De la garantie des droits fondamentaux en République Démocratique du Congo. Cas de la province du Sud-Kivu( Télécharger le fichier original )par Dominique KAMWANGA KILIYA Université de Kisangani, Centre Universitaire extension de Bukavu - Licence en Sciences Politiques et Administratives 2003 |
Paragraphe 2 : Un retour rapide à un Etat de droit et la lutte contre l'impunitéUne des caractéristiques de l'Etat de droit est l'application et le respect des dispositions constitutionnelles et de toutes les lois de la République. Dans cette perspective, les droits fondamentaux, dans leur universalité, ont une signification profonde pour les citoyens. L'Etat de droit est le résultat de la collaboration des gouvernants nationalistes avec les autres acteurs acquis au développement humain. Ainsi, l'Etat de droit est un Etat tout court en perpétuelle évolution politique, économique et sociale ou morale plaçant l'homme au centre de ses préoccupations. Le rétablissement de l'Etat de droit ne pourrait toutefois pas, à lui seul, aboutir au renforcement de la primauté des droits humains au Sud-Kivu et en R.D.C. après cette longue guerre fratricide qui a fait autant de victimes. Il est alors impérieux de mettre en place des structures chargées de rendre justice pour tous les crimes qui ont été commis pendant cette période de guerre afin de lutter contre l'impunité. En effet, le gouvernement de la république et les mouvements rebelles Congolais ont toujours reconnu la commission d'actes de violations des droits de la personne dans les territoires sous leur contrôle. Or l'histoire contemporaine a enseigné et enseigne qu'il y a une tendance irréversible vers l'identification et la responsabilisation de ceux qui ont commis tous ces crimes. Plus personne, et notamment ceux qui font partie de la « Caste des puissants », ne devra être à l'abri de devoir, un jour, répondre devant la justice de sa responsabilité vis-à-vis des crimes qu'il a commis ou commandités. Cela peut prendre certainement du temps mais ce moment devrait impérativement arriver de façon certaine et irrémédiable en R.D.C.156(*) Pour Christian HEMEDI BAYOLO157(*), le contexte général de violences armées ainsi visualisées et de conflagration régionale qui demeure depuis 1996 ne peut qu'entraîner des violations massives des droits de l'homme, du droit international humanitaire et du droit des gens qualifiées de crimes de guerre, de crime contre l'humanité, de génocide ou de crime d'agression. Amnesty International parle de « la dignité humaine réduite à néant en R.D.C. » (Londres, mai 2001). Cette situation appelle donc, dans le cadre de la lutte contre l'impunité des Nations Unies, des poursuites et des sanctions pénales à l'encontre de leurs auteurs et de leurs complices par des instances judiciaires compétentes ; ralliant ainsi l'opinion de l'ancien rapporteur spécial des Nations Unies en R.D.C. sur la situation des droits humains, Monsieur Roberto GARRETON. Eu égard à ce qui précède, au-delà de la volonté de respecter la Convention de Genève du 12 Août 1949 relative à la protection des personnes civiles et temps de guerre, la Communauté Internationale et même les belligérants se sont sentis interpellés et ont affirmé la nécessité de mettre en place des mécanismes adéquats pour la protections des droits de l'homme dans ce conflit. Il s'agit notamment des textes suivants : · La Résolution 1341 (2001) du 22 février 2001 du Conseil de Sécurité, notamment, le point 14, souligne spécialement que les forces occupantes devront être tenues responsables des violations des droits de l'homme commises sur le territoire qu'elles contrôlent ; · La Résolution 1304 (2000) du 16 juin 2000 du Conseil de Sécurité, notamment les points 13, 14 et 15 ; le Conseil de Sécurité spécifie qu'il « est d'avis que les gouvernements rwandais et ougandais devraient fournir des réparations pour les pertes en vies humaines et les dommages matériels qu'ils ont infligés à la population civile de Kisangani [...] » ; · La Résolution 1234 (1999) du 9 avril 1999 du Conseil de Sécurité, points 6 et 7. Il y est exposé