Conclusion du Chapitre 4
Mobiliser la force de travail conditionne en grande partie les
récoltes. Une main d'oeuvre « naturelle » qui existe est la
famille et dans la région de Méagui, elle est fortement mise
à contribution. Au cas où elle fait défaut, un appel est
fait à la main d'oeuvre étrangère. Celle-ci est
très diversifiée et répond et s'adapte aux besoins du
producteur en fonction de sa générosité. Pour être
plus efficace, des regroupements de main d'oeuvre sont faites. Ainsi, certaine
main d'oeuvre passe du statut d'aide familiale à une
société de travail surtout à Méagui. En plus de
l'utilisation de cette main d'oeuvre, les producteurs y ajoutent les pesticides
dans le but d'avoir un meilleur rendement. Mais après cette
récolte, comment se fait le transport vers les centres de commerce ?
18 "Pesticides." Microsoft® Encarta® 2010
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Chapitre 5 : TRANSPORT VERS LES MARCHES DE LA
REGION
Le transport conditionne la compétitivité et la
régularité de l'approvisionnement des marchés urbains.
Pour ces raisons, la part du transport dans les coûts de
commercialisation des produits vivriers vendus est assez élevée.
De ce fait, chaque piste nait et meurt en fonction des pratiques commerciales
qui elles-mêmes sont conditionnées par les récoltes. Comme
aucun aménagement n'a prévalu a leur naissance, pendant la saison
des pluies, c'est un sauve qui peut : soit les cultures ou les récoltes
sont abandonnées à leurs sorts soit on prend le risque moyennant
une forte somme de s'y rendre. De sorte que pendant tout le temps que dure
cette période, une majorité des produits mis sur le marché
l'est grace au portage. Cette situation avantage les familles aux actifs
nombreux mais il nait temporairement des groupes de jeunes adolescents qui
prennent l'initiative pour effectuer le transport.
5.1. Les différents modes de transports en
vigueur
La route s'est imposée comme la principale voie de
communication dans les liaisons entre Méagui et ses villages.
L'état de la liaison avec la ville a accéléré la
commercialisation des produits agricoles et l'exploitation de nouvelles zones.
Avant d'entrer dans l'activité de transport, 73% des transporteurs
conduisaient des taxis urbains. Quand les véhicules prennent de l'age,
ils sont commis pour le transport de brousse. En moyenne ceux qui
possèdent 2 à 3 véhicules sont les retraités ou des
personnes issues de l'association de transporteurs. Comme l'activité des
cultures de rentes polarise le transport, les propriétaires sont 42% et
ceux qui font la location 73%. On distingue les différents moyens de
transport selon plusieurs critères :
- selon le milieu dans lequel on se déplace : transports
terrestres sur les terres, maritimes sur les mers et aériens dans les
airs ;
- selon le mode de traction utilisé : force humaine
(vélo, bateau à rames, pousse-pousse, etc.), force animale
(chevaux, éléphants, etc.), forces naturelles (vent, courant des
cours d'eau), moteurs (automobile, train, avion, etc.) ;
- selon la capacité : transports individuels (vélo,
moto, automobile, etc.) et transports en commun (autobus, train, etc.) ;
- selon ce qui est transporté : transports de passagers
(avion ou train de ligne) et transports de fret (avion ou train de
marchandises) ;
- selon qui organise le transport : transports privés
(organisés par des particuliers ou des entreprises privées),
transports publics (organisés par l'État ou les
collectivités), transports militaires (organisés par
l'armée).
Une combinaison de ces critères nous permet de
présenter les trois grands modes de transport: le transport
motorisé, les transports non motorisés et le portage.
5.1.1. La marche à pied ou le portage
Il faut rappeler en effet que la marche à pied
représente toujours l'un des modes de déplacement importants dans
les villes en Afrique. La charge transportée à pied ne peut
dépasser 30 à 50 kg pour une femme, éventuellement 80 kg
s'il s'agit d'un homme; le portage s'effectue sur de courtes distances et
concerne de très petits détaillants. Tous ceci sont des
données relatives qui ne sont garanties que par la force physique de
chaque individu. La part du portage dans les modes de transport pour
l'approvisionnement des marchés tient compte de l'accessibilité
de la zone de production. A Robert-Porte par exemple les habitants de
Léonkro sont convaincus à cause de la route que jalonne des cours
d'eau qu'aucun véhicule ne franchira ces eaux pour le transport du
vivrier. Ils sont donc obligés de << faire la pirogue19
>>. Dans cette localité donc il est probable que la part du potage
soit très importante. Elle est basée sur la seule volonté
de l'individu. Cette pratique décrit le pratiques qui on court dans les
autres localités.
