CONCLUSION
Nous voici arrivé au terme de notre
étude consacrée à la problématique de la garantie
des droits fondamentaux en période de guerre en République
Démocratique du Congo. Cas du Sud-Kivu. Elle a essentiellement
consisté à analyser les causes et des conséquences
socio-politiques des violations dénoncées tant au niveau local,
national qu'international avant de proposer les perspectives de sortie de
crise.
En abordant ce travail, l'on a été animé
par le souci de compréhension des motivations profondes et les effets
des violations des droits humains. Cette compréhension des motivations
et des effets d'un mal président toute mise au point de
mécanismes de lutte contre les violations, de protection et de promotion
des droits humains en temps de paix comme en temps de guerre
conformément aux législations existantes.
L'étude par la pertinence de ses recommandations,
serait ainsi notre façon de contribuer à la promotion des droits
de l'homme au Sud-Kivu, mais aussi et surtout une interpellation de la
conscience des hommes politiques Congolais, actuels et avenir, sur la valeur de
la personne humaine au non de laquelle ils prétendent mener les luttes
politico- militaires. Dans cette perspective, notre problématique s'est
articulée autour de trois questions, à savoir, comment les
violations des droits de l'homme se traduisaient-elles concrètement au
Sud-Kivu ?, quelles en seraient les causes et les conséquences
socio-politiques ?, à l'avenir, quels sont les mécanismes
envisageables pour lutter contre ces violations massives des droits de
l'homme ?
Répondant à ces questions à titre
d'hypothèse, nous avons pensé que les violations des droits de
l'homme se traduiraient par les massacres des populations civiles, des
arrestations arbitraires, des tortures, des sévices corporelles et des
viols, des exécutions sommaires et assassinats, des enlèvements
forcés, d'enrôlements forcés dans les différents
groupes armés, de prises d'otage de la paisible population civile, etc.
Les principales causes des violations des droits de l'homme au Sud-Kivu
seraient, d'abord, la réticence de la population vis-à-vis de la
rébellion et le rejet de la guerre ; ensuite, les
représailles des acteurs au conflit armé qui
soupçonneraient que la population civile collabore avec la partie
adverse ou après les défaites enregistrées sur le champ de
bataille ; puis, les parties prenantes au conflit dans la Province du
Sud-Kivu s'illustreraient dans les violations des droits et libertés
fondamentaux pour s'attirer l'attention de la Communauté Internationale
et prouver leurs capacité, force et importance dans les débats
consacrés au conflit armé en R.D.C. Enfin, le caractère
autoritaire de la rébellion et de divers groupes armés pousserait
ceux-ci à faire usage de la contrainte et de la répression pour
se faire accepter et imposer leur volonté.
Comme conséquence, l'on noterait le nombre très
élevé de morts parmi les populations civiles innocentes, les
déplacements massifs de ces populations de leurs villages vers les
forêts ou les villes à peu près sécurisées,
les séparations des familles, la non assistance des populations
condamnées et exposées à la famine, aux maladies suite
à l'insécurité persistante dans la province. Ces
violations accentueraient ainsi la répugnance des groupes armés
par la population (rébellion et bandes armées) à travers
la manifestation de leur hostilité par l'indifférence, la
désobéissance civile, etc. ; renforçant alors la
tendance nationaliste, patriotique et l'illégitimation de la
rébellion. Ainsi, la seule voie à court, moyen et long termes
pour mettre fin aux violations des droits de l'homme au Sud-Kivu, en
particulier, et en R.D.C., en général serait la cessation de la
guerre, la mise en place effective d'institutions qui rétablissent la
paix et la démocratie, l'Etat de droit respectueux de la dignité
humaine, la lutte contre l'impunité.
La vérification des hypothèses a
été rendue possible par l'usage de la théorie
générale de l'Etat, de certaines méthodes, à
savoir, la méthode fonctionnelle dite relativisée dont le tenant
est Robert King MERTON et la méthode génétique.
