait parmi les villages que compte la sous
préfecture de Méagui : dans le secteur communal et dans le
secteur non communal (I.N.S. 1998). Les critères utilisés sont la
taille, le type de cultures et la proximité de la voie principale qui
est bitumée.
- La taille : il s'agit de l'effectif des populations issues des
statistiques du recensement général de la population et de
l'habitat fait en 1998.
- Le type de cultures : La répartition en fonction du
type de culture a pu être possible grâce aux données issues
de l'O.C.P.V. (2007-2008). Dans ces statistiques, nous avons retenues
après traitement les zones de grandes productions de différentes
cultures (féculents, fruits, maraichers, oléagineux et
céréales).
- La proximité de la voie principale : la notion de
prix de transport et l'accessibilité des zones de production ont
été privilégiée. En effet, la plupart de ces zones
de production sont situées en bordure de la voie bitumée. Pour
voir quelle est l'influence de cette voie sur l'accès des produits
vivriers aux marchés, un village dont l'accès est difficile est
choisi : Gnititouagui 2.
En croisant ces différents critères, nous avons
choisit d'enquêter 10% de l'ensemble des ménages de 5 villages. Ce
choix est guidé par la contrainte financière et le temps imparti
à cette étude. La répartition est la suivante :
Tableau 0.1 : Constitution de notre échantillon
d'études
|
Localités
|
Populations résidentes
|
Ménages i enquêter
|
Proportions
|
Secteur communal
|
Méagui
|
3282
|
3282*10%
|
|
328
|
328/586 * 100 55,97%
|
Touagui 2
|
753
|
753*10%
|
|
75
|
75/586 * 100 12,80%
|
Secteur non communal
|
Oupoyo
|
1291
|
1291*10%
|
|
129
|
129/586 * 100 22,01%
|
Robert-Porte
|
222
|
222*10%
|
|
22
|
22/586 * 100 3,75%
|
Gnititouagui 2
|
323
|
323*10%
|
|
32
|
32/586 * 100 5,46%
|
|
5871
|
586
|
|
|
100,00%
|
Source : (I.N.S., 1998)
-Choix des acteurs
L'approche par l'acteur est privilégiée pour
confronter les logiques et les pratiques antagonistes. Les données ont
été recueillies auprès des producteurs, des
commerçants grossistes, des détaillants et des chauffeurs ou
propriétaires de véhicules. Le choix de réaliser trois
types d'enquêtes s'explique par la complexité de l'objet et de la
société étudiée et le souci de contribuer au mieux
à la compréhension du système.
- L'enquête auprès des grossistes : Pour
étudier les réseaux, nous avons considéré
comme grossistes dans les différentes filières, ceux qui font
le va-et-vient entre les zones de produc-
tion et la ville de Méagui d'une part et les
marchés Abidjanais d'autre part. De manière
générale, il s'agit de 12 commerçants grossistes choisis
à partir du nombre de déplacement et qui travaillent avec
plusieurs partenaires en ville ou à la campagne. Nous n'avons pas retenu
le chiffre d'affaires dans la mesure où cela était impossible
à établir avec la méme fiabilité pour tous les
commerçants mais plutôt le type de produits commercialisés,
la zone d'approvisionnement, le marché fréquenté, le
nombre de chargements par semaine effectués dans les lieux de collecte
pour approvisionner un marché.
- L'enquête auprès des détaillants inclue
les vendeuses de rue, il s'agissait de mieux cerner les pratiques de survie des
populations urbaines les plus pauvres. Pour cette catégorie d'acteurs,
il n'y avait pas de base de sondage possible pour l'effectif des vendeurs
à enquêter ou la taille de l'échantillon. Parce que la
majeure partie de la population de la ville pratique cette activité,
nous avons optés pour un échantillon par grappes en retenant
comme critère d'échantillonnage le produit vendu, le
marché fréquenté à Méagui et l'importance du
commerce des vivres frais sur le marché considéré. Nous
avons enquêtés 180 acteurs.