5.1.2. Les moyens de transports sans moteurs
Le parc des transports non motorisés comprend les
bicyclettes et les véhicules à traction humaine à deux
roues (les brouettes et les pousse-pousse). Il faut souligner comme dans le
portage la force physique ou la force de traction indique la charge à
porter. La bicyclette, d'après certaines études20,
peut transporter jusqu'à 180 kg, le pousse-pousse et la charrette
à deux roues prennent entre 200 et 500 kg en moyenne, voire parfois 600
kg pour certains poussepousse. Ce mode de transport est très
utilisé car chacun peut pour une somme de 40 000 à 50 000 F.
C.F.A. peut acquérir une bicyclette et aussi les champs sont
éloignés. On assiste donc à une transformation des
habitudes de déplacement des autochtones pour adopter ceux de migrants
nordistes.
19 Expression couramment utilise qui faire allusion
à la traversée de l'eau, les bagages sur la tête.
20Cusset J.-M. et Sirpe G., 1994, <<La
mobilité apportée par le système deux roues: le cas de
Ouagadougou>> in Les transports dans les villes du Sud; la recherche
de solutions durables, Paris, Karthala, CODATU,
Photo 5.1 : Commerçants et paysans de Léonkro en
destination pour Oupoyo. (Source : DAGOU, 2009)
Comme le montre cette photo illustrative prise à 6h,
l'utilisation de bicyclettes se fait très tôt dès le matin
pour éviter la chaleur du soleil et pour ne pas épuiser à
d'autres taches. Juste à coté du mur on peut voir un point de
groupage de produit pour les porteurs en partance pour Oupoyo. D'autres aussi
en reviennent avec un échange de marchandise igname farine par exemple.
Mais le personnage de dos à bicyclette à droite de la photo est
un pisteur qui va chercher des légumes et du maraicher pour sa femme.
Cette route est encore en bonne état parce que beaucoup de
véhicules ne l'emprunt pas. On peut remarquer que toutes les personnes
sont descendues de leurs bicyclettes car une pente se trouve juste à 10
mètres.
5.1.3. Les moyens de transports à
moteurs
Les engins de transport motorisé sont les
motocyclettes, les fourgonnettes, les camionnettes et pick-up
(bâchées, vieilles jeeps, etc.), les moyens porteurs de trois
à cinq tonnes de charge utile pour les plus courants. Il y a très
rarement des plus gros porteurs (sept à dix tonnes). Le chargement type
des fourgonnettes est de quelques centaines de kg (entre 300 et 500 kg) et
consiste à convoyer indifféremment produits vivriers ou
denrées alimentaires. Les camionnettes et les pickups prennent une tonne
en moyenne et sont utilisés par des semi-grossistes organisant un
transport groupé à cause des quantités modestes prises
individuellement. Ces différents véhicules sont toujours
d'occasion et le plus souvent hors d'age. A Méagui, la majorité
des véhicules sont utilisés pour le transport des personnes et
des cultures de rentes. Par nécessité et surtout pour combler un
période de latence, les utilises pour le transport du vivrier.
Mais les routes ou les pistes étant très
mauvaises et impraticables, les prix du transport sont très
élevées ou le transport ne sa fait que sous le rapport ethnique.
Les Dioula étant très solidaires à cet effet,
particulièrement à Gnititouagui 2 où le relief en plus
d'être accidenté se trouve dans un sol argileux.
5.2. Le transport vers les différents
marchés
Le camion peut embarquer les marchandises appartenant à
une dizaine de commerçants et à destination de plusieurs
marchés lors du même voyage. Pour y participer, il faut être
accepté et payer un droit d'adhésion qui va de 1500 à 5000
F. C.F.A.21 en fonction de la quantité de marchandises puis
chaque fois que le marché se tient soit les vendredis ou les dimanches,
chaque commerçant dépose son colis à un lieu fixé
à l'avance. Cette pratique est l'apanage des commerçants d'Oupoyo
et de Robert-Porte qui veulent vendre sur les marchés de Méagui
ou de Soubré. Certains grossistes ont dû signer des contrats
permanents de location avec les propriétaires de camions pour
sécuriser la disponibilité des moyens de transport. En effet, ils
ne sont pas membre de cette organisation des grossistes Dioula et doivent donc
compter sur leur vigueur personnelle pour se trouver un moyen de transport. A
Gnititouagui 2, les grossistes (67%) y associent une relation amicale avec des
petits présents et des facilités qu'ils tiennent secrètes.