L'on sait, en effet, que l'Etat, à travers ses
missions, est le seul garant de la sécurité intérieure, du
maintien de l'ordre et de la protection des personnes et de leurs biens en
prévenant toute crise et tout délit. Lorsqu'il n'est plus en
mesure de remplir cette mission de protection, celle-ci est exposée et
risque d'être accomplie par tout particulier qui, dans certaines
circonstances, dégénère vers la violation des droits les
plus fondamentaux de la population et de tous les citoyens suite à la
confusion alors que l'Etat de droit est, en principe, au service du bien du
peuple et de la justice sociale. Ainsi, l'effondrement et la faillite de l'Etat
conduisent au déclenchement de la guerre qu'il l'empêche, de ce
fait, à accomplir ses missions dont celle de protection et de promotion
des droits de l'homme. L'on assiste aussi à une partition de fait du
territoire national impliquant aussi un partage de l'exécution des
missions étatiques selon la que l'espace territorial est
contrôlée par chacun des belligérants au même titre
que l'Etat unifié. Aussi, bien que la guerre ait été
présentée comme une nécessité de remplacement
d'institutions autoritaires par celles qui garantissent la justice sociale, le
respect des droits humains et la démocratie, elle s'est
détournée de cet idéal par les violations massives et
systématiques des droits humains.
Dans la méthode fonctionnelle dite relativisée,
Robert King MERTON a proposé quatre concepts clefs : la dysfonction
qui gène l'ajustement et l'adaptation du système,
l'équivalent ou le substitut fonctionnel qui montre qu'une fonction peut
être remplie par les éléments différents mais
interchangeables, les fonctions manifestes qui sont des conséquences
objectives comprises et voulues par les participants du système, et,
enfin, les fonctions latentes dont leur existence est inévitable bien
que n'étant pas comprises ni voulues par les participants du
système. L'étude des causes et des conséquences
socio-politiques nous a également inspiré le choix de la
méthode génétique. Des techniques telles que l'analyse
documentaire, l'entretien, le questionnaire d'enquêtes, l'analyse du
contenu nous ont servi dans la collecte de données, l'analyse et
l'interprétation des résultats.
A la suite des enquêtes et analyses, il apparaît
clairement que nos hypothèses de départ sont pratiquement
confirmées. Les résultats du travail prouvent, en effet, que
toutes les générations ou catégories de droits de l'homme
ont été violés dans la Province du Sud-Kivu pendant la
période de guerre, c'est-à-dire des droits civils et politiques
aux droits environnementaux et à la paix en passant par les droits
sociaux, économiques et culturels. Les violations se traduisaient par
les massacres (droit à la vie) de plusieurs milliers des populations
civiles non armés qui s'accompagnaient de la destruction
systématique et aveugle des infrastructures de base (logements,
installations administratives, économiques et sanitaires, etc.) ;
les atteintes à la dignité humaine (arrestations et
détentions arbitraires, enlèvements et disparitions
forcés, traitements cruels, inhumains et dégradants, la
soumission aux travaux forcés, etc.) ; les atteintes au droit
à la sécurité qui restreint la libre circulation des
populations et de leurs biens dans les différents territoires de la
province ; les atteintes au droit à la paix (discours de haine,
état de guerre) ; les atteintes aux libertés publiques
(libertés d'opinion, d'expression, de presse, d'association, de
réunion et syndicale). A cela s'ajoutent les violences à
l'égard des femmes et les violations des droits de l'enfant (viols,
enrôlement des mineurs dans l'armée, etc.), les violations des
droits économiques, sociaux et culturels (la mauvaise gestion des fonds
publics, la réduction de l'économie à un état
chaotique, l'inaccessibilité aux soins de santé primaires,
à l'éducation, le non paiement de salaires des fonctionnaires,
bref, la paupérisation de la population).