que le Conseil de Sécurité condamne tous les massacres perpétrés sur le territoire Congolais et demande, afin que tous les responsables soient traduits en justice, qu'une enquête internationale soit ouverte sur toutes les affaires de ce type, notamment sur les massacres dans la Province du Sud-Kivu et autres atrocités. Bien d'autres textes ont abordé dans ce même sens à l'exemple de l'Accord de Paix de Syrte du 18 avril 1999, la Résolution N° 2002/14 du 19 avril 2002, l'Accord de Cessez-le-feu de Lusaka de 1999. Deux autres évènements majeurs confirment la volonté des parties au conflit en R.D.C. de lutter contre l'impunité en envisageant des mécanismes de répression des crimes internationaux commis dans le pays. Il est question ici de : · la ratification du Statut de Rome portant création de la Cour Pénale Internationale qui réprime tous les faits qualifiés de crime de guerre, de crime contre l'humanité, de crime de génocide et de crime d'agression par le gouvernement Congolais, le 30 mars 2002 ; · l'adoption consensuelle à Sun City, par la plénière du dialogue intercongolais, des résolutions de la Commission de paix et réconciliation numéros 20/DIC/AVRIL/2002 et 21/DIC/AVRIL/2002. La première porte création « d'une Commission Nationale Vérité et Réconciliation » chargée de rétablir la vérité et de promouvoir la paix, la justice, le pardon et la réconciliation nationale. La seconde, quant à elle, porte requête du gouvernement de transition au Conseil de Sécurité d'instituer comme pour l'ex-Yougoslavie, le Rwanda, la Sierra Leone, un tribunal pénal international pour la République Démocratique du Congo. Cette requête du gouvernement de transition est corroborée par la population du Sud-Kivu. En effet, 100 % de nos enquêtés sont favorables à la poursuite judiciaire contre toute personne qui serait identifiée comme auteur ou complice des actes de violations des droits de l'homme pendant la période qu'a duré le conflit armé au Sud-Kivu et en R.D.C. en général. 91,8 % d'entre eux sont favorable à l'institution d'un tribunal spécial pour la R.D.C. par souci d'équité, d'impartialité et d'objectivité. Les 8,3 % qui s'y opposent pensent, quant à eux, que cette procédure prend trop de temps et n'aboutirait pas à un jugement équitable comme c'est le cas, par exemple, du Tribunal Pénal International pour le Rwanda basé à Arusha, en Tanzanie. Pour eux, il est donc préférable que les auteurs et responsables des crimes en R.D.C. soient jugés par les institutions judiciaires nationales. Mais pour la population du Sud-Kivu et de la R.D.C., la formation d'un gouvernement de transition consacrant la réunification du pays et l'intégration des forces rebelles ayant exterminé des milliers des fils et filles Congolais des territoires occupés sans jugement préalable ne constitue pas une garantie à la promotion et à la protection futures des droits humains dans la province et dans le pays. Ainsi, 85,2 % pensent que tous les auteurs identifiés ou responsables des violations des droits humains durant cette période de guerre ne devraient pas être responsabilisés dans la gestion des institutions de la transition, voire de la prochaine République issue des élections libres, démocratiques et transparentes. Aussi, 94,4 % sont pour leur exclusion pure et simple de la gestion de l'Etat. Seule cette procédure permettrait de mettre fin à l'arbitraire qui a pour effet la mise en faillite de l'Etat Congolais. Le temps n'est plus à la « Révolution-Pardon » comme le souligne KIZITO wa Payeye158(*). Quelles sont, en définitive, les résultats de cette étude ? La réponse à cette question est reprise dans la partie conclusive qui suit et qui synthétise notre analyse. * 156 R. GARRETON, « Lettre ouverte aux Congolaises et aux Congolais », Congo-Afrique, N°361, Janvier 2002, pp.16-17. * 157C. HEMEDI Bayolo, « Lutte contre l'impunité : esquisse des mécanismes de répression des crimes commis en R.D.C. depuis 1996 », Congo-Afrique, N°369-370, Novembre-Décembre 2002, pp.569-574. * 158 KIZITO wa Payeye, Op.Cit., p.4. |
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