1. La production vivrière
La politique volontariste de mise en valeur du Sud-Ouest
jusqu'alors coupée du reste du pays va susciter une très forte
vague d'immigration agricole. Ce courant se dirige en particulier vers le pays
Bakwé. Il est, essentiellement sous-tendu par les possibilités
d'accès à l'économie de plantation que permet un milieu
naturel favorable et un faible peuplement. De nombreuses innovations sont
à l'actif du pionnier, autant techniques que sociales: la forêt et
son mode de défrichement ont été maitrisés; la
nourriture à base de tubercules et de banane n'a pas été
un problème, même si chaque ethnie a tenté d'acclimater les
plantes de la base alimentaire traditionnelle; une fois la forêt
consumée, les plantes vivrières ont été maintenues
en concevant un système de culture igname/manioc/jachère courte;
le manioc produit pour la vente a parfois conduit à l'emploi
d'herbicide. L'exploitation forestière, en couvrant la région
d'un réseau dense de pistes et la construction d'un pont, sur le
Sassandra à Soubré ont joué un rôle
décisif dans cette progression spectaculaire (Lesourd
1989, p 360). L'origine ethnogéographique des migrants est d'une
diversité telle que, face au milieu social autochtone existant, c'est la
naissance non pas d'un nouveau milieu social allochtone mais d'autant de
spécificités qu'il y a de groupements humains homogènes en
présence.
Selon Balac (1993), elle compte trois grands groupes de
populations : les Bakwé qui sont les populations autochtones ; les
allogènes venus notamment du Nord, du Centre, du Centre-Ouest et de
l'Est, avec pour majorité les déplacés Baoulé de
l'opération d'aménagement du SudOuest (A.R.S.O.) et les
étrangers venus d'autres pays dont les plus nombreux sont les
ressortissants de la C.E.D.E.A.O. C'est à ce titre que dans son
étude sur le département de Soubré, Chaléard (1996)
affirme qu'on a un « système Baoulé » fondé sur
l'igname et un « système autochtone » fondé sur la
banane plantain. Le travail dans la conception du Bakwé est de cultiver
des denrées alimentaires telles que le riz, le manioc, le tarot et la
banane plantain sur des espaces très restreints et d'être un grand
travailleur sur les navires. Il vivait donc de la pêche, de la
cueillette, de la chasse puis de la navigation et ne s'intéressait pas
aux cultures de rentes. Une telle situation nous permet de comprendre pourquoi
la région des Bakwé, vaste zone forestière jadis
inoccupée ou faiblement occupée, est aujourd'hui peuplée
d'étrangers attirés par les cultures industrielles comme le
café et le cacao. Dans ce contexte, la banane plantain et l'igname sont
favorisées : la première parce qu'elle est la plante d'ombre des
jeunes cacaoyers et la seconde parce qu'elle est l'aliment
préféré des Baoulé. Pour les Baoulé, Lesourd
(1989, p 367) affirme qu'«ils ne sacrifient jamais les cultures
vivrières car elles sont une base considérée comme
indispensable, un grenier pour la famille, une sécurité
alimentaire». En effet en quittant leur région d'origine, ils
n'abandonnent pas leurs habitudes alimentaires. Les Dioula et les
Burkinabé commercialisent du riz et du maïs dont ils sont
consommateurs et dont ils font des champs à part, à
côté des plantations arbustives. Chaléard (1990, p 326)
conclut pour dire que tous les groupes associent banane plantain et igname sur
le défrichement de l'année. Chaque groupe a ses
préférences en fonction d'habitudes alimentaires et des pratiques
culturales anciennes. La résultante est une production riche et
diversifiée.
|