De la garantie des droits fondamentaux en République Démocratique du Congo. Cas de la province du Sud-Kivu( Télécharger le fichier original )par Dominique KAMWANGA KILIYA Université de Kisangani, Centre Universitaire extension de Bukavu - Licence en Sciences Politiques et Administratives 2003 |
DEUXIEME PARTIE : CONFLITS ARMES ET DROITS FONDAMENTAUX DANS LA PROVINCE DU SUD-KIVUEn R.D.C.en général et au Sud-Kivu en particulier, des milliers de civils sans défense sont illégalement tués. Beaucoup ont été torturés et un grand nombre d'entre eux sont portés disparus93(*). Baudouin HAMULI Kabarhuza estime que les deux dernières guerres, celles de 1996-1997 et 1998 à 2002, ont à elles seules totalisé environs trois millions de morts, plus de deux millions de déplacés internes et plus d'un million et demi de réfugiés dans les pays limitrophes. Toutes les provinces ont été touchées mais les provinces du Kivu et du Katanga, selon l'auteur, semblent avoir payé le lourd tribut94(*). Pour Collette BRAECKMAN95(*), depuis le 02 Août 1998, la population de l'Est du Congo a été prise dans l'engrenage de la terreur, que les pillages se sont conjugués aux massacres. En 2000, l'ONG américaine, International Rescue Committee (I.R.C.), fit une projection établie grâce à des enquêtes de terrain dans sept villages de l'Est. Ces enquêtes ont été dirigées par l'épidémiologiste Lès ROBERTS. Ce dernier avait ainsi estimé le nombre de victimes à 1,7 millions puis 2,5 millions de morts. Il précise aussi que cette projection n'est qu'une estimation conservatoire car l'étude n'a pu être réalisée que dans les zones relativement d'accès facile. D'autres enquêtes, menées par Oxfam, Save the Children, Christian Aid et OCHA, l'Office humanitaire des Nations Unies ont corroboré le terrible constat de Lès ROBERTS. Ces droits fondamentaux sont manifestement violés par les différents acteurs aux conflits et chacun d'entre a des motivations différents de ceux des autres bien que les conséquences soient, en pratique, les mêmes. CHAPITRE I : DES DROITS FONDAMENTAUX MANIFESTEMENT VIOLES PAR LES ACTEURS AUX CONFLITSLe 02 Août 1998, le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (R.C.D.) est créé à l'Est de la R.D.C. avec la bénédiction du Rwanda, de l'Ouganda et du Burundi qui sont, par ailleurs, parties prenantes au conflit armé. Simultanément débutent les massacres à l'Est comme à l'Ouest du pays. Au Sud-Kivu, l'état des droits fondamentaux de l'homme est passé, au fil du temps, aux stades critique, catastrophique et même insupportable. Les violences s'y poursuivent avec un acharnement qualifié d'indescriptible96(*). SECTION 1 : LES PRINCIPALES VIOLATIONS ET LEURS AUTEURSQu'il s'agisse des droits humains fondamentaux, des droits reconnus à certains groupes sociaux (les enfants, les femmes, les réfugiés), des droits humains en période de guerre, etc., la situation de leur garantie est au plus bas niveau. Les violations sont considérables et peuvent être réparties en cinq grands groupes, à savoir : 1. Les violations politiques classiques (arrestations arbitraires, traitements dégradants, détentions dans les conditions inhumaines, représailles, tortures, purges punitives, etc.) ; 2. Les violations liées aux conflits intergroupes (de type classique, régionaliste ou ethnique, etc.) ; 3. Les violations liées au contexte de guerre (crimes de guerre, crimes de génocide et crimes contre l'humanité, etc.) ; 4. Les atteintes aux aspirations légitimes du peuple notamment en matière de développement économique, social et culturel ; 5. Les difficultés, pour le peuple Congolais, d'exercer le droit de disposer de lui-même (difficulté due principalement à la « colonisation interne » par plusieurs pouvoirs politiques de fait et à l'« internationalisation » du conflit politique Congolais). Ces cinq groupes se résument donc, pensons-nous, aux violations de toutes les générations des droits de l'homme (les droits civils et politiques, les droits économiques, sociaux et culturels ainsi que les droits environnementaux). Les organismes de défense des droits de l'homme, les médias et les rapports de l'ONU ont, en effet, dénoncé plusieurs atteintes aux droits de l'homme, l'insécurité permanente et les massacres des populations dans les territoires jadis occupés par les groupes rebelles et leurs alliés. Paragraphe 1 : Les droits civils et politiquesA. Les atteintes au droit à la vie.L'article 6, alinéa 1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose : « le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut arbitrairement être privé de la vie ». Cet article vise les cas d'exécutions sommaires, extrajudiciaires, les massacres liés aux faits de guerre ou non dont les civils non armés sont victimes. Ces atteintes sont souvent commises sous forme de meurtres, volontaires ou non, perpétrés par les éléments des différentes armés ou de la police. En effet, les affrontements qui ont ponctué la période de 1998 à 2002 ont fait des milliers de morts parmi la population civile qui n'est pourtant pas directement liée au conflit. Des crimes crapuleux ont été commis par les belligérants. Le tableau N°1 en annexe illustre les tourments vécus par ces populations du Sud-Kivu pendant ces années. De l'analyse faite des informations figurant dans ce tableau, force est de constater que : · Les mois d'août à décembre 1998 sont les plus marqués par le nombre élevé de victimes des massacres. Les exemples les plus patents sont notamment ceux des massacres d'Uvira du 03 août qui ont fait au moins 1500 morts selon les sources locales (Chef Coutumier, ligues coutières), les massacres de Kasika du 23 au 25 août avec à peu près 800 et 1.500 tués d'après les témoignages des églises, des rescapés, des ONGD et de Human Rights Watch. Makobola a été, par deux fois, attaqué (le 25 août 1998 avec 200 victimes et du 30 décembre 1998 au 1er janvier 1999 dont le nombre de morts fut estimé entre 500 et 1500 personnes). Uvira n'est pas en reste avec plusieurs attaques dont les plus importantes sont celles du 31 août 1998 (au moins 630 morts à Kasenga), du 9 mai 2000 à Katogota (entre 40 et 300 morts). Fizi a connu, en mai 2001 au moins 1000 morts selon les sources locales et humanitaires. Tous les territoires, districts, localités sont touchés par les massacres bien que leur ampleur en nombre de victime va diminuant au fil des années. · Le tableau illustratif indique que les territoires les plus touchés sont, par le nombre élevé de victimes et par la fréquence d'attaque, Shabunda, Mwenga, Uvira, Kabare. La Ville de Bukavu, quant à elle, compte le moins de victimes du fait que c'est un centre urbain. · Au début de la guerre, les massacres avaient un caractère purement collectif (cas de Makobola, Kasika, etc.). Avec l'évolution et la diminution des affrontements sur les principaux fronts, la situation s'est réduite progressivement aux cas isolés avec moins de morts. C'est le cas que l'on connaît à partir du début de l'année 2000 suite à la signature de l'accord de cessez-le-feu de Lusaka. Ces massacres s'accompagnent, le plus souvent, de la destruction massive et aveugle d'infrastructures de base. L'on assiste donc à des incendies, à des destructions et pillages des villages attaqués. Cette pratique était rependue, en effet, dans de nombreux villages depuis le déclenchement de la guerre dans les provinces sous occupation de la rébellion. Jean MIGABO Kalere97(*) en a ainsi proposé quelques cas. Selon lui, les habitations ont été en effet incendiées et laissant de nombreuses familles sans abri (voir tableau N°2 en annexes). Ces actes de destruction sont posés dans distinction de lieux (lieux de Cultes, écoles, infrastructures sanitaires, maisons des particuliers, etc.) et ce sont les milieux ruraux qui sont les plus touchés. En plus des massacres collectifs à grande échelle, l'on mentionne aussi les cas d'exécutions sommaires soit des combattants opposés aux ordres destructeurs de leur hiérarchie (cas des 200 soldats assassinés le 03 août 1998 à l'aéroport de Kavumu. Ils étaient accusés d'être restés fidèles au gouvernement de Kinshasa), soit des voleurs présumés ou des déserteurs. Ces exécutions étaient, pour la plupart, décidées par le Conseil de Guerre Opérationnel dans la province après des procès sommaires entachés de vices de forme et de procédure. * 93 AMNESTY International, « Les violences massives tuent la décence humaine. Extrait du rapport d'Amnesty International sur la R.D.C. », Congo-Afrique, N° 347, septembre 2000, p.390. * 94 B. HAMULI Kabarhuza, Op Cit., p.59 * 95 ) C. BRAECKMAN, Les nouveaux prédateurs. Politique des puissances en Afrique Centrale, Fayard, Paris, 2003, pp.152-156. * 96 Héritiers de la Justice, Situation des droits de l'homme en R.D.C. : Rapport de 2e et 3e trimestre 1998.Cas du Sud-Kivu, Bukavu, Octobre 1998, p.1. * 97 J. MIGABO Kalere, Op.Cit., pp.85-86. |
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