- L'enquête auprès des chauffeurs et des
propriétaires de véhicules de transport reflète leur
rôle fondamental. En raison de la grande mobilité de ces acteurs,
nous avons utilisés la technique des échantillons
stratifiés en fonction de la catégorie de transport (transport
urbain, interurbain ou entre la ville et les villages) et de la zone
fréquentée (axe Soubré-Méagui ou axe Méagui
San-Pédro). Cette enquête a été
complétée par des entretiens avec les autres auxiliaires de
transport (chargeurs, déchargeurs, pousseurs et porteurs). Leur nombre
est de 45 acteurs repartit dans les cinq localités d'étude.
2.2.2. Outils d'enquête
-L'interview
Nos interlocuteurs sont aussi bien des responsables, agents
des services publics et privés que des particuliers dont les
activités professionnelles ont trait à la production agricole,
à la distribution et à la commercialisation des produits
vivriers. Les instruments utilisés pour cette enquête sont un
guide d'entretien et un questionnaire.
La première phase a concernée
les autorités politiques, les services administratifs et techniques
locaux pour avoir des informations sur les acteurs du vivrier et les
infrastructures (des marchés et voiries). Mais également sur la
gestion des marchés de Méagui, comprendre les enjeux de pouvoir.
Pour ces autorités, les lieux visités et les acteurs
rencontrés sont :
· La direction régionale de l'agriculture et des
ressources animales (le Directeur)
· La mairie (le Maire)
· L'agence de l'A.N.A.D.E.R.-zone de Méagui et le
C.N.R.A. (Des agents de terrain)
· L'agence locale de l'O.C.P.V. de Méagui (le
Directeur et deux enquêteurs)
· Les coopératives (2 responsables et des
membres)
Les questions ont concerné l'identité et
l'entrée dans l'activité, le mode d'approvisionnement, la vente
des produits vivriers et les problèmes rencontrés au cours des
transactions dans la filière vivrière.
La seconde phase s'est déroulée
auprès des acteurs de la filière pour avoir des informations
relatives à leurs activités. Pour la visite dans les
différents villages, notre contact sur place, un professeur d'anglais
à faciliter notre insertion. En effet certaines réticences ou
méfiances peuvent être observées. Un questionnaire à
été administré à ces différents acteurs. Ce
sont : Les producteurs de vivriers ; Les transporteurs ou propriétaires
agricoles ; Les commerçants grossistes ; Les commerçants
détaillants.
-L'inventaire
L'inventaire a été nécessaire pour
connaître les différentes activités liées à
la filière du vivrier, le nombre de marchés urbains et ruraux de
la région. L'agent enquêteur de l'O.C.P.V. a permis de faire un
inventaire des produits vivriers sur le marché de Méagui et de
Robert-Porte. Cela a servit à élabore un fiche des prix (bas -
moyen - élevé) et aussi d'avoir une idée du nombre de
commerçants. De plus, la liste de grossistes et de transporteurs fut
actualisée par rapport à celle détenus par la mairie. On
dénombre donc 12 grossistes dont 6 appartiennent à une
association sans dénomination et 45 transporteurs permanents.
-L'observation directe
Cette technique nous met en situation de spectateur. Elle nous
permet d'observer la composition sociologique des différents groupes
d'acteurs (producteurs, détaillants, grossistes) les faits et les gestes
quotidiens de notre population d'enquête. Sur les différents
corridors à l'entrée de la ville, le contrôle douanier a
permis d'observer la présence dans les coffres à bagages, de sacs
de bananes plantain et de manioc embarqués depuis la veille. Sur les
routes de champs, des micros points d'achats bord champ sont présents et
segmentés soit par ethnies ou par parentés. L'utilisation des bas
fonds commence à prendre plus d'importance, mêlant
féculents et céréales. En effet, une année avant
lors des entretiens exploratoires et la situation sous nos yeux justifie cette
affirmation. Des photos illustratives ont été prises.
3. Traitement et analyse de données
Ce processus comprend deux étapes : la première
concerne l'organisation et la seconde relève de l'interprétation.
