2. Transport et circuits de distribution
Les politiques de sécurité alimentaire ont
été longtemps orientées uniquement vers les populations
rurales. Le consommateur n'est pas considéré comme un acteur
séparé du producteur car en fait il est supposé «
produire lui-même sa nourriture ou l'acquérir par troc » (Dia
1997, p 13). Le modèle de pensée dominant de l'époque ne
s'attardait pas sur une analyse objective de la réalité de
production et de mise sur le marché des produits agricoles par les
producteurs. Il
faut attendre le caractère marchand du vivrier pour
voir émerger des stratégies et l'intérêt pour les
ventes lointaines. Les communes comme Méagui, distante d'environ 440 Km
de la capitale économique Abidjan, de 270 Km de la capitale politique de
la Côte d'Ivoire utilise donc exclusivement un transport motorisé
pour le commerce lointain.
Le transport est lié à l'organisation des
marchés et des circuits commerciaux. Un constat général en
Afrique concerne le poids remarquable des coûts de commercialisation par
rapport aux prix finaux des produits. Une partie importante de ce coût
relève souvent des transports.
Chaléard (1995) montre que le modèle dominant de
l'époque « agro exportateur » cède la place aux
<< modèle du vivrier marchand » où l'essor des
cultures destinées aux villes est d'abord le résultat des
initiatives paysannes exploitant par leur seule force la conjoncture
créée par l'explosion urbaine. En effet, « Ce sont (...) les
Lobi qui, transposant sur le plan commercial leur dynamisme agraire, acheminent
la plus forte part de la production sur les centres urbains. Ils se groupent
à plusieurs, louent aux transporteurs de Bondoukou des camions et
expédient leur récolte sur Abidjan» (Chaléard 1990, p
327). Ces moyens de transport sont parfaitement adaptés aux besoins
spécifiques individuels des détaillantes des marchés, des
petits grossistes de denrées alimentaires ou des particuliers aux
faibles revenus. Une certaine nuance est établie par Wilhelm (1997, p
24) quant à la composition des passagers. Elle affirme que si les
commerçants forment l'essentiel de la clientèle
régulière, les citadins sont aussi des usagers fréquents
pour le transport de produits de première nécessité (sacs
de riz et bidons d'huile) et pour tous les objets encombrants et volumineux
(meubles, pièces de rechange).
Le transport par camion (10 ou 20 Tonnes) est inaccessible
à ces différentes catégories d'utilisateurs en raison de
son coût élevé et, en ce qui concerne les
commerçants, parce qu'il ne possède pas la souplesse
nécessaire pour fournir les services répondant très
exactement à leurs contraintes spécifiques.
Particulièrement à Méagui, on voit se développer
deux types de circuits2 reposant sur une division
géographique et fonctionnelle des espaces : Sur place, <<un
pisteur parcourt la brousse à la recherche des produits. II loue des
camions (10 ou 20 Tonnes) pour aller les chercher et les concentrer à
Méagui, ou dans un des nombreux villages situés sur la route
bitumée. Un commerçant grossiste d'Abidjan vient chercher la
production qu'il transporte pour la vendre à un grossiste ou au
détail dans la métropole ivoirienne» (Chaléard 1996,
p 587). Il poursuit pour dire que les acteurs les plus actifs de ce commerce
sont les négociantes, installées à Méagui, qui
utilisent des camions qui reviennent vide sur San Pedro.
2 Itinéraire parcouru par un produit entre la
production et la consommation finale est plus ou moins long en fonction du
nombre d'intermédiaires qui y participent.
Hermann, Larissa, & Solange ( 2008, p 14) dans leurs
études sur Taabo ont distingué des circuits directs (ne faisant
pas intervenir d'intermédiaire), des circuits courts (où le seul
intermédiaire est le détaillant) et des circuits longs (dans
lesquels les intermédiaires sont soit des grossistes, soit des
détaillants). Dans d'autres cas, à travers nos enquêtes
nous avons constaté que la productrice concentre sa récolte et
celle de sa voisine pour obtenir des quantités plus importante. Ensuite
une grossiste (fille, nièce ou soeur) la transporte à Abidjan,
où elle l'écoule auprès de commerçants ou d'une
parente, souvent salariée en ville. Elle utilise pour le transport le
réseau de cars en place (Chaléard 1996, p 593).
Wilhelm (1997c, p 8) décrit comment les usagers et les
commerçants bénéficient et ont intérêt
à pérenniser ce mode de transport pour raison de fourniture de
services essentiels. C'est «un package» qui contient « une
économie des frais de manutention intégrant les opérations
de chargement et déchargement (...); des possibilités de groupage
de marchandises entre plusieurs commerçants; une variété
de types de chargement (...); une organisation de la livraison qui
libère le producteur de l'obligation d'accompagner sa marchandise».
Le choix effectué par ceux-ci entre les différents moyens de
transport dépendra certes de leurs coûts, mais aussi et surtout de
la quantité de marchandises à transporter, la rapidité
avec laquelle le commerçant souhaite être livré de telle
sorte que l'on constate une réelle segmentation du marché du
transport. Chaque type de véhicule étant dominant sur un segment
de marché pour un trajet donné, un type de marchandise
transporté et une catégorie d'utilisateur. Cette
évolution, née d'initiatives paysannes ou du secteur marchand
"informel", est largement spontanée. La priorité du transport
dans la commercialisation est souvent frappante quand elle se concrétise
par la création de marchés relais le long des grands axes
routiers et méme à l'intérieur de la ville (Wilhelm 1997,
p 10). Et ce qu'il y a de remarquable, c'est la rapidité avec laquelle
les infrastructures et les réseaux se mettent en place lorsqu'il y a
matière à négoce. En outre, face à la croissance
urbaine, il faut rappeler que l'alimentation est fortement dépendante
des transports de longue distance qui, encore aujourd'hui, véhiculent
des quantités importantes de produits vivriers surtout des
féculents et des fruits et légumes (O.C.P.V., 2008).
L'outil le plus efficace du développement des cultures
vivrières est, en effet, représenté par la construction du
réseau routier qui charpente désormais le territoire national.
C'est grace aux routes que les agriculteurs ont su saisir les
opportunités que leur offrait l'extension des marchés urbains, en
défrichant de nouveaux secteurs et en développent leurs cultures
vivrières, et que les circuits commerciaux ont été
organisés.
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