Toutes les parties au conflit se sont rendus coupables des
violations des droits humains au Sud-Kivu dont les causes sont notamment
l'opposition à la guerre, aux pillages des ressources économiques
de l'Etat congolais, à la domination étrangère, à
la conquête et l'installation présumées des colonies de
peuplement dans le Kivu ; les représailles et les règlements
de compte ; l'impopularité de la rébellion. Les principales
victimes de ces actes de violation des droits humains au Sud-Kivu sont les
populations civiles non armées et sans défense et surtout les
catégories les plus vulnérables, à savoir, les femmes, les
enfants, les vieillards, les paysans et les plus démunis. Ces victimes
sont condamnées à la soumission ou la résignation et,
quelques fois, au recours à la violence. Elles se confient aussi aux
organisations de défense des droits de l'homme en dernier recours.
Pour ce qui est des conséquences , les violations des
droits humains au Sud-Kivu ont, sur le plan socio-économique et
sanitaire , poussé les populations de l'intérieur à fuir
vers les forêts et les Centres Urbains, abandonnant ainsi leurs
activités agricoles qui approvisionnent les villes en denrées
alimentaires et avec pour effet l'exposition aux nouvelles attaques des bandes
armées dans ces forêts, aux maladies, à la famine,
etc. ; elles ont causé la destruction des tissus
socio-économiques (alimentation de la haine interethnique et
intergroupe, arrêt des activités économiques) ; la
propagation des maladies infectieuses suites aux viols et violences
sexuels ; le traumatisme psychologique des populations victimes ; la
perte de confiance ou la méfiance à l'égard collaborateurs
de la rébellion (civils ou non).
Du point de vue politique, le succès et la
réussite de la rébellion et des bandes armés ont
été compromis à causes des violations des droits humains
dont elles se sont rendues coupables au Sud-Kivu. Les violations des droits
humains ont, en effet, accru le sentiment de rejet de la rébellion qui,
dès le départ, était impopulaire suite à la
divergence de vue sur le bien fondé de la guerre ; la
méfiance, l'insubordination aux actions entreprises par les
autorités rebelles base de son illégitimation ; la
résistance par la désobéissance civile, la
méconnaissance de l'autorité rebelle, la sympathie envers les
bandes armées, le renforcement du sens patriotique et de l'esprit
nationaliste ; l'absence d'adhésion populaire aux idéologies
de la rébellion, le boycott de l'exécution des décisions
prises par le pouvoir rebelle, etc.
Pour ce faire, les mécanismes envisageables pour lutter
contre les violations des droits de l'homme sont la cessation de la guerre, le
rétablissement de la paix et la restauration d'un Etat de droit
respectueux de la dignité humaine et soumis à la loi, d'un Etat
fort et démocratique, la lutte contre l'impunité qui consiste au
jugement de tous les responsables identifiés des violations des droits
humains durant cette période de guerre dite de
« rectification ». Cela passe, en effet, par l'institution
d'un tribunal pénal international pour la R.D.C. afin de juger les
crimes de guerres et les crimes contre l'humanité, la disqualification
de tous les auteurs des violations des droits de l'homme de la gestion des
institutions politiques de la transition voire de la troisième
république à venir.
Eu égard aux résultats auxquels nous sommes
parvenus, l'étude laisse apparaitre de nouvelles perspectives de
recherche en terme vérification des suggestions ci-après
formulées :
· Qu'il y ait intensification de la sensibilisation et de
la formation et information des populations, surtout rurales, sur les droits de
l'homme et les libertés fondamentales auxquels ils ont droit ;
· La formation de la future armée nationale sur le
respect des droits de l'homme et du droit international humanitaire dans
l'exercice de ses fonctions ;
· Que les hommes politiques congolais apprennent
désormais à mettre l'homme au centre de tout intérêt
politique et oeuvrent pour son épanouissement intégral ;
· Que les lois en matière de protection et de
promotion des droits de l'homme soient rigoureusement appliquées en vue
de décourager tous ceux qui auraient, une fois de plus, l'intention
maléfique d'y porter atteinte.
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