Dès l'étape de l'organisation des données, des
décisions ont été prise pour repérer ce qui
s'avère signifiant dans les propos qui ont été tenus lors
des entretiens. Les indicateurs statistiques simples permettent de
caractériser les tendances et de mesurer de manière
synthétique leurs répartitions. Toutes les informations sont
intégrées dans la rédaction du travail et
présentées parfois sous forme de tableaux statistiques, des
diagrammes ou des graphiques. Avec le développement de l'informatique,
des logiciels spécialisés en analyses qualitatives de
données aident à cette tâche. De la mise en forme du
questionnaire jusqu'aux tableaux statistiques, le progiciel
Sphinx2 Lexica V5 a été
utilisé. Si on est bien d'accord pour admettre que l'approche
géographique se fonde sur le paysage et que son outil d'excellence est
la carte, on comprendra que l'ensemble de la connaissance et que la
réflexion du géographe passent à un moment ou un autre par
la cartographie, ce qui implique une absolue rigueur dans la fabrication et le
maniement de la carte. A cette fin, la conception des cartes a
été confiée au Laboratoire de Traitement de l'Information
Géographique (LA.T.I.G.). De manière à savoir ce qui, de
son interprétation, relève d'une lecture sans incertitude et ce
qui relève d'une lecture spéculative dont les leçons
doivent être balisées (René de Maximy 1995, p 112).
DIFFICULTES RENCONTREES
Une contingence majeure à été
l'information auprès des administrateurs de la ville et des
ministères détachés. Obtenir une carte de la ville
était quasiment impossible. Celle qui était proposée date
de 2004 et des localités d'étude n'y figure pas (Gnititouagui 2
et Touagui 2). Ce handicap a été une difficulté majeure
dans le travail. Mais comme dans le sujet, « Méagui » doit
être compris comme une région et non la ville de Méagui,
cela a permis de pallier cette contrainte.
1ère PARTIE
POTENTIALITES ET DISPONIBILITES DES PRODUITS
VIVRIERS À MEAGUI
Que par définition la géographie fasse de
l'espace terrestre l'objet méme de ses recherches, est une
évidence qui n'est mise en doute par personne. Notre espace
d'étude est la région de Méagui dont nous
présentons l'historique et la situation géographique dans le
chapitre 1.
Création continue de la société, la
région de Méagui est un produit social qui se reproduit en
s'adaptant au cours des générations. Il a connu des mutations
mais c'est l'action humaine, surtout celles des populations immigrées
qui a remis en cause l'ordre sur lequel s'est fondée cette symbiose
entre les populations Bakwé et leur espace. Il sera
présenté dans le chapitre 2, les potentialités naturelles,
humaines et économiques de la région de Méagui.
Le milieu s'est adapté à la mise en place du
peuplement. Des activités de production et des moyens de circulation se
sont mis en place pour assurer la vie des hommes qui exploitent cet
aménagement particulier. Dans le chapitre 3, il est mis en exergue la
production vivrière de la région.
Chapitre 1 : CREATION ET SITUATION GEOGRAPHIQUE DE
MEAGUI
Le contexte historique de la zone va prendre en compte le
peuplement de Méagui. Il s'agit ici de voir les circonstances du
peuplement, les mouvements de migrations vers la zone d'étude, et
l'avènement du site de Méagui.
