III.3. MESURE DE
L'ALPHABETISME AU MALI.
Le Mali adopte la définition de l'UNESCO sur
l'alphabétisme, mais ce sont les méthodes de mesure qui
diffèrent souvent. Aussi, une bonne méthodologie voudrait que les
individus interrogés sur les capacités linguistiques, passent des
tests relativement simples de lecture ou d'écriture se rapportant
à leur vie quotidienne et leur voisinage immédiat. C'est
d'ailleurs cette méthodologie qui est utilisée dans la perception
de l'alphabétisme, dans le cadre de la quatrième édition
de l'enquête démographique et de santé au Mali (EDSM
IV).
Cependant, certainement par manque de moyens financiers et de
temps, l'ELIM II se propose de collecter l'information sur
l'alphabétisme en posant la question suivante à
l'enquêté (membre de ménage âgé de 15 ans et
plus) : Saviez-vous lire ou écrire dans une langue quelconque? La
réponse de l'enquêté est ainsi enregistrée dans le
questionnaire. Cette méthode qui se base essentiellement sur la
confiance que les enquêteurs accordent à l'enquêté,
parait de toute évidence très problématique, car
l'analphabétisme à défaut d'être le résultat
d'un droit non acquis peut être perçu par certains comme un acte
de faiblesse (complexe d'infériorité).
Par ailleurs, sont résumés dans le Rapport
d'ELIM 2006, page 46, les résultats suivants : 26,2% de la
population malienne de 15 ans et plus sont alphabétisés, dont
47,2% pour le milieu urbain contre 15,2% pour le milieu rural. Bamako qui est
la capitale enregistre le taux le plus élevé (52%) et s'oppose
à Kayes qui n'en enregistre que 19,2%. Le taux d'alphabétisation
des femmes s'élève à 18,2%, nettement inférieur
à celui des hommes qui s'établit autour de 34,9% (voir le
tableau 3.1 en Annexes A).
Ces proportions semblent tout à fait faibles si l'on
tient compte du nombre de langues parlées au Mali. À ce niveau,
les questions sur l'âge, le milieu d'habitat, le genre et de la langue ne
se posent plus, ce qui nous pousse à s'intéresser à la
portée économique de notre étude, et cela à travers
la structure de dépendance qui pourrait exister entre les
capacités linguistiques et les activités principales des
enquêtés de plus de 15 ans.
III.3.1. Structure de dépendance entre les
capacités linguistiques et les activités principales.
Nous cherchons, dans cette section, à répondre
à la question suivante : Y a t il une structure de
dépendance entre les capacités linguistiques et les
activités principales des sujets enquêtés pendant l'ELIM
II? La réponse à cette question pourra permettre aux
opérateurs du milieu des centres d'alphabétisation de mieux
cibler leurs actions et atteindre plus facilement leurs objectifs.
L'activité principale dont il est sujet ici, concerne l'activité
qui rapporte le plus en termes de revenu. En effet cette situation met en
compétition deux variables qualitatives ventilées chacune comme
suit :
· Dans la base de travail, les capacités
linguistiques sont représentées par la variable
« Ling » qui enregistre les réponses à la
question : saviez vous lire et écrire dans une quelconque
langue ? Bien évidement deux modalités sont
rencontrées ici, à savoir : Oui = 1et Non = 2 ;
· Compte à elle, les activités principales
des enquêtés sont enregistrées dans la variable
« act_prin » et éclatées comme suit : 1
= Agriculture/Chasse /Cueillette/Exploitation forestière; 2 =
pêche/élevage; 3 = industrie/transformation ; 4 =
Construction; 5 = Transport ; 6 = Communication ; 7 = Commerce/Vente;
8 = Administration ; 9 = Education/Santé ; 10=Autres
services.
Cependant, avant de se lancer dans la recherche de la
dépendance entre les variables citées ci-haut, il serait
intéressant d'aller voir la situation des populations maliennes de plus
de 15 ans face à l'insertion sociale.
III.3.1.1. Analyse bivariée entre les capacités
linguistiques et la fréquentation de l'école.
A ce propos, la lecture du tableau 3.2 en Annexes A, relatif
au croisement entre les capacités linguistiques et le fait d'avoir
été à l'école, nous relève que sur 21281
individus enquêtés, 13 ont refusé de se prononcer sur la
question « savez vous lire et écrire dans une langue
quelconque ? » contre seulement 2, à la question
« avez-vous été à
l'école ? ». La moitié des personnes qui ont
refusé de répondre à la première question, ont
déjà été à l'école. Cependant, sur
5938 personnes ayant répondu « Oui » à la
question sur les capacités linguistiques, 594 n'ont pas
été à l'école, ce qui représente environ
2,8% de l'ensemble de l'échantillon concerné.
Toujours, selon ce tableau, sur 15330 personnes reconnaissant
ne sachant pas lire et écrire, 463 ont été tout de
même à l'école ; ce qui représente 2,17% de
l'ensemble. De plus, 72% des personnes de plus de 15 ans, reconnaissent ne pas
savoir lire et écrire dans n'importe quelle langue. Simple
coïncidence ou parfaite corrélation, 72% de l'échantillon
concerné n'ont jamais été à l'école.
L'analyse faite ci-haut, peut cacher certaines informations
car elle se rapporte à une vue d'ensemble. Pour la peaufiner, nous nous
proposons de visualiser les profils en lignes et en colonnes des variables en
jeu. La visualisation du tableau 3.3 en Annexes A, relatif au profil de la
variable « Ling » révèle que chez les
personnes reconnues comme alphabètes, 10% n'ont pas été
à l'école. Cela pourrait s'expliquer par les effets positifs des
programmes menés par les centres d'alphabétisation ou tout
simplement par le caractère autodidacte de certaines personnes. Ce
même tableau, nous apporte l'information selon que 3% des
analphabètes, reconnus comme tel, ont été à
l'école. Cette dernière situation pourrait trouver ses fondements
dans la qualité du système éducatif ou tout simplement par
l'abandon de la pratique de la lecture et de l'exercice d'écriture
à la fin des études.
Le décryptage du tableau 3.4 en Annexes A, nous
renseigne sur la fréquentation scolaire selon les capacités
linguistiques des enquêtés. En effet, il apparaît que chez
les personnes qui ont été à l'école, 8%
reconnaissent qu'ils ne savent ni lire ni écrire, ce qui est
raisonnable, car la fréquentation scolaire telle que prise ici, ne nous
renseigne pas sur le niveau d'études de l'individu. Sur ce même
tableau, on voit bien que presque la totalité des individus qui n'ont
pas été à l'école sont analphabètes.
Le graphique suivant ne vient que confirmer, avec une approche
visuelle, les résultats décrits ci- haut. Sur ce graphique, on
peut facilement constater que chez les analphabètes, très peu ont
été à l'école et le phénomène inverse
chez les alphabètes. Sans toutefois disposer de beaucoup
d'évidence, nous soupçonnons que le fait de ne pas
fréquenter l'école est une cause de marque de
l'analphabétisme au Mali.
Figure 3.1 : Représentation des
capacités linguistiques selon la fréquentation de
l'école
Source : ELIM II/DNSI.
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