Les grossistes (38%) sont liés à un propriétaire par un
contrat de ce type. Il s'agit souvent de contrats verbaux fondés sur la
confiance et la parole donnée. Les grossistes (6 seulement sur les 12)
disent avoir un accord ou un contrat écrit. Plusieurs stratégies
prévalent puisque les commerçants préfèrent prendre
un camion en location à titre individuel (12%), en colocation (24%) ou
encore payer par colis à chaque voyage (17%). II existe plusieurs
propriétaires de camion à Méagui. A l'exception d'une
collectrice, ceux-ci sont des commerçants de marchandises diverses. Ils
utilisent leurs véhicules pour leurs propres besoins ou pour le
transport du cacao, et jouent donc un rôle tout à fait secondaire
dans l'acheminement du vivrier vers les marchés ruraux et centres
urbains. Les expéditions de retour se font grâce à des
camions venus livrer de la marchandise à San Pedro et retournant
à vide. Dans d'autres cas, si le transport débute dans les
villages pour converger vers Méagui, le parc auto des gares en place est
mis à contribution.
Toutes les « Dynas » que nous avons
mentionnés sont celles qui sont permanentes dans les gares. Comme nous
nous situons sur un axe routier, les passagers pris en cours de routes par les
cars de (50 à 60 places) et les véhicules de type « MASSA
» en provenance de Soubré ou de San-Pedro sont variables et ne sont
pas pris en compte dans le tableau. Toutefois, il faut
21 Propos d'un commerçant de friperie à
Oupoyo
préciser que leurs activités en ce qui concerne le
transport du vivrier mis en sac n'est pas négligeable.
Tableau 5.1 : Parc auto des gares de Méagui
Provenance-Destination
|
Type de véhicules
|
Nombre de véhicules
|
Prix du voyage en F. C.F.A
|
Nombre d'enquêtés
|
Méagui - Touagui 2
|
Baché
|
5
|
200
|
5
|
Méagui - Oupoyo
|
Minicar Dyna (Hiace)
|
20
|
500 400
|
2
9
|
Méagui -- Robert-Porte
|
Personnel Dyna (Hiace)
|
2 2
|
500 400
|
13
|
|
Car
|
-
|
350
|
|
Méagui - Gnititouagui 2
|
Personnel Minicar
|
15 -
|
250 300_500
|
2
|
|
Baché
|
9
|
1000
|
|
Taxis communaux
|
Peugeot 504
|
30
|
1000
|
4
|
|
Taxi
|
35
|
1000
|
10
|
|
Total
|
45
|
Source : Nos enquêtes, Décembre 2009
Monsieur Narcisse, responsable des syndicats sur l'axe
Méagui - San-Pedro nous dit ceci « les cars ne prennent des
commerçants qui ont tout au plus deux sacs parce qu'ils sont
pressés mais veulent bénéficier des taxes sur les
sacs». Le prix du transport est beaucoup plus intéressant
qu'une location de véhicule à Soubré ou Méagui. La
collectrice voyage avec le chauffeur et va négocier son chargement dans
le centre récepteur. Sur les trajets plus courts, et en terrain moins
escarpé, les charrettes et les véhicules motorisés sont en
concurrence. Le choix du mode de transport dépend alors, pour un prix
sensiblement identique, du volume transporté, du service demandé
(rapidité), des liens qui ont été noués avec tel ou
tel type de transporteur.
5.3. Des acteurs particuliers : chargeurs et force de
l'ordre
Chargement aux points de regroupement sur les places de
collecte, déchargement aux points de débarquement, portage au
point de vente ou au magasin de stockage, redistribution par pousse-pousse et
brouettes. Ces actions induisent des petits métiers qui permettent
l'approvisionnement et la distribution alimentaires dans la ville. En milieu
rural, le métier de chargeur ne se limite pas à la manutention.
Il canalise et diffuse l'information sur la disponibilité de la
marchandise et des véhicules de transport surtout pour les
taxis-brousses. Ceux-ci font des gains ponctuels importants22 quand
ils aident les femmes à convoyer leurs récoltes mis en sac sur
Méagui ou Oupoyo. A Touagui 2, une unité de production qui
décortique le riz fait gagner 250 F. C.F.A pour chaque sac au chargeur
qui donne la bonne information. Le
22 C'est montant sont compris entre 1000 et 4000 F. C.F.A
chargeur joue le rôle d'intermédiaire,
d'informateur et de négociateur entre le propriétaire du
véhicule et son chauffeur, entre le producteur et le commerçant.