1.1. Création du site
Le peuplement de Méagui été le fait d'une
volonté politique du pouvoir en place d'alors. En effet, jusqu'à
l'avènement des indépendances en 1960 la localité
était encore une zone isolée et impénétrable. A
l'origine, Méagui était l'un des cantons de la subdivision de
Soubré, et cette subdivision était composée des cantons
Brokoua, Akuya, Bogouo, Lobre, Kousier, Guibouao et le canton Bakwé. La
population autochtone Bakwé est rattachée au groupe linguistique
Krou originaire du Nord et du Nord-est de la Côte d'Ivoire actuelle. Les
populations autochtones Bakwé y vivaient de façon
dispersée dans ce vaste espace forestier. Cet espace leur sert en fait
plus de domaine de chasse que de territoire de cultures. D'ailleurs la taille
des regroupements était de vingt (20) à trente (30) individus au
maximum (Schwartz 1993, p 97). Après les indépendances, il y eut
une volonté politique de développer toute la zone
forestière du Sudouest dont fait partie Méagui. Des politiques de
développement ont été mises en place à travers
l'A.R.S.O. (Autorité pour l'Aménagement du Sud-ouest). Dès
1965, un pont reliant Soubré et partant du reste du réseau
national a été créé ; ce qui permettait
désormais un accès facile à cette zone. Ainsi, des
sociétés d'exploitation s'y sont implantées à
travers les scieries. Cependant, pour le fonctionnement de ces
sociétés, d'autres populations ont été
sollicitées compte tenu de la faible densité des populations
autochtones. De plus jusqu'en 1965, la localité de Méagui ne
connaissait aucun développement en matière d'infrastructures.
Cette absence va rendre difficile la commercialisation du cacao et du
café, pourtant introduits dès le début du siècle.
Il était nécessaire de repeupler cette zone avec d'autres
populations afin que celle-ci bénéficie des infrastructures.
Ainsi, la zone de Méagui a commencé à
enregistrer la présence des étrangers car « ils
étaient de préférence la meilleure
main-d'oeuvre des chantiers et la plupart avaient enregistrédes engins
». Les Bakwé occupés par les activités de
navigation, et aussi, de peur qu'un pro blème de cohabitation se
pose, n'ont pas voulu accueillir les chantiers. Alors les chantiers se sont
construits en dehors des sites d'accueil qui sont les villages Bakwé.
Les employés de ces chantiers étaient composés à
90% d'étrangers non Ivoiriens. Dans ces conditions la région
va connaître une forte émigration des jeunes actifs masculins.
Un peu plus tard, les employés ont
créé un marché dans leur zone
d'habitation. Par la suite, il y a eu l'envie de créer un gros village
composé d'abord des employés des scieries. Le marché
étant devenu l'atout principal, les autochtones que sont le patriarche
Kato, ensuite la vielle Wawa, puis le vieux Kato Pierre ont eu besoin de se
déporter sur ce nouveau site qui est devenu aujourd'hui Méagui.
Cette forte émigration n'a pas favorisée une augmentation de
l'emprise foncière des terroirs autochtones. Elle n'a pas conduit non
plus la prise de conscience de la valeur de la terre et de la
nécessité de préserver l'avenir pour les jeunes
générations. La terre n'ayant jamais été une source
de revenus intéressants, on s'explique que certains villages aient
cédé des superficies considérables. On voit par
conséquent se dessiner les conditions d'une infériorité
économique des autochtones par la réduction de la capacité
de travail potentielle. Par ailleurs, le contrôle de leur es-pace par les
Bakwé est rendu très difficile par la faiblesse de la population,
sa mauvaise répartition, et la petite dimension des villages (60
à 80 hts en moyenne)7.
Aussi, faut-il rappeler que la facilité de peuplement
de la zone était liée aussi à des évènements
qui ont joué sur la psychologie des Bakwé. Il y avait d'abord la
guerre contre le fétichisme avec l'introduction de la religion
chrétienne à travers le Harrisme dans la période de 1965
et en 1970, la guerre du Guébié qui était des populations
voisines8 (Schwartz 1979a, p 67). Ensuite le souci de
bénéficier au développement pourrait être
considéré comme des facteurs explicatifs de l'acceptation et de
l'introduction de nouvelles populations dans la région. Enfin il fallait
donc coopérer avec le pouvoir en place, favorable aux Baoulé pour
régner sur son village. Ainsi des mobilités considérables
se sont faites observées dans la localité et les vagues
migratoires ont infiltré de façon progressive la zone de
Méagui. Ces vagues étaient constituées en grande partie
par les Akans notamment les Baoulé. Ils avaient été
aidés dans leur pénétration par les autorités
administratives en charge de la dite zone, et étaient à cette
époque tous d'origine Akan (Baoulé). Il s'agissait en effet du
moniteur de l'agriculture, originaires de Bocanda, du capitaine des eaux et
forêts, originaires de Sakassou, du sous-préfet originaire de
Bouaké. Le commandant de brigade et le juge étaient
également des Baoulé. Ainsi les mouvements de populations de
Bocanda (les Agba), de Sakassou (les Walèbo), de Bouaké (les
Fafouê) et un peu plus tard, ceux de Daoukro sont arrivés. Comme
on le re-marque, dans toute la zone de Méagui, beaucoup de campements
portent un nom Akan en
7 Schwartz, 1976, Le peuplement du canton
Bakwé en Mai 1975, Abidjan, ORSTOM.
8 Le lundi 27 octobre 1970, un groupe d'hommes d'une tribu
Bété -la tribu Guébié- de la région de
Gagnoa, monte à l'assaut d'un centre de regroupement Baoulé en
tenue de guerre traditionnelle. A leur tête, un jeune "intellectuel" de
la tribu, Gnagbé Opadjlé qui avait maintes fois manifesté
son hostilité au régime du Président Houphouet-Boigny.
souvenir du lieu d'origine. C'est le cas de Petit Bocanda, Petit
Daoukro, N'Drikro (en souvenir du sous-préfet d'alors).
C'est le canton Bakwé qui prend plus tard le nom de
Méagui en mémoire de l'ancêtre emblématique du nom
de ME. Méagui signifie donc les descendants de ME (unis par un
ancêtre commun, Méa). Au total, les stratégies mises en
place pour l'occupation de la zone de Méagui, à savoir le choix
des autorités de la zone et de leurs ethnies ont permis à la
population d'accueillir et de réserver dès les premières
heures un espace de communication favorable à l'installation des
étrangers. La pénétration de la zone de Méagui
s'est faite de façon violente sur la base de l'étranger
accueilli. Par ailleurs l'arrivée des populations a occasionné la
création du site de Méagui.
1.2. Situation géographique
La zone de recherche choisie est la localité de
Méagui. Elle est située dans la zone forestière de la
Côte d'Ivoire dans la région du Bas-Sassandra
précisément dans le département de Soubré. C'est
une localité issue de l'éclatement de la Sous-préfecture
de Soubré. Erigé en souspréfecture sous le décret
n° 86-1021 du 24 Septembre 1986 avec Grand-Zattry, elle couvre une
superficie de 2400Km2. La sous préfecture de Méagui se
limite, (voir figure 1.1) : Au nord par la Sous-préfecture de
Soubré, Grand Zatry et Buyo ; Au sud par la Sous-préfecture de
San Pedro ; A l'est, par les sous-préfectures de Okrouyo et de Sassandra
; A l'ouest, par les Souspréfectures de Grabo et de Taï (Parc
national).
La commune de Méagui est distante d'environ 440 Km de
la capitale économique Abidjan, de 270 Km de la capitale politique de la
Côte d'Ivoire, de 47 Km de Soubré son chef-lieu de
département et de 80 Km de San-Pedro, zone portuaire. Le décret
N°95-941 du 13 décembre 1995 organise la localité en commune
sur une superficie de 362 Km2 avec 11 quartiers dont Grutel,
Commerce, Kaboré Bila, Kato, Wawa, Bayard, Nogbolo, Bako, Netro, Kobiti,
Gbooulio. Les localités étudiées se situent au nord de la
sous-préfecture pour les villages de Robertporte et Oupoyo sur l'axe
Méagui-Soubré. Toujours au nord mais beaucoup plus proche de
Méagui (2 Km), on a le village de Touagui 2. Au sud, sur l'axe
Méagui San-Pedro, se trouve le village de Gnititouagui 2. Pour y
arriver, il faut d'abord descendre à Krohon puis emprunter une voie non
bitumée de 7Km pour y parvenir. Sur la carte ci-dessous, ces
localités ont été identifiées en rouge.
Figure 1.1 : Situation des localités
enquêtées
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