Plus qu'une activité de survie, les auxiliaires de transport
considèrent cette phase comme une étape transitoire.
Ils dépendent souvent du transporteur ou du
commerçant dont ils attendent protection et promotion. La nature des
tâches, la force physique qu'elle requiert et le souci d'éviter la
concurrence les y obligent. << Nous formons une équipe de
trois personnes par chargement : une personne envoie, un autre
réceptionne en haut du camion et le troisième range dans le
camion » explique un chargeur au marché de collecte de
Robert-Porte. Et c'est d'ailleurs la pratique qui a cours dans tous les lieux
de chargements. Concernant le mode de tarification, s'il est connu de tous, les
tarifs pratiqués sont en revanche le résultat de
négociations entre les commerçants et les transporteurs. Ils
tiennent compte du sens du transport qui est plus cher dans le sens San-Pedro
que celui de Soubré ; de la nature et du conditionnement du produit, de
la distance à partir du marché de collecte, de l'état des
routes, du nombre de postes de péages et de contrôles de la
police. Cette activité apparait en général minoritaire
dans le vivrier d'autant que la grande partie de ceux qui s'y consacrent sont
dans les cultures de rentes.
Olivier De Sardan, (1995, p 65) estime qu'il n'y a pas de
société dotée d'Etat ou de bureaucratie qui ne connaisse
pas la corruption, les pratiques de corruption nuisent fortement à
l'efficacité de l'approvisionnement des villes. Le contrôle des
policiers et des gendarmes est abusif et excessif sur les routes nos route. Les
motifs de ces contrôles sont des plus fantaisistes et des plus
arbitraires. La brigade sur les routes aux différents corridors a pour
mission non seulement de vérifier que les véhicules qu'elle
intercepte ont des papiers en règle (établis aux postes
réguliers), et donc ne contiennent pas de marchandises de contrebande,
non déclarées, mais aussi de vérifier que ces
dédouanements sont « normaux », autrement dit qu'il n'y a pas
eu sous-évaluation de complaisance par les autres douaniers et
policiers. Cette brigade a toute latitude pour réévaluer le
montant des droits à payer et établir des redressements ou
infliger des amendes. Il y a normalement des << indications »
(sondages aléatoires, motifs de soupçons ou action sur
renseignements) qui devraient borner les interventions de la brigade. Mais en
fait, celle-ci agit bien au-delà de ces indications et utilise son
pouvoir quasi discrétionnaire pour prélever un péage
presque systématique sur tous les transporteurs entre Méagui et
Tiassalé. Il suffit de menacer d'opérer un contrôle :
celui-ci implique en effet un déchargement intégral pour fouille
du véhicule et une perte considérable de temps et
d'énergie, méme pour un camionneur « en règle »,
lequel n'a de surcroît aucune garantie que ses papiers ne seront pas
contestés malgré tout. En témoignent les
récriminations de ces acteurs : << Dans tous les cas, le
transporteur doit compter avec les policiers qui constituent la menace la plus
grave pour la
commercialisation des vivres frais. Que ce soit à
partir des différentes zones de production ou dans la distribution....
» . «L'état du véhicule ne compte pas pour eux. Que tu
aies toutes les pièces ou non, cela ne les intéresse pas. Ils
prennent non seulement de l'argent, mais très sou-vent ils se font payer
en nature. Avec ces gens, il n'y a pas de stratégie efficace. Ils
peuvent te bloquer sur place pendant deux ou trois heures et dites-vous
qu'entre Soubré et Abidjan, il y a une vingtaine de postes de
contrôle». «Cette catégorie d'agent de l'Etat
constitue un obstacle majeur pour la commercialisation des vivres frais en
termes de perte de temps».
L'usage est donc de glisser, que l'on soit en règle ou
pas, une certaine somme aux forces de l'ordre. Les « convois »
(camions groupés sous l'autorité d'un chef de convoi expert en
arrangements avec la douane) ont leurs propres tarifs. Ici aussi, mais d'une
autre façon, le « racket » profite de la
vulnérabilité de l'usager, en prenant son temps en otage et en
jouant sur sa fatigue. La corruption est devenue un mode de fonctionnement
normal sur nos routes. Pour les transporteurs et les grossistes, la
maîtrise de la géographie des postes de contrôle sur les
différents axes routiers permet de prévoir avec exactitude le
montant des « frais de route » qui contribuent à
accroître les coûts de commercialisation (Olivier de Sardan 2001, p
12).
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